En quoi consiste la responsabilité des enfants de Dieu

J.N. Darby

Beaucoup de chrétiens ont malheureusement la pensée que la responsabilité et la grâce sont incompatibles (par grâce, j’entends la grâce parfaite qui sauve) ; et s’ils sont profondément convaincus de la nécessité de la vérité de l’une, ils rejettent l’autre. Cette vue provient, en partie, de la supposition erronée que la responsabilité implique nécessairement l’incertitude quant au résultat ; en partie aussi, de la confusion qu’on fait entre la responsabilité de l’homme, de l’homme méchant, et la responsabilité du saint ; et pour une dernière part enfin, de ce qu’on suppose que la responsabilité et la puissance doivent nécessairement aller ensemble. Toutes ces suppositions ne s’appuient que sur des raisonnements humains, et sont également toutes sans fondement. Lorsqu’un Romain se coupait le pouce pour se rendre incapable de tenir une épée, sa responsabilité, vis-à-vis de l’état, d’être soldat, n’avait point cessé quoiqu’il ne lui fût pas possible de faire ce à quoi il était tenu : sa responsabilité découlait d’une autre source, savoir, du fait qu’il était sujet ou citoyen romain. Si je commande à mon enfant de venir et qu’il ne veuille pas, l’impossibilité dans laquelle il allègue qu’il se trouve de le faire n’est point une excuse, lors même qu’elle soit réelle, s’il n’a pas la volonté de venir. Si la volonté de m’obéir se fût trouvée chez lui, l’impossibilité eût pu être levée. Les anges élus sont tenus de faire la volonté de Dieu, mais il n’y a nulle incertitude sur le résultat. Dieu les soutient dans la volonté et dans l’exécution : ils prennent leurs délices dans l’accomplissement de Sa volonté, et ils ne sont nullement incertains à l’égard de l’issue. Une question semblable ne saurait s’élever. Le plaisir qu’ils prennent à obéir à Dieu fait partie de leur existence, existence dans laquelle ils sont soutenus par une puissance infinie ; de telle sorte qu’ils obéissent par la force qui leur est communiquée. Christ Lui-même était sous la responsabilité de faire la volonté de Son Père : or, dans ce cas, il est bien évident qu’il ne pouvait pas être un moment question de chute. Sa nature morale était la perfection ; elle ne fut jamais, ni ne pouvait jamais être autre chose. Mais un être créé est responsable ; c’est-à-dire qu’il doit toujours faire la volonté de Dieu et non pas la sienne. Ce devoir découle de la relation nécessaire et immuable de créature à créateur. La créature doit être, dans toutes ses pensées et dans toutes ses voies, ce qui est convenable à la relation dans laquelle elle subsiste. Toute relation, comme telle, implique des devoirs comprenant les pensées et les sentiments en harmonie avec elle, et qui l’expriment. Le mari et la femme, le père et l’enfant, le maître et le serviteur, le frère et la sœur, en vertu de la relation dans laquelle ils sont l’un à l’égard de l’autre, doivent être ce que le nom même exprime et tout ce qui est impliqué par ce nom. Le mari est tenu d’être mari, c’est-à-dire, il est tenu d’être ce que le mot mari exprime. Il en est de même de la femme, et ainsi de suite. La relation ne constitue pas le devoir ; mais le devoir est inséparable de la pensée de la relation.

On verra que ce n’est pas là l’idée que les hommes se font de leur responsabilité vis-à-vis de Dieu, et ils ont raison en partie ; mais le fait qu’ils sont tels est la conséquence de la chute, et dans le résultat pratique ils ont entièrement tort.

L’idée qu’en général les hommes se font de la responsabilité, c’est qu’il faut qu’ils vivent d’une certaine manière pour échapper au jugement, et gagner la vie éternelle. Or, il y a dans cette pensée une vérité fondamentale, comme dans tout témoignage de la conscience. « À ceux qui, en persévérant dans les bonnes œuvres, cherchent la gloire, l’honneur et l’incorruptibilité : la vie éternelle » [Rom. 2, 7]. Ceux qui sont contentieux et qui n’obéissent point à la vérité trouveront l’indignation et la colère ; « tribulation et angoisse sur toute âme d’homme qui fait le mal » [Rom. 2, 9]. Comme principe général, nous possédons la connaissance du bien et du mal (qui est en elle-même une perfection divine, quoique nous l’ayons acquise par la chute), et nous savons que Dieu approuve le bien et qu’Il hait le mal. Tout autant qu’il s’agit de ce jugement de la conscience naturelle, les hommes ont raison. Mais jusqu’à ce qu’ils soient enseignés de Dieu, ils ne croient pas réellement que nous sommes dans cet état en tant que tombés.

Néanmoins, toute leur vie le trahit. Je ne veux pas dire seulement qu’elle trahit le fait qu’ils sont pécheurs, mais bien la pensée qu’il leur faut gagner la vie éternelle, trouver la faveur de Dieu, et, selon qu’ils l’espèrent, à la fin arriver à Dieu et être heureux. Ils ne L’ont donc pas encore trouvé, et ils ne connaissent point Ses pensées à leur égard : ils n’ont pas avec Dieu de relation d’où découlent des devoirs, sauf celle dans laquelle déjà ils ont failli. Mais tout en considérant Dieu comme un juge, ils espèrent arriver à bon port dans une relation heureuse, en faisant de leur mieux, avec l’aide de Dieu, et autres choses semblables.

