Messager Évangélique:Le puits de Sichar/texte

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(Jean chapitre 4)

[Messager Évangélique 1863 pages 256-260]

On a souvent fait observer que, dans l’évangile de Jean, notre Seigneur est présenté sous l’aspect le plus élevé, savoir, comme le Fils de Dieu — Celui qui est du ciel — la Parole éternelle — le Créateur de toutes choses — le révélateur du Père. En Matthieu, Il est présenté comme le Messie juif — fils de David, fils d’Abraham — héritier légitime du trône de David et du pays d’Israël. En Marc, nous Le voyons comme le serviteur, dans les diverses sphères du ministère, poursuivant avec un saint zèle dont rien ne peut Le détourner, Sa carrière de service. En Luc, Il nous est offert comme Fils de l’homme, avec Sa généalogie remontant sans interruption jusqu’à Adam.

Mais dès le début du sublime évangile de Jean, le Sauveur nous est révélé comme Celui qui était dès le commencement — avant tous les siècles — par lequel toutes choses ont été faites ; c’est la Parole qui, de toute éternité, était dans le sein du Père, qui a été faite chair et qui a habité parmi nous [Jean chapitre 1 verset 14]. Et cependant, il n’y a pas un des évangiles, où cet Être glorieux soit aussi fréquemment présenté seul avec le pécheur. Assurément il y a là une intention divine. Nous le voyons seul avec Nicodème [chapitre 3], seul avec la Samaritaine [chapitre 4], seul avec la pécheresse convaincue d’adultère [chapitre 8], seul avec divers autres ; en sorte que nous pouvons bien dire qu’un caractère spécial de l’évangile de Jean, c’est d’y voir le Fils de Dieu seul avec le pécheur.

Or nous nous proposons, en comptant sur le secours de Dieu pour nous enseigner, de nous arrêter un peu sur l’une de ces scènes touchantes qui nous montrent Jésus dans la compagnie d’une pauvre pécheresse, auprès du puits solitaire de Sichar. La femme de Samarie présente un frappant contraste avec Nicodème au chapitre 3. Ce dernier avait une position, une réputation et un caractère honorables ; la première n’avait rien de tout cela. Lui était au haut de la roue ; elle, tout au bas. Il serait difficile de rencontrer dans le monde quelqu’un de plus élevé qu’« un homme d’entre les pharisiens, un des chefs des Juifs, un docteur en Israël » [Jean chapitre 3 versets 1 et 10] ; et de l’autre côté, il serait difficile de rencontrer quelqu’un de plus rabaissé qu’une Samaritaine adultère. Néanmoins, quant à la question vitale, fondamentale, éternelle, de subsister devant Dieu, d’être qualifié pour se tenir en Sa sainte présence, d’avoir un titre pour entrer au ciel, tous deux étaient sur le même niveau.

Cette assertion peut paraître bien dure et bien étrange à quelques-uns de nos lecteurs. « Quoi ! prétendrez-vous peut-être que le savant, religieux et, sans doute, aimable Nicodème ne valait pas mieux, aux yeux du Seigneur, que la misérable femme de Sichar ? » — Précisément, dès qu’il s’agit de paraître devant Dieu. « Il n’y a pas de différence, car tous ont péché et sont exclus de la gloire de Dieu » [Romains chapitre 3 versets 22 et 23]. Aussi, voici la première parole de Christ à Nicodème : « En vérité, en vérité, je te dis : Si quelqu’un n’est né de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu » [Jean chapitre 3 verset 3]. Cette courte sentence ôtait complètement tout fondement de sécurité de dessous les pieds de ce docteur en Israël. Rien de moins qu’une nouvelle nature n’était exigé de cet homme d’entre les pharisiens, et rien de plus n’était nécessaire à la femme adultère de Sichar. Il est clair que le crime ne pourrait entrer dans le ciel ; mais le pharisaïsme ne le peut pas davantage. Un criminel et un pharisien peuvent, béni soit Dieu, entrer dans le ciel, parce que l’un comme l’autre peuvent avoir la vie éternelle en croyant au Fils de Dieu.

Il est de toute importance que le lecteur saisisse bien cette grande et fondamentale vérité du christianisme. Impossible de lui en offrir une idée plus claire ou plus frappante que celle que présente l’histoire de Nicodème et celle de la femme de Sichar. Si notre Seigneur eût exhorté la femme à devenir bonne, et Nicodème à devenir meilleur, nous aurions là, en effet, quelque argument en faveur de la notion, d’après laquelle certains individus de l’humanité déchue sont meilleurs et plus près de Dieu que d’autres, et que de plus, il est tout à fait possible d’améliorer la nature humaine au point de la rendre propre, à la fin, à paraître devant Dieu. Mais quand nous voyons le Seigneur renversant totalement le piédestal légal sur lequel se tenait debout le chef juif, en proclamant l’absolue nécessité d’une nouvelle naissance, alors nous sommes bien forcément amenés à conclure que la nature humaine est incurable et incorrigible.

Dans le cas de la pauvre femme de Samarie, il n’y avait point de piédestal légal à renverser. Son caractère moral et sa condition religieuse étaient depuis longtemps au plus bas degré de la perversion. Il n’en était pas de même de Nicodème : il sentait évidemment qu’il avait quelque importance, quelque chose sur quoi il pouvait s’appuyer, dont il pouvait se glorifier. C’était un homme d’une position élevée, et par conséquent il avait besoin d’apprendre que tout cela n’avait aucune valeur du tout aux yeux de Dieu ; or il était impossible de lui donner cet enseignement d’une manière plus pénétrante et plus positive que par cette courte déclaration du Christ : « Il vous faut être nés de nouveau » [Jean chapitre 3 verset 7]. Faites tout ce que vous voudrez avec la nature humaine ; instruisez-la, cultivez-la, ornez-la autant qu’il vous plaira ; élevez-la jusqu’au pinacle du temple de la science et de la philosophie ; appelez à votre aide toutes les ressources d’un système légal et de la religion ; faites des vœux, prenez des résolutions de réforme morale, ajoutez cérémonie à cérémonie ; enfermez-vous dans un cercle de devoirs religieux ; livrez-vous à des veilles, à des jeûnes, des prières, des aumônes, et à toute la série des « œuvres mortes » ; et après tout cela, la femme adultère de Sichar est aussi près que vous du royaume, vu que, vous aussi bien qu’elle, « il vous faut être nés de nouveau ». Ni vous, ni elle, n’avez un iota ou un trait de lettre à présenter à Dieu, soit comme titre au royaume, soit comme capacité d’en jouir. Ici, du commencement à la fin, tout est et doit être uniquement grâce.

