Au mauvais jour

A. Gibert
« … Car au mauvais jour, il me mettra à couvert dans sa loge, il me tiendra caché dans le secret de sa tente ; il m’élèvera sur un rocher »
(Ps. 27, 5)

La tourmente qu’on voyait approcher sans se résoudre à y croire s’est levée, plus terrible encore que celle dont la génération qui nous précède avait connu la violence. Beaucoup d’entre nous, en des pays divers, sont aux armées. Plusieurs connaissent déjà les réalités effrayantes de la guerre. Cette guerre n’épargne même pas ceux qui restent dans les foyers menacés partout. C’est en de tels moments qu’il faut s’encourager mutuellement à regarder en haut.

Notre secours est toujours le même, le secours dans les détresses, toujours facile à trouver [Ps. 46, 1], notre refuge et notre force. C’est Celui qui dit : « Tenez-vous tranquilles, et sachez que je suis Dieu » [Ps. 46, 10]. Il nous le dit pour que nous, nous puissions dire : « C’est pourquoi nous ne craindrons point… » (Ps. 46).

Notre foi est bien faible, nous le constatons, hélas. Nous savons bien que le Maître commande au vent et à la mer, et pourtant Il aura toujours à nous reprendre, disant : « Pourquoi êtes-vous craintifs, gens de petite foi ? » [Matt. 8, 26]. Mais l’important est qu’il soit dans la nacelle avec nous. Aussi je me sens pressé de demander à tous les chers jeunes amis qui lisent ces lignes : « Jésus est-Il vraiment avec toi ? Le connais-tu personnellement ? Est-il ton Sauveur ? ». Que ce point capital soit réglé pour tous, en ces jours propres à remuer les cœurs, particulièrement chez les enfants de chrétiens qui auraient oublié l’enseignement de leur jeune âge. « Prenez garde que vous ne refusiez pas Celui qui parle » (Héb. 12, 25).

Pour nous qui connaissons le Seigneur, sachons nous orienter dans la tempête, et appliquons-nous à garder, à travers ces jours mauvais, le caractère d’enfants de Dieu.

Les événements en cours ne peuvent nous priver d’aucune de nos ressources en Christ. Dieu a la haute main sur ces événements qui emportent les hommes. Il permet que les nations servent de verge l’une vis-à-vis de l’autre. Toutefois, ce n’est pas encore le plein déchaînement du mal. « Ce qui retient » subsiste encore, « Celui qui retient » [2 Thess. 2, 6, 7] fait toujours sentir son action. S’il nous faut voir l’iniquité, contempler l’oppression, crier : Violence ! car la dévastation et la violence sont devant nous (Hab. 1, 3-4), si notre cœur s’indigne devant les agressions et les crimes de l’orgueil, nous pouvons dire avec le prophète : « L’Éternel est dans le palais de sa sainteté… » (Hab. 2, 20 ; Ps. 11, 4). Dieu connaît les mobiles qui poussent les hommes, pèse les motifs des chefs responsables, considère chaque nation, et Il se réserve la rétribution, même si « le méchant engloutit celui qui est plus juste que lui » (Hab. 1, 13). Il jugera en justice, en son jour. « À moi la vengeance, moi je rendrai, dit le Seigneur » (Rom. 12, 19).

En ce qui nous touche personnellement, souvenons-nous que « toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu » [Rom. 8, 28]. Il est « notre demeure de génération en génération » (Ps. 90, 1). Plus encore, Il est notre Père, Il permet l’épreuve de la foi, plus précieuse que celle de l’or qui périt et qui toutefois est éprouvé par le feu [1 Pier. 1, 7]. Il envoie pour notre bien la discipline nécessaire, sans laquelle nous serions des bâtards et non pas des fils, et que nous méritons bien plus encore qu’Il ne nous la dispense. Le jugement de Dieu commence par sa propre maison. Mais l’affliction reste mesurée avec amour. Avec la tentation, il y a l’issue [1 Cor. 10, 13], préparée par Lui pour la foi.