Tout cela peut paraître plus ou moins religieux ; mais l’idée générale demeure la même : que l’homme a, par sa conduite, à parvenir à une relation heureuse avec Dieu ; qu’il est placé sous la responsabilité de plaire à Dieu par sa conduite, et par ce moyen hériter (en réalité, au fond, mériter, quelque supplément qu’ils y jettent) la vie éternelle et le bonheur. La bonté de Dieu, les mérites de Christ, les cérémonies et les devoirs religieux viennent pour aider au compte et suppléer à nos fautes ; mais c’est un compte qui doit être réglé par le jour du jugement, et qui reste incertain jusque-là. Il n’y a pas de relation présente avec Dieu. Il n’y a pas conscience réelle d’être sauvé ou perdu. On admet peut-être que l’homme a été perdu ; mais on pense que le christianisme a, d’une manière vague, mis fin à sa perdition (sans le sauver après tout), pourvu, du moins, que les hommes se conduisent convenablement. En résumé, l’homme est dans l’obligation de tenir une conduite exigée en vue d’hériter la vie éternelle, et on ne connaît pas de relation réelle, de relation présente, avec Dieu. Cette relation, il faut l’acquérir. Quelques-uns, à la vérité, prétendent vous placer, par des cérémonies, dans une relation parfaite avec Dieu ; mais elle est perdue avant d’être trouvée ou connue, de telle sorte qu’il n’y a en elle rien de moral, et le résultat est qu’après tout il faut que l’homme arrive à cette relation par sa conduite.

Or, quoiqu’il se trouve à la base de cette idée un principe abstrait véritable, elle met entièrement de côté la condition réelle de l’homme et la vérité du christianisme. Dieu aime le bien et Il hait le mal. Pour être avec Lui dans le bonheur, il faut une vie véritablement consacrée à ce qui est bon ; et la conscience naturelle fournit un sentiment vrai, si non un sentiment adéquat, parfait, du bien et du mal et de leur résultat. Mais ces principes généraux ne me disent rien de mon état actuel, et ne m’apprennent pas si je suis en Christ ou hors de Lui. Ils sont vrais, mais ils ne me disent rien de moi ; ils ne me disent pas quelle est ma responsabilité, ni quelle est ma relation actuelle avec Dieu, si je suis avec Lui dans quelque relation. Or, c’est là que gît la responsabilité. La responsabilité consiste dans le maintien des droits de Dieu, de Son autorité sur nous. Toute objection à cela implique toujours que l’on pense, ou bien que l’homme possède en lui-même la capacité d’être responsable, ou bien que le résultat est incertain, ce qui est une autre forme de la même idée. Mais, si Dieu crée un être, Il le crée dans la position et pour la position dans laquelle Il le place quel que puisse être d’ailleurs Son dessein ultérieur envers Sa créature ; et Il ne peut vouloir qu’elle demeure en désharmonie avec la position dans laquelle Il l’a placée. Dire le contraire, serait une espèce de blasphème contre Lui, et nier le jugement. Non, les anges qui n’ont pas gardé leur origine sont réservés dans des chaînes d’obscurité [Jude 6]. L’homme qui n’a pas gardé son origine est passé sous la mort, a été exclu du paradis, et il attend aussi le jugement de Dieu, à moins qu’il ne soit délivré et sauvé en Christ. « Ainsi, Il chassa l’homme » [Gen. 3, 24]. Il suit de ce que nous venons de dire que l’idée que l’homme se fait de la responsabilité — c’est-à-dire qu’il est tenu à une conduite par laquelle il puisse gagner la vie éternelle — est une simple conséquence de notre état de chute, de notre séparation d’avec Dieu. Elle consiste en un travail, un effort laborieux, pour obtenir ce que nous ne possédons pas, pour conquérir par notre conduite une position dans laquelle nous ne sommes pas. Et malgré cela, quoique une telle notion provienne de la chute, de notre éloignement de Dieu, on ne connaît pas réellement la distance à laquelle on se trouve de Lui. On ne connaît pas réellement ce qu’est l’homme en tant que tombé. Car si notre position est telle, déjà nous sommes perdus. Nous avons besoin d’être sauvés.

Mais la responsabilité n’est pas caractérisée uniquement par l’obligation de tenir une ligne de conduite, qui fasse atteindre une position ou une récompense ; ce n’est pas même là son caractère naturel. La responsabilité consiste, véritablement, naturellement, à marcher conformément à une position dans laquelle nous sommes en effet, et qui porte avec elle ses obligations. L’impossibilité de perdre la position n’altère pas la responsabilité : elle la rend perpétuelle. Un enfant est toujours pour les parents leur enfant, qu’il soit obéissant ou qu’il soit désobéissant. Mettons-nous bien dans l’esprit que rattacher la responsabilité à un travail accompli en vue de l’acquisition incertaine d’une position dans laquelle l’on ne se trouve pas encore, c’est avoir une notion extraordinaire, et, pour ainsi dire, contre nature, de la responsabilité.

Quand on considère de près ce que c’est qu’une créature, on trouve que l’incertitude ne caractérise pas la responsabilité autant qu’on le suppose. Si nous ne sommes pas soutenus de Dieu, par une force divine, nous tomberons ; si nous le sommes, nous ne tomberons pas. Notre sentiment de cette dépendance fait notre sûreté journalière. « Hors de moi vous ne pouvez rien faire » [Jean 15, 5]. Les anges déchus, et Adam, sont des témoins de la marche suivie par une créature laissée à sa responsabilité, qu’il n’y ait pas eu, ou qu’il y ait eu, tentation. Les anges élus et les hommes régénérés sont des exemples d’êtres soutenus de Dieu dans la responsabilité. Mais l’homme n’est pas de cet avis. Il se trouve, dit-il, dans un état d’épreuve : il pense que, quoique tombé, il est capable (avec l’aide de Dieu, ajoute-t-il sans doute) de tenir une conduite qui dégagera parfaitement sa responsabilité. Plusieurs, naturellement, ayant le sentiment de l’imperfection de leur marche, ajoutent la bonté de Dieu, et les mérites de Christ, pour suppléer à ce qui manque.

