Écho du Témoignage:Les frères

De mipe
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Le principal trait qui caractérise tout particulièrement la position des chrétiens qu’on appelle les Frères, c’est qu’ils désirent se tenir à la fois de cœur et de fait simplement sur le fondement que Dieu a posé pour l’union de Son peuple, et, en conséquence, rester séparés de tout ce qui, selon leur conscience, renverse ce fondement. Il se peut que nous ne réalisions notre responsabilité comme corps que dans une grande faiblesse, comme c’est le cas pour la réalisation de notre vocation individuelle à la sainteté. Néanmoins sous ces deux rapports, et en dépit de toutes les difficultés, notre devoir n’en demeure pas moins évident, absolu, et inévitable. Mais la plupart des chrétiens ne considèrent point ceci comme un point de doctrine et de pratique sacré, et irrévocable.

Le système papiste le reconnaît, mais c’est selon une manière charnelle.

Tous les corps nationaux protestants ont affirmé le droit prétendu de régler leurs formes de gouvernement, leurs rites, leurs cérémonies, etc., d’après la volonté de leurs chefs, qu’ils fussent en dedans ou en dehors de ce qu’ils appellent l’Église ; et ils ont agi d’après ce principe. En conséquence, ils varient beaucoup selon les temps et les pays. De plus, les corps dissidents ont été formés, en général, soit d’après un plan imaginé par quelque individu, quelquefois sans que l’idée qu’il s’agît d’une église se présentât même à l’esprit des fondateurs, soit d’après une vue partielle de quelque vérité scripturaire : ce qui avait pour résultat de disperser les fidèles au lieu de les réunir.

L’erreur capitale du nationalisme, dans ce pays-ci ou dans quelque autre que ce soit, consiste dans le latitudinarisme avec lequel il ouvre la porte pour admettre aux actes les plus solennels du culte et de la communion chrétienne toute la population, c’est-à-dire, en principe, sans prendre souci de rechercher s’il y a la foi vivante. Celle des dissidents, au contraire, consiste dans l’esprit sectaire par suite duquel ils ferment la porte à de vrais chrétiens qui ne peuvent prononcer le shibboleth du parti : de cette manière, beaucoup de frères sont exclus. En un mot, le mal caractéristique de la dissidence, c’est qu’elle ne traite pas comme chrétiens beaucoup de gens connus comme tels ; tandis que le mal caractéristique aussi du nationalisme, c’est qu’il traite comme chrétiens un grand nombre de personnes connues comme ne l’étant pas. Les limites de l’un de ces systèmes sont plus étendues, et celles de l’autre sont plus restreintes, que les limites de Dieu. Dans tous les deux, la véritable notion scripturaire de l’Église est détruite dans la pratique : les dissidents affirmant virtuellement qu’elle ne constitue pas un corps, mais plusieurs ; pendant que le nationalisme nie virtuellement qu’elle est le corps de Christ. Dieu voulait que Ses enfants ne fussent pas séparés, mais qu’ils se réunissent ensemble dans le nom de Jésus. Or Sa volonté est mise évidemment de côté toutes les fois que vous séparez quelqu’un qui doit être uni (savoir, tous ceux qui sont censés, sur des fondements convenables, être véritablement chrétiens), ou que vous vous associez comme frères en Christ avec quelqu’un qui doit être séparé (savoir, ceux qui sont évidemment de ce monde[1], ou qui, s’ils font profession de croire en Christ, le renient par leurs mauvaises doctrines ou leurs mauvaises œuvres).

On répondra peut-être que quoique ce fût là incontestablement l’ordre que le Saint Esprit avait établi dans les premiers jours de l’Église, les temps et les circonstances ne sont plus les mêmes ; que les dons de guérison, les opérations de miracles, les diversités de langues, n’existent plus comme ils existaient jadis. Tout cela je l’admets volontiers ; mais je demande s’il n’y a plus sur la terre un corps tel que l’Église[2] ; s’il s’y trouve encore, l’Esprit de Dieu est Lui-même personnellement sur la terre, aussi véritablement qu’au commencement, quoique ce ne soit pas d’une manière aussi manifeste ; car c’est Lui qui est l’agent formateur et le guide de l’Église. C’est Lui qui baptisa les Juifs et les Gentils pour être un seul corps ; c’est Lui qui doit demeurer éternellement. L’Église, proprement dite, commença alors comme fait accompli (voir Actes 1, 5 et 1 Cor. 12, 13), car je ne parle pas du dessein caché de Dieu. La Pentecôte la vit pour la première fois en possession de la promesse du Père. Naturellement il y avait auparavant, comme nous le savons, des croyants à partir d’Abel ; mais quoique vivifiés par l’Esprit, ils n’étaient point baptisés de Lui ; ils ne L’avaient pas habitant en eux, comme les saints après la Pentecôte. Ceci était le précieux privilège pour lequel il était avantageux que Christ s’en allât : « car si je ne m’en vais le Consolateur ne viendra pas à vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai » (Jean 16, 7). Cela ne pouvait se faire jusqu’à ce que Christ fût glorifié (Jean 7, 39). Mais quand Il aurait été envoyé du ciel, l’Esprit de vérité devait être en eux, et demeurer avec eux éternellement. « Et je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur pour demeurer avec vous éternellement : savoir l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas, et ne le connaît pas ; mais vous le connaissez parce qu’il demeure avec vous, et sera eu vous » (Jean 14, 16, 17).

La responsabilité particulière sous laquelle nous sommes placés consiste donc à reconnaître le Saint Esprit, en tant que vicaire de Christ, comme le seul souverain dans l’Église, réellement présent, et parfaitement suffisant pendant l’absence de notre Seigneur. C’est là ce qui doit être le trait principal de notre témoignage.

De cette vérité fondamentale de la présence du Saint Esprit dans l’Église et avec l’Église, résultent ces deux conséquences dont l’importance est immense :

1° Ce n’est point par le baptême reçu étant encore enfants, ou devenus adultes[3] ; ce n’est point par l’adoption de tel ou tel article d’un symbole, mais c’est « par un seul Esprit », l’Esprit de Dieu, que « nous sommes tous », c’est-à-dire, nous tous croyants, « baptisés pour être un seul corps » (1 Cor. 12, 13). C’est, s’il est permis de s’exprimer en de pareils termes avec révérence, la plus haute qualification que Dieu puisse accorder — le croyant purifié par le sang, baptisé du Saint Esprit Lui-même — baptême qui introduit dans le corps qui est un, le corps de Christ. Mais ce privilège appartient à tous les chrétiens véritables. C’est pourquoi la foi ne peut se contenter de rien de moins qu’une estrade telle qu’elle puisse, en principe, recevoir tous les chrétiens, et les chrétiens seulement ; parce que rien de moins que cela ne satisfait l’Esprit de Dieu. Quand je dis « 1es chrétiens seulement », il est bien compris que c’est en tant que l’homme, guidé par la Parole et l’Esprit de Dieu, est capable de discernement. S’il y a des hypocrites, ils seront manifestés au bon moment du Seigneur.