Mais qu’est-ce que cette nouvelle naissance ? Est-ce la nature humaine améliorée ? Nullement. Qu’est-ce donc ? C’est la vie éternelle possédée par la simple foi au Fils de Dieu. « Comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu’il ait la vie éternelle » [Jean chapitre 3 versets 14 à 16]. Telle est la nouvelle naissance et tel est le moyen de l’obtenir. Dieu a aimé — Dieu a donné — nous croyons et nous avons. Rien de plus simple. Ce n’est pas la nature améliorée — l’humanité déchue relevée, élevée et rendue meilleure ; mais c’est une vie entièrement nouvelle possédée, savoir la vie éternelle par la foi en Christ, possédée par la pauvre femme de Sichar, tout aussi pleinement, et par le même moyen, que par le chef des Juifs. Il n’y a pas de différence « vu que tous ont péché » [Romains chapitre 3 verset 23]. Et « il n’y a pas de distinction… car le même Seigneur de tous est riche envers tous ceux qui l’invoquent » [Romains chapitre 10 verset 12]. Quand on considère cette question au point de vue humain, il n’y a point de différence, parce que tous ont péché, et quand on l’envisage au point de vue divin, il n’y a pas de différence, parce que Dieu est riche envers tous. Le docteur en Israël et la femme de Samarie sont placés sur un seul et même niveau, et la riche grâce de Dieu se répand au moyen du sang de Christ, sur l’un comme sur l’autre, pour accorder à chacun d’eux la vie éternelle en don gratuit de Dieu.

[Messager Évangélique 1863 pages 261-275]

Or, cette vie éternelle est quelque chose de tout nouveau. Adam, dans l’état d’innocence, n’avait pas la vie éternelle. Il avait une âme immortelle ; mais l’immortalité de l’âme est tout autre chose que la vie éternelle. Le plus faible agneau du troupeau racheté de Christ est dans une bien meilleure position qu’Adam, aux jours de son innocence. Il a reçu une vie impérissable et éternelle en Christ. Adam ne connaissait rien de pareil au milieu des fruits excellents et des belles fleurs d’Éden. Ce n’est que lorsque tout fut perdu autour de lui — lorsqu’il fut lui-même une ruine au milieu des ruines — qu’un premier et faible rayon de lumière tomba sur son âme, avec la première promesse faite, non pas à lui, mais au second Adam, le Seigneur qui est du ciel : « La semence de la femme brisera la tête du serpent » [Genèse chapitre 3 verset 15]. Par la foi à cette promesse, Adam échappa à lui-même et à la ruine qui l’environnait, en cherchant un refuge en Christ, le chef de la nouvelle race, et il appela sa femme Ève, ou « la mère de tous les vivants » [Genèse chapitre 3 verset 20]. Point de vraie vie en dehors de la semence de la femme.

Remarquons, ensuite, que lorsque les Israélites furent placés sous la loi, ce ne fut nullement dans le but qu’ils pourraient obtenir la vie éternelle, alors même qu’ils l’observassent fidèlement. Le langage de la loi était celui-ci : « L’homme qui aura fait ces choses vivra par elles » [Galates chapitre 3 verset 12]. Elle ne parle jamais de vie éternelle. Un Israélite aurait la vie aussi longtemps qu’il garderait les commandements. C’était une vie temporaire et conditionnelle ; et, par conséquent, la femme de Sichar n’aurait rien avancé en allant à Sinaï. Ayant transgressé en un point la loi, elle était coupable à l’égard de tous [Jacques chapitre 2 verset 10] : en conséquence, elle était sous la malédiction. Elle n’avait nul titre à la vie soit temporaire, soit éternelle. Nicodème pouvait s’imaginer qu’il y avait quelque droit ; mais le cas de la femme était aussi désespéré que possible. En tout état de choses, Moïse ne pouvait lui offrir une main secourable.

Mais que signifiait donc ce serpent brûlant ? À qui était-il destiné ? À de pauvres créatures mordues, précisément parce qu’elles étaient mordues. Leur droit était leur blessure. Leur droit à quoi ? À regarder le serpent. Et que s’ensuivait-il ? Celui qui regardait vivait. Oui, « regarder et vivre ». Précieuse vérité. Vérité pour Nicodème — vérité pour la Samaritaine — vérité pour tout fils et toute fille d’Adam mordus par le serpent ancien. Il n’y a ni limite, ni restriction, ni barrière élevée autour de la grâce ineffable de Dieu. Le Fils de l’homme a été élevé, afin que quiconque Le contemple, avec une foi simple, possède ce qu’Adam, dans l’innocence, ne posséda jamais, et ce que la loi de Moïse ne put jamais proposer, savoir « la vie éternelle ». — Remarquez que cela ne veut pas dire une âme immortelle, car c’est là ce qu’Adam avait, avant, tout comme après sa chute — c’est ce que tous les hommes ont, croyants et incrédules. Mais : « Celui qui croit au Fils de Dieu, a la vie éternelle » [Jean chapitre 3 verset 36]. C’est ce que dit le Seigneur Jésus Christ, ce qu’Il affirme avec un double « Amen » : « En vérité, en vérité, je vous dis, que celui qui entend ma parole, et croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne viendra pas en jugement ; mais il est passé de la mort à la vie » (Jean chapitre 5 verset 24).

Il n’y a pas de milieu : c’est ou « la mort » ou « la vie », quoi que puissent dire les hommes de la puissance, de la capacité, de la dignité de la nature humaine, de l’éducation du genre humain, des progrès de l’homme, de son développement et choses semblables. Le passage important que je viens de citer, décide absolument la question : c’est ou la vie en Christ, ou la mort hors de Christ. Tous les progrès de l’homme, tant qu’il n’a pas gagné Christ, sont et doivent être des progrès dans la mort. Peu importe qui est cet homme ou ce qu’il est, pharisien, scribe ou publicain, savant ou ignorant, pieux ou profane, honnête ou immoral, sauvage ou civilisé, s’il n’est pas en Christ, il est dans la mort ; mais s’il est en Christ « il a la vie éternelle » ; et alors tous ses progrès consisteront à croître dans la grâce, à croître dans la connaissance, à croître dans la conformité morale et pratique à l’image de Christ, le second homme, le Seigneur ressuscité, le chef de la nouvelle création.

Lecteur, arrêtez-vous ici, nous vous en prions, et méditez sur ce sujet solennel. Il implique beaucoup plus que plusieurs ne l’imaginent. Cette nouvelle vie en Christ tranche par la racine toutes les prétentions de l’homme. Elle chasse au loin, comme autant de haillons inutiles, toute religion d’homme, toutes ses dévotions et sa justice légales. Elle lui fait voir que, tant qu’il ne possède par Christ, il ne possède absolument rien, mais qu’en ayant Christ, il a tout. Oui, il en est ainsi : rien en lui, tout en Christ. Il peut avoir un soi-disant bon cœur, comme le chef des Juifs, ou bien avoir un très mauvais caractère, comme la femme de Sichar ; cela revient au même. L’un et l’autre sont morts — spirituellement morts. Il n’y avait pas plus de vie spirituelle en Nicodème, quand il vint à Jésus de nuit, qu’il n’y en avait dans la Samaritaine, quand Jésus vint à elle de jour. Sans doute, il y avait entre eux une grande différence morale et sociale ; cela va sans dire. Aucun homme qui a quelque sentiment n’a besoin qu’on lui dise que la moralité est meilleure que le vice, qu’il vaut mieux être sobre qu’ivrogne, mieux être un honnête homme qu’un voleur.

