Dans toutes les économies qui se sont succédées sur la terre, Dieu ne s’est jamais laissé sans témoignage, mais dans chacune Il a manifesté à l’homme quelqu’une de Ses voies et de Ses pensées et Il lui en a confié la responsabilité. Le Dieu créateur, après avoir par Sa parole puissante formé et arrangé cette terre pour le but qu’Il s’était proposé, la confia à l’homme qu’Il en établit seigneur et dominateur. Adam fut donc établi chef et seigneur de toutes les œuvres merveilleuses et parfaites de Dieu ; mais, hélas ! au lieu de demeurer dans une parfaite dépendance et dans l’obéissance vis-à-vis de Celui qui l’avait ainsi honoré en le plaçant dans une telle position et de Lui rendre par là le témoignage qu’il Lui devait, il succomba à la tentation et il plongea dans la ruine et la misère la terre qui lui avait été confiée. Plus tard, après que Dieu eut balayé par les eaux du déluge le monde qui s’était entièrement éloigné de Lui, Il confia de nouveau à Noé un autre témoignage, le revêtant de l’autorité, savoir, de l’épée pour réprimer et juger le mal. Mais Noé manqua aussi bientôt à sa responsabilité, et la terre fut de nouveau envahie par le mal et même par l’idolâtrie. C’est alors que Dieu se révéla à Abraham et le fit sortir de son pays, de sa parenté et de la maison de son père, pour Lui être témoin contre un monde plongé dans la plus affreuse idolâtrie. Le témoignage que Dieu confia donc à Abraham et à ses descendants, c’était celui d’une séparation complète de toute idolâtrie ; Il le constitua aussi dépositaire des promesses gratuites de Dieu, selon le dessein arrêté qu’Il avait de le bénir. Plus tard la chose fut encore plus fortement manifestée par le dépôt que Dieu fit de Sa sainte loi entre les mains d’Israël. C’est cette volonté de Dieu, exprimée par les tables de la loi, qui est considérée comme le témoignage qu’Israël devait rendre au milieu des nations. De cette manière Dieu avait placé Son témoignage en Jacob et Sa loi en Israël. Le fidèle qui avait à cœur la gloire de Dieu, désirait que Dieu le fît vivre selon Sa miséricorde pour garder le témoignage de Sa bouche. Lorsque le peuple eut abandonné Dieu et Sa loi, ceux qui craignaient Dieu et tremblaient à Ses paroles en appelaient à la loi et au témoignage, et déclaraient que si on ne parlait pas selon la loi il n’y aurait point de lumière pour le peuple [És. 8, 20].
La loi et les prophètes ont duré jusqu’à Jean [Luc 16, 16] ; et à cette époque un nouveau témoignage est suscité dans la personne de Jean qui, tout en annonçant le jugement de Dieu sur tout arbre qui ne porte pas de fruits, montrait Jésus comme l’Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde [Jean 1, 29]. Tous ceux qui tremblaient aux paroles de Dieu se firent baptiser en confessant leurs péchés, et Christ devint leur refuge et leur salut. Mais ce témoignage est rejeté par la nation incrédule et méchante, et aucun autre miracle ne devait lui être accordé que celui de la mort et de la résurrection de Christ, ce qui signifiait que l’homme ne peut absolument rien, et qu’il faut que l’ancienne création soit jugée et qu’une nouvelle prenne sa place.
Le témoignage de l’Église sera donc, non d’annoncer un Messie objet des promesses, mais d’annoncer le Christ mort et ressuscité, un Christ qui a mis fin par Sa mort à l’ancienne création et qui a ouvert pour la foi une création nouvelle. Aussi voyons-nous les apôtres s’attacher d’une manière particulière à rendre témoignage à la résurrection de Christ. Cette vérité était comme le pivot de toutes les autres vérités que les apôtres annonçaient. Le témoignage de l’Église, dans cette économie, consiste donc à proclamer la grande victoire de Christ sur le monde, le péché, le diable et la mort. La mort et la résurrection de Christ sont la base sur laquelle repose tout l’édifice de la foi de l’Église, comme aussi c’est à elles qu’elle demande toutes ses directions pour sa marche ici-bas. L’Église, une avec Christ, se considère comme morte et ressuscitée avec sa Tête ; la position de Christ est la sienne ; c’est pourquoi elle n’est pas du monde, comme Christ n’est pas du monde [Jean 17, 16], et si elle y séjourne encore pour un peu de temps, elle a la conscience de sa position céleste ; elle sait qu’elle est fiancée à un céleste Époux dont elle attend chaque jour la venue pour son introduction à elle dans le repos et la gloire.