2° Après avoir traité de la confession de la seigneurie de Jésus par le Saint Esprit (1 Cor. 12, 3), ce qui est ici le fondement de toute chose, l’apôtre montre qu’il y a diversité de dons, mais le même Esprit ; diversité de services, mais le même Seigneur ; et diversité d’opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous. Ensuite, versets 7-11, il entre dans le détail de ces manifestations de l’Esprit. Il est donné à chacun pour l’utilité commune, soit la parole de sagesse, soit la parole de connaissance, etc. — des manifestations différentes, « mais un seul et même Esprit opère toutes ces choses, distribuant à chacun en particulier ses dons comme il Lui plaît ». Or, tout en confessant que quelques-uns des dons extérieurs, et même un grand nombre, ne se trouvent plus, on doit affirmer ici que cela n’infirme pas, même dans le plus petit degré, la vérité que le Saint Esprit Lui-même demeure. Mais s’Il demeure, a-t-Il résigné Ses fonctions ? Si, même dans les jours actuels où l’orgueil ne peut pallier le déclin spirituel qu’il s’efforce si vainement de nier, si, dis-je, aujourd’hui quelque chrétien a la « parole de sagesse » et un autre « la parole de connaissance », est-ce par l’Esprit de Dieu, ou par quelque autre esprit ? « Qui est-ce d’entre les hommes qui connaisse les choses de l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? Ainsi aussi, personne ne connaît les choses de Dieu sinon l’Esprit de Dieu » (1 Cor. 2, 11). N’est-ce maintenant que la simple sagesse de l’homme ? Ou bien y a-t-il encore une chose telle que l’enseignement du Saint Esprit ? On mettra en avant, j’espère, que les chrétiens qui lisent ces pages croient qu’il existe encore une puissance réelle d’évangéliser le monde et d’édifier l’Église. S’il en est ainsi, d’où cette puissance vient-elle ? L’homme naturel ne connaît rien que les choses de la nature, et ne peut ni recevoir, ni communiquer les choses de l’Esprit de Dieu. La puissance réelle, spirituelle, est de Lui. Qui de nous, croyants, ne peut pas témoigner que cette puissance continue d’exister et d’agir ? Elle est, hélas ! affaiblie et émoussée, car Celui qui travaille est contristé par tout le péché, toute la confusion, et toute la désolation, qui nous environnent ; mais Il demeure, Sa puissance demeure, et le mode selon lequel Son action s’exerce, conformément au passage cité ci-dessus, est toujours, « distribuant à chacun en particulier, comme il lui plaît ». Évidemment donc Il emploie qui il Lui plaît. Ce n’est pas une caste, mise à part par les hommes, qu’Il emploie pour être l’étroit et exclusif canal de Sa bénédiction. Non ; Il n’abandonne point Sa souveraineté. Le souverain n’est donc point le bon plaisir d’un prédicateur, ou d’un synode de prédicateurs ; ce n’est pas non plus le bon plaisir d’une congrégation, d’une secte, ni même de la véritable Église, et combien moins encore celui d’une puissance mondaine. Le souverain, c’est l’Esprit de Dieu, et Il distribue comme il Lui plaît. En outre, Il distribue à chacun, ou à tout homme, bien entendu en dedans de l’Église, non pas tel ou tel don particulier, mais Il distribue quelque chose pour l’utilité commune — « à chacun en particulier comme il lui plaît ».

Aussi l’Écriture nous décrit-elle l’ordre qui doit régner dans l’Église, et l’action qui doit s’y exercer comme dépendant de la présence et des opérations du Saint Esprit. Et s’il Lui est donné de prendre un libre essor dans Son œuvre, c’est, si nous devons nous en rapporter à la Parole de Dieu, conformément à cette règle « plusieurs membres, mais cependant un seul corps ». Il agit dans l’unité de tout le corps. C’est d’après ce principe que Son témoignage, soit au-dedans de l’Église, soit en dehors d’elle, est toujours réglé, comme la chose ressort des Actes et des épîtres.

Pour ce qui concerne le témoignage envers ceux de dehors, comparer Actes 8, 1, 4 ; 11, 20 ; 18, 24-28 ; et Phil. 1, 14. La plus grande partie des membres de l’Église, dispersés par la persécution qui s’éleva au sujet d’Étienne, s’en allèrent de tous côtés prêchant l’évangile. Parmi eux fut distingué Philippe dans la Samarie et ailleurs. Si on allègue qu’il avait été mis à part d’une manière officielle, il y a à répondre que c’était pour servir aux tables et non pour prêcher la Parole de Dieu. On avait institué cet office afin que les douze, déchargés des soins de cette affaire, pussent s’adonner à la prière et au ministère de la Parole. Si Philippe prêchait avec puissante, si Étienne disputait avec une sagesse irrésistible, et s’ils opéraient tous les deux des miracles, ce n’était nullement en vertu d’une désignation qui n’était relative simplement qu’à un service journalier. Comparer Actes 6, 6 avec 4, 35.

En outre, quelques autres de ceux qui avaient été dispersés voyagèrent jusqu’en Phénicie, en Chypre et à Antioche, ne prêchant la Parole à personne, si ce n’est aux Juifs seulement. Et quelques-uns d’entre eux qui étaient Cypriotes et Cyrénéens étant venus à Antioche, se mirent à parler aux Grecs, leur annonçant le Seigneur Jésus. En agissant ainsi, ces frères s’arrogeaient-ils quelque chose d’injustifiable ? Furent-ils repris même par l’église de Jérusalem, prompte, comme l’étaient toujours plusieurs de ses membres, à censurer ce qui paraissait ne pas être conforme aux règles ? « Et le bruit de ces choses vint jusqu’aux oreilles de l’assemblée qui était à Jérusalem, et ils envoyèrent Barnabas pour passer jusqu’à Antioche ; lequel y étant arrivé et ayant vu la grâce de Dieu, s’en réjouit et les exhorta tous à demeurer attachés au Seigneur de tout leur cœur ; car il était homme de bien et plein de l’Esprit Saint et de foi ; et une grande foule fut attachée au Seigneur » (Actes 11, 22-24).

À une époque ultérieure, « Apollos parlait et enseignait diligemment les choses qui concernent le Seigneur », et cela lorsqu’il ne connaissait que le baptême de Jean. Instruit plus parfaitement par l’instrumentalité d’un croyant et de sa femme, qui étaient aussi peu autorisés que lui-même, on le voit bientôt plus actif et plus honoré que jamais : « Il contribua beaucoup par la grâce à l’avancement de ceux qui avaient cru ; car il réfutait publiquement les Juifs avec une grande force, démontrant, par les Écritures, que Jésus était le Christ ». À Rome même, la plupart des frères ayant, par le Seigneur, pris confiance dans les liens de Paul, acquirent beaucoup plus de hardiesse pour annoncer la Parole sans crainte. Il est vrai que tous n’étaient pas mus par de bons motifs ; mais c’est là un danger auquel ne peut parer aucune restriction venue de l’homme. Hélas ! des motifs plus bas encore que ceux qui en animaient plusieurs dans les jours de Paul, se trouvèrent nécessairement introduits lorsque ce qu’on nomme le ministère de Christ devint le synonyme d’une profession régulière, respectable, et même parfois lucrative. Il n’en était pas ainsi dans les jours apostoliques ; et cependant, même alors, il y en avait qui prêchaient Christ par envie et par un esprit de contention, comme aussi il s’en trouvait d’autres qui prêchaient par bonne volonté. Et que dit à cela le large cœur de l’apôtre ? Propose-t-il d’enchaîner cette liberté bénie par la raison qu’on en fait abus avec ces sentiments impurs ? Rien de semblable. « Toutefois de toute manière », dit-il, « soit comme prétexte, soit en vérité, Christ est annoncé, et c’est en quoi je me réjouis et aussi je me réjouirai ».

Je n’ai pas besoin de citer d’autres passages moins directs, mais qui montrent également que ce n’est point dans l’ordination, mais dans la doctrine, que nous trouvons la garantie selon Dieu, pour recevoir ou rejeter ceux qui font profession d’être ministres de Christ. Il est manifeste qu’on a produit plusieurs passages qui établissent que tout chrétien qui en est capable, a la liberté, pour ne pas dire est sous l’obligation, de prêcher l’évangile. On ne saurait produire un seul texte qui contredise, limite ou modifie le principe. Jamais l’Écriture ne prescrit, comme un préliminaire indispensable à cette œuvre, d’être commissionné par les hommes. Au contraire, la parabole des talents en Matthieu 25, signale, par le jugement solennel qu’elle renferme, le danger qu’il y a à attendre une autre injonction que le fait même que le Seigneur distribue à Ses serviteurs Ses biens avec lesquels ils sont tenus de trafiquer sous leur responsabilité personnelle. Douter de la grâce du Maître — avoir peur parce que l’on n’est pas autorisé par ceux qui s’arrogent présomptueusement Ses droits et en font un jeu — enfouir le talent dans la terre, c’est tenir la conduite du méchant et paresseux serviteur. Car, pour parler avec une autre parabole, le Maître de la maison a seul le droit d’envoyer des ouvriers (comp. Matt. 10 et Rom. 10). En un mot, il ne s’agit pas de savoir si tous les chrétiens sont qualifiés pour prêcher l’évangile ; mais si ceux qui sont qualifiés pour cela ne peuvent pas prêcher, sans quelque vocation humaine qui les y autorise. L’Écriture, nous venons de le voir, décide qu’ils peuvent le faire.

