Quelques pensées sur la seconde épître de Pierre

[Écho du témoignage 1867 p. 269-273]

Dans cette épître, l’apôtre, sous la direction du Saint Esprit, anticipe la corruption morale qui devait couvrir entièrement la chrétienté. Le langage et les figures sont mis largement à contribution pour faire ressortir ce solennel tableau prophétique, et certainement ce que nous pouvons observer aujourd’hui est bien de nature à justifier pleinement les pressentiments de l’Esprit. Car ce que nous savons de corruptions pareilles nous autorise à dire que les expressions ou les figures prises de Balaam, de Sodome, des anges déchus, du chien ou de la truie, ne sont pas trop fortes pour la réalité.

Mais la souillure entraîne le jugement. Dans un sens divin, selon le compte de Dieu, selon la justice ou la sainteté, ces deux choses vont nécessairement ensemble. Aussi, cette même épître nous présente-t-elle le jugement aussi bien que la corruption morale ; nous le trouvons dans le chapitre 3 qui fait suite naturellement au chapitre 2.

Tels sont les principaux sujets dont l’apôtre traite dans ces chapitres — la corruption morale dans le chapitre 2, le jugement dans le chapitre 3. La gloire, ou la demeure de la justice, est vue seulement à distance ; de sorte que je puis bien rendre de cette manière l’aspect sous lequel se présente notre épître : la souillure morale y occupe le premier plan, les jugements divins en constituent le milieu, et la gloire rayonne faiblement dans le lointain.

Mais cela posé, l’apôtre a un but pratique : il veut, je n’en doute pas, mettre les saints à cette culture de la sainteté, à cet exercice vivant de leurs âmes dans la puissance de la piété, qui les préserveront de cette mauvaise condition qu’il prédit. C’est ce que montre le chapitre 1.

Il leur dit dès les toutes premières lignes, qu’il a été pleinement pourvu à tout en vue de cette fin, de cette culture à laquelle il a à cœur de les mettre.

Il leur dit que la puissance divine leur a donné et assuré tout ce qui regardait non seulement la vie, mais la piété, tout ce qui était nécessaire pour elles, et que les promesses très grandes et précieuses, comme elles l’étaient, avaient en elle une vertu purifiante ; que par leur moyen les saints participeraient à la nature divine, comme gens qui avaient échappé à la corruption qui est dans le monde par la convoitise. Tout cela, il le leur dit dès l’entrée, et nous y voyons tout de suite le but pratique qu’il se proposait en leur écrivant, savoir de faire ressortir les ressources qu’ils avaient en Dieu, dans Sa puissance et Ses promesses, non pas pour le salut ou la joie (quoique cela soit vrai, ainsi que nous le savons), mais pour la piété.

Les promesses sont envisagées dans leur vertu de purification. C’est, puis-je dire, le lavage d’eau par la parole que Pierre a en vue ici et dont il veut parler, comme Paul le fait en un autre endroit (Éph. 5, 26).

Après nous avoir ainsi montré comment nous avons en Dieu et dans Sa Parole nos ressources pour une vie de piété, il nous met à la culture de la piété. Il nous parle de fertilité — fertilité qui se manifestera dans la culture et la production de ces grâces et de ces vertus qui donnent aux saints leur vrai caractère, leur caractère intime, ces habitudes, ce tempérament et ces qualités, progrès de l’âme, de l’homme intérieur, qui, nous le savons, sont d’un grand prix devant Dieu.

Il y a de la différence, nous pouvons l’observer, entre le service et la fertilité. Le service est quelque chose de plus manifeste, la fertilité peut être extrêmement cachée. La main, le pied ou la langue peuvent servir ; et ils doivent le faire. Oints du sang et de l’huile, ils doivent être des instruments dans la main du divin Maître de la maison et être là comme des serviteurs ; mais c’est dans les régions les plus profondes des affections et du cœur, dans les secrets de l’âme, que le labourage des saints, dans la puissance de l’Esprit et de la vérité, doit porter du fruit pour Dieu. C’est là que doivent naître et croître, belles et odorantes, des herbes propres pour Celui par la vertu duquel l’âme est cultivée, et qui disent la vertu de cette pluie qui l’a visitée du ciel (Héb. 6, 7).

Mais il y a plus. Il est si vrai que Pierre a en vue la piété pratique, qu’il donne non seulement les promesses, comme nous l’avons vu, en rapport avec elle, mais aussi d’autres choses, d’autres objets. C’est ainsi que, portant ses regards dans le lointain sur la gloire, il la voit sous ce caractère-ci, comme la demeure de la justice (3, 13). Ce n’est pas son éclat ou sa joie qu’il anticipe, mais sa pureté. Il appelle la montagne de la transfiguration la sainte montagne (1, 18). Et cela étant ainsi, le lieu vers lequel les saints se dirigent étant saint — étant la demeure de la justice, il leur déclare que s’ils cultivent la piété selon qu’il les y exhorte — si leur labourage se compose de la vertu, de la connaissance, de la tempérance, de la patience, de l’amour, et choses pareilles — alors ils auront une riche entrée dans ce royaume. C’est une pensée aussi simple que sûre. Si le lieu où nous devons entrer au terme du voyage est un lieu de pureté, une sainte montagne, la demeure de la justice ; et si, pendant que nous sommes en route, nous chérissons et pratiquons la sainteté, la pureté, la justice, certainement notre entrée sera d’autant plus aisée et naturelle, et par conséquent une riche entrée. Il en sera ainsi, parce que nous aurons été déjà (dans l’esprit de nos pensées, ou quant à notre caractère) dans le lieu dont nous approchons. Nous le connaissons déjà dans le sens moral. Il se peut que nous n’ayons pas vu un seul rayon de son éclat ou de sa gloire tout le long de la route qui nous y a menés, mais nous avons été exercés dans sa vertu — nous avons été en harmonie morale avec lui. Nous n’avons pas eu encore sous les yeux ses scènes ravissantes, mais nous avons déjà respiré son atmosphère ; et cela nous garantit une entrée aisée, naturelle, une riche entrée.

Je puis donc ajouter cette remarque — que comme nous voyons dans les chapitres 2 et 3, la corruption aboutir au jugement, de même au chapitre 1, nous voyons le sentier des saints, de ceux qui marchent dans la puissance pratique de leur sainte vocation, aboutir à une heureuse, riche, entrée dans le royaume éternel.

Oui ; et voici la morale que nous pouvons tirer de cela. Comme le sentier devrait exhaler l’odeur du lieu où il mène ! Sommes-nous en marche vers Celui qui fut rejeté ici-bas ? Comme il convient que nous ne refusions pas d’être rejetés avec Lui. Sommes-nous en marche pour joindre le vainqueur du monde ? Comme il convient que nous chérissions cette foi qui surmonte le monde. Devons-nous voir bientôt Celui qui nous aima jusqu’à mourir pour nous ? Qu’il est juste que nous cultivions l’amour les uns pour les autres. Et selon les enseignements de cette épître, nos pas se dirigent-ils vers la demeure de la justice ? Comme il nous convient de croître dans la grâce, et d’ajouter à la foi la vertu, et à la vertu la connaissance, et à la connaissance la tempérance, et à la tempérance la patience et le reste. Tel est le langage que nous pouvons nous tenir à nous-mêmes ; mais, si je puis me permettre de parler pour les autres, nous devons dire : « Maigreur sur moi ! Maigreur sur moi ! ».