Abandonner la vérité présente, c’est se confier sans boussole à l’océan des sentiments et des questions. Si la vérité présente n’est pas la révélation actuelle de Dieu — qu’est-elle ? Et si elle l’est — puis-je espérer de marcher selon Sa pensée dans tout ce qui se passe présentement, sans la lumière à laquelle Il a pourvu pour moi ? L’homme ne connaît rien de Dieu, si ce n’est par révélation ; quelle inconséquence n’est-ce donc pas chez un enfant de Dieu d’admettre qu’il ne peut voir la nécessité d’adhérer à ce qui est la révélation pour ce temps-ci ! Car en qualité de chrétien, il doit reconnaître que n’était la révélation, il serait resté enseveli dans d’éternelles ténèbres ; et il n’a pas le droit de rejeter, ou de regarder comme indifférente une partie de la révélation, parce qu’elle ne porte pas directement sur la question de son salut.
La révélation de Dieu, dans sa pleine signification et en y comprenant toutes les dispensations qu’Il a successivement déroulées sur la terre, est un édifice à plusieurs étages, si je puis m’exprimer ainsi. Tous les étages ne furent pas éclairés à la fois, mais selon le besoin de ceux qui voulaient faire usage de la lumière. À une époque il pouvait être suffisant d’éclairer un étage, mais comme les ténèbres croissaient (car nonobstant ce que les rationalistes disent, les hommes s’éloignent tous les jours davantage de Dieu dans l’esprit de leurs pensées), il y eut de toute nécessité, besoin d’un accroissement de lumière que, dans Sa grâce, Dieu daigna accorder pour l’utilité de ceux qui voudraient s’en servir. La prophétie contenait une provision bien appropriée et inépuisable de la lumière dont on avait besoin ; mais cette lumière ne pouvait agir utilement sur quiconque ne saisissait pas l’ordre des conseils de Dieu sur la terre. Une personne telle n’occupait pas l’étage convenable, et ne recherchait pas non plus (faute de comprendre sa vocation), ni ne recevait de Dieu cette connaissance qui, non seulement lui eût fait connaître sa place propre devant Dieu, mais lui aurait aussi communiqué grâce et puissance pour agir en elle d’une manière agréable à Dieu. Comment Dieu peut-Il donner à une âme de la lumière pour voir l’avenir de Ses desseins, si elle en ignore le présent ou y est indifférente ? Celui qui connaît imparfaitement la vérité dispensationnelle, la vérité présente, ne peut jamais connaître comme il faut la vérité prophétique. Si je suis insouciant du caractère des arrangements pris par le Seigneur — insouciant de la position dans laquelle sont aujourd’hui les siens, selon Sa pensée — comment puis-je m’attendre à ce qu’Il me révèle des choses plus éloignées ? « À celui qui a il sera encore donné » [Matt. 25, 29]. Dire que l’Église est en ruines, n’est point une excuse ; car si je m’intéressais au conseil de Dieu dans l’Église, plus je trouverais que les matériaux répondent peu à ce conseil, et plus je chercherais à le maintenir.
Dieu ne veut pas s’écarter de Son propre conseil ; et sûrement c’est une merveilleuse grâce qu’Il nous permette de l’apprendre ; et plus encore, que selon que nous le connaissons, et que nous nous y soumettons, Il nous confie d’autres desseins de Son cœur. Plus les temps deviennent difficiles, plus j’ai besoin de la vérité dispensationnelle. Quelle autre charte ai-je ? Puis-je résoudre quelqu’une des anomalies, des contradictions qui m’entourent, ou découvrir un fil pour bien diriger ma marche au milieu d’elles, si je ne connais pas l’ordre et l’intention de Dieu et comment la méchanceté de l’homme les a traversés et troublés ? Au moyen du plus petit reste de l’Église, je dois être capable de reconstituer ce que l’Église devrait être selon les conseils de Dieu ; et en conséquence la servir selon Ses pensées et Son amour. Dans cette relation-là avec elle, je devrais estimer très exactement quel dommage elle a souffert et d’où lui est venu le dommage.