Nous n’avons pas besoin de démontrer ici que l’Église a failli, et qu’elle n’a pas rendu le témoignage qu’elle était appelée à rendre à sa Tête glorifiée. Pour peu que la conscience soit réveillée, on le sentira et on en sera humilié devant Dieu.
Enfin, quoique l’Église comme corps ait manqué, Dieu a, dans Sa grâce, suscité de temps à autre quelques témoins ; et quoique leur voix ait été étouffée par l’Église devenue infidèle et rebelle, cependant leur témoignage n’a pas été sans fruits. La Réformation fut entre autres, une de ces époques où Dieu permit que Sa vérité produisît une forte commotion parmi les masses, et que les instruments de cette grande œuvre fussent profondément pénétrés de la vérité bénie qu’ils avaient charge d’annoncer de la part de Dieu. Les réformateurs mirent au grand jour la justification par la foi au sang de Christ versé sur la croix pour le pauvre pécheur. Certes, ce fut une grande et précieuse vérité qu’ils tirèrent de dessous le boisseau où l’église romaine la tenait cachée depuis des siècles ; et cette vérité seule ébranla Rome dans ses fondements, vu qu’elle renversait tout l’édifice des prétendues bonnes œuvres que Rome a édifié à la place du salut gratuit et parfait que le Christ a acquis au pauvre pécheur par Sa mort et Sa résurrection. Mais les réformateurs ne mirent pas au jour une foule d’autres vérités que l’église romaine avait aussi cachées. Les réformateurs ne surent pas voir, ou plutôt il ne leur fut pas donné de voir, toutes les richesses qui sont renfermées dans la mort et dans la résurrection de Christ ; ils n’en pénétrèrent pas toutes les profondeurs, et ne purent par conséquent mettre au jour tous les trésors qui y sont renfermés. La Réformation fut une grande œuvre opérée par la puissance de l’Esprit de Dieu ; et malheur à celui qui ne sait pas y voir la main de Dieu. Mais, nous le répétons, il ne fut pas donné aux réformateurs de voir tout ce qui était renfermé dans la personne de Christ mort et ressuscité.
Dieu, de nos jours, tout en réveillant l’attention des chrétiens sur la vérité que les réformateurs prêchèrent avec tant de force et de puissance, a trouvé bon de révéler à Son Église d’autres vérités précieuses. C’est ainsi que des chrétiens ont été conduits par le Saint Esprit à sonder les Écritures et à se mettre, non à l’école des Pères ou des réformateurs, ni même à se constituer leurs successeurs, mais à l’école de la Parole elle-même, se laissant diriger par Celui qui nous a été donné pour nous conduire dans toute la vérité, et pour nous annoncer les choses à venir. Ainsi placés sous la dépendance de l’Esprit de Dieu, ils ont été frappés, comme les réformateurs le furent pour la justification par la foi, de l’abandon dans lequel l’Église avait laissé tant de vérités importantes qui lui avaient été confiées de la part de Dieu. Et comme les réformateurs s’étaient vus jugés et persécutés pour avoir mis au jour ce que l’Esprit de Dieu leur faisait trouver dans les Écritures, de même ces fidèles l’ont été aussi pour avoir mis en lumière à leur tour les vérités bénies que l’Esprit a trouvé bon de leur révéler. Mais une fois la vérité révélée, elle fait son chemin malgré toute l’opposition qu’elle rencontre, comme le confirme ce qui s’est passé du temps des apôtres et des réformateurs et aussi de nos jours ; aussi, bien loin de nous décourager par la contradiction des hommes, nous regardons plutôt cette opposition des hommes comme une confirmation des vérités que Dieu nous a donné charge d’annoncer, comprenant d’ailleurs très bien que de telles vérités ne pouvaient pas ne pas être contredites par ceux à qui il faut, pour les conduire, autre chose que Dieu, le Saint Esprit et la Parole.