Ce n’est pas mon dessein d’insister sur ce point ; mais le fait est que ce que l’on nomme bonté, n’est pas autre chose que l’espérance que Dieu passera sur nos péchés aussi légèrement que nous le faisons nous-mêmes et que nous voudrions qu’Il le fît pour notre sécurité, espérance qui prouve certainement que l’on n’est pas converti. Quant aux mérites de Christ, ils ne sont pas destinés à rendre le péché excusable, mais à rendre la justice parfaite devant Dieu. Son sang purifie du péché, parce que Dieu ne veut point en avoir devant Lui. Il est notre justice, et c’est une justice divine et parfaite ; mais Il ne supplée pas à la nôtre de telle sorte que nos fautes soient oubliées.

Mais, pour l’homme placé hors de la présence de Dieu, avec la pensée qu’il a affaire avec Lui, cette question doit s’élever — par quel moyen obtenir Sa faveur, comment arriver à la vie ? Et Dieu répond à cela. L’homme est tenu de vivre devant Dieu dans la position dans laquelle il est en tant qu’homme. Il en est sorti entièrement. Moralement il est pécheur. Mais le caractère de la responsabilité dépend de la relation qui existe entre l’homme et Dieu, et entre l’homme et l’homme. L’homme doit agir en harmonie avec la relation dans laquelle il se trouve comme homme vis-à-vis de chacun. C’est, dans un sens abstrait, ce qu’il doit être. Il a la prétention de l’être ou de vouloir l’être, et il s’établit sur ce fondement pour chercher la faveur de Dieu et la vie. Dieu le prend avec Lui sur ce pied. « Tu aimeras l’Éternel ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ta pensée, de toute ta force, et ton prochain comme toi-même » [Luc 10, 27] : Ou, si l’homme le veut, Il lui présente les devoirs même de la seconde table, comme on l’appelle — fais cela et tu vivras [Luc 10, 28]. Cela est écrit dans la loi, et le Seigneur le sanctionne comme la réponse à cette question : Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? [Luc 10, 25] Que l’homme séparé de Dieu fasse cela et il vivra.


Les promesses furent données sans condition ; ce qui réunit, concentre tout en Christ, la postérité de la femme, d’Abraham, et de David. Quand elles furent faites, il ne fut point question de justice, ni de responsabilité. C’était le don libre de Dieu, Sa promesse. Si nous osons parler ainsi, Dieu était seul responsable. C’était en conséquence certain, qu’Il accomplirait Sa promesse. Mais, avec une créature qui connaît le bien et le mal, et avec un Dieu qui juge, la question de justice doit surgir. Dieu ne pouvait être indifférent à l’égard du mal. La question de la responsabilité et de la justice fut posée dans la loi : là, les promesses furent présentées sous la condition de l’obéissance, et la règle pour l’homme fut : « Fais cela et tu vivras ». La responsabilité fut caractérisée, en partie, par le fait d’une position à acquérir par la conduite, au lieu de se rattacher à l’accomplissement des devoirs inhérents à une position dans laquelle l’homme se trouvât déjà. Il va sans dire que je parle des rapports entre l’homme et Dieu. Cette conduite relative renferme bien les devoirs, mais leur accomplissement devait être le moyen d’arriver à la possession de la vie. Le résultat réel fut la découverte que la justice ne pouvait pas s’acquérir, que l’état qui l’avait rendue nécessaire, l’avait rendue impossible. L’homme était un pécheur entièrement séparé de Dieu ; c’est pour cela qu’il avait besoin de chercher la vie : mais par la même raison, il ne possédait pas la justice qui était nécessaire pour l’acquérir. Il en était comme du paralytique au lavoir de Béthesda : la maladie dont il avait besoin d’être guéri le rendait incapable d’accomplir l’acte par lequel il devait recouvrer la santé [Jean 5, 2-7].

Ainsi que l’Écriture le déclare expressément, la loi fut donnée afin que cet état de choses devînt manifeste à la conscience de l’homme. Elle vint pour que l’offense abondât [Rom. 5, 20] ; elle donna la connaissance du péché qui par elle devint excessivement pécheur [Rom. 7, 13], et elle servit à prouver non seulement que le péché était là, mais, chose plus sérieuse, plus triste, que nous étions ses esclaves — « sans force » — que la loi était faible à cause de la chair [Rom. 8, 3], et que la chair ne pouvait pas s’y soumettre. Tous ceux qui étaient sur le principe des œuvres de la loi étaient sous la malédiction [Gal. 3, 10]. L’homme s’était engagé à obéir, mais il n’avait point dégagé sa responsabilité, et ce qui avait été donné pour la vie s’était trouvé être la mort [Rom. 7, 10]. Ce n’est pas là tout ce que l’homme a fait, mais je me borne à mon sujet qui est, de montrer ce qui est advenu de la responsabilité sous laquelle les hommes avaient été placés, en tant qu’hommes, d’hériter la vie éternelle. C’en est fait de cette responsabilité-là. Nous avons perdu la position dans laquelle nous avons été créés, notre position dans l’innocence ; nous ne pouvons en gagner une autre par notre conduite. Comme hommes, nous sommes perdus. La responsabilité existait réellement là, dans le paradis, et l’homme a failli. Plus tard, il se constitue lui-même responsable, sous la loi, lorsque, de fait, il est déjà ruiné, et par là il ne fait que rendre sa ruine manifeste. Voilà à quoi aboutit, pour ce qui concerne notre relation avec Dieu, le fait de notre responsabilité comme hommes. Ce qui nous importe c’est de voir ceci bien clairement : que, considérés en nous-mêmes, nous sommes déjà sous le péché, sous la mort et sous la condamnation.