Dieu pour guide
Une des plus grandes preuves de tout ce que gagnèrent les Israélites à quitter l’Égypte, fut que Dieu leur montrait leur chemin et les guidait toujours. À Sa parole (dont la nuée était l’expression), ils se mettaient en marche, et à Sa parole ils campaient [Nomb. 9, 18]. Les deux grands traits caractéristiques du voyage dans le désert, furent : la conduite et la manne. De fait, nous sommes maintenant dans le désert ; et si nous jouissons de la manne, nous pouvons sûrement conclure que nous avons droit de jouir du privilège d’être conduits. Peu de saints nieraient leur droit à ce grand privilège ; mais beaucoup qui affirmeraient qu’ils reçoivent et prennent la nourriture spirituelle, hésiteraient à dire avec quelque confiance, qu’ils sont conduits, aussi distinctement et positivement que les Israélites l’étaient dans le désert.
Or, il n’en devrait pas être ainsi ; l’une de ces bénédictions repose sur le même fondement que l’autre ; la nuée accompagnait la marche à travers le désert, autant que le faisait la manne. Il est vrai que pour Israël, elles étaient toutes deux visibles à l’œil de la chair, tandis que maintenant elles sont toutes deux d’une nature spirituelle ; mais elles ne sont pas plus difficiles à réaliser pour l’homme spirituel ; et si je puis assurer solennellement avec actions de grâces que je suis divinement nourri jour après jour, et si je ne puis savoir cela que d’une manière spirituelle, ne dois-je pas avec une égale certitude avoir conscience dans la pensée spirituelle que je suis conduit ? Si j’ai droit à l’un, je l’ai également à l’autre ; ils sont rattachés tous les deux au désert : preuve bénie du soin de Dieu pour les siens ainsi rejetés sur Lui-même.
Pourquoi donc l’une de ces bénédictions spirituelles est-elle admise et reconnue, tandis que l’autre, quoique appréciée, est peu connue et l’objet de plus ou moins de doute dans le sentiment avec lequel on l’attend ? Le sentiment des Israélites dans le désert était, qu’ils ne connaissaient pas leur chemin, qu’ils n’en avaient aucune idée ; et ils s’abandonnaient aussi complètement à Dieu pour leur direction, parce qu’il n’y en avait aucun autre qui pût les conduire ; et, béni soit Son nom, Il n’avait pas non plus d’autre pensée que de les conduire Lui-même.
Le premier sentiment de mon âme, pour être conduit, doit donc être que je suis dans un vaste désert, et que je dois m’en remettre à Dieu, et à Dieu seul, du soin de me diriger. Mais de quelle manière ? Par les circonstances ? Jamais. Il ne conduisait point Israël au moyen de circonstances improvisées pour l’occasion, mais par une colonne de jour, et de nuit par une colonne de feu. C’étaient là Ses propres moyens arrêtés. Quelque chose d’inférieur à cela n’est pas proprement Sa conduite. Il est vrai que, dans Sa miséricorde, notre Dieu qui, en dépit de nous-mêmes et de notre manque de dépendance, ne veut pas nous laisser perdre notre chemin, se sert souvent des circonstances pour nous châtier et nous ramener dans le sentier de la foi ; et quand nous sommes dans le sentier, Il peut les admettre comme aides à notre faiblesse, mais elles ne montrent pas le chemin, elles ne sont jamais destinées à nous guider ; et je crois que la préoccupation des circonstances, comme indications du chemin, est ce qui empêche bien des âmes sincères de jouir de ce privilège, qui est leur réel et légitime privilège dans la traversée du désert.