Tout cela est clair. Mais il est également clair que l’honnêteté, la sobriété et la moralité ne sont pas la vie éternelle ; elles ne sont pas davantage le chemin qui y conduit. Ces dispositions, dans leur vraie et sincère manifestation, seront toujours le fruit — le fruit nécessaire de la nouvelle vie ; mais elles ne sont ni la nouvelle vie elle-même, ni le moyen de son acquisition. — « Celui qui a le Fils a la vie. Celui qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie » [1 Jean chapitre 5 verset 12]. Voilà qui est concluant. Il n’y a pas de milieu entre « a » et « n’a pas ». Il n’y a pas place pour le progrès entre ces deux extrêmes. L’écrivain et le lecteur de ces lignes sont, dans ce moment, dans l’une ou dans l’autre de ces deux divisions. Pensée sérieuse ! Nous en sentons profondément la grave importance dans ces jours signalés par les orgueilleuses prétentions de l’homme, où l’on emploie, même le christianisme, comme un mécanisme pour procurer l’avancement d’une humanité tombée et corrompue — comme une partie d’un système d’éducation pour l’amélioration de la race ; où l’on en vient, selon l’enseignement de quelques-uns de nos modernes docteurs, à regarder le paganisme, le judaïsme et le christianisme comme autant d’influences propres à agir sur l’homme et à l’élever sur l’échelle morale. Triste déception, erreur pernicieuse pour les âmes. Puisse le Saint Esprit ouvrir les yeux de plusieurs pour le voir et pour les rendre capables de l’éviter ! Puisse l’évangile du Christ se répandre avec une puissance nouvelle, et arrêter la recrudescence du rationalisme et de l’infidélité dans ces jours sombres et mauvais.

Mais revenons au puits de Sichar, dont nous nous sommes à peine approchés jusqu’ici : le courant de pensées que nous avons suivi, nous mettra à même d’apprécier plus complètement les saintes et profondes leçons que nous avons à y recevoir.


Le chrétien trouve un charme tout particulier dans les récits des évangiles, en ce que c’est le Seigneur Jésus Lui-même qui y est présenté à l’esprit et au cœur. Ils ne nous donnent pas des vérités abstraites ou d’arides doctrines ; ils nous montrent, avant tout, une personne, et cette personne n’est rien moins que Dieu manifesté en chair [1 Timothée chapitre 3 verset 16]. Nous Le voyons conversant avec des pécheurs de tout rang et de tout caractère — riches et pauvres — religieux et irréligieux, scribes et pharisiens, publicains et femmes de mauvaise vie. Nous Le contemplons dans la compagnie des plus vils pécheurs, comme ici, au puits de Sichar, et les traitant avec une parfaite grâce. Nous découvrons en Lui une sainteté qu’aucun péché ne peut atteindre, et en même temps une grâce qui peut s’abaisser jusqu’aux plus profonds abîmes des besoins du pécheur. En un mot, Dieu est descendu sur la terre, et nous pouvons Le contempler en la face de Jésus Christ.

N’est-ce pas là un fait bien merveilleux ? Dieu s’est révélé Lui-même. Il peut être connu — oui, connu avec toute la certitude que Sa propre révélation de Lui-même est capable de procurer. « Les ténèbres s’en vont et la vraie lumière luit maintenant » [1 Jean chapitre 2 verset 8]. Il n’y a plus lieu désormais à faire entendre cette plainte lamentable de Job : « Oh ! si je savais comment le trouver » (chapitre 23 verset 3) ! L’évangile nous conduit au puits de Sichar et nous y fait voir le Créateur de l’univers dans la personne d’un étranger couvert de poussière, las et altéré, qui voudrait être, pour un peu d’eau, l’obligé d’une Samaritaine adultère. Quel fait ! Quel insondable mystère ! Celui qui est Dieu sur toutes choses, béni éternellement [Romains chapitre 9 verset 5], parlant avec des lèvres d’homme, demande à boire à une femme adultère !

Où, nous pouvons bien le demander, où, dans toute l’étendue de la création, pourrions-nous trouver quelque chose qui ressemble à ceci ? En contemplant la création, nous pouvons y discerner l’admirable manifestation de la sagesse, de la puissance et de la bonté ; mais nous n’y voyons pas et ne pouvons y voir Dieu, en ressemblance de chair de péché [Romains chapitre 8 verset 3], sous la forme d’un homme fatigué, souffrant de la chaleur et de la soif, assis sur la margelle d’un puits et demandant une goutte d’eau à une pauvre pécheresse. Si nous passons de cette scène à celle qui ouvre les pages du Pentateuque, et que nous y contemplions Dieu, comme Créateur, sortant du domicile éternel de Sa demeure, et appelant des millions de mondes à l’existence par la parole de Sa bouche, nous ne voyons ici ni fatigue, ni soif ; nous y pouvons suivre les traces du Créateur, alors que, dans cette majestueuse carrière, Il passe d’une sphère à l’autre de Son œuvre glorieuse ; mais les gloires qui resplendissent à nos regards, auprès du puits solitaire de Jacob, sont plus radieuses que tout ce qui est présenté à notre vue dans le premier chapitre du livre de la Genèse. « Que la lumière soit », voilà certes une glorieuse parole ; mais celle-ci : « Donne-moi à boire », la surpasse en gloire. Dans la première, nous discernons une majesté qui nous confond, un éclat qui nous éblouit ; mais dans la dernière nous voyons une grâce qui gagne notre confiance, une tendresse qui fond le cœur.

Où encore, nous le demandons, durant toute l’économie mosaïque, où pouvons-nous apercevoir quelque chose d’analogue à ce qui se passe au puits de Sichar ? Le législateur aurait-il pu demander un verre d’eau à une femme adultère ? Impossible. Si la Samaritaine eût été placée devant la montagne toute en feu, son sort eût été d’être maudite et lapidée sans miséricorde. Une telle personne n’avait rien de mieux à attendre « du ministère de la mort et de la condamnation » [2 Corinthiens chapitre 3 versets 7 et 9]. Et cependant, chose étrange, il y a encore des gens qui nous disent : « Si vous ôtez la loi de l’évangile, vous n’y laissez plus rien qui soit digne du nom d’évangile » !