Quant au témoignage à ceux de dedans, 1 Corinthiens 14 montre clairement que la seule restriction, mise à l’exercice des dons par les frères, était celle-ci : « Que tout se fasse pour l’édification ». Il était positivement défendu aux femmes de parler dans les assemblées. Ailleurs, elles étaient sous la responsabilité d’employer les dons, quels qu’ils fussent, que leur accordait le Seigneur, en se tenant soumises à Sa Parole. C’est ainsi que Priscilla, non moins qu’Aquilas, emmène Apollos et lui expose plus parfaitement la Parole de Dieu (Actes 18, 26) ; et que les quatre filles de Philippe prophétisaient (Actes 21, 9), mais non pas dans les assemblées. Cela, l’Esprit de Dieu le défendait (1 Cor. 14, 34, 35). Il n’était pas permis à la femme d’enseigner, ni de prendre de l’autorité sur l’homme (1 Tim. 2, 12). Mais tous les frères, considérés comme un tout, étaient exhortés en ces termes : « Poursuivez l’amour et désirez avec ardeur les dons spirituels, mais surtout de prophétiser ». Et, naturellement, ils devaient exercer leurs dons selon que Dieu les rendait capables, de telle sorte que tout se fît décemment et avec ordre. De là vient que nous lisons en Jacques 3, 1 : « Ne soyez pas beaucoup de docteurs, mes frères ». Exhortation qui est aussi parfaitement déplacée au milieu des arrangements modernes, qu’elle était convenable, salutaire, et nécessaire, dans le cas de ceux auxquels l’apôtre s’adressait ; exhortation qui impliquait d’une manière manifeste qu’il y avait un ministère ouvert à tous, dont il était très possible que la chair abusât, mais que l’apôtre, au lieu d’en rendre l’accès difficile et de l’environner de restrictions, faisait tourner au bien de leurs âmes, en insistant auprès d’eux sur leur responsabilité directe vis-à-vis de Dieu. D’un autre côté, tous les membres de la famille entière de Dieu sont exhortés à ne pas croire à tout esprit, mais à éprouver les esprits pour savoir s’ils sont de Dieu, parce que beaucoup de faux prophètes étaient sortis dans le monde (1 Jean 4). La dame élue même est avertie que si quelqu’un vient et n’apporte pas la doctrine de Christ, il ne doit point être reçu. Ceux qui écoutent aussi bien que ceux qui enseignent ont besoin de prendre garde. La responsabilité est maintenue de toute part : personne ne peut s’y soustraire.

Le même enseignement nous est donné en Romains 12, quoique à un autre point de vue. « Car, par la grâce qui m’a été donnée, je dis à chacun de ceux qui sont parmi vous de ne pas avoir de lui-même une haute pensée au-dessus de celle qu’il convient d’avoir, mais de penser de manière à avoir de saines pensées, selon la mesure de foi que Dieu a départie à chacun. Car comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que tous les membres n’ont pas la même action, ainsi nous qui sommes plusieurs sommes un seul corps en Christ, et chacun réciproquement des membres l’un de l’autre. Or, ayant des dons différents, selon la grâce qui nous a été donnée, soit la prophétie, prophétisons selon la proportion de la foi ; soit le service, soyons au service ; soit celui qui enseigne, à l’enseignement ; soit celui qui exhorte, à l’exhortation ; celui qui distribue, qu’il le fasse en simplicité ; celui qui est à la tête, qu’il conduise soigneusement ; celui qui exerce la miséricorde, qu’il le fasse joyeusement ». Ce que l’on considérait, c’était la manière dont Dieu en avait agi envers chacun, et non une simple commission humaine donnée à un membre ou à quelques-uns. De là vient que la foi intervenait et que chacun est exhorté à penser sobrement de lui-même et à faire usage de ce que Dieu lui a donné, au lieu de prétendre à davantage. Ce que nous avons là, ce n’est point un seul membre qui absorbe tous les dons ou qui fait obstacle aux autres, mais ce sont plusieurs membres, et néanmoins rien qu’un seul corps, qui ont des dons différents, et qui sont exhortés à les employer, non pas simplement par amour, à cause que nous sommes chacun réciproquement des membres l’un de l’autre, mais à cause de la grâce donnée de la part de Dieu. De même en Éphésiens 4, 4-16 : « Il y a un seul corps et un seul esprit… Mais la grâce a été donnée à chacun selon la mesure du don de Christ. Duquel tout le corps bien ajusté et lié ensemble par chaque jointure de fournissement produit l’accroissement du corps pour l’édification de soi-même dans l’amour ». Colossiens 2, 19 tend au même but : « Ne tenant pas ferme le chef duquel tout le corps, fourni et bien uni ensemble par des jointures et des liens, croît d’un accroissement de Dieu ». De son côté, Pierre, première épître chapitre 4, 9, 10, présente comme une obligation positive que, « suivant que chacun a reçu quelque don », qu’ils l’emploient les uns pour les autres, leur disant que c’est seulement en agissant ainsi qu’ils seraient de bons dispensateurs de la grâce variée de Dieu. « Si quelqu’un parle, qu’il le fasse comme oracle de Dieu ; si quelqu’un sert, qu’il serve comme par la force que Dieu lui fournit, afin qu’en toutes choses Dieu soit glorifié par Jésus Christ, à qui est la gloire et la force, aux siècles des siècles, amen ! ». Quelle preuve plus claire pourrait-on vouloir pour montrer que des connaissances acquises simplement humaines n’ont aucune valeur, en même temps que se trouve parfaitement exclue l’idée de quelque restriction tirant sa source de l’homme ? Tout ce qui provenait de Dieu, et rien d’autre, devait être employé et reçu sans autre sanction d’aucune sorte, afin que Dieu fût glorifié en toutes choses par Jésus Christ.

Nous apprenons aussi par ces passages que les dons d’en haut étaient pour la bénédiction de tout le corps de Christ : non pas, l’un pour une section particulière de l’Église, et l’autre pour une autre, mais tous les dons accessibles à toute l’Église, et toute l’Église ouverte à tous les dons.

Ainsi, d’après le plan divin, si je suis réellement membre de l’Église, je le suis partout. Si je me rends dans quelque localité du monde que ce soit où des saints invoquent le nom de Jésus Christ, je suis un de leurs membres, non en vertu d’une permission ou d’une politesse de leur part, mais par suite de la reconnaissance universelle, de la part des croyants, du droit que la grâce m’a donné. Baptisé du Saint Esprit, je suis membre du corps de Christ où que ce soit que je me trouve. Aux jours apostoliques, ce caractère de membre du corps était connu partout ; on n’en connaissait pas d’autre. Il pouvait exister des différences de vues. Il pouvait y avoir lieu à la parole d’exhortation : « Dans les choses auxquelles nous sommes parvenus, marchons suivant une même règle et ayons un même sentiment ». Quelques-uns mangeaient peut-être des herbes, et d’autres peut-être de la viande ; mais l’Esprit disait et dit encore : « Recevez-vous les uns les autres, comme aussi le Christ vous a reçus, à la gloire de Dieu ». Or, la gloire de Dieu est identifiée non point avec quelques-uns, mais bien avec tous les membres du corps de Christ. Lors donc qu’un membre, serait-ce le plus faible, se trouve exclu, sauf pour cas de discipline nécessaire, conforme à l’Écriture, c’est en oubli ou au mépris de cette gloire ; et il faut s’éloigner de ceux qui sont coupables d’une telle exclusion, comme causant des divisions et des occasions de chute contraires à la doctrine que nous avons apprise.