Le psaume 32 nous montre comment le Seigneur accomplit Sa grâce envers nous quant à ce précieux privilège : « Je t’enseignerai le chemin dans lequel tu dois marcher ». « Je te guiderai de mon œil ». C’est là Son moyen arrêté, aussi distinctement que la nuée et la colonne de feu l’étaient pour Israël. Mais de quelle manière dois-je discerner Son œil ? Il faut que j’aie mes regards sur Lui. Si je le fais, je le verrai sûrement ; si je ne le fais pas, je ne saurais être guidé par Lui. Je dois regarder là où regarde l’œil de Dieu. À moins que mon âme ne se tienne près de Lui, à moins que je ne sois spirituel, il n’en saurait être ainsi ; je ne regarderai pas où Il regarde, et si je regarde à quelque autre chose pour me guider, je n’apercevrai pas Son œil ; mais cet œil n’est jamais caché à l’âme qui tient ses regards sur Lui. Le « mors et le frein » sont les alternatives de Dieu pour l’âme qui ne veut pas dépendre de Lui et être conduite par Son œil ; mais l’œil est là, éclairant le sentier du désert pour qui veut le discerner et en faire usage.
L’Esprit maintenant est venu pour nous conduire dans toute la vérité [Jean 16, 13] ; l’homme spirituel discerne toutes choses [1 Cor. 2, 15]. L’âme devrait s’attendre à Dieu, incapable d’avancer sans Lui, comptant qu’Il l’instruira, et ne faisant dépendre Son instruction de rien autre que du sentiment spirituel de la direction de Son propre regard.
Si je le fais, j’aurai la certitude, où que j’aille, que l’œil de mon Seigneur est dans cette direction ; que tel est le lieu particulier découvert par Lui pour moi dans le désert. Le Seigneur nous conduit afin d’exercer davantage nos âmes dans cette intimité et cette dépendance bénies.
Le sentier assigné
L’effet de la présence du Seigneur sur Ses disciples fut toujours de les retenir dans la pensée de Dieu, de sorte qu’Il put dire : « Quand j’étais avec eux dans le monde, je les gardais en son nom » [Jean 17, 12]. Merveilleux est l’effet d’une présence qui commande notre vénération tout en nous gouvernant en communion avec elle-même. Si nous n’avons pas de l’affection, ou que nous ne nous sentions pas de l’attrait pour elle, nous nous en retirons bientôt, car nous ne pouvons pas endurer une contrainte entièrement étrangère à nos goûts. Le goût peut ne pas être assez fort pour nous conduire dans la même direction dans laquelle la présence de quelqu’un souverainement puissant aura l’influence de nous entraîner s’il y a dans le cœur un goût véritable pour elle.
En Jean 11, nous voyons Marthe, dès que son entretien avec le Seigneur est fini, s’en échapper aussitôt. Il n’en est pas de même de Marie : plus l’entretien devient intime, plus elle est dominée par Sa présence qui commande à tout, et elle marche selon Dieu, côte à côte avec son Seigneur — accomplissant tout devoir sur son chemin. Sa douleur de la mort de son frère n’était pas moindre, non plus que sa joie de le voir ressuscité, et néanmoins son âme fut tout le temps occupée à recueillir ce parfum de nard pur qui devait être répandu au moment convenable. Elle était aimable dans le train ordinaire de la vie ; et apprenant ici le cœur de son Seigneur, et là marchant avec Lui, elle pouvait Lui dire quand Il entra dans Sa propre maison : « Tandis que le Roi a été assis à table, mon aspic a rendu son odeur » [Can. 1, 12]. Elle était belle et utile dans toutes les positions ; elle demeurait dans le Seigneur, et en conséquence portait beaucoup de fruit [Jean 15, 5].
C’est une occupation bien fatigante et sans profit de perdre le temps à se demander : « Que dois-je faire maintenant ? ». Si j’étais près du Seigneur, j’eusse vu en un moment ce qu’Il n’aurait pas voulu que je négligeasse ; et la chose à faire ensuite est toujours là sous la porte ; car la chose la plus petite mène souvent aux plus grands résultats, et c’est par la négligence de ces petites choses que sont arrivés les plus grands malheurs. Rien n’est négligé par Dieu.
Si quelquefois je suis embarrassé pour connaître mon véritable chemin, je le déterminerai mieux en m’approchant du Seigneur qu’en réfléchissant aux divers aspects des circonstances. Je puis pêcher très laborieusement toute la nuit sans rien prendre ; mais si le Seigneur est avec moi, je verrai sûrement les difficultés s’évanouir.