Que pensez-vous, lecteurs, d’une telle affirmation ? Comment vous apparaît-elle quand vous l’envisagez à la lumière qui rayonne au puits de Sichar ? Quelle singulière assertion ! Qui eût jamais cru que, de nos jours où la Bible est si librement et si largement distribuée, une semblable assertion eût pu sortir des lèvres ou de la plume d’un soi-disant docteur chrétien ? Ôtez « le ministère de mort et de condamnation » du « ministère de la vie et de la justice » (2 Corinthiens chapitre 3), et vous ne laisserez rien qui soit digne du nom d’évangile ! Séparez ce qui maudit et doit maudire le pécheur, de ce qui lui procure le pardon, le salut et la bénédiction, et il ne restera rien qui soit digne du nom d’évangile ! Séparez ce qui « produit la colère » (Romains chapitre 4 verset 15) de ce qui manifeste la plénitude de l’amour divin dans la personne et dans l’œuvre de notre Seigneur Jésus Christ, et il ne restera rien qui soit digne du nom d’évangile !

Mais ne perdons pas notre temps à nous arrêter davantage sur la grossière ignorance et l’absurdité d’une pareille assertion. Nous ferons mieux de revenir auprès du puits de Sichar et de prêter l’oreille au remarquable entretien que nous y entendrons entre Dieu manifesté en chair et une femme samaritaine au plus bas degré de la dégradation.

Notre Seigneur, « ayant connu que les pharisiens avaient entendu dire : Jésus fait et baptise plus de disciples que Jean (toutefois Jésus ne baptisait pas lui-même, mais ses disciples), il quitta la Judée, et s’en alla encore en Galilée. Et il fallait qu’il traversât la Samarie. Il vient donc en une ville de la Samarie, nommée Sichar, près de la terre que Jacob donna à Joseph, son fils. Et il y avait là un puits de Jacob ; Jésus donc étant lassé du chemin, se tenait là assis sur le puits ; c’était environ la sixième heure. Une femme de la Samarie vient pour puiser de l’eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire ».

Ici donc nous avons sous les yeux une merveilleuse scène que ni la création, ni la loi, ni la providence n’auraient jamais pu nous offrir. Le Seigneur de gloire est descendu dans ce monde pour éprouver, comme homme, la faiblesse, la fatigue et la soif — pour savoir ce que c’est que d’avoir besoin d’une coupe d’eau de fontaine. « Jésus étant lassé du chemin, se tenait assis sur le puits ». Ce monde était pour le Christ une terre aride et altérée [Psaume 63 verset 1]. Le seul rafraîchissement qu’Il y trouvait consistait pour Lui dans le ministère de Sa grâce envers de pauvres et misérables pécheurs, tels que la femme qui était là devant Lui à la fontaine.

Remarquons bien le contraste que présentent les paroles qu’Il adresse à la femme de Sichar, avec celles qu’Il avait adressées au docteur en Israël. — À elle Il ne dit pas : « Il vous faut être nés de nouveau », quoique, sans aucun doute, cela fût vrai pour elle aussi bien que pour Nicodème. D’où vient cela ? Nous en avons déjà entrevu la raison. Le docteur juif était, pour ainsi dire, au plus haut degré de l’échelle de la justice légale, de la moralité et de la religion traditionnelle. La pauvre Samaritaine était au degré le plus bas de la culpabilité et de la souillure morale. Aussi, comme le Seigneur était descendu pour rencontrer l’homme dans sa condition la plus misérable — comme Il était venu pour donner la vie aux morts — pour agir sur l’homme tel qu’il était — il faut qu’Il amène Nicodème à s’abaisser jusqu’à ce point en lui disant qu’il doit naître de nouveau — il faut qu’Il enlève de dessous ses pieds tout l’échafaudage sur lequel il se tient — il faut qu’Il lui montre que, malgré tout ce qu’il possédait en fait de religion et de position selon la chair, il doit tout abandonner et entrer dans le royaume comme un enfant nouveau-né — qu’il n’a rien, absolument rien, qui puisse être placé à son crédit dans la nouvelle position dont le Seigneur lui parle. Si la nouvelle naissance est essentielle, alors le chef d’entre les Juifs n’est en rien meilleur que la pécheresse samaritaine. Quant à ce qui concernait celle-ci, il était bien évident qu’il lui manquait quelque chose ; elle ne pouvait pas apporter ses péchés dans le royaume, et c’est pourquoi le Seigneur commence, sur-le-champ, avec elle, par déployer Sa grâce. Nicodème pouvait se figurer qu’il avait et qu’il était quelque chose devant Dieu. Il était clair et visible que la Samaritaine n’avait rien. C’est pourquoi le Seigneur dit au premier : « Il vous faut être nés de nouveau » ; et à la seconde : « Donne-moi à boire ». Dans l’un de ces mots, nous discernons, « la vérité » ; dans l’autre, « la grâce », qui l’une et l’autre sont venues par Jésus Christ [Jean chapitre 1 verset 17] : « la vérité » pour renverser toutes les prétentions d’un pharisien ; la grâce, pour répondre aux profonds besoins d’une Samaritaine adultère.

Mais il est aussi intéressant d’observer que, s’il y a des points de contraste entre Nicodème et la Samaritaine, il y a de même entre eux des points d’analogie. L’un et l’autre répondent au Christ par un « comment ? ». Dès que la vérité arrive à l’oreille du docteur en Israël, il dit : « Comment se peuvent faire ces choses ? » [Jean chapitre 3 verset 9]. Quand la grâce est montrée à la femme de Sichar, elle dit : « Comment, toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? » [Jean chapitre 4 verset 9]. Hélas ! nous sommes tous remplis de « comment ». La vérité de Dieu, dans toute sa majestueuse autorité, est placée devant nous, nous l’accueillons avec un comment. La grâce de Dieu, dans toute sa charitable douceur, est déployée à nos regards, nous y répondons avec un comment. Ce peut être un comment théologique, ou un comment rationaliste, peu importe, c’est toujours le pauvre cœur qui veut raisonner, au lieu de croire la vérité et de recevoir la grâce de Dieu. La volonté est active et, en conséquence, quoique la conscience puisse être mal à l’aise et le cœur mécontent de lui-même et de ce qui l’entoure, néanmoins le comment ? de l’incrédulité sort sous une forme ou sous une autre. Nicodème dit : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? » [Jean chapitre 3 verset 4]. La Samaritaine dit : « Comment peux-tu me demander à boire ? ».

Il en est toujours ainsi. Quand la Parole de Dieu nous déclare la totale indignité de notre nature, le cœur, au lieu de se rendre avec humiliation à la sainte Écriture, exhale ses profanes raisonnements. Quand la même Parole expose la grâce illimitée de Dieu, et le salut gratuit qui est dans le Christ Jésus, le cœur, au lieu de recevoir la grâce et de se réjouir dans le salut, commence à raisonner en demandant comment cela peut être. Le cœur humain est fermé à Dieu — fermé à la vérité de Sa Parole, et à l’amour qu’Il nous montre. Si le diable parle, le cœur lui donne aisément créance. Si l’homme parle, le cœur accueillera volontiers ses paroles. Mensonges du diable, non-sens de l’homme rencontreront un facile accès dans le pauvre cœur humain ; mais dès l’instant que c’est Dieu qui parle, que ce soit dans le langage plein d’autorité de la vérité, ou dans les accents pleins d’attrait de la grâce, tout le retour que Dieu trouve dans le cœur humain, c’est un comment ? incrédule, sceptique, rationaliste, infidèle. Tout est bon pour le cœur naturel, excepté la vérité et la grâce de Dieu.

