Cinq talents

J. Koechlin
« À celui à qui il aura été beaucoup confié, il sera plus redemandé »
Luc 12, 48

Nous connaissons bien cette parabole des talents, par laquelle, en Matthieu 25, 14-30, le Seigneur définit la responsabilité des siens pendant le temps de Son absence. Sans doute avons-nous aussi envié parfois ce bienheureux esclave auquel le Maître confie cinq talents — une grosse somme d’argent — et avons-nous pensé que, dans son cas, nous n’aurions pas manqué non plus de les faire valoir pour Lui. Or sommes-nous bien sûrs de ne pas les avoir reçus, et au-delà ? Car ces talents, ce sont, n’est-ce pas, tous les dons que Dieu nous a faits, et pour lesquels Il a droit, non seulement à notre reconnaissance, mais aussi au fruit que, par leur moyen, nous devons produire à Sa gloire.

Remarquons d’abord que tout homme a reçu au moins un talent, à savoir sa vie naturelle. Né dans le monde, chaque être humain a reçu du « Dieu et Père de tous » un esprit, une âme et un corps ; il est capable de penser et d’agir. À ce talent nous pouvons rattacher la merveilleuse création qui nous entoure et sa disposition par rapport à l’homme, cette création dont le plus infime détail rend témoignage au divin artisan. Voilà ce qu’en principe tout homme a reçu. Avec ce talent, gagner un autre talent doit être, nous le comprenons, reconnaître l’existence et la souveraineté de ce Créateur. Dieu n’en demandera pas davantage à un pauvre païen resté sa vie entière sans contact avec l’évangile.

Au contraire, on peut dire de ceux qui sont nés dans la grande sphère chrétienne, qu’ils ont un talent de plus. Par le baptême, les hommes font profession de christianisme, ils se parent du nom de Christ, mais, n’est-ce pas, faire valoir ce talent-là, c’est être un chrétien véritable, croire en Celui dont on porte le nom, et reconnaître Ses droits de Seigneur. Dans ce cas, de même, le juste Juge n’exigera rien d’autre d’un croyant qui n’aura connu, par exemple, que les enseignements du catholicisme. Sa grâce tiendra compte des deux talents gagnés pour deux reçus, et introduira avec Son approbation ce « bienheureux esclave » dans Sa propre joie.

Maintenant nous nous sentons serrés de près, nous, pour la plupart sans doute, enfants de parents chrétiens, connaissant la Parole de Dieu, enfin élevés dans les vérités relatives au rassemblement. Voilà certainement trois autres talents venant s’ajouter à ceux que nous avons eus par la naissance et par le baptême. Pouvons-nous les faire valoir pour le Seigneur, ceux-là aussi, et de quelle façon ? Eh bien, d’abord en estimant cette éducation chrétienne que n’ont pas tant de jeunes de notre connaissance, et en suivant l’exemple et l’enseignement de parents qui craignent le Seigneur. Ensuite en apprenant à connaître de mieux en mieux ce saint Livre dont tant de vrais chrétiens ne connaissent que des fragments, sinon des altérations. Pour nous y aider, de précieux ouvrages font aussi partie de notre patrimoine spirituel, et il nous faut savoir en profiter. Enfin, puisque nous avons reçu des enseignements sur l’Assemblée de Dieu, approprions-nous ces choses, et surtout, pour montrer au Seigneur Jésus que Sa table et Son souvenir ont du prix pour nous, donnons-Lui, si nous ne l’avons pas encore fait, la réponse que Son cœur attend (cf. Ps. 116, 12-14).

Vous voyez qu’en essayant de comprendre ce que sont ces talents, nous en sommes arrivés à nous placer dans la catégorie qui est de loin la plus riche. Mais ce que nous venons de considérer n’est encore qu’un aspect de tout ce que nous devons à la bonté de Dieu. Appliquons-nous à mieux connaître et à apprécier davantage tout ce qu’Il nous a donné : santé, intelligence, mémoire, loisirs dont nous disposons… chacun pour son propre compte pourra continuer la liste.

Comptons donc les bienfaits de Dieu, bénissons Sa main qui nous les donne, mais aussi, pensons à ce qu’en retour nous Lui devons pour chacun des talents reçus. Ainsi à quoi servent ces forces que nous sommes si pressés de recouvrer quand la maladie nous en prive quelques jours ? Comment nourrissons-nous notre intelligence, remplissons-nous notre mémoire, occupons-nous nos loisirs ? Posons-nous ces questions avant que le Seigneur ne nous les pose Lui-même. Car un jour, appelé Son jour, Il nous demandera compte de chaque talent confié. Alors chacun aura, comme a dit quelqu’un, joué sa vie. Nous connaissons ces jeux d’enfants comportant la distribution à chaque participant de jetons en nombre et en valeur déterminés ; il vient un moment où la partie s’arrête, et où le capital de chacun est évalué sans qu’il soit possible de revenir sur les fautes commises. De même dans cette grande compétition de la vie, solennelle parce que nous n’en avons qu’une seule à vivre, et qu’elle a d’éternelles conséquences, il y aura des gagnants et des perdants. C’est Christ qui donnera sur l’existence de chacun Son appréciation définitive. À Sa balance — le talent se comptait par la pesée — certains seront, comme tel roi autrefois, trouvés manquant de poids (Dan. 5, 27 ; cf. Ps. 62, 9). Il mettra dans un plateau ce que nous avons reçu, dans l’autre ce que nous aurons gagné avec le secours de Sa grâce. De quel côté penchera la balance pour vous, pour moi ?

Oui, que cette pensée si sérieuse soit sur le cœur de chacun de nous, jeunes gens et jeunes filles élevés par de chers parents chrétiens dans la connaissance de la Parole et des vérités concernant l’Assemblée : c’est de nous, entre toutes Ses créatures, que Christ redemandera le plus, parce que c’est à nous qu’Il a le plus confié. Mais ne nous décourageons pas non plus, regardons plutôt au premier et au plus grand de tous les dons de Dieu, celui de Son amour, celui de Son Fils Jésus Christ, appelé Son don inestimable, le don de Dieu par excellence. Ainsi nous apprendrons à connaître le Maître que nous servons. C’est parce qu’il ne le connaissait pas en réalité, l’estimant un homme dur, que le troisième esclave n’a pas travaillé pour son maître. Mais notre Seigneur n’est-Il pas débonnaire, Son joug aisé, et ne peut-Il comprendre notre service, Celui qui fut le parfait serviteur ?

Alors, connaissant mieux notre Seigneur Jésus Christ, nous serons rendus capables de mettre à Son service, par amour pour Lui, chacun des talents qu’Il nous a confiés.


À ton amour, ô Dieu, que mon amour réponde,
Toi qui m’aimes toujours !