L’effort de l’ennemi ne peut surmonter Celui qui nous garde. Un jeune soldat tombé au début de l’autre guerre avait écrit aux siens, peu de jours avant, au cours de combats meurtriers : « Le Seigneur est avec moi, et je sais que la puissance de l’ennemi est limitée à la destruction de mon corps… ». Courage, bien-aimés soldats chrétiens, notre trésor, notre vie véritable est à l’abri de toute atteinte.

Ces graves événements, d’autre part, ne peuvent nous surprendre. Ils ne sont que les avant-coureurs de plus terribles encore, lorsque l’heure de l’épreuve viendra sur la terre habitée tout entière et que les hommes rendront l’âme de peur [Luc 21, 26]. Verrons-nous la fin des commotions présentes ? Nous ne pouvons le dire. Peut-être l’Église n’y assistera-t-elle pas ici-bas. Notre certitude, c’est que le Seigneur vient.

Heureuse espérance que celle qui ne confond point, parce que l’amour de Dieu est versé dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné [Rom. 5, 5] ! Le monde ne peut avoir devant lui qu’un avenir trouble. Que cet affreux conflit cesse, et dès demain d’autres bouleversements angoissants vont surgir ! Mais nous, nous attendons le lever de l’étoile du matin. « Encore très peu de temps et Celui qui vient viendra… » (Héb. 10, 37).

Il veut que cette espérance vive dans nos cœurs, et qu’elle nous suffise. La prophétie, qui traite des événements futurs amenant le triomphe prochain de Christ, a sa valeur, mais n’est actuelle pour nous que dans la mesure où elle dirige nos yeux vers Lui qui vient nous chercher. Prenons garde aux prophéties prématurément appliquées, ou interprétées à contre-temps. L’Église et sa période sont en dehors de la prophétie, une parenthèse près de se fermer. On risque, même en se fondant sur des données exactes relatives à l’avenir, de faire fausse route en mêlant les crises contemporaines et les événements futurs. Les Thessaloniciens (seconde épître, chapitre 2) étaient troublés à tort en partant d’une idée juste, savoir que le jour du Seigneur arriverait dans des temps de tribulation, mais ils croyaient y être déjà, alors que cela est toujours à venir.

J’en arrive à ce qui, en ce moment, est la grande et angoissante préoccupation de beaucoup d’enfants de Dieu, savoir l’accomplissement du devoir militaire.

Il constitue une forme de notre devoir vis-à-vis des autorités, devoir que la Parole enferme dans une brève et nette exhortation : « Soyez soumis » (1 Pier. 2, 13 ; Rom. 13, 1-7). Il faut obéir. Nous le devons parce que l’autorité vient de Dieu. Nous le devons parce que nous sommes redevables à cette autorité de toutes sortes d’avantages pour la vie terrestre. Il est compréhensible que la première exigence d’un gouvernement soit que tous concourent à la défense du pays. Tout en étant étrangers sur la terre et citoyens du ciel, et rien d’autre, nous devons nos prières d’abord, mais aussi le tribut, dans toute l’étendue du terme, à ceux auxquels nous avons à être soumis sur la terre. Les apôtres ne placent au-dessus de cette soumission que l’obligation où ils se trouvaient devant Dieu, et où nous nous trouvons, de rendre témoignage au nom de Jésus (Act. 4, 19 et 5, 29).

En même temps, nos cœurs peuvent et doivent, par grâce, s’élever au-dessus des mêlées humaines. Ils ne sauraient, en dehors de cette soumission dévouée, être engagés dans d’autres sentiments, si légitimes qu’ils soient aux yeux du monde. Certes, quand il s’agit de l’existence même du pays auquel on est attaché, à la vie duquel se mêlent tous nos souvenirs, tous nos liens terrestres, il faut la grâce qui nous affranchit du monde, pour sentir et penser en véritables chrétiens…

6 lignes supprimées par la censure française.