Toutefois, dans le cas de la femme de Sichar, notre Seigneur ne se laissa pas repousser par son comment. Il avait répondu au comment de l’homme d’entre les pharisiens, et Il voulait aussi répondre au comment de la Samaritaine. Il avait répliqué à Nicodème en lui montrant le serpent d’airain, et en lui parlant de l’amour de Dieu signalé par l’envoi de son Fils ; et Il réplique à la Samaritaine en lui parlant, à elle aussi, du « don de Dieu ». « Jésus répondit et lui dit : Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, tu lui eusses demandé, et il t’eût donné de l’eau vive ».

Or, ce petit mot « don » ouvre devant l’âme un vaste horizon de précieuses vérités. Le Seigneur ne dit pas : « Si tu connaissais la loi, tu aurais demandé ». En effet, si elle l'avait connue, elle aurait dû se voir perdue et condamnée sous la loi, bien loin d’être encouragée à demander quelque chose. Personne n’a jamais obtenu « de l’eau vive » par la loi. « Fais cela et tu vivras » [Luc chapitre 10 verset 28], tel était le langage de la loi. La loi ne donnait rien à personne, sauf à l’homme qui l’avait toujours observée et qui pourrait la garder jusqu’à la fin et parfaitement. Et où était cet homme ? Assurément la femme de Sichar n’avait pas gardé la loi. Cela n’était que trop évident. Elle avait bronché au moins en un point, et elle était coupable à l’égard de tous (Jacques chapitre 2).

« Mais pourquoi, demandera peut-être quelqu’un, mettre continuellement en opposition la loi et la grâce ? Ne font-elles pas l’une et l’autre partie d’un grand système, au moyen duquel Dieu veut instruire l’homme et le rendre propre à habiter le ciel ? ». Nous répondons que si nous les mettons en opposition, c’est que le Saint Esprit les y met de même à réitérées fois. Que le lecteur médite sur Actes chapitre 15, Galates chapitres 3 et 4, et 2 Corinthiens chapitre 3, et qu’il nous dise ce qu’il a trouvé dans ces chapitres. N’est-ce pas le contraste le plus signalé et le plus frappant qu’il fût possible de présenter ? Qui est-ce qui peut lire ces admirables passages de l’Écriture inspirée et soutenir que la loi est une partie nécessaire et intégrante de l’évangile ; et que si vous ôtez la loi, vous ne laissez rien qui soit digne de s’appeler l’évangile ? Que la loi fût un pédagogue pour les Juifs depuis le moment où elle fut donnée jusqu’à ce que Christ vînt, l’apôtre nous le dit dans son épître aux Galates. Que la loi soit bonne si quelqu’un en use légitimement, c’est ce que nous dit le même apôtre dans sa première épître à Timothée (chapitre 1 versets 7 à 9), en ajoutant que la loi n’a pas du tout été donnée pour le juste. Que la loi l’ait tué, c’est ce que dit encore Paul dans le septième chapitre de l’épître aux Romains. Que la loi, bien loin d’être une partie intégrante de l’évangile, soit intervenue entre la promesse faite à Abraham et son accomplissement dans la personne d’un Christ mort et ressuscité, c’est ce qu’il nous dit dans le troisième chapitre de l’épître aux Galates. Mais affirmer que la loi est une partie nécessaire de l’évangile, c’est tout aussi absurde que si l’on disait que la malédiction est une partie nécessaire de la bénédiction, la colère une partie nécessaire de la faveur, la mort une partie nécessaire de la vie, la condamnation une partie nécessaire de la justice. Veuille le Seigneur délivrer les âmes de la funeste influence des enseignements de ceux qui, voulant être docteurs de la loi, n’entendent ni ce qu’ils disent ni ce sur quoi ils insistent [1 Timothée chapitre 1 verset 7] !

Quel bonheur pour la fille égarée de Jacob que le Seigneur eût pour elle autre chose que les foudres de la loi ! Il pouvait lui parler d’un « don », et assurément ce qui est rigoureusement exigé ne forme pas une partie intégrante ou nécessaire d’un don. « Le don de Dieu est la vie éternelle », non par la loi, mais « par Jésus Christ notre Seigneur » [Romains chapitre 6 verset 23]. La loi n’a jamais même proposé quelque chose de tel que la vie éternelle dans les cieux. Elle parlait d’une « vie prolongée sur la terre ». Mais l’évangile nous offre une vie éternelle dès ici-bas, et ensuite une gloire éternelle dans le ciel. Ce sont donc deux systèmes totalement différents, et non pas deux parties du même système. « Si tu connaissais le don de Dieu », c’est-à-dire Christ lui-même, « tu lui eusses demandé, et il t’eût donné de l’eau vive », c’est-à-dire le Saint Esprit. Ainsi donc, si sous la loi, il n’y avait que réquisitions, défenses et malédictions ; sous l’évangile, tout est don, grâce et bénédiction.

Et d’où venait cette différence ? Le législateur était descendu du sommet de la montagne enflammée. Il avait mis de côté Ses foudres et s’était revêtu de notre humanité. Ainsi descendu, ainsi revêtu, Il s’assied sur le puits de Sichar, fatigué et altéré, et quoiqu’Il eût pu mettre la main sur tous les trésors de l’univers, Il demande un peu d’eau à une misérable pécheresse. Quoi ! lecteur, pourriez-vous dire en jetant vos regards sur cette touchante scène que, « si vous séparez la loi de l’évangile, il n’y reste rien qui soit digne du nom d’évangile » ? Que penseriez-vous d’un homme qui se lèverait pour dire : « Si vous ôtez le septième commandement du quatrième chapitre de l’évangile de Jean, vous n’y laissez rien qui soit digne du nom d’un évangile » ? Est-ce que les tonnerres du mont Sinaï forment une partie intégrante des gloires morales qui brillent à nos yeux au puits de Jacob ? Qu’il est à plaindre celui qui peut avoir et nourrir de telles pensées !

[Messager Évangélique 1863 pages 281-293]

En poursuivant nos méditations sur la remarquable scène qui se passe au puits de Sichar, ce qui nous frappe c’est l’insistance avec laquelle la femme présente ses questions. Elle n’a pas plus tôt reçu une réponse, qu’elle met en avant une question nouvelle. À son premier « comment ? » le Seigneur avait répondu en lui parlant du « don de Dieu », et cette réponse même devient pour elle le motif d’une autre question. « La femme lui dit : Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond ; d’où as-tu donc cette eau vive ? ».

