Les ouvriers embauchés

(Traduit de l’anglais)
Matthieu 20, 1 à 16
W. Kelly

[Bible Treasury N1 p. 71-72]
[Paroles d’évangile 5.9]

Les gens ont peu de difficulté à comprendre la force générale de la réponse faite à Pierre, qui disait : « Voici, nous avons tout quitté et nous t’avons suivi ; que nous adviendra-t-il donc ? ». Notre Seigneur montre que Dieu ne sera le débiteur de personne, et que pour chaque perte faite pour l’amour de Son nom, chacun recevra en retour le centuple et héritera de la vie éternelle. Mais Il ajoute ces paroles d’avertissement : Plusieurs qui sont les premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers. Car tandis que Christ est le motif là où se trouve la foi, la récompense n’est qu’un encouragement pour celui qui suit le Sauveur, elle l’encourage quand il est déjà en chemin. Faites de la récompense l’objet, et tout devient du mercenariat. Même là où Christ est la puissance qui contraint, il y a le danger de Le voiler sous une estimation excessive des sacrifices faits par amour pour Lui ; et de là le besoin de penser à l’insuffisance impliquée par la confiance en soi. Dans tous les cas, cependant, Dieu n’oublie jamais, mais Il rembourse assurément.

Comment se fait-il donc qu’il y ait tant de perplexité et de différence entre autrefois et actuellement, quant à la parabole qui débute le chapitre 20 ? C’est parce que l’homme occupe une telle place à ses propres yeux, qu’il ne reste plus de place pour la souveraine grâce de Dieu. C’est la chose même que le Seigneur déclare ici. Les hommes pieux peuvent et doivent l’admettre, plus ou moins clairement, dans le salut des âmes ; mais le Seigneur le revendique pour ce qui est entrepris à Son service. Et il ne devrait pas faire de doute que dans la parabole, il s’agit de service et non de salut. Hélas ! dans tous les temps, la tendance a été et est de confondre les deux choses, au grand détriment des deux ; car si elles sont mélangées, aucune âme qui a un sentiment convenable de son service inutile ne peut ou ne devrait être assurée de son salut ; pourtant, sans cette assurance, la grâce de Dieu n’est pas pleinement reçue, et le sang de Christ n’a pas pratiquement purifié la conscience, de sorte que le service est corrompu dans une mesure analogue, du début à la fin. Et ce n’est pas étonnant ; car il ne peut alors jamais y avoir de confiance et de joie dans l’espérance, que nous sommes exhortés à tenir ferme jusqu’à la fin.

Maintenant, que peut-il y avoir de plus simple dans l’Écriture que la vérité que « le don de grâce de Dieu, c’est la vie éternelle dans le christ Jésus, notre Seigneur » (Rom. 6, 23) ? Chez Jean, dans l’évangile et les épîtres, il n’est pas moins clair que le croyant a cette vie maintenant. Sans aucun doute, elle est dans le Fils, et seulement en Lui, justement et de façon assurée ; mais « celui qui croit en moi, a la vie éternelle » (Jean 6, 47). Et la première épître fut écrite afin que les enfants de Dieu sachent que eux qui croient au nom du Fils de Dieu, ont la vie éternelle. Ils n’attendent pas Sa nouvelle venue pour l’avoir ; ils l’ont maintenant pour leur âme, ils l’auront aussi pour leur corps, et dans sa propre sphère glorieuse, quand Il viendra pour eux. Et c’est de la vie éternelle, de manière générale, que parlent les évangiles synoptiques.