Il en est du fondement du ministère comme de celui sur lequel on est membre du corps. Le ministère a pour base l’Esprit de Dieu : si non, il n’est rien, ou il est quelque chose de pire et doit être traité en conséquence par ceux qui veulent honorer Dieu plutôt que l’homme. Si un chrétien est évangéliste, il l’est partout, et n’est pas limité à tel ou tel circuit, telle ou telle congrégation, telle ou telle chapelle. S’il est docteur, ou pasteur, ou l’un et l’autre à la fois, il exerce naturellement son don dans le lieu de sa résidence habituelle ; mais, dans ce cas, c’est un docteur et non le docteur[4], et il est docteur dans l’Église et non dans une église. « Nous, dit l’apôtre écrivant à des chrétiens fort éloignés qu’il n’avait pas encore vus, nous qui sommes plusieurs, sommes un seul corps en Christ, et chacun réciproquement des membres l’un de l’autre ». Il ne parlait pas de ce qui doit exister un jour dans le ciel, mais de ce qui existe présentement sur la terre — de l’unité du corps de Christ ici-bas, « or, ayant des dons différents etc. » De même (1 Cor. 3) en combattant la préférence charnelle à cause qu’elle était exclusive, accordée à un serviteur de Christ sur un autre, l’apôtre insiste sur cette grande et précieuse vérité : « Toutes choses sont à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, etc. ». Ce que Paul reprenait là, c’était un esprit sectaire à l’égard de ceux qui servaient. Le même principe se trouve en 1 Corinthiens 12, 18-28. « Mais maintenant Dieu a placé les membres — chacun d’eux — dans le corps, comme il l’a voulu. Or, si tous étaient un seul membre, où serait le corps ? Mais maintenant les membres sont plusieurs, mais le corps un seul. L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ni encore la tête aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous ; mais bien plutôt les membres du corps qui paraissent être les plus faibles, sont nécessaires. Et ceux que nous estimons les membres les moins honorables du corps, nous les environnons d’un honneur plus grand ; et les moins honnêtes sont le plus parés au-dehors. Mais nos membres honnêtes n’en ont pas besoin ; mais Dieu a composé le corps de telle manière qu’il a donné un plus grand honneur à ce qui en manquait, afin qu’il n’y ait point de division dans le corps, mais que les membres aient un soin mutuel les uns des autres. Et si un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui ; si un membre est glorifié, tous les membres se réjouissent avec lui. Or, vous êtes le corps de Christ et ses membres chacun en particulier. Et Dieu en a placé quelques-uns dans l’assemblée, d’abord des apôtres, en second lieu des prophètes, en troisième lieu des docteurs, ensuite des miracles, puis des dons de guérisons, des aides, des gouvernements, diverses langues ». « Dieu a placé quelques-uns dans l’église » — non dans une église. À considérer les églises comme églises, les apôtres ne pouvaient être que dans un petit nombre d’entre elles. Il ne s’en trouvait point dans l’église de Corinthe lorsque Paul lui écrivait.

La condition des docteurs est la même. Les apôtres sont dans l’Église, les docteurs sont dans l’Église. Nous apprenons encore par Éphésiens 4, 11-16, que tant les apôtres que les prophètes, tant les évangélistes que les pasteurs et les docteurs, sont donnés de Christ non point pour être une caste à part d’agents revêtus d’une dénomination officielle exclusive, mais bien en vue de la perfection des saints, pour l’œuvre du service, pour l’édification du corps de Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous, etc. ».

Le verset 16 nous dit qu’il s’agit de tout le corps bien ajusté et lié ensemble, et non point fractionné en sectes — de tout le corps « lié ensemble par chaque jointure du fournissement, selon l’opération de chaque partie dans sa mesure » — d’une chose de fait, pratique, et non d’une simple théorie — d’une chose qui, on le comprend, existe dans l’Église pendant qu’elle est sur la terre, et nullement d’une chose qui se rapporterait au ciel. Dans le ciel, en effet, un semblable service ne sera pas nécessaire. Qu’on veuille bien remarquer aussi que ce passage renferme une garantie donnée à la foi qu’elle peut compter sur la continuation des dons du Seigneur, jusqu’à ce que Son corps soit devenu complet. Et combien il est vrai qu’Il n’a jamais failli à Sa promesse durant toutes les longues années de ruine dans lesquelles on était bien prêt d’étouffer entièrement les dons, comme on n’en abusait que trop réellement de la manière la plus malheureuse ! Car je reconnais pleinement qu’il y a eu, même au sein du papisme, dans son clergé et parmi ses laïques, des hommes qui possédaient des dons de la grâce de Dieu, afin d’édifier Son peuple et de répandre le nom de Christ au milieu des pécheurs. Mais, en même temps, je nie d’une façon aussi nette et aussi absolue que ces hommes fussent des dons de Christ en vertu de la commission que conférait le papisme, plus fortement encore que je ne nie que d’autres ne fussent pas des dons de Christ par la raison que cette commission leur manquait.

J’ai à peine besoin d’ajouter que la même remarque s’applique plus largement encore au protestantisme moderne. Plût à Dieu que le tendre amour avec lequel Christ chérit l’Église comme Sa propre chair, fît vibrer une corde dans le cœur de tous ses membres, de telle sorte que nous fussions amenés à pleurer ensemble sur notre commun péché, et à nous réjouir aussi ensemble en exaltant cette grâce qui n’a fait que surabonder davantage encore !

Il faut cependant faire une distinction, dont l’oubli serait très préjudiciable. Lorsque le corps fut réuni ensemble comme tel, l’Assemblée se trouva sous la direction du Saint Esprit. C’eût été empiéter sur les droits de Christ, si un individu quelconque, de quelques dons qu’il pût être doué d’ailleurs, eût absorbé dans ses mains le gouvernement de l’assemblée. Celui de qui tous les dons procèdent se trouve là, et c’est à Lui qu’on regarde et non pas aux dons simplement. L’ordre d’après lequel une assemblée pareille doit se conduire est posé dans l’Écriture d’une manière bien précise (1 Cor. 14). « Vous pouvez tous prophétiser un à un, afin que tous apprennent et que tous soient exhortés ». « Si quelqu’un pense être prophète ou spirituel, qu’il reconnaisse que les choses que je vous écris sont des commandements du Seigneur. Et si quelqu’un est ignorant, qu’il soit ignorant. Ainsi, frères, désirez avec ardeur de prophétiser et n’empêchez pas de parler en langues. Mais que toutes choses se fassent avec bienséance et avec ordre ».

Le principe d’après lequel doit se diriger un serviteur du Seigneur dans l’exercice du talent quelconque qui lui a été confié, est entièrement différent. Il a à le faire valoir sous sa responsabilité individuelle, et c’est vis-à-vis de Christ directement qu’il est responsable dans son travail. Il peut prêcher aux inconvertis ou instruire plus à fond les enfants de Dieu, ou bien faire l’un ou l’autre s’il possède les deux dons à la fois. Il doit à son Maître de mettre en exercice tout ce qu’il a reçu pour le bien des âmes, sans faire obstacle à personne et sans que personne lui fasse obstacle. Tout serviteur, que son don soit grand ou petit, possède la même liberté et est placé sous une responsabilité pareille. Deux, ou même un plus grand nombre, peuvent s’associer dans le ministère ; mais souvenons-nous que si Paul choisit Silas recommandé à la grâce de Dieu, Barnabas prit Marc, et que nous ne lisons pas qu’il fut, comme Paul, honoré de Dieu dans l’œuvre qui avait pour but de fortifier les églises (Actes 15, 36-41).

Ces dons, qu’on se le mette bien dans l’esprit, doivent être soigneusement distingués des charges locales telles que celle des anciens[5], ou presbutéroi de l’Écriture, qui y sont toujours considérés comme étant les mêmes que les évêques, ou surveillants, ainsi que le reconnaissent Cranmer et d’autres, qui agissaient tout autrement dans la pratique. Les charges étaient relatives à quelque église, et étaient établies par un apôtre, ou par un délégué à qui un apôtre avait donné, à cette fin, une mission directe et spéciale. Tite était un délégué semblable. Mais nulle part l’Écriture n’insinue la pensée que l’autorité d’établir des anciens dût continuer. L’Écriture, nous l’avons vu, enseigne nettement que les dons de Christ doivent exister « jusqu’à ce que nous arrivions tous, etc. » mais elle ne les confond jamais avec les charges locales, quoique évidemment ils puissent coexister dans le même individu. Nous savons que ce fut le cas de Philippe qui était l’un des « sept », et de plus évangéliste.