Pauvre femme ! Combien peu elle connaissait encore Celui auquel elle parlait ! — Le puits pouvait être profond en effet, mais il y avait quelque chose de plus profond encore, savoir les profonds besoins de son âme ; et quelque chose de plus profond encore que ces besoins, savoir la grâce qui avait fait descendre le Christ des cieux pour répondre à ces besoins. Mais elle connaissait si peu ce qu’Il était, qu’elle pouvait Lui dire : « Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné le puits ; et lui-même en a bu, et ses fils, et son bétail ? ». Elle ne savait pas qu’elle s’adressait au Dieu de Jacob — à Celui qui avait formé Jacob et qui lui avait donné tout ce qu’il avait pu posséder. Elle ignorait tout cela. Ses yeux étaient encore fermés, et c’est là la clef de ses singulières questions.

Il en est toujours de même. Partout où vous voyez des gens soulevant des questions, vous pouvez être parfaitement sûr que leurs yeux ne sont pas encore ouverts. Le rationaliste, le sceptique, l’incrédule sont des aveugles — et c’est cela même qui les fait poser des questions, soulever des difficultés, se former des doutes. Ils peuvent être forts instruits, néanmoins on est stupéfait d’entendre parfois quelles absurdes questions ils peuvent avancer. Un enfant, en connaissance spirituelle, aurait bien sujet de sourire aux difficultés présentées par d’érudits incrédules aux cheveux gris.

Cependant, dans le cas de la Samaritaine, les questions n’étaient pas tant l’effet d’une audacieuse incrédulité, que de l’aveuglement et de l’ignorance naturels ; aussi le Seigneur l’écoute avec patience. En certaines occasions, Il savait comment faire taire et congédier un questionneur indiscret ou curieux ; mais il était d’autres occasions où Il pouvait, plein de miséricordieuse condescendance et avec une patience parfaite, écouter le pauvre et ignorant interrogateur, dans le but de répondre à ses questions, de résoudre ses doutes et de dissiper ses craintes.

Il en était ainsi au puits de Sichar. Le Sauveur avait résolu de se faire connaître à cette malheureuse et coupable femme ; en conséquence, Il la supporte et la suit dans toutes ses interrogations ; Il résout, l’une après l’autre, ses difficultés, et ne la laisse pas avant d’avoir parfaitement convaincu et satisfait son âme en se révélant à elle. Elle pensait que le puits était profond, et demandait avec étonnement si Celui qui lui parlait était plus grand que son père Jacob. Elle ne pouvait pas concevoir comment Il pourrait se procurer cette eau dont Il parlait. « Jésus répondit et lui dit : Quiconque boit de cette eau-ci, aura de nouveau soif ». Quelque profond que fût le puits, il contenait bien peu d’eau, en comparaison de la soif qu’il devait apaiser. Les puits les plus profonds et les plus remplis de la terre peuvent être sondés et épuisés, et après tout l’âme demeure altérée. L’inscription, gravée par la main de Jésus sur la fontaine de Sichar, peut être écrite sur toutes les fontaines de ce pauvre et périssable monde : « Quiconque boit de cette eau-ci, aura de nouveau soif ». L’homme riche, de Luc chapitre 16, n’avait que trop bu dans les sources de ce monde ; mais il avait de nouveau soif. Oh ! oui, étant en enfer, et élevant ses yeux, comme il était dans les tourments, il implorait, mais implorait en vain, une seule goutte d’eau pour rafraîchir sa langue desséchée. Il n’y a pas une seule goutte d’eau dans l’enfer. Sérieuse pensée ! sérieuse pour tous, mais des plus effrayantes pour tous ceux qui poursuivent la luxure, le plaisir et les grandeurs, qui emploient leur temps à courir d’une fontaine à l’autre dans ce monde, sans songer à une éternité de soif ardente dans le lac de feu. Que Dieu, par Son Esprit, veuille arrêter ceux qui sont tels et les amener à Jésus Christ, qui donne cette eau vive de laquelle celui qui boit n’aura plus jamais soif !

Qu’elle est consolante cette parole : « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, moi, n’aura plus soif, à jamais ; mais l’eau que je lui donnerai sera en lui une fontaine d’eau jaillissante jusque dans la vie éternelle ». Voilà ce qui satisfait et apaise les besoins d’une âme : elle possède au-dedans d’elle une fontaine d’eau vive, toujours fraîche, toujours courante, toujours jaillissant en haut vers sa source originelle ; car les eaux cherchent toujours leur niveau. Notre Seigneur veut parler ici du Saint Esprit qui habite dans tout vrai croyant, et qui est le puissant moyen de communion avec le Père et avec Son Fils Jésus Christ. En Jean chapitre 3 verset 5, il est question du Saint Esprit considéré quant à Son œuvre de vivification. Au chapitre 4 verset 14, Il est présenté comme la puissance de communion, et au chapitre 7 verset 38, comme la puissance du ministère. C’est par le Saint Esprit que l’âme est régénérée ; par Lui que nous sommes rendus capables d’avoir communion avec Dieu et d’y demeurer, et par Lui que nous devenons des canaux de bénédiction pour d’autres. Tout cela provient du Saint Esprit qui nous unit, par un lien éternel, à Christ, le chef de la nouvelle création, en qui et par qui nous jouissons de toutes les bénédictions et de tous les privilèges, dont il a plu au Père de nous enrichir.

Mais remarquez comme tout cela ressort de notre récit : « La femme lui dit : Seigneur, donne-moi de cette eau, afin que je n’aie pas soif, et que je ne vienne pas ici pour puiser ». Elle est encore dans les ténèbres. Son cœur ne semble pas encore avoir été atteint. Ses yeux sont fermés, son intelligence est obscurcie. Le Sauveur des pécheurs était devant elle, mais elle ne Le connaissait pas. Il lui faisait entendre des paroles de grâce, mais elles ne les comprenait pas. Il lui avait demandé à boire, elle Lui répondait par un « Comment ? ». Il lui avait parlé du don de Dieu, elle répliquait par un « d’où ? ». Il lui avait fait entrevoir une source éternelle, elle n’y voit que l’avantage de s’épargner la peine de venir puiser l’eau du puits. Que reste-t-il à faire à son égard ? Uniquement et précisément ceci : « Va, appelle ton mari, et viens ici ».

C’est là, en effet, la grande affaire, qui va donner un tout autre tour aux pensées de cette malheureuse femme. Notre Seigneur est forcé, pour ainsi parler, de prendre une flèche de Son carquois et de la lancer directement à la conscience de la Samaritaine. Elle avait dit : « Donne-moi de cette eau », Jésus lui répond : « Va, appelle ton mari », ce qui revient à ceci : « Si tu désires de cette eau dont je t’ai parlé, tu ne peux l’obtenir que comme une pauvre pécheresse au cœur brisé par le sentiment de ton indignité ». Chose vraiment merveilleuse ! Qui pourrait sonder toute la profondeur de ces deux mots dans la bouche du Christ : « Va » et « viens » ? Elle devait non seulement aller et appeler son mari, mais encore revenir à Christ telle qu’elle était moralement. C’était là pour elle le moyen d’obtenir de l’eau vive. « Va, appelle ton mari ». Ces paroles font rayonner la vérité sur la conscience de la femme, dans le but de manifester son véritable état moral ; mais celles-ci : « Viens ici » sont l’expression de la grâce qui pouvait inviter une aussi misérable créature à venir à Lui, absolument telle qu’elle était, pour recevoir l’eau vive, comme un don gratuit de sa main.