Mais la parabole considère, non pas la conversion, ni la vie éternelle, mais le travail dans la vigne. Comment ceux qui connaissent l’évangile peuvent-ils tomber dans une erreur si évidente et si grave, que d’oublier cela ? C’était pour Christ que Simon Pierre avait tout quitté et L’avait suivi. Christ l’avait attiré, et non pas la récompense, quoiqu’il y eût une récompense ; car Dieu n’est pas injuste pour oublier toute œuvre ou tout travail d’amour montré pour Son nom dans le service des saints ou de l’évangile. Mais c’est l’amour divin en Christ, vu par la foi, qui attire l’âme après Lui, et rend Son appel efficace. Seuls ceux qui sont tels accomplissent un travail qui plaît à Dieu ; et la vie éternelle est en conséquent montrée en Romains 2, se trouver à la fin d’une course portant du fruit ; mais le plus grand soin est pris, dans la même épître, pour déclarer que nous sommes justifiés gratuitement par Sa grâce (Rom. 3, 24). Oui, cela exclut toute œuvre de notre part dans ce grand acte de Sa grâce. « Or à celui qui fait des œuvres, le salaire n’est pas compté à titre de grâce, mais à titre de chose due ; mais à celui qui ne fait pas des œuvres, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est comptée à justice » (Rom. 4, 4-5).

Dans la parabole, au contraire, il est question de travail fait pour le maître de maison, qui appelle et envoie dans sa vigne.

« Car le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui sortit dès le point du jour afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Et étant tombé d’accord avec les ouvriers pour un denier[1] par jour, il les envoya dans sa vigne. Et sortant vers la troisième heure, il en vit d’autres qui étaient sur la place du marché à ne rien faire ; et il dit à ceux-ci : Allez, vous aussi, dans la vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste ; et ils s’en allèrent. Sortant encore vers la sixième heure et vers la neuvième heure, il fit de même. Et sortant vers la onzième heure, il en trouva d’autres qui étaient là ; et il leur dit : Pourquoi vous tenez-vous ici tout le jour sans rien faire ? Ils lui disent : Parce que personne ne nous a engagés. Il leur dit : Allez, vous aussi, dans la vigne, et vous recevrez ce qui sera juste. Et le soir étant venu, le maître de la vigne dit à son intendant : Appelle les ouvriers, et paye-leur leur salaire, en commençant depuis les derniers jusqu’aux premiers. Et lorsque ceux [qui avaient été engagés] vers la onzième heure furent venus, ils reçurent chacun un denier ; et quand les premiers furent venus, ils croyaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun un denier. Et l’ayant reçu, ils murmuraient contre le maître de maison, disant : Ces derniers n’ont travaillé qu’une heure, et tu les as faits égaux à nous qui avons porté le faix du jour et la chaleur. Et lui, répondant, dit à l’un d’entre eux : Mon ami, je ne te fais pas tort : n’es-tu pas tombé d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui est à toi et va-t’en. Mais je veux donner à ce dernier autant qu’à toi. Ne m’est-il pas permis de faire ce que je veux de ce qui est mien ? Ton œil est-il méchant, parce que moi, je suis bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers les derniers, car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus » (v. 1-16).

Le Seigneur énonce clairement la véritable source et le principe du service. C’est la confiance en celui qui appelle. Tout est établi avec une sagesse divine. Les premiers ouvriers appelés se mettent d’accord sur les conditions. Ceux à la troisième heure vont travailler sur sa parole : « je vous donnerai ce qui sera juste », comme le firent ceux à la sixième et à la neuvième heure. Le dernier lot à la onzième heure y alla simplement à son appel : « Allez, vous aussi, dans la vigne ». C’est avec ces derniers qu’il est ordonné à l’intendant de commencer, en donnant à chacun un denier. Cela provoqua les murmures des premiers ouvriers, qui étaient jaloux de la libéralité du maître de maison. Mais il ferma immédiatement la bouche à leur porte-parole. L’injustice dont ils se plaignaient se trouvait seulement dans le plaignant. « N’es-tu pas tombé d’accord avec moi pour un denier ? ». La grâce se réserve le droit de bénir. « Ton œil est-il méchant, parce que moi, je suis bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers les derniers ». Ceux qui sont méprisés jouissent de la grâce qui abonde au-delà de tout ce que peut envisager l’homme, et ceux qui se complaisent dans des pensées égoïstes sombreront justement. Dieu, qui ne manque jamais en justice, maintient Son droit d’agir selon Sa propre bonté. Il est souverain même en ce en quoi l’homme élève ses prétentions, à son propre détriment. Incontestablement juste, Il est bon et agira d’après cela, comme Il aime à le faire : quelle perte et quelle misère s’infligent ceux qui contestent cela !