Le pastorat, pour traiter la question de plus près, est un don (Éph. 4, 11) ; l’anciennat (qu’on me permette ce mot) est une charge ; mais le don de paître le troupeau de Dieu, bien loin d’être incompatible avec le devoir d’un ancien, ou évêque, était évidemment l’une des plus importantes qualifications qu’on recherchait en ceux qui désiraient cette bonne œuvre. C’est ainsi que Paul (Act. 20, 28) exhorte les anciens d’Éphèse à prendre garde à eux-mêmes et à tout le troupeau, au milieu duquel le Saint Esprit les avait établis surveillants (évêques, épiskopoûntes), pour paître l’Église de Dieu, laquelle il a acquise par le sang de son propre (Fils). « Paissez le troupeau de Dieu », dit un autre apôtre, « qui est avec sous, le surveillant (épiskopoûntes), non par contrainte, mais volontairement ; non pour un gain déshonnête, mais de bon gré, et non comme dominant sur des héritages[6], mais en étant les modèles du troupeau » (1 Pier. 5, 2, 3).

La première épître à Timothée (chap. 3) nomme, parmi les qualités requises, l’aptitude à enseigner et la capacité de prendre soin de l’Église de Dieu. Il fut aussi recommandé à Tite (1, 5-9) d’établir des hommes capables de tenir ferme la fidèle parole, selon la doctrine enseignée, de sorte que l’évêque fût capable tant d’exhorter par la saine doctrine que de convaincre les contredisants.

Mais ce serait trop que de conclure de là que tous les anciens travaillaient nécessairement dans le ministère public de la Parole. Ils étaient établis pour s’occuper de l’Église avec piété et dans un esprit paternel ; mais travailler dans la Parole et dans l’enseignement n’était pas un appendice indispensable de leur charge. De là vient que l’apôtre dit en 1 Timothée 5, 17, « que les anciens qui président dûment soient estimés dignes d’un double honneur, spécialement ceux qui travaillent dans la parole et dans l’enseignement ». D’une manière ou d’autre, tous les anciens étaient censés paître le troupeau ; mais il pouvait y avoir des anciens qui ne servaient pas dans la Parole, au moins d’une manière publique, principe reconnu dans le système presbytérien.

Il y a une autre remarque à faire sur la question relative à ceux qui sont à la tête. En écrivant aux saints de Rome, Paul exhorte celui qui est à la tête à le faire soigneusement. Or, tout ce que nous avons là de plus évident concourt à montrer qu’il n’y avait pas eu jusque-là à Rome, si même il y en a jamais eu, de nomination officielle. La suprématie de Pierre dans cette ville n’est qu’un rêve, l’Écriture affirmant d’une manière positive qu’il était distinctement l’apôtre de la circoncision, comme Paul était celui de l’incirconcision. Mais ce dernier n’avait pas visité les fidèles qui se trouvaient dans la métropole des Gentils : aussi n’y a-t-il pas un mot dans l’épître qui suppose que des anciens y eussent été établis. Il est manifeste néanmoins que les chrétiens de Rome possédaient au milieu d’eux, aussi bien que les autres églises, des dons de grâce — tels que la prophétie, le service, l’enseignement, l’exhortation, le gouvernement, etc. Ces dons-là, ils pouvaient les posséder et ils sont exhortés à les employer soigneusement, mais il ne leur est pas adressé un mot au sujet des anciens.

On a fait déjà l’observation qu’à Corinthe l’idée des anciens n’était pas même impliquée, et cependant les frères étaient exhortés à se soumettre à de telles personnes qui s’étaient vouées au service des saints, et à quiconque coopère à l’œuvre, et travaille. Voyez encore 1 Thessaloniciens 5, 12, 13 : « Nous vous prions, frères, de connaître ceux qui travaillent parmi vous, et qui sont à la tête parmi vous dans le Seigneur, et qui vous avertissent, et de les estimer très haut en amour à cause de leur œuvre ». Ces exhortations « à connaître ceux qui travaillent, qui sont à la tête et président » (le même mot qu’en Romains 12, 8), ne suggèrent-elles pas la pensée qu’il ne se trouvait pas là de classe officielle établie ? Une position officielle aurait été manifeste par elle-même, et aurait en conséquence rendu parfaitement superflue l’exhortation à reconnaître de tels ouvriers. L’estime et l’amour leur étaient dus à cause de leur œuvre. Pas la moindre allusion à une position officielle. En Hébreux 13, 7, 17, 24, nous trouvons certains principaux mentionnés (oi hêgoumenoi, chefs, ou guides), mais nul indice d’un établissement extérieur. Il est probable qu’il s’agissait de personnes que leur âge, leur caractère et leurs dons, plaçaient dans une position particulière.

Or, si de nos jours quelqu’un pouvait prouver d’une manière satisfaisante, c’est-à-dire par l’Écriture, qu’il a été l’objet d’une délégation apostolique, l’établissement auquel il procéderait d’anciens dans les assemblées devrait, sans aucun doute, être respecté ; et il le serait certainement par tous ceux qui, dans cette affaire, regarderaient avec simplicité au Seigneur. Mais à défaut de cette preuve, toutes prétentions à la charge d’anciens, ou à la capacité d’en établir, doivent être repoussées avec netteté et décision. Si donc, l’Écriture ne nous présente jamais aucun cas d’anciens établis par d’autres que des apôtres ou leurs délégués, le nationalisme et la dissidence peuvent-ils justifier, par la Parole de Dieu, leur manière d’agir respective sur cette question ?

Le système de la succession apostolique me semble seul conséquent dans ses prétentions à cet égard : je dis dans ses prétentions, car pour de la réalité il n’en a point — c’est du christianisme judaïsé, ou plutôt, du judaïsme christianisé (voir Annales Ecclés. de Bingham liv. 1, ch. 5).

Le cas de Paul en Actes 13, cité quelquefois comme preuve de la nécessité d’être investi, pour le ministère, d’une commission humaine, prouve réellement le contraire. Certes, ce serait étrange qu’il prouvât la nécessite de l’autorisation par les hommes, quand nous voyons l’apôtre, en Galates 1, 1, prendre tant de peine pour insister sur le fait qu’il était apôtre, « non de la part des hommes » (il nie là que son ministère provienne d’une source humaine), « ni par le moyen de l’homme » (et ici qu’aucun homme en ait été le canal). Il avait prêché pendant des années avant cette séparation par l’Esprit pour l’œuvre spéciale racontée dans les chapitres 13 et 14 des Actes. En outre, ceux qui imposèrent les mains avec jeûnes et avec prières à Paul et à Barnabas avaient été soignés et enseignés par eux comme des hommes qui présidaient sur eux dans le Seigneur. Je ne sache pas qu’on puisse rien objecter à une semblable imposition des mains. Elle ne prétend conférer aucun don, ni aucune autorité quelconque, mais est une simple recommandation à la grâce de Dieu, qui, semble-t-il, pourrait être répétée (Actes 15, 40). Un tel acte a-t-il rien de commun avec l’ordination actuelle ? Et peut-on concevoir que des chrétiens, dans la vue de justifier plus complètement par Actes 13 la pratique de l’ordination moderne, aient prétendu que Paul n’était qu’un apôtre d’un ordre inférieur — un messager de l’église comme Épaphrodite (Phil. 2, 25) ? Mais lisez Actes 14, 4 ; Romains 1, 1 ; 1 Corinthiens 1, 1 ; 9, 1-6 ; Éphésiens 1, 1 ; Colossiens 1, 1 ; Galates 1, 2 ; 1 et 2 Timothée 1, 1 ; Tite 1, 1, où Paul se prévaut, s’il nous est permis de parler ainsi, de la forme la plus élevée de l’apostolat, et de son entière indépendance de l’homme.