Tout lecteur tant soit peu attentif peut apercevoir quel puissant effet fut produit en cette femme par l’entrée du dard aigu de la conviction dans sa conscience. Maintenant pour la première fois, elle dit : « Seigneur, je vois ». C’était déjà beaucoup pour elle ; ses yeux commençaient à s’ouvrir : elle voit quelque chose. Elle comprend qu’elle est en présence d’un personnage mystérieux qu’elle prend pour un prophète. C’est à travers sa conscience que les premiers rayons de la lumière divine pénètrent comme de force dans tout son être moral. Elle découvre que Celui qui lui avait demandé à boire connaissait tout ce qui la concerne, et que néanmoins Il lui avait adressé Sa demande, Il s’était entretenu avec elle, Il ne l’avait point méprisée. C’était bien là un moment décisif dans l’histoire de sa vie spirituelle.

Lecteur, avez-vous jamais connu par expérience un pareil moment ? Votre conscience s’est-elle réellement une fois trouvée en présence de cette lumière qui manifeste tout ? Vous êtes-vous jamais considéré vous-même comme un pauvre pécheur, perdu, coupable, sans Christ, méritant l’enfer ? Est-ce que la flèche est entrée dans votre conscience ? Christ a, dans Son carquois, des flèches de divers genres. Il avait une flèche pour un homme d’entre les pharisiens ; Il avait une flèche pour la femme de Sichar. C’étaient des flèches différentes, mais elles faisaient chacune son œuvre. « Celui qui pratique la vérité, vient à la lumière » [Jean chapitre 3 verset 21], telle était la flèche pour le pharisien. « Va, appelle ton mari », telle était la flèche pour la femme de Sichar. Elles sont, sans aucun doute, entièrement différentes, mais chacune à son œuvre à faire. Il faut que la conscience soit atteinte. Il faut que la question de péché et de justice soit résolue en la présence de Dieu. Eh bien, lecteur, votre conscience a-t-elle été atteinte ? Cette grande et toute importante question a-t-elle été réglée entre votre âme et Dieu ? S’il en est ainsi, vous serez à même de comprendre le reste de cet attrayant récit.

Arrivés à ce point de notre sujet, nous pouvons remarquer qu’il y a trois choses à considérer dans l’histoire de la Samaritaine : un pécheur manifesté, un Sauveur révélé, un saint dévoué. Ces mots : « Va, appelle ton mari » manifestent la pécheresse. Mais n’avons-nous pas souvent observé que, lorsque la conscience d’un pécheur est travaillée au sujet de ses péchés et des droits de Dieu, il est fort porté à se laisser préoccuper par des questions relatives au mode et aux lieux de culte ? N’en a-t-il pas été ainsi de la plupart d’entre nous ? Il y en a peu qui aient parcouru les premiers degrés de ce que l’on appelle la vie religieuse sans que leur cœur ait été plus ou moins troublé par les prétentions rivales d’églises ou de dénominations diverses. Où dois-je rendre culte à Dieu ? À quelle dénomination dois-je me joindre ? À quelle église m’agréger ? Quelle est la plus conforme à l’Écriture ? Voilà tout autant de questions que plusieurs d’entre nous ont cru devoir examiner sérieusement, et cela même parfois longtemps avant que nos âmes eussent trouvé le repos dans la foi en un Sauveur révélé : précisément comme la pauvre femme de Sichar. Elle n’a pas plus tôt donné essor à ce mot : « Je vois », qu’elle se met à discourir sur les lieux de culte : « Nos pères ont adoré sur cette montagne-ci, et vous dites qu’à Jérusalem est le lieu où il faut adorer ». Les uns adorent ici, d’autres adorent là : où donc devons-nous adorer ?

Or, sans vouloir le moins du monde contester l’intérêt que présentent de telles questions, nous n’en affirmons pas moins très positivement que ce ne sont pas des questions sur lesquelles doive s’arrêter un pécheur reconnu comme tel ou convaincu. Pour un tel homme, la grande affaire, celle qui absorbe toutes les autres, c’est de se mettre, c’est de se trouver en la présence d’un Sauveur révélé. Oui, nous le répétons, et cela de la manière la plus solennelle, ce dont un pécheur reconnu a besoin, c’est non pas d’un lieu de culte, d’une secte, d’une église ou d’une dénomination, mais d’un Sauveur révélé. Que cette pensée soit soigneusement pesée, bien comprise et soigneusement gardée dans l’âme : Un pécheur convaincu ne peut jamais devenir un saint dévoué, avant d’avoir trouvé avec bonheur sa place aux pieds d’un Sauveur révélé.

Qu’on nous permette d’insister sur la sérieuse importance du point qui nous occupe. On a fait souvent beaucoup de mal aux âmes, on a compromis les vrais intérêts du christianisme pratique, en occupant ces âmes d’églises et de dénominations, au lieu de les entretenir d’un Dieu Sauveur. Celui qui se joint à une église avant d’avoir trouvé Christ, s’expose au grand danger de faire d’une église une marche ou un échelon pour arriver à Christ ; or il n’est que trop fréquent de voir que ces échelons pour arriver à Christ, se trouvent ensuite être des échelons pour éloigner de Christ. Nous n’avons pas besoin d’échelons pour aller à Christ. Il s’est assez approché de nous pour rendre inutile un semblable moyen. La Samaritaine adultère n’exigeait rien de pareil : Christ était à côté d’elle quoiqu’elle ne Le connût pas, et Il travaillait patiemment à la déloger de toutes les cachettes dans lesquelles elle s’abritait, afin qu’elle pût se voir elle-même comme une grande pécheresse, et le voir Lui, Jésus Christ, comme un grand Sauveur, apportant du ciel une grâce parfaite pour la sauver, non seulement de la culpabilité et des conséquences de son péché, mais aussi de la pratique et de la puissance de ce péché. Que pouvait faire pour elle cette montagne ou Jérusalem ? N’était-il pas évident qu’une question préalable et supérieure appelait sa sérieuse attention, savoir ce qu’elle avait à faire avec ses péchés — comment elle pouvait être sauvée ? Pouvait-elle aller, appeler son mari, et se rendre à la montagne de Samarie ou au temple de Jérusalem ? Quel soulagement ces lieux pouvaient-ils apporter à son cœur angoissé ou à sa conscience chargée ? Pouvait-elle là trouver le salut ? Pouvait-elle là adorer le Père en esprit et en vérité ? N’était-il pas clair qu’elle avait besoin du salut, avant de pouvoir adorer en quelque lieu que ce fût ?

