Ne résistez pas au mal

Matthieu 5, 38-41
Traduit de l’anglais
W. Kelly

Le Seigneur avance ici au-delà de toute pensée juive, et de fait humaine, quand Il enjoint à Ses disciples la grâce patiente à l’égard de toutes sortes de maux infligés. Il est interdit de résister. Il cite, d’après la loi, le principe du talion, comme on l’appelle, ou des représailles, pour l’abandonner expressément. Ce principe était tout spécialement ouvert aux abus ; mais même quand il était appliqué avec la justice la plus stricte, constituant un frein puissant à la vindicte humaine, combien il était loin de la pensée du ciel que Christ manifestait sur la terre, et qu’Il établissait comme la seule conduite qui convienne aux fils de Son Père ! Pouvons-nous concevoir un plus grand choc pour les sentiments des Juifs ?

« Vous avez ouï qu’il a été dit : « Œil pour œil, et dent pour dent ». Mais moi, je vous dis : Ne résistez pas au mal ; mais si quelqu’un te frappe (ou va te frapper) sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre ; et à celui qui veut plaider contre toi et t’ôter ta tunique, laisse-lui encore le manteau ; et si quelqu’un veut te contraindre de faire un mille, vas-en deux avec lui ».

Sans aucun doute, le monde ne peut entrer sur un tel terrain. Pour l’homme naturel, la règle des cieux est impossible. Pourtant, c’est un thème favori, pour des personnes qui ne croient ni à la déité du Seigneur ni à Sa valeur expiatoire, de parler du sermon sur la montagne comme étant l’idéal parfait de la législation chrétienne. Ce n’est rien de plus qu’une récitation académique. Ce n’est pas non plus qu’ils aient la moindre idée de lui obéir eux-mêmes, ni qu’ils s’attendent à ce que d’autres présentent des traits de caractères aussi étrangers au monde. Si du mal leur était fait, dans leur personne ou leur propriété, comme le décrit le Seigneur, ils s’opposeraient entièrement à son application comme autorité vivante. Même des hommes pieux viennent en aide à leur incrédulité en se récriant contre la compréhension de Ses paroles telles qu’ils les lisent, et en plaidant en faveur de l’esprit plutôt que de la lettre.

Maintenant, il est vrai qu’ici comme partout ailleurs, la simple lettre ne suffit pas. On peut imiter les actes extérieurs décrits et manquer ce que le Seigneur a en vue tout au long de Son discours. L’obéissance la plus rigide à Ses paroles, pour avoir la vie et l’amour du Père, se révélerait, dans un tel cas, une loi plus rigoureuse que celle de Sinaï. Car le Seigneur commence avec les qualités spirituelles dans les siens, que l’on rechercherait en vain dans l’homme tombé, et qui comme telles caractérisent une nature divine que la grâce donne en partage au croyant. Bienheureux en effet ceux qui sont tels, comme Il le déclarait, et ce d’autant plus — non d’autant moins — quand ils étaient persécutés à cause de la justice, dans un monde d’iniquité ; et s’ils étaient injuriés et persécutés pour l’amour de Christ, ils étaient appelés à se réjouir et à tressaillir de joie, parce que leur récompense était grande dans les cieux. Que peut faire l’homme pour blesser ceux qui sont d’autant plus heureux qu’ils sont mal traités ? Le secret est qu’ils sont plus que vainqueurs par Celui qui les a aimés [Rom. 8, 37], et qu’ils renoncent à tout mérite propre. Mais ils ont une nouvelle vie (et c’est la vie du second homme, non celle du premier), dont les marques internes étaient manifestées pratiquement, comme le Seigneur les décrit dans les versets qui débutent le sermon (Matt. 5, 1-12), et dont découle leur position de séparation devant les hommes (v. 13-16). Dans tout ce qui nous est donné là, le Seigneur élargit la loi et les prophètes, jusqu’à les surpasser entièrement au point d’avoir, comme ici, la grâce de souffrir le mal au lieu de le punir, comme la loi l’accordait.