On oublie trop souvent que l’élection de Matthias se fit de la manière juive, par le sort, avant que le Saint Esprit eût été envoyé du ciel pour baptiser les croyants. L’Église, à proprement parler, n’était pas encore manifestée. Cette élection[7] ne constitue donc pas un précédent qu’on puisse appliquer à un état de choses modifié et gouverné par la présence du Saint Esprit. Nous ne voyons pas non plus qu’on ait, dans la suite, jamais fait usage du sort. Le système morave, avec son esprit ordinaire d’assujettissement aveugle à la lettre, a essayé de copier cette pratique ainsi que quelques autres qui étaient particulières à Jérusalem.

Dans le cas de Timothée il y avait eu préalablement des prophéties (1 Tim. 1, 18), et un don effectif avait été communiqué par prophétie avec l’imposition des mains du corps des anciens (4, 14), et par l’imposition des mains de Paul (2 Tim. 1, 6) — fait dont l’imitation n’est pas seulement impraticable, sans un apôtre et sans une compagnie d’anciens apostoliques, pour ne rien dire de la prophétie, mais constitue une prétention funeste, à moins qu’on ne possède le pouvoir de communiquer le don qui fut communiqué alors. Oh ! que Dieu daigne préserver Son peuple de dire : « Je suis riche et je suis dans l’abondance et je n’ai besoin de rien ».

Enfin, il est évident que la question dont il s’agit dans le passage 2 Timothée 2, 2, n’est point celle du droit de désigner des successeurs, mais bien celle de la communication des choses que Timothée avait entendues de l’apôtre devant plusieurs témoins. Il s’agissait non de consacrer un clergé, mais de confier la saine doctrine à des hommes fidèles qui fussent capables d’enseigner aussi les autres.

D’un autre côté, le principe dissident sur l’élection des pasteurs est un principe purement humain, qui n’est pas même dérivé du judaïsme et combien moins du christianisme. Écoutez le témoignage de quelqu’un qui avait été lui-même élu de cette manière, l’auteur du « Despotisme Spirituel » (page 153). « Ce n’est pas sans quelque étonnement que nous voyons une église congrégationaliste sur les bases modernes, procéder à un acte aussi important que la création ou l’élection d’un pasteur et docteur pour elle-même, sans pouvoir alléguer du Nouveau Testament un ordre ou une autorisation quelconque à cet effet, sans même pouvoir y montrer un exemple quelconque suffisant, satisfaisant ou non… Selon les principes séculiers, rien de plus simple et de plus raisonnable que celui en vertu duquel ceux qui paient ont le droit de commander ; et par l’esprit qui règne de nos jours, particulièrement en de certaines sphères, il se peut qu’on ne saurait assurer la soumission à des conditions différentes. Néanmoins, cette sérieuse question se représente toujours à nous : Est-ce là la loi, est-ce là le principe que le Nouveau Testament reconnaît comme la base de l’ordre de l’Église ? Nous sommes obligés de répondre que ce ne l’est point ». Quelques-uns pourtant ont prétendu le voir en Actes 14, 23 : « Et leur ayant choisi des anciens dans chaque assemblée ». Mais ce passage prouve que ce ne fut pas l’Église, mais bien eux, c’est-à-dire, Paul et Barnabas, qui choisirent les anciens. On argumente d’après l’étymologie du mot, mais c’est l’usage, et non l’étymologie, qui est le seul guide sûr. Le mot grec cheirotoneô signifie dans son sens primitif étendre la main. Par suite, il fut appliqué à ce mode de votation, ou d’élection dans lequel on lève la main, et par une transition facile, au choix lui-même sans aucun égard à la manière dont il est fait. C’est ainsi qu’en Actes 10, 41, le même mot, composé avec une préposition, est appliqué au choix de Dieu, choix d’où toute idée d’un vote de l’église est naturellement exclue. Lorsqu’il s’agissait du service des tables ou de services semblables qui demandaient de la bonté, de la prudence, comme en Actes 6 et 2 Corinthiens 8, 19, l’assemblée ou les assemblées choisissaient ceux qui devaient en être chargés ; quoique même, dans le cas mentionné dans les Actes, si la multitude des disciples chercha sept hommes fidèles, ce furent les apôtres qui les établirent sur leur affaire. En un mot, lorsque c’est Dieu qui communique le don, c’est Lui qui choisit, lorsque l’église confie ce qu’elle peut confier, elle peut employer les instruments qui lui paraissent convenables. Comme elle ne peut point conférer un don de ministère, elle ne peut point non plus choisir, mais doit simplement recevoir tous ceux que le Seigneur lui a donnés pour son bien.

Pour ce qui est des anciens, nous trouvons donc trois choses dans l’Écriture : ou bien un apôtre les choisit (Act. 14, 23) ; ou bien il charge, pour un temps durant sa vie, un délégué du soin de les établir (Tite 1, 5-9) ou bien enfin, il décrit à un autre les qualités requises pour cette charge. Dans aucun cas l’église n’est invitée à les élire. Une telle autorité n’appartenait pas aux églises, même dans les jours les plus brillants. Aucune des épîtres adressées à l’une ou à l’autre d’entre elles ne touche cette question, et ce silence est parfaitement convenable : ce n’était point là leur mission. Tite avait été laissé en Crète dans le but exprès de mettre en ordre ce que l’apôtre avait laissé inachevé, et d’établir des anciens dans chaque ville, selon que l’apôtre, et personne d’autre, l’en chargeait. Après cela, il devait se rendre auprès de l’apôtre à Nicopolis (Tite 3, 12). Voilà en résumé ce que nous fournit l’Écriture. Impossible d’avoir l’une des choses sans l’autre. L’apôtre attendait la venue du Seigneur, et enseignait l’Église à L’attendre comme son espérance immédiate. Naturellement cette attente était un puissant stimulant pour le cœur, et en aucune manière un obstacle, à prendre présentement un soin vigilant du troupeau ; mais elle était incompatible avec l’idée que des organes officiels dussent se perpétuer pendant des siècles à venir. Aussi ne trouvons-nous pas dans les épîtres de semblables dispositions. Mais quant aux dons, ils reposent sur un fondement tout autre : non sur les apôtres qui pouvaient être retirés, mais sur Christ qui ne cesse jamais d’être la tête et la source de nourriture, et ne peut qu’aimer et entretenir Son corps, l’Église. Ces dons n’eurent jamais besoin d’être sanctionnés par l’homme, même pendant que les apôtres vivaient. Christ en agissait avec eux, sans l’intervention de personne : tellement que ce que Paul disait de son propre apostolat, pouvait en principe, se dire d’eux tous — « non de la part des hommes, ni par le moyen de l’homme, mais par Jésus Christ, et Dieu le Père qui l’a ressuscité d’entre les morts ». Je parle, on le comprend, du mode et de la source des dons, non de leur mesure.