Mais, le salut de Dieu est toute autre chose. Il n’est point remis à notre responsabilité. Christ descend en grâce et en amour dans l’état où nous étions par le péché ; Il y descend entièrement sans péché Lui-même, et objet parfait de la faveur divine en agissant ainsi ; mais Il vint, mourut et but la coupe de la colère. Par là, Il en a fini, pour tous ceux qui croient en Lui, et dans l’amour du Père manifesté en Lui, avec toute la question relative au premier Adam et à notre vie pécheresse. Nous confessons que nous étions inimitié contre Dieu, condamnés, coupables ; tel était notre caractère : mais Christ l’a pris sur Lui par grâce et à notre décharge, devant Dieu. En d’autres termes, Il a pris sur Lui toutes les conséquences de notre responsabilité comme hommes, et maintenant cette responsabilité est chose finie. Il est mort comme s’en étant chargé ; Il est mort une fois pour toutes, au péché, et celui qui est mort est quitte du péché [Rom. 6, 7]. Ainsi, dans la personne de notre représentant béni, dont toute l’œuvre est méritoire pour nous, toute la question de notre responsabilité comme hommes, a pris fin dans le jugement et la mort endurés en ma faveur, selon que j’avais reconnu que c’était le cas quant à moi, c’est-à-dire, que ma responsabilité avait abouti à ma ruine, à la mort et au jugement. En Christ, c’en est fait de la vie dans laquelle je vivais et dans laquelle j’étais responsable vis-à-vis de Dieu. En tant que vivant, je n’existe plus comme un enfant du premier Adam. « Si vous êtes morts avec Christ quant aux éléments du monde, pourquoi, comme si vous étiez encore en vie dans le monde ? » [Col. 2, 20] dit saint Paul. « Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu » [Col. 3, 3]. « Je suis crucifié avec Christ, néanmoins je vis, non pas moi » [Gal. 2, 20]. « C’est pourquoi tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché » [Rom. 6, 11]. Christ a parfaitement glorifié la justice de Dieu relativement à tout le mal ; mais Sa mort en a fini judiciairement avec toutes les choses à l’égard desquelles Dieu devait être glorifié : la nature, la position, les péchés, la culpabilité, l’existence, tout ce en quoi l’homme était responsable et subsistait devant Dieu, toutes ces choses ont pris fin pour le croyant ; pour lui, c’en est fini devant Dieu de toutes ces choses. « Quand nous étions dans la chair, dit Paul, les passions des péchés, lesquelles sont par la loi » [Rom. 7, 5]. « Or vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous » [Rom. 8, 9]. Toute l’affaire de notre responsabilité, en tant que vivant de la vie de l’homme devant Dieu, se trouve réglée, définitivement et pour toujours, par ce fait immense que Christ en a porté devant Dieu les conséquences, et par le fait de la mort de la vie dans laquelle nous étions en tant que pécheurs. Mais il y a un second fait non moins capital : Christ est maintenant une vie nouvelle. Il est ressuscité, et nous sommes vivants à Dieu par Jésus Christ, notre Seigneur. Je vis, non pas moi, mais Christ vit en moi [Gal. 2, 20]. Je suis vivifié ensemble avec Christ, et ressuscité ensemble [Éph. 2, 5-6]. Dieu nous a vivifiés ensemble avec Lui, nous ayant pardonné toutes nos offenses [Col. 2, 13] : elles sont ensevelies dans Sa grâce, et je suis vivant de nouveau et sans elles.


Mais il y a davantage encore. Il existe une justice divine dans laquelle Christ se trouve devant Dieu, en tant que ressuscité ; c’est-à-dire, une justice dans laquelle je me trouve dans la puissance d’une vie nouvelle, en tant que ressuscité avec Lui. Je suis devenu justice de Dieu en Lui [2 Cor. 5, 21]. Tel qu’Il est, tel je suis dans ce monde [1 Jean 4, 17]. C’est ce qu’est Christ dans la réalité d’une vie dans laquelle nous vivons, ce qu’Il est dans la réalité d’une justice divine dans laquelle nous sommes placés devant Dieu. Non pas moi, mais Christ vit en moi [Gal. 2, 20]. C’est une position devant Dieu, réelle, vivante, assurée, dans laquelle, par grâce, moi et Christ sommes un, quoique toute cette bénédiction découle de Lui. Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est en Son Fils. Celui qui a le Fils, a la vie ; et celui qui n’a point le Fils n’a point la vie [1 Jean 5, 11-12] : mais par conséquent, c’est déjà une parfaite justice devant Dieu.

Mais il y a plus encore. Je suis enfant, je suis fils. Telle est ma relation avec Dieu. J’ai la vie éternelle. Je suis avec Dieu dans une relation connue, bénie, assurée et dans laquelle la grâce m’a placé par l’opération de la même puissance qui a ressuscité Christ d’entre les morts et L’a placé à la droite de Dieu. Et non seulement je suis dans cette relation, mais c’est ma relation avec Dieu, et il n’y en a pas d’autre que celle-là. C’en est fait de l’ancienne. La nouvelle, basée sur la justice divine, découle du fait que je suis véritablement né de Dieu, devenu participant de la nature divine. Je ne puis être dans une autre. Elle constitue ma nature, mon existence devant Dieu, la vie et la relation dans laquelle Il m’a placé, et dans laquelle je vis de Lui. L’ancienne a disparu dans le tombeau de Christ.

En quoi ma responsabilité consiste-t-elle maintenant ? Consiste-t-elle à faire tous mes efforts pour obtenir la vie éternelle par ma conduite ? Je la possède déjà. À réaliser la justice ? Je suis justice de Dieu en Christ : Christ est Lui-même ma justice. À chercher à gagner la faveur de Dieu ? Il m’a aimé jusqu’à donner Son Fils pour moi, et Il m’a accepté dans le Bien-aimé. À parvenir à une relation avec Dieu ? Il m’a fait Son enfant et Son fils. « Nous sommes maintenant les fils de Dieu » [1 Jean 3, 2]. Quelle autre chose puis-je rechercher ou que puis-je désirer de mieux que de dire : « tel qu’Il est, tel je suis dans ce monde » [1 Jean 4, 17] ? Ici, mon âme est en paix. — Chose précieuse ! En paix avec mon Dieu et Père, dans une relation connue avec Lui. Christ est allé à Son Père et mon Père, à Son Dieu et mon Dieu [Jean 20, 17]. Pensée bénie ! Quelle place de paix et d’amour, en harmonie avec la nature même de Dieu et avec la révélation qui a été faite de Lui par le Fils, que celle dans laquelle elle m’établit !


