Le sermon sur la montagne dans son ensemble

Matthieu 5 à 7
Traduit de l’anglais
W. Kelly

Comme les différentes parties des merveilleuses instructions de notre Seigneur ont été devant nous de temps en temps, quoique pas sous une forme ordonnée, il a semblé intéressant de les considérer dans leur ensemble. Il est aussi bon de noter la différence frappante entre la tâche assignée au premier évangile, en comparaison avec le troisième. Dans ce dernier, nous avons diverses portions traitant des personnes ou des choses auxquelles l’instruction s’applique ; alors que le premier présente le tout dans un ensemble complet ininterrompu. C’est pourquoi, si nous n’avions pas l’évangile selon Luc, nous n’aurions pas connaissance des interruptions, qui eurent lieu en réalité, dans les occasions, pour en tirer l’enseignement qui s’y appliquait.

On sait que nombre d’excellentes personnes ont essayé de montrer, pour clarifier ce que les ennemis traitent d’incohérences, que notre Seigneur a répété la même instruction, ou une très similaire, à différentes occasions. Assurément, d’un côté, personne ne voudrait affirmer que la même vérité ne peut pas avoir été souvent réitérée dans le cours de Son service ici-bas. Mais d’un autre côté, il n’y a pas de base solide pour mettre en doute que l’Esprit de Dieu a, d’une façon remarquable et profondément intéressante, présenté le même enseignement dans un contexte différent et sous des aspects distincts, selon le but divin des livres qui le contenaient. Ainsi, il n’y a nul besoin d’envisager une nouvelle répétition, afin de réconcilier (comme on dit) les écritures, ou de défendre le crédit des écrivains. C’est au contraire la sagesse de Dieu selon laquelle le Saint Esprit agissait, quand Il dirigeait de cette manière ceux qu’on appelle les évangélistes. Car nous ne devons pas supposer que Matthieu et Luc sont pleinement entrés dans les motifs qui les ont ainsi inspirés. Ce qui est certain est qu’ils ont été conduits ainsi par Lui pour nous donner la vérité de Dieu, de la façon la plus parfaite possible pour répondre à Son propos dans chacun.

Prenez, comme premier exemple de fait, le récit de Luc 6, 12-49, et comparez-le avec les chapitres de Matthieu ; comme aussi Luc 11, 1-13, 33-36. Tout à fait conscient que des hommes pieux ont discuté de « la plaine » en Luc 6, 17, opposée à la « montagne » en Matthieu 5, 1, on est contraint par la preuve claire des deux de rejeter une solution telle[1] à la difficulté ressentie pour identifier le discours comme étant au même endroit et au même moment. Car le langage de Luc ne signifie pas « une plaine », mais plutôt un endroit plat, ou un plateau sur la montagne, sur laquelle le Seigneur était allé prier toute la nuit, avant d’appeler les douze élus, et puis de redescendre avec eux, jusqu’à rencontrer une foule de Ses disciples et une grande multitude du peuple sortis de tout Juda et Jérusalem. C’était clairement le même discours ; mais l’Esprit a agi, non comme un simple rapporteur (ce qui n’est pas la manière de faire de l’inspiration), mais comme un éditeur infaillible, pour ainsi dire, pour le but distinct de chaque évangile.

C’est pourquoi nous pouvons remarquer que Matthieu ne rapporte pas ici l’institution des apôtres, comme Luc le fait à ce moment-là et en cet endroit, tout comme Marc, qui omet le sermon comme étant occupé de Son œuvre plutôt que de Ses paroles. Matthieu fut conduit à réserver cet appel pour la place convenable de la mission envers Israël en Matthieu 10, qui correspond au début de Luc 9. L’ignorance ou l’erreur sont hors de question, pour les évangélistes, mais elles ne sont que trop vraies de ceux qui critiquent ce qu’ils ne comprennent pas. La première distinction frappante dans le discours est que dans le récit plus court qu’en donne Luc, est ajoutée l’interpellation personnelle « vous », et non l’abstrait « les » comme dans Matthieu avant la bénédiction finale du verset 11 ; tandis que Matthieu fut conduit à réserver ses malheurs bien plus complets jusqu’en Matthieu 23, c’est-à-dire à une époque ultérieure.