Pour ce qui regarde la discipline, il est d’une extrême importance de se bien mettre dans l’esprit qu’elle ne dépend pas des dons, des charges, ou de quelque autre chose que le fait précieux et béni que le corps, l’Église, est le corps de Christ, est rassemblé en Son nom, et possède le Saint Esprit présent pour guider ses mouvements et leur donner de l’énergie. C’est Lui, pouvons-nous dire, Lui, le Saint Esprit, qui est l’âme de ce corps saint et céleste. De là vient que les directions les plus complètes relativement à la discipline, soit pour retrancher, soit pour rétablir, furent données à l’église de Corinthe où il paraîtrait qu’il n’y avait pas alors d’anciens. Car il est évident, d’après Actes 14, 23 et Tite 1, 5, qu’il pouvait exister et qu’il existait effectivement des églises sans anciens. Les églises existaient avant qu’aucune de ces charges fût établie. Des anciens étaient sans doute désirables pour l’administration d’une église, mais n’étaient, en aucune manière, indispensables pour son existence. Il est certain qu’il n’est point fait d’allusion au fait qu’il eût des anciens à Corinthe, et les désordres qui y éclataient sont mis là sur le compte de tout le corps. Nous ne voyons pas non plus, qu’en s’occupant de la correction des abus dans cette église, l’Esprit en suspende les fonctions comme telle, jusqu’à ce que des anciens fussent dûment établis. Au contraire, qu’il s’agisse de l’acte extrême et solennel du retranchement, ou de la célébration de la cène du Seigneur d’une manière convenable et digne, c’est toujours au corps que le Saint Esprit s’adresse, le corps qu’Il reprend, qu’Il somme de cesser de mal faire et d’apprendre à bien faire, dans tous ces graves sujets particuliers. Et cela est d’autant plus remarquable, qu’il est manifeste qu’il se trouvait parmi eux des gens qui ne manquaient d’aucun don (1 Cor. 1, 7) ; — que, dans tous les cas, ceux de la maison de Stéphanas s’étaient voués[8] au service des saints, et que les croyants en général sont exhortés à se soumettre à de telles personnes. Je le répète, ce n’est pas aux ouvriers, mais au corps qu’il est fait appel dans des matières dont le commun accord d’une église déchue a fait l’apanage particulier, distinctif, de l’ordre clérical, ou du ministère. Sans doute, là où il y avait des surveillants, comme à Philippes ou à Éphèse, ils devaient prendre naturellement, et ils avaient avec raison, dans l’exercice de leur pieuse sollicitude, une large part dans les détails pratiques ; et le plus souvent il en était ainsi, un appel à l’église étant le dernier et le plus pénible ressort (Matt. 18, 15-17) : le but principal qu’on se propose étant la restauration de l’âme dans le Seigneur, si la chose est possible. Mais le péché connu d’un chrétien affecte la conscience du corps, car il est un corps ; et si ce péché n’est pas jugé, un peu de levain fait lever toute la pâte. Si le pécheur déplore sa faute, et sort du mal d’une manière vraiment pieuse, il est rétabli, et tous s’en réjouissent ; s’il persiste dans ce qui déshonore Christ, il faut que le corps s’en purifie à tout prix. « Ôtez le vieux levain afin que vous soyez une nouvelle pâte comme vous êtes sans levain ; car aussi notre pâque, Christ, a été sacrifiée pour nous. C’est pourquoi, faisons la fête, non avec du vieux levain ni avec un levain de méchanceté et de malice, mais avec des pains sans levain de sincérité et de vérité… Car, qu’ai-je à faire de juger ceux de dehors aussi ? Vous, ne jugez-vous pas ceux qui sont de dedans ? Mais ceux de dehors, Dieu les jugera. Ôtez d’entre vous-mêmes le méchant ».

En outre, l’Écriture en agit avec la fausse doctrine plus sévèrement encore, parce qu’elle est plus subtile, plus venimeuse dans ses effets, et qu’elle touche le Seigneur Lui-même plus directement qu’une marche mauvaise. Elle est toujours une œuvre de la chair, et peut être emphatiquement une œuvre de Satan, à un bien plus haut degré qu’une action de l’esprit simplement charnelle (voyez Gal. 5, 9-21 ; Rom. 16, 17, 18 ; 1 Tim. 1, 18-20 ; 6, 3-5 ; 2 Tim. 2, 23-26 ; 3, 6 ; 4, 3, 4 ; Tite 3, 9-11 ; 1 Jean 4, 1-6 ; 2 Jean 10, 11 ; Apoc. 2, 14, 15, 23, 24).

Et comme c’est le corps qui retranche, c’est également au corps qu’il appartient de restaurer, sous la direction de Celui qui y demeure. Dieu peut se servir des instruments qu’Il trouve convenables pour élever le corps au souvenir de la sainteté de Christ, en excluant un méchant, et à celui de la grâce de Christ en pardonnant à un frère qui se repent, et en le restaurant. Dans l’un et l’autre cas, c’est l’action consciente du corps que veut le Seigneur. Si tout ce qui a pour but de réveiller la conscience de l’assemblée échoue ; si, en dépit d’un témoignage rendu avec patience, l’assemblée persiste à faire ou à pallier le mal, en déshonorant ainsi le nom du Seigneur, alors sa prétention d’être le corps de Christ devient vaine et nulle. Elle n’est plus qu’une masse entièrement corrompue dont l’Esprit, qui aime Christ, veut que nous nous séparions, au lieu de consumer notre énergie en inutiles efforts pour amender un état qui est sans remède, et auquel est réservé seulement le jugement du Seigneur.

Il ne nous reste plus qu’à signaler une difficulté que nous chercherons à lever. On a supposé que notre manière de voir sur la chute de l’Église nous oblige à dire que, dans ces derniers jours, nous ne pouvons recourir aux épîtres aux Corinthiens, etc., et qu’ainsi nous abandonnons la promesse : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Cet article est par lui-même une réponse suffisante à une aussi hardie accusation.

Nous avons démontré que le nationalisme et la dissidence ne peuvent pas défendre les principes sur lesquels ils font reposer le caractère de membre ou le ministère : nos preuves ont consisté en des passages de l’Écriture, tels que 1 Corinthiens 1 ; 3 ; 10 ; 11 ; 12 ; 14 ; 16 ; Éphésiens 4, etc. Ni l’un ni l’autre ne reconnaissent la grande vérité qui fait de l’Église l’habitation de Dieu par l’Esprit, lequel est seul l’énergie et le distributeur de dons de Christ dans l’unité de tout le corps ; ils ne pourraient reconnaître cette vérité d’une manière pratique, même pour un moment, sans se condamner tous les deux dans toutes leurs variétés.

Tous nos frères sont-ils placés sous la responsabilité de reconnaître cette vérité, quels que puissent être les résultats de leur confession ? S’ils ne le sont pas, qu’on le dise ouvertement. Mais s’il est vrai que jadis l’Église a vécu, s’est réjouie, a souffert en réalisant la bénédiction d’une position pareille, hélas ! où donc en sommes-nous et que sommes-nous ? Ne devons-nous pas sentir, ne devons-nous pas confesser tout le mal que nous connaissons, qui s’est répandu au large sur tout le corps professant et en a fait un témoin contre Christ et non un témoin pour Lui ? Ne devrions-nous pas en avoir fini avec tout cet horrible mal ? Si je me vois honorant moi-même comme l’Église de Dieu une société ou un système dont les lois sont incompatibles avec les principaux principes scripturaires de cette Église, mon devoir n’est-il pas de confesser mon péché et de me retirer de la chose impure ? Ou bien peut-être dois-je continuer d’y rester et de pécher, afin que la grâce abonde ? C’est là la vraie question.

Presque tout chrétien d’une spiritualité et d’une intelligence ordinaires admet aujourd’hui qu’on ne saurait défendre la condition ecclésiastique existante, nationale ou dissidente, si on la compare avec la Parole de Dieu. Elle est mauvaise non seulement dans les détails, mais aussi dans ses principes fondamentaux. De là vient que certains noms éminents dans le monde religieux déclarent hardiment que toute parfaite qu’elle est pour ce qui concerne le salut individuel, la Parole de Dieu laisse les hommes libres d’agir comme bon leur semble dans la formation et le gouvernement des églises. En d’autres termes, ils prétendent que nous n’avons pas aujourd’hui à chercher nos directions dans les épîtres, telles que 1 Corinthiens etc. Les uns sont satisfaits de l’état de choses actuel ; les autres rêvent après une Église de l’avenir dans laquelle on pourra voir les choses sur une plus large échelle. Mais si le saint de Dieu repousse avec horreur un aussi effroyable principe qui met de côté la Parole de Dieu dans laquelle se trouve manifestée et démontrée l’infidélité de l’Église à sa vocation, que doit-il faire ? Quel chemin a-t-il à tenir ? Un chrétien peut-il hésiter ? Ne doit-il pas à la fois sortir du mal dont il a le sentiment, et s’humilier devant Dieu pour son péché et pour le péché de l’Église ? Et s’il est à sa connaissance que deux ou trois disciples s’assemblent au nom de Jésus, en laissant la porte largement ouverte pour que le Saint Esprit puisse librement et pleinement agir, conformément à la Parole qu’Il a écrite, et par le moyen de qui Il voudra, ne sera-t-il pas heureux de se trouver là lui-même ? Au lieu de s’autoriser de Matthieu 18, 20 pour faire ce qui paraîtra bien à leurs yeux, ne voudront-ils pas, ainsi réunis, apprendre, à leur joie, que Jésus est toujours fidèle ? Ne béniront-ils pas Dieu pour l’autorité et la parfaite suffisance de Sa Parole, et aussi, s’il survient quelque différend, pour l’expérience qu’ils auront faite du secours et de la convenance vivante trouvés par eux dans ces mêmes portions des Écritures, auxquelles leurs adversaires disent qu’on ne saurait avoir recours ? Ne Lui rendront-ils pas grâces de nouveau pour le Saint Esprit, qui se plaît à agir dans le corps, aussi bien que dans les membres, à la gloire du Seigneur Jésus ?