Me voilà donc arrivé à la responsabilité véritable, en contraste avec la responsabilité sans espérance et propre seulement à convaincre de péché sous laquelle j’étais tombé par la chute, et qui était effectivement en rapport avec une position perdue, afin que je pusse découvrir mon état de ruine et de condamnation. Ma responsabilité, maintenant, n’est pas une responsabilité relative à une position à atteindre ; elle découle de la position dans laquelle je suis, qui lui appartient paisiblement, et consiste, comme toutes nos responsabilités par rapport à Dieu, à marcher en harmonie avec la position dans laquelle je me trouve déjà. Celui qui dit qu’il demeure en Christ, doit marcher comme Il a marché Lui-même [1 Jean 2, 6]. Un enfant de Dieu, et qui l’est pour toujours, doit marcher comme un enfant de Dieu, « comme ses chers enfants ». Ma responsabilité est celle d’un chrétien. Je dois marcher comme un chrétien parce que j’en suis un, et non point afin d’en être un. Le fait que je suis enfant pour toujours, n’est pas une raison pour que je ne marche pas comme étant enfant. Ce n’est que l’affreuse bassesse d’un être moralement ruiné, qui pourrait lui suggérer la pensée qu’il n’est pas tenu de se conduire conformément à la relation dans laquelle il se trouve, par la raison qu’elle ne peut changer. Comme nous sommes dans notre position chrétienne en vertu d’une nouvelle vie, au fond une telle pensée ne saurait venir à un chrétien. C’est la force du raisonnement de l’apôtre, en Romains 6. — Il ne dit point que je ne dois pas, mais que je ne puis pas, si je suis mort, vivre à ce à quoi je suis mort.

Je suis donc responsable, non pas comme homme dans le premier Adam, mais comme chrétien dans le second. Sur la première base je suis déjà entièrement perdu : inutile de parler de responsabilité, si ce n’est afin de convaincre de péché. Sur la seconde, à cause que je suis sauvé, et que je suis enfant de Dieu, dans Sa famille, je suis sous la responsabilité de marcher comme tel, selon l’exemple « du premier-né entre plusieurs frères » [Rom. 8, 29]. Cette responsabilité n’implique pas plus la possibilité de perdre ma position, que l’obligation d’en gagner une. Elle découle de la position dans laquelle je suis. Je suis tenu de marcher comme un enfant de Dieu puisque j’en suis un. C’est une responsabilité pleine de paix et de joie, que Jacques appelle la loi parfaite de la liberté [Jacq. 1, 25], parce que ma nouvelle nature trouve ses délices dans ce que Dieu veut et commande, et se plaît à Lui obéir. Elle trouve ses délices en Lui, elle les trouve donc à Lui obéir, et aussi dans ce qu’Il veut. La nature que j’ai reçue est cette divine nature même qui s’exprime dans les commandements qui me sont donnés. Seulement, ces commandements impliquent aussi l’idée d’autorité, mais, moralement, ils sont l’expression de la nature que je possède, qui prend son plaisir en eux, et qui trouve en eux le secours et la bénédiction d’une lumière et d’une direction parfaites. Et c’est en cela que consiste l’immense et entière différence entre les commandements de la loi, et les commandements de Christ. La loi dit : « Fais cela et tu vivras ». Les commandements de Christ sont l’expression de la vie qu’Il possédait, et le guide de celle que je possède. La vie était la lumière des hommes [Jean 1, 4], l’expression parfaite de la volonté et de la nature de Dieu dans l’homme, ce que les paroles et les commandements de Christ exprimaient ; et maintenant nous pouvons dire : « ce qui est vrai en Lui et en vous » [1 Jean 2, 8], parce qu’Il est notre vie dans la puissance du Saint Esprit. Christ était l’expression réelle de la vie divine dans l’homme, cette vie éternelle qui était avec le Père, et qui nous a été manifestée [1 Jean 1, 2]. De là vient qu’elle était la lumière des hommes. Elle était dans le lieu, la condition, et l’état où se trouvaient les hommes, et par conséquent obéissante, dépendante aussi. Elle se manifesta telle dans Sa tentation. Cette vie-là est la nôtre depuis que Christ est monté en haut, après avoir offert à Son Père une justice parfaite. C’est en cela que je possède une paix parfaite, et que je jouis d’une parfaite faveur ; et la seule chose que j’ai à faire est de glorifier Dieu, « afin que la vie de Jésus soit manifestée dans mon corps mortel » [2 Cor. 4, 10]. Je puis dire : « Je demeure en Lui » [1 Jean 2, 6] — placé avec le Père, dans Sa perfection devant Lui. — Place de paix et de joie, et témoignage de l’éternel amour ! Je dois donc marcher comme Il a marché Lui-même. La responsabilité chrétienne est la responsabilité provenant du fait que l’on est chrétien. Nous devons, à cause que nous sommes en Christ, marcher comme Christ a marché, par le moyen de Christ qui habite en nous.

Notre place devant Dieu c’est Christ — notre portion c’est de manifester Christ devant les hommes. Pour l’accomplir nous avons besoin de nous charger chaque jour de la croix, tant que la chair est encore en nous, et que le monde nous entoure. « Portant toujours, partout, dans le corps, la mort de Jésus, afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle » [2 Cor. 4, 10]. Nous sommes placés sous la responsabilité, non d’arriver à la vie, mais de la manifester, en dépit de tous les obstacles ; oui, même à travers les obstacles, et au milieu du monde.

