Béthanie

B. Rossel

Nous répétons tout bas ces noms, pleins d’harmonie : Siloé — Nazareth — Bethléhem — Béthanie.


Quelle joie devait remplir le cœur de l’Israélite pieux qui, montant à Jérusalem, apercevait Béthanie aux jardins aimables, après la pénible traversée du désert de Juda ! En voyant sur le versant oriental de la montagne des Oliviers le village où Jésus aimait à se rendre, le pèlerin savait que bientôt se déroulerait sous ses yeux le grandiose panorama de la ville sainte.

En effet, de Béthanie à Jérusalem, le chemin ne représente que trois à quatre kilomètres. Le voyageur parvient sans peine sur la montagne des Oliviers, où se trouve le jardin de Gethsémané, descend le coteau, franchit le maigre torrent du Cédron, puis gravit les flancs de Sion où se dressait le temple.

Que de fois le Sauveur du monde, entouré d’une poignée de disciples, a parcouru ce trajet ! Les évangélistes nous relatent que, lors de la dernière semaine de Son ministère, Jésus, rejeté par le peuple dont Il était le roi, se retirait, le soir, de la ville choisie par Dieu Lui-même, ville plus désolée qu’au temps d’Esdras et de Néhémie, quand l’autel était renversé de sa base et les murailles détruites par le feu. Où trouver le vrai culte ? Dans le temple d’Hérode, magnifique bâtiment dont aucune pierre ne devait rester à sa place ? Où discerner la séparation du cœur pour Dieu ? Dans ce peuple soumis à l’administration romaine, fier encore de ses institutions religieuses et politiques ?

« Levez-vous, partons d’ici ! » (Jean 14, 31). La rupture était consommée entre l’Oint de l’Éternel et Son peuple terrestre, car ils avaient rendu la haine pour Son amour. Si, parfaitement obéissant à Son Père, le Seigneur se rendait à la mort conscient de la nécessité de Son sacrifice, Il avait néanmoins besoin de sympathie, et cette sympathie, c’est à Béthanie qu’Il la trouvait.

Béthanie, maison de la grâce (tel est le sens de ce mot selon quelques-uns), abritait Lazare, Marthe et Marie. Ces trois personnes bien modestes, mêlées aux villageois qui les entouraient, se distinguaient d’eux par un profond attachement au Sauveur. Aussi est-il compréhensible que d’innombrables lecteurs de la Parole, tout au cours de l’histoire de l’Église, aient médité les textes où nous voyons parler et agir ceux qui ont accueilli le méprisé.

Deux passages seulement contiennent le nom de Lazare de Béthanie (Jean 11 ; Jean 12, 1-7). Le premier présente d’une façon saisissante une image de l’affranchissement en Christ, le second met en lumière la position éminente à laquelle le croyant peut accéder.

Le corps de Lazare avait été déposé dans le sépulcre. Travaillé par la corruption, il répandait déjà une odeur repoussante. Sur l’ordre de Celui qui est la résurrection et la vie, la mort a lâché sa proie.

Lazare ressuscité a participé à un repas offert à son libérateur. En passant par l’épreuve suprême, il a acquis la possibilité de goûter à cette étroite communion avec le Fils de Dieu. Des paroles ont été échangées, une même nourriture les a réconfortés. Comment vivrais-je intimement lié à Celui qui est saint, si je ne me tiens pas moi-même pour mort au péché ?

Seuls Luc 10, 38-42, Jean 11, Jean 12, 1-7 font mention des noms de Marthe et de Marie. La première de ces femmes remplissait les fonctions de maîtresse de maison et, selon la coutume, servait à table. Très active, elle ne peut pas recevoir Jésus comme un ami, en toute simplicité. Aussi son travail l’empêche-t-il de jouir d’un hôte unique, dont la préoccupation première n’était pas de participer à un festin, mais bien d’annoncer la Parole de Dieu. Il a fallu la résurrection de Lazare pour que les yeux de Marthe s’ouvrent ; à la suite de cet événement, elle peut discerner les trésors de la révélation chrétienne. Elle a compris que « la vraie grandeur consistait à servir inconnue et à travailler sans être vue » (J.N. Darby). Désormais le travail n’était plus pour elle une tâche pesante, mais l’une des manières les plus élevées de témoigner son amour.

Que de chrétiens se sont proposé Marie de Béthanie comme modèle ! Écouter, prier, adorer, ces trois verbes résument toute son activité dans la présence du Seigneur. Qu’il nous est doux d’évoquer ces scènes qui touchent l’esprit de l’homme à tous les âges de sa vie. Une demeure modeste dans un village peu important, au cœur d’un pays lumineux et calme, le Créateur des mondes, homme parmi les hommes, pénètre dans la maison. Accueilli avec une affection respectueuse, Il enseigne, Il console, Il reçoit l’hommage d’une femme, prosternée à Ses pieds. Tous les bruits se sont tus autour d’elle et en elle, et le cœur rempli d’amour, elle oint les pieds du Fils de Dieu, pieds couverts de la poussière des chemins, parce qu’ils avaient marché pour annoncer la grande nouvelle du salut à travers toute la Palestine.

Marie, par l’affection qu’elle portait à la personne de son Sauveur, a acquis une intelligence spirituelle profonde. Elle répand son parfum sur un Christ vivant, discernant en Lui, d’une façon obscure sans doute, « la semence de l’Église » (J.N. Darby).

Pour lui, ce village ne marquait qu’un repos passager. Jérusalem, la ville coupable, tel était le but suprême que voulait atteindre le Sauveur du monde. Et maintenant, laissons la parole au poète et contemplons à sa suite l’homme de douleurs.


Tu as cherché la sympathie,
Un cœur à qui confier ta souffrance,
Un ami qui pût veiller à tes côtés,
Tu as cherché des consolateurs.

Personne n’a eu pitié de toi,
Personne n’a voulu partager ta peine,
Tu n’as trouvé que la honte, le mépris, les crachats,
Personne ne s’est inquiété de connaître ton nom.

Les puissants, dans leur indifférence,
Se sont lavé les mains,
Les sacrificateurs, protecteurs des faibles,
T’ont accablé de leurs accusations.

Aucun amis à tes côtés, toi, le méprisé,
Même les tiens se sont enfuis,
Seul Judas, le traître,
A conduit vers toi tes ennemis.

Pour moi tu acceptas, plein de grâce,
Ô Sauveur, une telle ignominie,
À ton sentier d’amour,
Je médite plein de reconnaissance.

(L’homme de douleurs, poème de J.N. Darby. Adaptation française de quelques strophes)