Tant qu’Il est avec les disciples, ils ne manqueront de rien ; Il fut à la fois pour eux une bourse et une épée ; mais lorsqu’Il se trouve sur le point de les quitter, Il leur dit : « Que celui qui a une bourse la prenne ; et que celui qui n’a pas d’épée vende sa robe et achète une épée » [Luc 22, 36]. Il allait les quitter pour cette œuvre si absorbante de l’expiation des péchés, et ils ne devaient pas compter sur Ses soins pour le temps actuel. Impossible de tracer un tableau plus fidèle de leur désolation.
La présence du Seigneur donne intelligence et force pour faire les choses. Elle ne me donne pas seulement la puissance, mais la possession de la puissance me pousse à en faire usage comme fait la vigueur dans un homme fait ; je sens qu’il me vaut mieux qu’une bourse ou qu’une épée, et qu’Il me secourra toujours si je suis mon véritable sentier : car c’est là seulement que se trouvent les difficultés propres à la foi qu’Il me donne, ou plutôt les exercices convenables pour cette foi. Si je me détourne de mon sentier, je me détourne de la foi qui y convient ; et il faut que je renonce à la présence du Seigneur qui ne saurait m’accompagner que pendant que je marche selon la volonté de Dieu. Abraham chercha à marcher avec Dieu, et de cette manière il entra dans Ses joies et Ses bénédictions. Lot chercha à se faire lui-même un sentier, et il alla toujours d’une souffrance à une autre, cherchant à échapper au mal, au lieu de marcher avec Dieu, au-dessus de lui. Il n’y a aucun profit à essayer d’améliorer un mal ou une erreur ; il nous faut comme Pierre abandonner la nacelle et nous jeter dans les bras du Seigneur ; et le sentier nous sera de nouveau manifeste, et nous aurons de la grâce pour y marcher.
La lumière est une armure
La grande puissance et le trait caractéristique de la lumière consistent en ceci : qu’elle repousse l’entrée des ténèbres sur tous les points. Quelque petite que soit la lumière, on ne saurait l’atteindre d’aucun côté. Elle est isolée de tout sauf d’elle-même, quoiqu’elle s’unisse tellement avec elle-même que vous ne sauriez distinguer dans l’unité qu’elles forment la lumière fournie par la lampe la plus grande, de celle que fournit le plus petit lumignon.
Elle est exclusive, c’est-à-dire qu’elle ne veut pas admettre de mélange ; mais plus elle est accrue, plus elle affirme son isolement ; quoique, en même temps, à chaque accroissement nouveau elle offrira et procurera un avantage à quiconque a besoin d’elle, de telle sorte que c’est lorsqu’elle est le plus distincte de tout, qu’elle est moralement le plus propre à offrir et à rendre d’une manière délicate et discrète les services les plus précieux. En Romains 13, 12, nous sommes exhortés à « revêtir les armes de la lumière » — les moyens de défense aussi bien que d’attaque. La lumière n’est pas une armure seulement, mais une arme ; car « la lumière est ce qui manifeste ; chose pénible nécessairement pour ce qui est manifesté et dévoilé, mais préservatrice pour ce en faveur de quoi elle agit ».
Repoussant tout mélange, toute association avec quoi que ce soit sauf elle-même, elle coopérera cependant, et s’unira avec la plus petite fraction de lumière qui ne fera que la rendre plus forte dans ses propres qualités intrinsèques. Si je marche dans la lumière, j’aide sans m’en apercevoir son plus faible rayon dans mes associés. Quelle qu’en soit la mesure en moi ou en eux, arrivant en contact il faut nécessairement que les deux lumières s’unissent et coopèrent délicatement : de sorte qu’il y a un avantage réciproque, souvent ignoré ou peu défini, sauf dans le sentiment d’être préservés des œuvres de ténèbres. La nature est tenue en échec, mais tellement tenue en échec de toute part, qu’elle est plus soumise et moins irritée, que si, comme une guerre de guérillas, elle était attaquée tantôt d’un côté, et tantôt d’un autre. Souvent lorsque nous tâchons de nous bien comporter dans des circonstances données et que nous arrangeons la manière dont nous agirons, nous trouverons combien nos plans ont été vains. La nature, quoique irritée, n’est point subjuguée par nos arrangements pris à l’avance ; tandis que si nous marchons dans le plus faible degré de lumière connu de nous, nous nous préserverons efficacement nous-mêmes, et en même temps nous offrirons et nous rendrons (s’ils sont acceptables) les meilleurs services à ceux qui nous entourent. Plus haut nous nous tenons, et plus aussi nous nous sentons environnés et en possession des « armes de la lumière ». Et plus nous saurons ce qu’est la lumière, plus aussi nous estimerons à sa véritable valeur tout ce qui lui est opposé.
