L’esclave sans pitié

(Traduit de l’anglais)
Matthieu 18, 23 à 35
W. Kelly

[Bible Treasury N1 p. 54-58]
[Paroles d’évangile 5.8]

La grâce qui pardonne jusqu’à l’extrême limite, est caractéristique du christianisme. Christ Lui-même en rendit témoignage de façon habituelle, et de façon explicite à la femme pécheresse dans la maison de Simon le pharisien. C’est le message de base de l’évangile ; et l’Église suppose qu’il est établi pour le moindre membre du corps de Christ.

Pierre suggérait ce qu’il regardait comme une limite parfaite du pardon, et s’enquit si sept fois était satisfaisant ; le Seigneur répondit : Jusqu’à soixante-dix fois sept fois. La grâce refuse une limite fixée et demande la plus grande marge ; mais la parabole indique solennellement le sort de celui qui n’a pas de cœur pour cela. Quel que soit ce à quoi l’homme prétende, le seul vrai Dieu, le Père, était inconnu, tout comme Jésus Christ qu’Il avait envoyé : il n’avait pas la vie éternelle.

« C’est pourquoi le royaume des cieux a été fait semblable à un roi qui voulut compter avec ses esclaves. Et quand il eut commencé à compter, on lui en amena un qui lui devait dix mille talents. Et comme il n’avait pas de quoi payer, son seigneur ordonna qu’il fût vendu, lui, et sa femme, et ses enfants, et tout ce qu’il avait ; et que le payement fût fait. L’esclave donc, se jetant à ses pieds, lui rendit hommage, disant : Seigneur, use de patience envers moi, et je te payerai tout. Et le seigneur de cet esclave-là, touché de compassion, le relâcha et lui remit la dette. Mais cet esclave, étant sorti, trouva un de ceux qui étaient esclaves avec lui, qui lui devait cent deniers ; et l’ayant saisi, il l’étranglait, disant : Paye, si tu dois quelque chose. Celui donc qui était esclave avec lui, se jetant à ses pieds, le supplia, disant : Use de patience envers moi, et je te payerai. Et il ne voulut pas ; mais il s’en alla et le jeta en prison jusqu’à ce qu’il eût payé la dette. Or ceux qui étaient esclaves avec lui, voyant ce qui était arrivé, furent extrêmement affligés, et s’en vinrent et déclarèrent à leur seigneur tout ce qui s’était passé. Alors son seigneur, l’ayant appelé auprès de lui, lui dit : Méchant esclave, je t’ai remis toute cette dette, parce que tu m’en as supplié ; n’aurais-tu pas dû aussi avoir pitié de celui qui est esclave avec toi, comme moi aussi j’ai eu pitié de toi ? Et son seigneur, étant en colère, le livra aux bourreaux, jusqu’à ce qu’il eût payé tout ce qui lui était dû. Ainsi aussi mon Père céleste vous fera, si vous ne pardonnez pas de tout votre cœur, chacun à son frère » (Matt. 18, 23-35).

Mais il est fait mention d’un débiteur particulier, et sa dette était énorme. Même s’il s’agissait d’argent, Haman n’offrit pas davantage afin de détruire tout le peuple juif. Le pécheur devant Dieu est non moins coupable. Rien d’étonnant à ce qu’il « soit amené devant Lui » : de lui-même, il ne serait jamais venu. Tout dépend de la réalité de la soumission d’un homme à la justice de Dieu. S’il n’est pas né de Dieu, elle est superficielle. La profession peut n’avoir aucune racine de foi, mais découler soit d’un simple sentiment de terreur, soit de la sympathie. Ce peut n’être qu’une croyance ou le respect de l’opinion publique. C’est souvent une appréhension mentale. Dans de tels cas, il n’y a pas de jugement complet de soi, ni une repentance divinement formée, et par là aucun véritable sentiment de la grâce de Dieu, ni réelle appréciation de Christ et de Son œuvre, par laquelle la foi connaît. Mais la sentence du jugement (car la colère de Dieu est révélée du ciel contre toute impiété et toute iniquité des hommes qui possèdent la vérité tout en vivant dans l’iniquité) peut alarmer les âmes qui professent le nom du Seigneur sans avoir de foi vivante. Il en était ainsi quand notre Seigneur prêchait ; comme Il avertissait ceux qui recevait aussitôt la parole avec joie, et l’abandonnaient bientôt dans l’épreuve. Il en était encore bien davantage ainsi, quand l’évangile se propagea à toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout de la terre. Un cas unique est plus parlant qu’une foule. De plus, comme on croit individuellement, de même le jugement sera individuel.