Ici il faut remarquer deux choses :

D’abord, la manifestation de la vie divine, dans laquelle nous sommes unis à Christ par le Saint Esprit, doit se poursuivre au milieu des tentations, et en dépit de l’existence en nous de la vieille nature, de la chair, par laquelle tout ce qui se trouve dans le monde peut devenir pour nous un moyen de tentation. La communion avec le Père et avec Son Fils Jésus Christ, et la manifestation de la vie divine, ne peuvent être accomplies par nous qu’autant que nous tenons réellement, d’une manière pratique, la chair pour morte, ainsi que nous avons le droit de le faire. Portant toujours, partout, dans le corps la mort du Seigneur Jésus, afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle. C’est en cela que consiste l’exercice journalier de la vie que nous avons reçue, exercice dans lequel nous apprenons ce que nous sommes réellement en même temps que nous y faisons l’expérience journalière de la fidélité, de la bonté et de la tendresse de Dieu, dont nous acquérons ainsi le sentiment profond.

À mesure que nos sens sont davantage exercés à discerner le bien et le mal, nous apprenons d’une manière plus profonde le contraste qu’il y a entre Dieu et la chair ; ce qui n’appartient simplement qu’à la nature est mieux discerné par ce qui est spirituel, et le résultat de tout cela est que l’on se vide toujours plus du moi, et que Christ, dans un certain sens, acquiert une place exclusive et devient tout en tout. Il suffit à l’âme : et par suite, l’âme dans l’humilité et la simplicité de l’œil est capable de discerner ce qui est charnel, et l’éviter, ou bien se satisfaire sans le faux appui que le cœur naturel cherche dans ses efforts, ou dans ses objets.

Dieu se sert de deux moyens pour conduire les rachetés à travers le désert : la Parole de Dieu, et l’intercession sacerdotale. On les trouve en Hébreux 4, 11-15. La Parole est l’arme de Dieu pour discerner entre ce qui est de l’Esprit et tout ce en quoi opère la volonté de la chair. Tout ce qui appartient simplement à la nature qui est toujours un piège, et, là où la volonté est à l’œuvre, positivement péché, est souvent si étroitement uni à ce que Dieu Lui-même a créé et reconnu, que, pour distinguer, il est nécessaire de bien appliquer la Parole dans la puissance du Saint Esprit. Néanmoins, ces deux sortes de choses sont moralement très différentes et opposées, Dieu ne se trouvant pas dans l’une, mais bien la volonté humaine, tandis qu’Il se trouve dans l’autre, dans les affections, par exemple, qui, quoique légitimes et bonnes en elles-mêmes, deviennent idolâtres, ou passions. À l’égard de ces choses, et dans tous les cas, la Parole, plus aiguë qu’aucune épée à deux tranchants, cette véritable épée de l’Esprit, la vérité, l’application au cœur de la Parole vivante qui s’est sanctifiée pour nous [Jean 17, 19], est le moyen par lequel Dieu, tout d’abord, juge en nous tout ce qui tendrait à nous faire tomber dans le désert. Ensuite, pour ce qui regarde toutes les faiblesses et même les chutes, nous avons la sacrificature, car c’est au cours de cet exercice de la vie que nous possédons en Christ, durant lequel, par-dessus tout, notre entière dépendance de Dieu est mise en lumière et notre cœur est purifié d’une manière pratique, que la sacrificature de Christ s’applique aussi. Elle ne s’exerce pas en vue de nous obtenir la justice, ni de nous amener à Dieu. Elle est fondée dans son exercice sur la justice parfaite et sur la propitiation accomplie pour nos péchés, et elle s’exerce en vue de maintenir ou de restaurer la communion des saints durant leur marche dans la faiblesse, avec la parfaite lumière dans laquelle ils ont été amenés à travers le voile déchiré, par le moyen de cette justice et de cette propitiation. Ce n’est pas non plus que nous allons à Christ avec repentance, afin qu’Il intercède pour nous : ce serait là se défier de l’amour parfait du Père dans la présence duquel Il nous a amenés comme enfants ; et, au fond personne ne voudrait faire cela ; mais Il intercède pour nous afin que nous nous repentions. Nos âmes sont ainsi rétablies par grâce dans la communion, ou y sont maintenues. L’intercession est en faveur des saints. Pour la volonté, il y a l’usage de la Parole ; pour la faiblesse et pour les chutes, il y a la grâce de la sacrificature.

L’autre point auquel j’ai fait allusion regarde notre encouragement dans la course que nous avons à fournir. Il y est pourvu par les promesses et les récompenses qui se rattachent au gouvernement attentif et fidèle du Père, qui châtie lorsque c’est nécessaire. Dieu est souverain dans la révélation de Sa bonté au cœur, et Il sait quand il convient de la faire connaître : mais Il a révélé les principes de Son gouvernement. « Si quelqu’un m’aime, il sera aimé de mon Père ; je l’aimerai et je me ferai connaître à lui » [Jean 14, 21]. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma Parole, mon Père l’aimera ; et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui » [Jean 14, 23]. Il est évident que Dieu ne peut avoir communion même avec une vaine pensée. Christ ne dit pas relativement au salut : « Si quelqu’un m’aime, Dieu l’aimera ». Nous L’aimons parce qu’Il nous a aimés le premier [1 Jean 4, 19]. Ce qui caractérise proprement l’amour de Dieu, c’est qu’Il nous a aimés lorsque nous étions des pécheurs. Mais, quoique Dieu puisse visiter et restaurer en grâce, Sa communion ne se trouve que dans la sainteté et avec ceux qui obéissent. Pour la sainteté et pour l’obéissance, nous dépendons également de Sa grâce.