L’effet d’une association mondaine
Avez-vous jamais réfléchi à l’effet de l’association ? Je crois que nous sommes affectés ou changés en quelque manière par toute association avec un membre quelconque de la famille humaine. Le nazaréen perdait les cheveux de sa séparation par le fait du contact d’un corps mort, même subitement [Nomb. 6, 9] ; et je doute qu’il les perdît de quelque autre manière. Je suis convaincu que nous n’entrons jamais en rapport avec l’humanité sans en retirer du dommage ou du profit.
Or, ce qui ne peut nous être utile doit nous causer du préjudice, si nous nous y associons. Je sais qu’on peut garder vis-à-vis d’un autre une position élevée ; mais alors il est clair que je ne lui suis pas uni. Je suis, au contraire, dans une position sensiblement distincte, qui pour moi-même est une épreuve, et à laquelle je me soumets seulement à cause du témoignage, et pour le bien de celui qui m’est inférieur. Du moment que je m’unis à lui, du moment que nous sommes sur le pied de l’égalité dans quelque direction que ce soit, c’en est fait de ma position distincte, et aussi de mon influence. Puis-je espérer jamais d’aider quelqu’un à sortir d’un bourbier en y entrant moi-même ? N’emploierai-je pas d’autant mieux toute ma force, que je mettrai tous les soins en mon pouvoir à l’appliquer de la terra firma d’une base solide ? En refusant de m’unir intimement, je ne refuse pas d’aider ; car, de fait, je perds ma puissance pour porter moralement secours, du moment que j’entre en intimité ; le témoignage même à ma puissance morale propre étant que je me garde moi-même du bourbier ou de son voisinage. Si je me place sur la même ligne, je manque à faire voir que je suis doué du pouvoir de porter secours, ou je veux dire que c’est un cas qui n’a pas besoin d’être secouru. Si je touche le corps mort, si je perds ma chevelure, ma puissance morale, à quoi puis-je servir ?
Une personne d’une vraie vigueur morale et d’une intelligence spirituelle doit trouver la compagnie d’un incrédule ou du monde très fatigante en toute manière, car il faut qu’il soit tout le temps serré à la hauteur du témoignage et qu’il se garde de tout relâchement qui le dépouillerait de sa haute position. Si j’ai raison avec un homme pareil, je ne dois pas me mêler avec lui ; si je faillis à l’élever à des vues plus hautes, il ne faut pas que je descende à son niveau ; car si je le fais j’ai perdu ma position de témoignage vis-à-vis de lui, et par conséquent, je suis déchu de ma puissance morale ; il m’a causé du dommage, il a nourri mon vieil homme que j’ai laissé s’élever et agir au détriment du nouveau ; et même, quoique mon intention de lui être utile fût sincère, je l’ai fait échouer.
Rien n’est aussi propre à convaincre quelqu’un de ma puissance comme d’en voir l’effet sur moi-même. Quand Isaac (Gen. 26) se fut complètement retiré du pays des Philistins, alors sa supériorité fut reconnue par le roi. Il en est toujours ainsi. Si je vous vois capable d’abandonner tout le monde et tous ses raffinements, je dois sentir dans ma conscience qu’il y a là quelque chose de puissant.
Faisons cela au nom du Seigneur ! Conservons-Lui inviolablement notre amour et notre fidélité, et à mesure que nos âmes jouiront de la sainteté de Sa voie, nous verrons plus clairement comment de pareilles associations nous font du mal, et comment nous rendons vaines nos intentions les meilleures en donnant satisfaction au moi.