Le royaume n’a pas la même place en Luc et en Matthieu. Ce sont ceux qui s’assemblent autour de Christ et Le suivent vraiment, qui sont bénis ; alors que, pour l’homme en tant que tel, ne restent que le dehors et le mépris de Lui. Le contraste entre ce que le Messie disait avec autorité, et ce que les anciens disaient, est particulier à Matthieu. Luc donne pleinement la grande et nouvelle morale d’aimer nos ennemis, d’être miséricordieux comme notre Père l’est aussi, de ne pas juger ou condamner, mais de remettre selon le modèle divin ; alors que Matthieu donne l’enseignement signalé sur la justice pratique, en actes et en paroles, sur la prière et sur le jeûne, comme dirigé contre l’hypocrisie ; et la prière pour les disciples vient ici, en Matthieu 6, 9-13. Dans Luc, elle est non seulement réservée pour un lien moral avec l’écoute de la Parole comme exercice approprié de la vie selon Dieu, mais nous apprenons aussi qu’elle était la réponse du Seigneur à la demande d’un disciple. Enregistrer cela dans l’évangile selon Luc était tout aussi convenable que de le laisser de côté dans celui selon Matthieu, qui présente le Seigneur dans toute Sa douceur, mais plein d’autorité, sans tenir compte d’aucune circonstance humaine.

Cela explique aussi pourquoi le premier évangile le donne non seulement comme un tout ininterrompu, mais à la suite immédiate d’une vue très large et générale de Son service et de l’impression générale produite (Matt. 4, 23-25). De la même manière, Son enseignement suit ensuite, quoique les détails historiques soient donnés plus tard.

Mais ne pas voir que ces voies de l’Esprit qui les inspirait sont parfaites pour la révélation adéquate de la grâce et de la gloire variées de Christ, et d’une façon non moins admirable adaptées à la condition et aux besoins de l’homme — envisager qu’elles soient des imperfections de l’infirmité humaine, est de fait être myope, sinon aveugle. Tels sont ceux qui, s’ils ne vont pas jusqu’à nier la Parole de Dieu, « signalent juste une faute et hésitent à haïr ; veulent blesser mais ont pourtant peur de frapper ». Mais si nous voulons être gardés dans ces temps difficiles et dangereux, si nous ne voulons pas être entraînés par la superstition ou le scepticisme, nous avons besoin d’adhérer à l’Écriture sans compromis et d’être dépendants de la direction de Celui qui a inspiré chaque mot, de la part de Dieu mais par le moyen de l’homme, et d’être maintenant capables de dire typiquement (je ne dis pas absolument), comme cela ne pouvait l’être autrefois, « nous savons », comme nous le lisons dans les épîtres de Paul ou de Jean en particulier, ne parlant pas d’eux-mêmes seulement, mais des chrétiens leurs frères, qui avaient l’Esprit de Dieu demeurant en eux.

Quant au sermon, il est une instruction dans la justice appropriée à tous ceux qui entrent dans le royaume des cieux. Ceux qui sont nés de l’Esprit peuvent seuls trouver l’état d’âme béni aux yeux du Seigneur. Ce n’est pas une exigence comme en Sinaï, mais la description par Christ de ceux qui conviennent au royaume. Aucune parole de grâce pour les pécheurs n’est prononcée ; et l’obéissance personnelle est le roc qui le termine. Dénaturer ce point est tout simplement une erreur ; et ce sont les hommes dits évangéliques qui y trouvent le plus de difficulté. D’autres, sans aucun doute, sont totalement dans l’erreur ; mais nous ne devons pas le confondre avec la rédemption ou la grâce salvatrice.

Matthieu 5 est non seulement un aperçu de ce que sont les bienheureux, mais avec l’autorité de la loi et des prophètes accomplie, et non affaiblie, la conduite la plus élevée convenable au royaume, en contraste avec ce que Dieu supportait autrefois, maintenant que le nom du Père est révélé, ainsi que la relation avec Lui.

Matthieu 6 parle de la vie intérieure ou des voies comme vues du Père, distinctes du monde, et des soucis à cet égard prompts autrement à nous absorber.

Matthieu 7 montre l’attitude convenable envers les autres, saints ou pécheurs, encourageant à compter sur Dieu et à éviter les faux prophètes (quels que puissent être leurs dons), et à la soumission pratique aux paroles de Christ.

Maintenant, mon cher lecteur, si vous ne vous êtes pas jugé vous-même comme perdu et n’avez pas trouvé, par grâce, le salut en Christ et en Son œuvre, comment pouvez-vous faire face au sermon sur la montagne ? Il est bien plus à redouter de votre part que les dix commandements du Sinaï, avec tous les signes et les sons terrifiants qui les accompagnaient. Jésus vous invite et vous presse de venir à Lui, et vous assure même que « je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi » [Jean 6, 37]. Êtes-vous déjà venu ainsi ? Venez maintenant. Tarder là-dessus est très dangereux.