C’est de Dieu que nous avons besoin, c’est avec ce Dieu vivant que nous avons à faire, et non avec des principes seulement. La présence de Dieu peut seule donner efficace et bénédiction, même lorsque les principes sont justes : et voilà ce que nous cherchons, sachant que la venue du Seigneur est proche.



  1. L’Alliance Évangélique — que je crois un résultat imparfait cependant, du témoignage rendu dans notre pays et au-dehors à la ruine actuelle de l’Église — est, de fait, un aveu qu’il n’y a point, dans la chrétienté moderne, d’union semblable reconnue et d’après laquelle on agisse. Elle est donc, en réalité, une confession de la part de ses membres, qu’ils ne sont pas satisfaits de leurs systèmes respectifs : car évidemment, s’il se fût trouvé parmi les protestants un système conforme à la pensée de Dieu, l’Alliance Évangélique n’aurait pas été nécessaire. Or, c’est un fait remarquable, et qui devrait être connu au loin, que le plus habile et le plus spirituel de ses avocats sur le continent, a avoué publiquement non seulement qu’il regrette la constitution de l’Alliance Évangélique sur cette base, mais que la base ci-dessus est préférable. Comparez les pages 12 et 38 de « l’Alliance Évangélique » (section de la Langue Française, Paris, 1847). — « Cela dit, si l’on nous demande : N’avez-vous pas des doutes sur la convenance d’une base dogmatique ? Ou tout au moins ne regrettez-vous pas que tel ou tel article ait trouvé entrée dans cette base ? Nous répondons : Oui, dans ces deux cas, et surtout dans le second. Nous avons lutté même pour notre part, contre les articles en question. Mais la grande majorité de l’assemblée ayant été d’un avis contraire au nôtre, nous nous sommes rendus, soit parce que nous estimons possible que d’autres voient mieux que nous, soit aussi parce qu’à défaut de ce qui paraît le meilleur, nous sommes d’avis de retenir ce qui est bon. »
  2. En parlant de la ruine de l’Église, nous ne voulons point dire que l’Église n’existe pas sur la terre. Au contraire, si elle n’existait pas, elle ne pourrait pas être dans une telle position. Cette expression ressemble à celle que l’on applique à un homme qui a perdu sa fortune. On dit : « Il est ruiné » ; on comprend naturellement que l’homme existe. Il en est de même de l’état actuel de l’Église. Sans doute cet état occasionne des difficultés ; car bien des choses ne sont point comme elles devraient être, ni comme elles étaient jadis. Mais la Parole et l’Esprit de Dieu sont d’un service éternel, et suffisent pour toute circonstance. « Si donc ton œil est simple, tout ton corps sera éclairé ; mais si ton œil est méchant, tout ton corps sera ténèbres ». La direction divine ne fera jamais défaut au cœur humble et obéissant.
  3. On ne nie pas que le baptême fût le signe extérieur ou la manifestation d’un confesseur de Christ. Seulement il importe de se souvenir qu’un croyant n’était pas baptisé en qualité de membre d’une assemblée particulière. Reconnu par le baptême comme confesseur de Christ, on recherchait naturellement la communion dans l’assemblée du lieu où l’on pouvait se trouver, s’il y en existait une ; et la cène du Seigneur était le gage et le symbole extérieur d’union et de communion auquel on avait constamment recours. « Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps ; car nous sommes tous participants d’un seul pain » (1 Cor. 10, 17). Il faut ajouter ici que ceux qui travaillaient dans la prédication ne considéraient nullement le baptême, ou la cène du Seigneur, comme des rites qui dussent être nécessairement administrés par eux. C’est ainsi que Pierre commanda que Corneille et ses amis fussent baptisés au nom du Seigneur (Actes 10, 48), et que Paul écrit que « Christ l’a envoyé, non point pour baptiser, mais pour prêcher l’évangile » (1 Cor. 1, 17). Il dit cela avec intention quant aux Corinthiens : or, plusieurs d’entre eux avaient cru et avaient été baptisés (Actes 18, 8) ; de sorte qu’il faut que d’autres frères aient agi dans ce service. Pour ce qui est de la cène du Seigneur, la même chose est aussi manifeste, si même elle ne l’est pas davantage. De fait, l’idée d’une personne chargée de rompre le pain, ne se rencontre jamais dans le Nouveau Testament, non plus, que je sache, rien qui y ressemble. Voyez Actes 20, 7 ; voyez aussi 1 Corinthiens 11, où, si jamais des circonstances pouvaient y donner lieu, il aurait pu sembler que quelque frein était nécessaire ; car les Corinthiens avaient changé la table du Seigneur en licence charnelle. Mais, tout en frappant le mal de sa réprobation, et en insistant sur le caractère saint et solennel de la fête, il laisse le mode de sa célébration aussi dégagé que jamais de toute restriction. Il n’a devant lui que les saints comme un corps, et non une caste privilégiée réclamant comme un droit l’administration de la cène. Réserve faite des circonstances, comme, par exemple, le cas d’un novice, tout frère était apte à baptiser et à rompre le pain.
  4. Il y avait, dans l’église d’Antioche, au moins cinq prophètes et docteurs (Actes 13, 1).
  5. C’est en Actes 11, 30, qu’il en est fait mention pour la première fois en rapport avec l’église de Jérusalem. Ils sont mis en évidence, au concile, dans le chapitre 15. Mais on ne trouve pas une allusion, dans les Actes, à leur établissement, ni au fait qu’ils eussent réellement été l’objet de quelque autorisation extérieure. Jacques (5, 14) mentionne les anciens ; et Pierre (1 Pierre 5, 1) et Jean (deuxième et troisième épîtres) s’appellent eux-mêmes anciens, mais ne parlent point d’établissement officiel. La manière dont, en un passage (1 Pierre 5, 1-5), les anciens sont mis en contraste avec « les plus jeunes », parait bien confirmer cette observation. Il s’agit d’expérience beaucoup plus que d’une charge.
  6. Tôn Klérôn « le clergé », car c’est ainsi que tout le troupeau se nommait alors. La distinction entre le peuple et le clergé est un élément essentiellement juif, qui, plus tard, se glissa dans l’Église et la mina. Dans ce temps-là le peuple chrétien était le clergé. Ils servaient tous pour l’utilité commune, chacun dans le don qu’il avait reçu (1 Pier. 4) ; mais il n’y avait qu’un corps, et non point deux castes. Ce n’est pas hélas ! la seule partie des paroles de l’apôtre à l’égard de laquelle nous ayons à confesser qu’elle fut bientôt négligée, et entièrement changée dans la pratique.
  7. Peut-on même dire qu’il y ait eu élection alors, sauf le choix fait par le Seigneur directement, au moyen du sort, entre les deux candidats ? Ne semble-t-il pas qu’il se trouva, parmi les cent vingt seulement, deux disciples remplissant les conditions indiquées par Pierre pour pouvoir devenir apôtre ? S’il en était ainsi, il y aurait eu abstention complète de la part des disciples, au premier aussi bien qu’au dernier degré de cette affaire, laissée par conséquent tout entière entre les mains du Seigneur. Ce cas tournerait complètement contre ceux qui s’en prévalent à tort. (Le traducteur)
  8. Le mot original est étaxan, et signifie qu’ils s’étaient mis, établis, ou dévoués eux-mêmes au ministère. C’est un des mots traduits quelquefois par « ordonnés ». Que ceux qui n’ont point de scrupule à tourner en ridicule le fait de « s’établir soi-même », comme ils disent, pèsent attentivement ce passage, et se souviennent que ce qu’ils méprisent, comme peuvent l’avoir méprisé des Corinthiens charnels, le Saint Esprit, par le moyen de l’apôtre, le recommande d’une manière positive et sans restriction.