Ici se présente aussi la doctrine de l’Écriture touchant les récompenses. Quant à la justice et au salut, il ne saurait être question de récompense. Ce sont des privilèges en Christ, ils sont parfaits. Ils sont, pour ainsi dire, la récompense de Ses travaux et de Son œuvre. Si donc on considère la récompense comme le motif pour travailler, on est sur un fondement faux. L’amour et l’obéissance sont les seuls véritables motifs au travail, comme ce fut le cas en Christ Lui-même. « Afin, dit-il, que le monde connaisse que j’aime le Père, et que selon ce que le Père m’a commandé, ainsi je fais » [Jean 14, 31]. Et encore : « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre » [Jean 4, 34]. Mais les récompenses sont présentées comme encouragement dans les difficultés qui se rencontrent sur la route dans laquelle l’amour et l’obéissance nous ont engagés. C’est ainsi qu’il a pu être dit de Christ : « Lequel, à cause de la joie qui Lui était proposée, a enduré la croix, ayant méprisé la honte, et s’est assis à la droite du trône de Dieu » [Héb. 12, 2]. C’est ainsi qu’il est dit de Moïse, le Saint Esprit l’approuvant : « Il regardait à la rémunération » [Héb. 11, 26]. Enfin, c’est ainsi qu’il est dit de tous : « Chacun recevra sa propre récompense, selon son propre travail » [1 Cor. 3, 8]. Les Thessaloniciens seront pour Paul une couronne [1 Thess. 2, 19], une gloire, comme ils ne le seront pas pour nous. Néanmoins la Parole nous rappelle avec soin que cela est par grâce et que, en récompensant Ses ouvriers, Dieu fait ce qu’Il veut de ce qui est à Lui [Matt. 20, 15] ; mais, par une grâce surabondante, le privilège de s’asseoir à la droite ou à la gauche de Christ sera accordé à ceux pour lesquels cela aura été préparé par le Père [Matt. 20, 23]. Quant à la justice et au salut, tous sont égaux. Nous serons conformes à la ressemblance du Fils de Dieu [Rom. 8, 29]. Cependant, quoique Dieu soit souverain quant à la place qu’Il nous assigne en rapport avec l’œuvre du Saint Esprit en nous et par nous (car c’est eu égard à cette œuvre que la récompense est accordée ; elle n’a rien affaire avec notre justice qui est Christ Lui-même), Il exerce Sa souveraineté en distribuant les récompenses conformément au travail que l’on a accompli dans le don et la vocation ; de sorte que le gouvernement de Dieu et la responsabilité du croyant se trouvent en activité, de manière cependant que le croyant est amené plus nettement à dire : « Non pas moi, mais la grâce de Dieu qui était en moi » [1 Cor. 15, 10]. C’est précisément celui qui a le sentiment le plus profond de la responsabilité qui sentira aussi le plus profondément la dépendance entière de la grâce. Si on mêle ces questions avec celle du salut, il n’en résulte que des notions légales et fausses. Mais lorsqu’on est au clair sur ces choses, l’exercice auquel elles donnent lieu pour le cœur est très utile, en ce qu’il mène au sentiment de dépendance, et au sentiment de confiance en Celui qui peut bénir et qui prend plaisir à le faire ; au sentiment, enfin, qu’il y a un Dieu vivant, que nous ne pouvons rien de nous-mêmes, rien sans Christ. Cet exercice nous rend humbles, et nous apprend à dépendre de Dieu, au jour le jour, avec une confiance entière.

Le principe auquel j’ai fait allusion ci-dessus est d’une application constante. Jamais la récompense n’est présentée dans l’Écriture comme motif pour agir, mais toujours comme un encouragement à celui qui travaille par d’autres motifs. C’est ainsi, nous le savons bien, que ce furent l’amour, l’amour éternel, divin, et ensuite l’obéissance à Son Père, qui conduisirent Christ sur Son sentier de douleur. Sur ce sentier, Il endura à cause de la joie qui Lui était proposée [Héb. 12, 2]. Moïse alla visiter ses frères, parce que Dieu lui mit au cœur de préférer de souffrir avec le peuple de Dieu, plutôt que de vivre dans les impies délices [Héb. 11, 25] d’une cour. Il endura comme voyant Celui qui est invisible [Héb. 11, 27], parce qu’il regardait à la rémunération. « Nous moissonnerons en la propre saison, si nous ne défaillons pas » [Gal. 6, 9]. L’amour de Christ le pressait, et aussi l’excellence de la connaissance de Christ [Phil. 3, 8] ; mais il savait qu’une couronne de justice était réservée pour lui, que le Seigneur, le juste juge, lui rendrait dans ce jour-là [2 Tim. 4, 8]. Là où la récompense est le motif, tout va mal ; mais le Seigneur, par un effet de Sa miséricordieuse bonté, nous encourage dans le travail, en nous faisant jouir de Son approbation, et en nous promettant des récompenses à la fin. Nous croyons qu’Il existe, et qu’Il est le rémunérateur de ceux qui Le cherchent [Héb. 11, 6].


Ainsi, la relation dans laquelle nous sommes avec Dieu est fondée sur une justice parfaite et divine, de sorte que cette relation est divine et que nous jouissons de l’amour parfait de Dieu dans une relation connue, et d’une manière divine. D’où il suit que les saintes affections sont des affections libres, et que Dieu est glorifié. Tout est de Lui et selon Lui. Il ne peut être élevé de question de justice en dehors de Christ. Béni soit Dieu, une telle relation est ineffablement douce, et aussi assurée que peut la rendre la perfection divine. En même temps, l’activité, l’énergie morale d’une vie qui poursuit son objet sous la main de Dieu, continue de se déployer. « Je fais une chose, dit Paul, je cours regardant au but, vers le prix de la céleste vocation de Dieu : si, en quelque manière que ce soit, je puis parvenir à la résurrection d’entre les morts » [Phil. 3, 14, 11]. Toute l’épître aux Philippiens repose sur ce fondement, et, en conséquence, parle de parvenir au salut, travailler au salut, tourner à salut, et autres expressions semblables. Le développement moral qui se rattache à la responsabilité personnelle se développe dans la dépendance de la grâce et sous l’œil d’un Père miséricordieux et saint, d’un Dieu de sainteté. Nous sommes établis dans le sentier même où Christ a marché afin de suivre Ses pas. Heureux qu’il nous soit permis de le faire, et de savoir que, marchant dans ce sentier, Ses serviteurs seront où est leur Maître. La parole : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur » [Matt. 25, 21], retentit doucement aux oreilles, et possède un degré de douceur tout particulier pour celui qui sait que ce n’est que par Sa grâce seule que nous pouvons être l’un ou l’autre. Nous ne pourrions pas Le servir si nous n’étions pas siens, siens par une vie nouvelle, siens par l’acquisition qu’Il a faite de nous par Son sang. Et dans le service tout dépend de Sa grâce journalière ; et la place qu’Il nous a donnée, la gloire spéciale dans laquelle chaque fidèle serviteur sera établi, constitue une partie du dessein et de l’opération de Dieu. Mais une fois que nous sommes affranchis, tout ce qui nous exerce moralement, ce en quoi nous avons le sentiment que notre responsabilité est engagée, l’énergie vivante de l’espérance, la vigilance, le soin de tenir son corps assujetti, tout se rattache à cela — nous combattons le bon combat de la foi, nous saisissons la vie éternelle [1 Tim. 6, 12].