La responsabilité de la qualité de membre
Si nous disons croire que les membres du corps de Christ sont un avec Christ, et que le Saint Esprit est descendu ici-bas pour former un corps en Christ ; en un mot, si nous tenons les grandes vérités qui caractérisent l’Église de Dieu, il est évident que quoique ma place individuelle avec Christ reste la même pour moi si je suis personnellement fidèle (voyez Jean 14, 21-24), néanmoins ma place dans le corps ici-bas, dans lequel je suis tenu par le Saint Esprit, souffre ou gagne selon la fidélité de tous les autres membres, aussi bien que selon la mienne propre.
L’action ou l’inaction de mes co-membres affectent mon témoignage, mon service, mon culte en communion avec les saints ; par conséquent, où que ce soit qu’ils se trouvent, leur conduite est pour moi d’un important intérêt, indépendamment de la considération que je puis avoir pour les intérêts de mon Seigneur en eux ; et chercher à les améliorer ou à les conserver dans un bon état, est la seule méthode que j’aie pour me délivrer de l’embarras qu’ils me causent.
Si la parole ou le jugement de mon Seigneur exclut quelqu’un d’entre eux pour cause de chute radicale d’une union soutenue, alors je suis soulagé (puis-je dire ?) de cet embarras corporel ; autrement, je n’ai pas d’autre remède que les procédés d’une constitution saine et vigoureuse pour les rallier et les amender. Si une réunion devient morte et formaliste, et si par le moyen de la grâce et de la discipline mon âme est demeurée vivante et vigoureuse, je ne crois pas que je fisse quelque chose d’utile ni pour moi-même ni pour eux, ni qui fût agréable à l’Esprit de Dieu, en cherchant une autre enceinte où je pourrais rassembler plus d’âmes pareilles.
Aussi longtemps que je puis reconnaître l’assemblée comme se réunissant sur des principes divins, je suis obligé de maintenir intacte ma qualité de membre et de l’utiliser dans son sein. S’ils manquent comme membres, je ne manque pas. Ma mesure de puissance sera reconnue où il y a de la vie. Comme toutes les diverses mesures de lumière se confondent et se répandent quand elles sont placées ensemble, ainsi font toutes les mesures diverses de lumière spirituelle lorsqu’elles agissent selon la pensée et l’ordre de Dieu. Dois-je lier mon bras parce que la plus grande partie de mon corps est paralysée ? Ne dois-je pas plutôt développer la force de vie par le membre qui reste en santé ?
Je suis convaincu qu’un membre fidèle, remplissant son devoir, et prouvant sa vitalité au milieu d’une constitution affaiblie, rallierait et ranimerait en définitive tout ce qui est sincère. Toute l’histoire de l’Écriture appuie cette manière de voir. L’impatience ou la précipitation prouvent toujours le défaut de puissance. Si j’ai de la puissance, je n’ai son emploi que là où elle fait défaut, et ce n’est pas la quantité de puissance qui est précieuse, mais son fidèle et énergique emploi. Semblable à Phinées, je n’abandonne pas l’assemblée de l’Éternel, si elle l’est ; mais le fait qu’elle a besoin d’autant, ne fait que donner un caractère plus impératif à ce qu’elle réclame de moi, de maintenir la vérité au milieu d’elle, selon la puissance que Dieu peut me donner.
La preuve la plus simple et la plus complète d’une puissance divine, c’est la capacité d’appliquer la propre qualité de bien convenable à l’existence affaiblie d’un corps malade. Ce n’est pas le tourbillon, ce n’est pas le feu, c’est la parole douce et insinuante [1 Rois 19, 11-12] qui se fait elle-même une place dans l’âme, parce que l’âme réveillée sent que c’est juste ce qu’il lui faut. Christ présenté selon la nature du besoin était la nature du ministère prescrit pour les églises en déclin de l’Apocalypse. Je crois que si nous avions de la grâce, nous serions comme Élie envers les prophètes de Baal, ou quelqu’un comme eux ; nous laisserions ces derniers faire tout ce qu’ils voudraient, et puis au nom de l’Éternel nous établirions Sa grâce pour les âmes qu’Il aime.