Nous avons remarqué que les réformateurs, tout en mettant au jour la précieuse vérité de la justification par la foi au sang de Christ, ne virent guère que cela dans la mort de Christ et dans sa résurrection. Grâces soient rendues à notre Dieu pour la lumière nouvelle qu’il a répandue sur la personne de Christ mort et ressuscité ! La mort de Christ, comme nous l’avons vu en passant, a mis fin pour toujours au premier homme dans la chair, et a créé de toutes nouvelles relations entre Dieu et l’homme.
C’est ce qui nous explique pourquoi l’apôtre dit qu’en Christ il ne connaît désormais personne selon la chair, et que, s’il a même connu Christ selon la chair, toutefois nous ne Le connaissons plus ainsi [2 Cor. 5, 16]. Si donc quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création ; les choses vieilles sont passées et toutes choses sont faites nouvelles [2 Cor. 5, 17]. Ainsi, ce ne sont pas seulement les péchés du croyant qui ont été jugés dans la mort de Christ, mais le croyant lui-même est censé ne plus exister dans la chair, ne plus vivre, comme dit l’apôtre ailleurs : « ce n’est pas moi qui vis, mais Christ qui vit en moi, et ce que je vis en la chair je le vis en la foi du Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est donné Lui-même pour moi » [Gal. 2, 20]. Maintenant le croyant possède une vie nouvelle, une vie en dehors de lui ; c’est Christ qui est sa vie, c’est pourquoi il a la vie éternelle en ayant le Fils de Dieu pour sa vie. Le croyant n’est pas seulement délivré de la condamnation que ses péchés attiraient sur lui, mais il est vivifié et ressuscité avec Christ, fait une même plante avec Lui dans Sa mort, et il le sera aussi dans Sa résurrection. Il n’est plus donc de cette création quoiqu’il y séjourne encore pour un peu de temps ; il est du ciel, et sa vie y est attachée avec Christ en Dieu, et il sait que lorsque Christ qui est sa vie apparaîtra, lui aussi apparaîtra en gloire [Col. 3, 4]. Ici, on le voit, la foi identifie entièrement le croyant avec Christ, et la position de Christ est celle du croyant lui-même. La mort de Christ a aussi pour toujours tué l’inimitié qui était dans le premier homme dans la chair, et qui consistait dans des ordonnances [Éph. 2, 15]. Ainsi le Juif se glorifie de la loi contre le Gentil qui était sans loi ; mais la croix de Christ a mis fin à toutes ces distinctions. Là, le Juif n’a pas plus de droit que le Gentil ; tous deux sont pleinement manifestés pour ce qu’ils sont et ce qu’ils valent, savoir que l’un et l’autre sont ennemis de Dieu. Non seulement Dieu n’a rien trouvé de bon chez celui qu’Il a cultivé par le moyen de la loi, mais malgré tous les soins que Dieu en a pris, il n’a porté que du verjus, de l’inimitié contre son Dieu et son Créateur, jusqu’à Le mettre sur un bois maudit. Voilà l’homme dans la chair montré dans toute sa nudité par le moyen de la croix, et la démonstration que si Dieu agit d’après la justice tout est perdu sans ressources. Mais si la croix montre le fond du cœur de l’homme, elle montre aussi l’amour infini de Dieu pour l’homme perdu et ruiné. La croix ouvre un nouveau chemin par lequel on peut s’approcher de Dieu. Elle montre que le péché, que Dieu ne peut voir, est ôté par le sang de Christ, et que le pécheur quel qu’il soit, Juif ou Gentil, peut s’approcher de Dieu ; que ce n’est plus sur le pied de la justice de la loi, mais sur le pied de la miséricorde, que Dieu nous fait trouver une justice de Dieu, qui est par la foi pour la foi.