Ici, le débiteur qui ne garda pas la parole, ni ne porta du fruit avec patience, « étant sorti », trahit bientôt sa vacuité. Lui, étant une pierre morte, qui n’avait jamais goûté que le Seigneur était bon, s’en prit sans ménagement à son prochain qui lui devait une dette comparativement petite. Et son seigneur, révolté par une cruauté si égoïste après une telle grâce, l’envoie non seulement en prison, mais aux bourreaux, dans une ruine irréparable.

Ô mon lecteur, ne trompez pas votre âme : on ne se moque pas de Dieu. Lisez non seulement Galates 6, 7 à 10, mais aussi Romains 2, 7 à 11, qui insiste non sur la grâce qui sauve, mais sur le caractère indispensable de ceux qui sont sauvés. « Car le jugement est sans miséricorde pour celui qui n’a pas usé de miséricorde ».

Qu’en est-il alors de votre âme, mon lecteur ? Avez-vous reçu Christ et cru l’évangile pour la rémission de vos péchés ? Car c’est là l’ABC du message de Dieu basé sur la rédemption de Christ. Il y a bien davantage qui a été donné dans Sa grâce ; mais Dieu commence par cette touchante réponse des plus nécessaires à votre profond besoin. Il ne se souvient plus de nos péchés ni de nos iniquités, comme Il nous l’assure souvent ; mais Il veut que nous sachions qu’ils ont été ôtés par le sang du Sauveur, tandis que nous nous souvenons de Lui et montrons Sa mort de façon habituelle. Que peut-on concevoir de plus contradictoire avec Sa grâce, qu’un esprit dur et vindicatif ? Ne sommes-nous pas, nous qui avons été pardonnés, clairement chargés de pardonner ? Bien plus, ne sommes-nous pas solennellement avertis que le Père céleste de Christ rendra un jugement sans merci, non seulement aux adversaires déclarés, Juifs ou Gentils, mais au professant chrétien en particulier, s’il ne pardonne pas de tout son cœur les transgressions de son frère ? Y a-t-il un chemin plus semé d’embûches que de passer rapidement sur la signification claire de ce qui est de Christ, sous la folle affirmation que, quoi qu’il arrive, nous sommes en sûreté ? Celui qui croit au salut de l’âme n’est ni présomptueux ni lâche, là où il s’agit de Christ, mais garde Sa parole et ne renie pas Son nom, partageant Sa vie et manifestant Son caractère.

L’esclave avec une dette de dix mille talents envers Dieu est historiquement le Juif, se prévalant avidement d’un oubli de tout en grâce dans l’évangile, mais si peu imprégné de l’Esprit de Christ, qu’il hait et persécute, interdisant toute grâce pour les Gentils à cause de leur injustice envers Israël, qui est bien peu comparée à la méchanceté des Juifs contre Dieu. C’est pourquoi, comme le montre l’apôtre, la colère est venue sur eux au dernier terme (1 Thess. 2, 16). Ainsi aussi, nous voyons dans les Actes des apôtres que, quoique la rémission de leurs péchés leur soit prêchée pour qu’ils se repentent et se tournent vers Dieu, ils ne profitèrent pas vraiment de Sa miséricorde. Ils suivirent envieusement, et comme des ennemis, les pas de Ses messagers, qu’Il avait envoyé vers les Gentils. Ainsi, ils ne plaisaient pas à Dieu et étaient opposés à tous les hommes, et fournissaient le triste témoignage que, si celui qui méprise la loi de Moïse meurt sans miséricorde sur la déposition de deux ou de trois témoins, combien plus sévère sera la punition de ceux qui foulent aux pieds et estiment profane le sang de l’alliance et outragent l’Esprit de grâce.