Préparation pour la gloire
Ce n’est qu’à mesure que nous entrons ici-bas dans les souffrances de Christ que nous pouvons soit désirer saisir Sa gloire, soit être préparé pour elle. Tout ce qui se rattache au vieil homme est contraire à Christ, car c’est en raison de cela qu’Il est mort. Si je veux entrer dans la gloire de Christ, il faut nécessairement que je meure ici à tout ce qui Lui est contraire. Sa vie me conduit dans Sa gloire ; mais si elle fait cela, elle me place aussi moralement dans le sentiment de la mort par rapport à tout ce qui Lui est opposé. De sorte que c’est dans la proportion que je suis capable de marcher ici dans les souffrances dont Sa vie fut accablée, que je désire et saisis d’autant plus Sa gloire. Si je fais l’expérience que tout ici est en antagonisme avec moi, comme Il le sentit, la gloire est ma ressource. En sorte que j’ai le sentiment que comme je souffre avec Lui, je dois aussi être glorifié avec Lui [Rom. 8, 17] ; et que cette légère affliction qui ne fait que passer opère pour moi dans une surabondante mesure un poids de gloire éternel [2 Cor. 4, 17]. La beauté et l’éclat de la gloire elle-même ne touchent pas ceux qui ne souffrent pas ici avec Christ ; et cette considération explique comment il se fait que bien des personnes qui sentent leur besoin de Christ et usent de Lui à un haut degré n’ont que de très faibles désirs pour cette gloire et ne la saisissent que bien peu. Si je jouis de ce dont Christ ne peut jouir, comment puis-je jouir de ce dont Il jouit ? Et en conséquence l’école ou l’université pour la gloire, c’est de souffrir avec Lui. C’est là qu’il faut que j’étudie, c’est là qu’il faut que je prenne mes grades. Ce n’est que suivant que je prends ma croix chaque jour et que je suis Christ, que je puis soit désirer de monter avec Lui sur la sainte montagne, soit être prêt à le faire.
La mort vient sur nous ici de bien des manières ; il n’en est pas deux parmi nous qui meurent moralement de la même manière. C’est en suivant Christ que nous sera toujours révélée la nature de la mort dont nous avons à mourir. La mort est l’abandon de tout ce en quoi j’aimerais de vivre, et en quoi je pourrais vivre humainement ; mais comme je suis Christ, je trouve que je dois en faire l’abandon ; et alors, dans la mesure que je meurs à cela, en Le suivant, L’accompagnant pour ainsi dire, je trouve que mon âme a grandi dans son désir, sa conception de la gloire, et dans sa préparation pour elle. Je sens que ce à quoi j’ai à mourir est opposé au Seigneur ; mais que la gloire dans laquelle Il se trouve est la joie et la ressource de mon cœur. Lorsque Moïse eut le sentiment de la rébellion et de l’état désespéré d’Israël, son œil se porta sur quelque chose au-delà de l’homme, et sa prière fut : « Fais-moi voir ta gloire » [Ex. 33, 18]. Lorsque Étienne eut atteint les limites du témoignage qui devait être rendu à Israël comme nation, la gloire lui fut présentée comme sa demeure. Il en fut de même pour Paul en prison à Rome, et pour Jean à Patmos. Suivant que chacun avait participé aux souffrances de Christ, il put se réjouir de ce que lors de la révélation de Sa gloire, il aurait en partage les transports d’une immense allégresse [1 Pier. 4, 13].