C’est ce que Dieu avait envoyé Son Fils manifester ici-bas, et nul ne peut Le suivre pleinement. Mais souffrir pour Son nom peut être notre part, comme elle a souvent été celle de nos frères. Ainsi, tout ce qui répond de notre part à la présence de Dieu dépend de Sa mort et de Sa résurrection, comme notre pardon dépend de Son sang ; et nous sommes redevables entièrement à Sa grâce pour les deux. C’est notre devoir et notre joie de suivre et d’imiter Celui qui est en effet notre vie ; et Il est le modèle en ne résistant pas au mal.

Mais ceux qui ergotent et voudraient réduire et anéantir Ses paroles, n’ont pas honte de prétendre qu’Il n’entendait pas les signifier littéralement, parce que quand Il fut frappé au visage pour Sa réponse au souverain sacrificateur, Il répliqua calmement, tout en s’inclinant devant l’insulte. Était-ce rendre au mal la monnaie de sa pièce ? Au contraire, c’était Celui qui n’avait pas commis le péché et dans la bouche duquel il n’avait pas été trouvé de fraude [1 Pier. 2, 22] qui, alors outragé, ne rendait pas d’outrage, et quand il souffrait, ne menaçait pas [1 Pier. 2, 23]. De fait, Il présentait bien plus que l’autre joue, car ils crachèrent sur Son visage et Le souffletèrent, et Le frappèrent de leurs mains [Marc 14, 65] avec le plus grand mépris. Non ! le Seigneur céda au mal au lieu de lui résister ; et tel est le véritable appel du chrétien.

Ici, nous pouvons, le cas échéant, Le suivre dans l’esprit et dans la lettre. Comme l’homme tient à ses petits biens, le Seigneur envisage le cas, non seulement de subir une violence personnelle, mais d’être privé de ce qui s’attache à l’homme par une action de justice. À quoi donc appelle-t-Il ? « À celui qui veut plaider contre toi et t’ôter ta tunique, laisse-lui encore le manteau ». Combien vaut-il mieux perdre ses vêtements que la conformité à Christ ! L’esprit de l’injonction va plus loin qu’une joue ou que le manteau extérieur. Ce que les hommes cherchent, c’est d’échapper à toute souffrance et de tenir ferme leurs droits humains, au mépris de Ses paroles, perdant ainsi la réalité du christianisme et n’en conservant pas même l’apparence.

Il y avait une autre exigence, dans ces jours-là, dont les Juifs avaient tendance à se plaindre comme d’un fardeau intolérable. Le gouvernement impérial autorisait ses représentants, dans leurs déplacements, dans certains cas, d’exiger une participation personnelle, également avec leurs bêtes de somme. Combien les hommes sont prompts à être contrariés par ce qui, après tout, n’est pas une grande charge, et nul davantage qu’un peuple tel que les Juifs sous leurs dominateurs païens ! Le Seigneur voulait élever Ses disciples au-dessus d’une telle volonté propre. « Si quelqu’un veut te contraindre de faire un mille, vas-en deux avec lui » ! Avec quelle simplicité et quelle force Il donne aux siens un esprit qui les porte, dans une douce dignité, au-dessus des querelles du monde ! Combien indigne de Lui serait de s’en tenir à la lettre, en refusant d’aller quatre ou cinq milles, si telle était l’exigence, du fait que le Seigneur a dit : « Vas-en deux avec lui » ! La véritable pensée du Seigneur est qu’il doit volontiers dépasser ce qui était demandé. C’est la grâce dans la patience.

Quelque chose peut-il vous convaincre, mon lecteur, que vous ne pouvez être ou faire ce qui est essentiel pour entrer dans le royaume des cieux ? Il n’y a qu’un seul chemin, Christ ; et ce chemin, vous ne pouvez le trouver qu’en vous renonçant vous-mêmes. La foi et la repentance sont tout à fait inséparables. Il sauve en donnant non pas seulement la rédemption, mais une nouvelle nature divine qui hait la propre volonté, et qui aime et fait la volonté de Dieu. Vous obéissez donc selon la loi de la liberté, en contraste avec les Juifs sous la loi de la servitude.