Une réponse complète et fidèle est donnée à toutes ces questions dans ces paroles : « Jésus lui dit : Femme crois-moi : L’heure vient que vous n’adorerez le Père, ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. Vous adorez, vous ne savez quoi, nous adorons ce que nous connaissons ; car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient, et elle est maintenant, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car aussi le Père en cherche de tels qui l’adorent. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité ».

Ainsi donc le Seigneur montrait clairement à la femme, non seulement qu’elle était une pécheresse, mais encore qu’il ne lui servait de rien de porter son esprit sur des questions relatives à des lieux de culte. Elle avait besoin du salut, et ce salut elle ne pouvait le trouver que dans la connaissance de Dieu révélé comme Père, en la face de Jésus Christ. Tel était le fondement de tout culte véritable et spirituel ; pour pouvoir adorer le Père, il faut que nous Le connaissions, et Le connaître, c’est le salut et la vie éternelle.

Lecteur chrétien, puissions-nous remporter du puits de Sichar une sainte et fort utile leçon, quant au vrai mode de s’y prendre avec les âmes dans l’anxiété. Quand nous en rencontrons quelqu’une, ne l’occupons pas de questions de sectes et de partis, d’églises et de dénominations, de symboles et de confessions. Il est vraiment cruel d’en agir ainsi. Ces âmes ont besoin du salut — elles ont besoin de connaître Dieu — elles ont besoin de Christ. Cherchons à renfermer leur attention sur cette seule chose, engageons-les à ne pas du tout s’en distraire jusqu’à ce qu’elles aient trouvé Christ. Les questions d’église ont leur place, leur importance et leur intérêt ; mais il est évident qu’elles ne concernent pas les âmes qui sont dans l’anxiété au sujet de leurs péchés. Des milliers, nous le craignons, ont été empêchés de creuser profond et de fonder toutes leurs espérances sur le roc, parce qu’on les a imprudemment occupées de questions ecclésiastiques, au moment où leurs yeux venaient de s’ouvrir pour voir, et avant qu’elles pussent dire : « Jésus m’a aimé ». Nous sommes tous si portés à grossir les rangs de notre parti, que cela nous expose au danger de penser davantage à engager des gens à se joindre à nous, que de les conduire simplement et directement à Christ. Il faut que ce mal soit jugé. Pour cela, méditons sur l’exemple que nous donne le Maître, dans Sa manière d’agir avec la femme de Sichar, et ne nous laissons jamais aller à détourner des âmes précieuses du fondement, de l’objet et de l’esprit du culte, par des discussions inopportunes sur les divers lieux de culte.

Remarquez l’heureux résultat de cette sage et prudente conduite du Seigneur. La femme se trouve maintenant comme enfermée dans une seule chose. Maintenant elle est prête à recevoir un Sauveur révélé ; elle Lui dit : « Je sais que le Messie, qui est appelé le Christ, vient ; quand celui-là sera venu, il nous fera connaître toutes choses ». Elle en a fini, ce semble, avec ses difficultés et ses questions. Elle avait demandé « Comment ? » et Il lui avait répondu. Elle avait demandé « D’où ? » et Il lui avait répondu. Elle avait demandé « Où ? » et Il lui avait répondu. Maintenant que lui reste-t-il à désirer ? J’ai besoin du Christ, dit-elle. Il lui répond : Tu l’as. — « C’est moi qui te parle ». C’est assez. Tout est fini maintenant qu’elle a trouvé son tout en Christ. Ce n’est plus une montagne ni un temple, Samarie ni Jérusalem qu’il lui faut. Elle a trouvé Jésus le Messie — un Sauveur-Dieu. Une pécheresse convaincue et un Sauveur révélé se sont rencontrés, face à face, et tout est mis en règle, une fois et pour toujours. Elle a découvert le fait merveilleux que Celui qui lui avait demandé un peu d’eau connaissait tout ce qui la concernait — qu’Il pouvait lui dire tout ce qu’elle avait fait, et que néanmoins Il lui parlait du salut. Que lui fallait-il de plus ? Rien. « La femme donc laissa sa cruche et s’en alla à la ville, et dit aux hommes : Venez, voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait, celui-ci n’est-il point le Christ ? ».

Ici, nous trouvons une sainte dévouée. L’œuvre était parfaite. Comment pouvait-il en être autrement, puisque c’était la main du Maître qui l’avait opérée ? Il avait mis à l’épreuve la conscience de la Samaritaine jusqu’à ses plus intimes profondeurs — Il l’avait manifestée à ses propres yeux telle qu’elle était — Il l’avait poursuivie et chassée de toutes ses retraites et de ses faux refuges — Il lui avait montré l’inutile déception de s’occuper de lieux de culte — Il lui avait fait sentir que rien, si ce n’est Christ Lui-même, ne pouvait répondre à ses besoins — enfin, Il s’était révélé à elle, Il avait pris pleine possession de son âme, et lui avait fait ressentir, par une expérience bénie, toute la puissance de déplacement qu’une nouvelle affection possède. Elle avait quitté Sichar le matin, comme une misérable femme, comme une adultère dégradée, et elle y rentrait comme une rachetée heureuse et sainte, comme une servante dévouée du Christ. Elle laisse la cruche derrière elle et retourne à la scène de ses crimes et de son avilissement, pour en faire la scène de son témoignage éclatant et décidé pour Christ : « Venez, voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ». Précieux témoignage ! Précieuse invitation !

Lecteurs chrétiens, que ce soit aussi là notre affaire désormais. Puissions-nous aussi avoir pour principal objet, d’inviter les pécheurs d’aller à Jésus. Avec quel empressement la femme l’entreprend ! Elle n’a pas plus tôt trouvé Christ pour elle-même qu’elle entre activement dans cette œuvre bénie de conduire les autres aux pieds du Sauveur. Allons et faisons de même. Cherchons, par parole et par œuvre — « de toute manière », comme le dit l’apôtre (1 Corinthiens chapitre 9 verset 22), à rassembler des âmes, en aussi grand nombre que possible, autour du Fils de Dieu. Plusieurs d’entre nous, sans doute, ont à se juger pour la tiédeur qu’ils mettent à cette œuvre excellente. Nous voyons des multitudes se précipitant sur la grande route large et spacieuse qui descend à l’éternelle perdition, et cependant combien peu nous sommes émus à cette vue ! Comme nous sommes lâches et lents à faire retentir à leurs oreilles, ce mot évangélique si vrai et si approprié à leur état : « Venez » ! Oh ! si nous avions plus de zèle, plus d’énergie, plus de ferveur ! Que le Seigneur nous accorde un si profond sentiment de la valeur des âmes immortelles, du prix infini de Christ, et des réalités solennelles et redoutables de l’éternité, qu’Il nous pousse à agir avec plus d’instances et plus de fidélité sur les âmes de nos semblables !