Mais d’avoir le cœur en règle avec notre Maître et de voir les événements avec la sérénité de « bourgeois des cieux » [Phil. 3, 20], ne nous empêche pas de remplir notre devoir d’obéissance. Au contraire ; il le sera avec d’autant plus de lucidité et de courage. Le chrétien qui sait que même les cheveux de sa tête sont comptés [Matt. 10, 30], qui se remet aux soins du Seigneur, pour qui la mort a perdu son aiguillon, pourrait-il être un mauvais soldat ?

Devoir terrible, dites-vous. Je le sais. D’autres aussi l’ont éprouvé. Mais dans son accomplissement, nous ne sommes pas livrés à des forces aveugles. Si notre propre volonté n’est pas en jeu, si vous laissez le Seigneur vous placer où Il le trouve bon, n’étant guidés par aucun mobile humain, chers amis, allez sans crainte. Dans les pays où des facilités sont accordées pour accomplir le service dans des formations non armées, en particulier des formations sanitaires, le croyant ne saurait hésiter à en faire partie, non pour se dérober au danger (il est parfois plus grand), mais parce qu’il est là dans son vrai rôle, celui de soulager, panser, guérir. Mais ce n’est pas le cas partout. On peut penser à ce qui est dit : « As-tu été appelé étant esclave, ne t’en mets pas en peine ; toutefois, si tu peux devenir libre, uses-en plutôt » (1 Cor. 7, 21). Comptons sur Celui qui sait « délivrer l’homme pieux » [2 Pier. 2, 9]. Plus d’un de vos aînés a connu de ces délivrances magnifiques, où il a été permis à la fois de remplir les missions confiées par les chefs et de garder toute bonne conscience devant Dieu. L’essentiel est d’avoir le cœur exercé et de prier.

N’oublions pas, enfin, que le Seigneur veut avoir des siens partout. Il les dissémine, par le moyen de ces événements mêmes, parmi les hommes auxquels Il veut faire entendre ses appels. Il placera devant vous bien des occasions de lui rendre témoignage. L’attitude parle souvent plus que les mots ; le calme et la paix donnés par la confiance seront à eux seuls de précieux messages et préparent l’évangile de paix.

Un autre bien cher jeune chrétien, sergent d’infanterie, qui devait tomber dans les tranchées en 1915, disait, après avoir été blessé une première fois et sur le point de retourner en ligne : « Ma place est au front, car c’est là qu’on a le plus d’occasion de présenter l’évangile ».

Le Seigneur vous fera éprouver Sa présence, douce et toute-puissante, bien chers amis. Il est avec les siens. Il ne les appelle pas à sortir de ce monde, mais à porter dans ce monde ses caractères à Lui, des caractères célestes.

L’important est d’avoir l’oreille ouverte, d’être de ceux qui se laissent enseigner par Lui, et qui peuvent dire : « Je suis là non pour répondre au désir de mon cœur, mais parce que mon Maître m’y a placé ».

Le juste vivra de foi » [Hab. 2, 4].

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H.R. — Le livre du prophète Habakuk

« Pourquoi contemples-tu… et gardes-tu le silence ? » [Hab. 1, 13] — Pourquoi ? Question brûlante devant les événements actuels, douloureuse, qui monte sur bien des lèvres. Le mal se déploie dans son horreur et… Dieu paraît garder le silence. Le croyant, qui est vraiment assuré dans son Sauveur, est gardé dans la paix, mais beaucoup sont troublés. Dieu a voulu par sa Parole leur répondre. Il a permis, dans les temps anciens, que son serviteur Habakuk fût placé dans les mêmes circonstances, posât les mêmes questions ; et comme Il lui a répondu alors, Il veut répondre aujourd’hui. Étudions avec prières ces deux pages de nos Bibles. Mettons à profit le ministère écrit de ceux qui nous ont devancés et qui jette tant de lumière sur la Parole de notre Dieu. Nous trouverons, par la grâce du Seigneur, le secret pour « avoir du repos au jour de la détresse, quand montera contre le peuple celui qui l’assaillira » (3, 16).