Ce qui nous a donné de l’assurance comme salut, a placé devant nous, comme constituant ce salut, une espérance de gloire qui donne lieu au déploiement de toute l’énergie du nouvel homme par le Saint Esprit. Paul vit Christ glorifié. Dans cette contemplation, il trouva la fin de la justice légale et la certitude de la justice divine. Là se trouvait la gloire à laquelle il s’agissait d’arriver. Tout était pour lui ordure et fumier afin qu’il gagnât Christ ; et s’il devait lui en coûter la vie, cela était bien, car il était en route vers une résurrection d’entre les morts. Ce n’était pas une position de responsabilité dans laquelle il travaillait seul, pour ainsi dire, comme obligé sous la loi de remplir sa tâche ou de manquer ; sa responsabilité était étroitement unie avec l’affection de son cœur pour Christ — afin qu’il gagnât Christ [Phil. 3, 8]. Christ l’avait saisi pour cela [Phil. 3, 12] ; mais, en conséquence, il lui tardait de saisir le prix bienheureux.

Une telle marche se poursuit sous le gouvernement moral de Dieu. La chair ne peut être d’aucun secours dans le service de Christ ; — elle ne peut que faire obstacle. Pour être des vaisseaux à honneur, il nous faut être purs. Aussi l’apôtre tenait-il son corps assujetti. Aussi Pierre nous dit-il : « Si vous invoquez comme Père Celui qui sans égard à l’apparence des personnes, juge selon l’œuvre de chacun, conduisez-vous avec crainte durant le temps de votre séjour ici-bas » [1 Pier. 1, 17]. Le Père ne juge personne, pour ce qui regarde le jugement final, définitif ; ainsi que l’apôtre s’exprime : « avec crainte durant le temps de votre séjour ici-bas ». Veut-il dire la crainte de ne pas avoir part à la rédemption ? Bien au contraire ; la crainte dont il parle est fondée sur la grandeur et l’excellence de la rédemption, sur la profondeur morale du jugement de Dieu à l’égard du bien et du mal : « sachant, continue-t-il, que vous avez été rachetés de votre vaine conduite, non par des choses corruptibles, argent ou or, mais par le précieux sang de Christ » [1 Pier. 1, 18-19]. De sorte que la radieuse énergie que communique l’espérance, les joies de la communion, la douceur de la dépendance, la sainte vigilance de la crainte, tous les sentiments dont nous devons être pénétrés, en tant qu’engagés dans ce grand combat avec le mal et rangés du côté de Dieu, s’unissent et concourent pour produire, par le moyen de la connaissance de la grâce et sur le fondement de la grâce, tout le développement moral dont est capable un être humain vivifié de Dieu, de manière à le rattacher à la perfection de Dieu en communion avec qui toute cette œuvre est accomplie, et à le rendre semblable à Christ, qui est le parfait modèle de cet état, comme était parfaite Sa communion avec le Père : – croître jusqu’à la mesure de la stature de la plénitude du Christ [Éph. 4, 13].

Pour ce qui concerne les besoins auxquels donnent lieu, tant au-dedans qu’au-dehors, un tel service et une telle marche, le sentier dans lequel Christ a marché nous met en communion avec Dieu en tout ce qui se trouve en Lui, pour qu’il y soit subvenu de la manière la plus miséricordieuse pour nos âmes. Nous n’y trouvons pas seulement aide et secours en vue des circonstances, mais nous y trouvons ce que Dieu est pour l’âme en vue de tout ce qui est manifesté en elle à l’occasion des circonstances par lesquelles elle est appelée à passer. Le désert fait connaître le cœur de l’homme, mais il sert aussi à faire connaître Dieu au cœur. La pleine joie de cette révélation sera goûtée plus tard. Dans le type, comme dans la réalité, le fondement c’est une rédemption parfaite ; et comme Israël à la mer Rouge, célébra la délivrance qui l’avait amené à Dieu, de même Balaam, au terme du désert, est obligé de déclarer que les enchantements et les divinations ne servaient à rien. Dieu n’avait point vu d’iniquité en Jacob, ni de perversité en Israël [Nomb. 23, 21]. Il s’occuperait Lui-même, dans Sa sagesse, des fautes de Son peuple, comme étant Son peuple ; mais Il n’écouterait aucune accusation. Combien il est beau de voir ainsi Dieu justifier en haut Israël, tandis qu’en bas ce pauvre peuple insensé se livre, dans son ignorance, à la désobéissance et aux murmures !

Enfin un dernier trait qui fait ressortir avec éclat tout ce qu’est la grâce. C’est que le motif même que Dieu donne comme déterminant Son jugement de destruction sur le peuple : « Je les consumerai, car c’est un peuple de cou raide » [Ex. 32, 9-10], une fois que la grâce est connue, peut être allégué par Moïse comme un motif pour Dieu d’aller avec eux : Si j’ai trouvé grâce devant tes yeux, que le Seigneur marche maintenant au milieu de nous, car c’est un peuple de cou raide [Ex. 34, 9] !