L’usage et l’abus de l’œil
Le premier grand point à établir en vue de s’assurer de l’erreur de quelque chose, c’est d’obtenir une parfaite connaissance de ce qui est véritable et juste. Ce qui est bon doit être unique, tandis que les contrefaçons peuvent varier à l’infini. Un banquier disait un jour comme on lui demandait à quoi il reconnaissait un faux billet : « Je n’examine jamais si un billet est faux, je m’assure qu’il est bon ». Si je connais ce qui est bien, c’est chose très facile et très simple pour moi de rejeter ce qui n’y répond point. Plusieurs se fatiguent sans profit en examinant les personnes suspectes, à rechercher s’il y a des fondements au soupçon ; tandis que s’ils s’étaient attachés simplement à ce qu’ils savaient être bien, ils auraient sur-le-champ discerné et rejeté la fausse prétention, lors même qu’ils n’auraient pas été capables de dire exactement les motifs d’après lesquels ils la rejetaient. Je puis ajouter qu’après avoir rejeté quelque prétention fausse, je puis alors, afin de convaincre les autres, examiner les imperfections qui prouvent son manque de sincérité ; mais la première occupation de mon œil, s’il s’agit de choix ou de discernement, ne devrait pas avoir pour objet l’imperfection ou le mal.
À quoi donc l’œil doit-il être occupé ? Si je ne suis pas capable de déterminer cela, il ne me sera pas très facile de déterminer à quoi il ne doit pas l’être ; tandis que si je puis décider quelle est la bonne occupation pour mon œil, je puis aisément déterminer ce qui ne l’est pas.
Voici la cause de tant d’indécision et de tant d’inconséquence. On n’a pas déterminé pour soi-même ce qui est bien ; et par suite on tâche de juger de tout ce qui se présente d’après ses mérites propres, au lieu d’en juger d’après les mérites d’un modèle assuré. Or, la juste occupation de l’œil doit être déterminée par rapport à la puissance qui a droit de le gouverner. Si le Seigneur a ce droit, alors son occupation doit être en accord avec la pensée du Seigneur et ce qu’Il a établi ici-bas, pendant que nous sommes dans le corps. L’emploi d’un organe quelconque tire son caractère du pouvoir qui a autorité sur lui. Si le Seigneur a autorité sur mon œil, il est occupé de ce qui L’intéresse. Si c’est ma propre volonté qui le contrôle, il recevra son caractère de mes goûts et de mes penchants charnels ; et c’est un agent très actif à fournir au cœur naturel ample provision pour son inimitié contre Dieu. Ève vit que le fruit défendu était agréable à la vue [Gen. 3, 6], et cela encouragea dans son cœur une inclination à agir dans l’indépendance de Dieu. C’est merveilleux comme le jugement de l’œil nous affecte à l’égard de tout, et combien ce jugement est le fruit de notre propre état d’âme.
Deux personnes peuvent voir la même chose avec des impressions totalement différentes ; mais l’impression communiquée à chacun est en rapport avec son propre état particulier avant que son œil ait ainsi agi. L’un admire, pendant que l’autre se détourne peiné de voir précisément la même scène. Le corps est au Seigneur, et l’œil est au Seigneur ; soit que l’Esprit de Dieu emploie mon œil à embrasser et contempler tout ce qu’il est important pour moi de voir dans ma carrière, soit que le cœur naturel l’emploie à lui fournir des matériaux pour son propre entretien : aussi la « convoitise des yeux » est-elle classée avec la « convoitise de la chair » [1 Jean 2, 16], quoique aucun homme n’ait jamais pensé qu’elles pussent être placées ensemble comme moralement égales. Elles nous rattachent toutes deux au monde qui n’est point du Père, et la « convoitise des yeux » est même la plus dangereuse des deux, parce qu’elle est la moins redoutée ou la moins combattue quoique l’Écriture abonde en avertissements touchant les dangers dont l’œil est la source. Souvenez-vous que l’œil transmet à l’âme un message correspondant à la puissance qui l’emploie. Si c’est le Seigneur qui l’emploie, alors ce sont des matériaux pour l’accomplissement de Sa volonté que l’impression qu’elle en reçoit, fournit à l’âme. Si c’est mon propre cœur qui l’a employé, l’impression fournira au contraire des matériaux pour son propre encouragement, ce qui pour le chrétien constitue une double perte : car non seulement elle le prive de ce qu’il aurait pu gagner pour le Seigneur ; mais elle lui procure ce qui empêche et exclut son sentiment de l’amour du Père. Combien peu nos cœurs pèsent ces choses, et les prennent à cœur !