Cœur large et chemin étroit

L. Gibert

[Feuille aux jeunes n° 123]

La porte étroite donne accès au chemin qui mène à la vie, chemin resserré dont Jésus a dit que peu nombreux sont ceux qui le trouvent (Matt. 7, 13-14). Ce passage difficile par la porte étroite est une image de la conversion. Le Seigneur nous enjoint de « lutter » pour entrer par cette porte (Luc 13, 24) : il s’agit évidemment de nous défaire de notre propre justice, car étroite est la porte comme est étroit le chemin qui y fait suite.

Mais ceux qui s’y engagent trouvent Jésus et marchent après Lui, dont le chemin se resserra toujours plus en montant vers la croix (Luc 12, 50) ; Il y éprouvait la haine grandissante des hommes en réponse à Son amour. Pourtant Son cœur s’ouvrait toujours à toute souffrance, plein de sympathie et de compassion pour ceux qui périssent.

Chers jeunes amis, vous trouvez-vous sur le chemin resserré après être passés par la porte étroite ? Vos cœurs sont-ils vraiment engagés avec le Seigneur, par une foi personnelle en Lui et en Son œuvre ? S’il en est ainsi, quelle reconnaissance envers Dieu qui « vous a sauvés et vous a appelés d’un saint appel » (2 Tim. 1, 9) ! Mais quel devoir aussi de stricte séparation du monde, auquel nous sommes crucifiés par la croix de notre Seigneur Jésus Christ (Gal. 6, 14). Car le chemin étroit commence à la croix.

Et quel devoir aussi d’amour chrétien dévoué en faveur de ceux qui n’ont pour fin que la mort éternelle, parce qu’ils ont choisi le chemin large ! Rendons devant eux un fidèle témoignage à Celui qui nous a sauvés. Que nos cœurs soient ouverts à tous, nos pieds restant cependant dans le chemin étroit qui mène à la vie.

Mais un autre aspect du chemin étroit se présente maintenant à notre attention. Le croyant fidèle à son appel céleste, expérimente que la marche au sein de la profession chrétienne pose des problèmes délicats. Et à cet égard aussi, on peut parler de chemin large et de chemin resserré. Il est donc nécessaire d’être bien au clair sur ce sujet important de la séparation que la Parole de Dieu nous enjoint de réaliser en de nombreux passages (2 Cor. 6, 17 ; Jér. 15, 19), car le témoignage est à rendre au Seigneur, à la fois devant ce monde hostile et au milieu de la chrétienté professante.

Abordons ensemble ces questions, chers jeunes croyants, sans autre pensée que d’ouvrir la voie à des réflexions sérieuses sur un sujet si important. Vous avez pour la plupart grandi dans le cercle de l’assemblée. Et vous désirez, sans aucun doute, suivre Jésus, Le servir, être pour Lui de vrais témoins. Peut-être avez-vous déjà pris la place qu’Il vous donne à Sa table ? Ainsi, à l’âge où le cœur s’élargit, vos affections ont parlé, pour Lui d’abord, qui a droit à tout notre amour, ensuite pour les siens, qu’Il aime, et pour les âmes qui se perdent loin de Lui.

Car vous ne pouvez songer à marcher seul ; la Parole de Dieu parle constamment du rassemblement de Ses enfants (Jean 11, 52). Mais où sont-ils, en fait, ceux-là que Christ appelle « les siens » ? Hélas ! divisés, épars. Le diable a fait des ravages ; Paul le savait, qui en avertissait les anciens d’Éphèse (Act. 20, 29-30). Nous le constatons avec douleur, car les coups de l’adversaire acharné ne discontinuent pas.

C’est ainsi qu’autour de nous, dispersés en toutes sortes de religions ou dénominations, se trouvent de vrais croyants. Avec eux, nous sommes tous les enfants d’un même Père. Volontiers vous diriez : « Pourquoi ne pas cultiver la communion chrétienne avec ceux au moins qui retiennent, de la saine doctrine, ce qui est l’essentiel ? Comment ne pas s’associer à ces croyants fidèles et fervents, aimant les âmes et actifs pour l’évangile ? Et que penser de ces divisions humiliantes survenues depuis un siècle, parmi ceux qui déclarent s’en tenir à la Parole ? ».

Questions délicates, nous en convenons ; questions douloureuses, nous le sentons plus que vous. Nous aussi nous les avons soulevées plus ou moins ouvertement, il y a bien des années. Vous avez donc notre sympathie, quand nous vous voyons hésitants, ballottés même. La grâce de Dieu nous a convaincus toujours plus que le chemin tracé par ces conducteurs dont nous aimons à rappeler la mémoire, était le bon. Et si faiblement que nous l’ayons réalisé, elle nous permet de vous assurer que la ligne est correcte… « C’est ici le chemin, marchez-y » (És. 30, 21).

Toutefois, il ne suffirait pas de vous dire : Restez au chemin étroit, aux sentiers anciens (Jér. 6, 16) ; ne reculez pas les bornes des pères (Deut. 19, 14). Il faut plus que la sympathie de vos aînés, plus que leurs petites expériences. Vous avez besoin d’une foi solidement fondée, pour une marche pratique, ferme et droite, devant le Seigneur et Maître, au milieu d’une confusion générale, affligeante et humiliante.

La Parole de Dieu seule peut répondre à vos questions. Elle sera votre guide et l’Esprit Saint votre conseil (2 Tim. 1, 7). « Cherchez dans le livre de l’Éternel et lisez » (És. 34, 16). Que d’exemples il contient de situations semblables à celles où se trouve présentement le petit troupeau du Seigneur !

Voyez le pieux Néhémie, faisant le tour de Jérusalem (Néh. 2), comptant les brèches de la muraille en ruine, prenant connaissance de la misère de ses frères dans la ville dévastée. « Levons-nous et bâtissons » ; et ils fortifièrent leurs mains pour bien faire (Néh. 2), en dépit des outrages et des violences de leurs adversaires. Dieu fut leur aide pour la reconstruction d’une muraille qui les mit à l’abri, mais qui aussi les sépara d’un monde hostile et plein de dangers. Ils se séparèrent de tous les fils de l’étranger, invoquèrent leur Dieu en confessant leurs manquements et firent avec Lui une ferme alliance (Néh. 9).

Combien de pieux Néhémie, consacrés au Seigneur et dévoués à leurs frères, ont été employés au siècle dernier pour un travail analogue ! En maints écrits, ils ont exposé les directions de la Parole, qui propose à la foi un sentier selon Dieu, pour tous les temps et toutes les situations.

Nous donnons en dernière page les titres de quelques-uns de ces traités si importants par les sujets développés, où vous trouverez la Parole découpée droit, les Écritures sondées et exposées avec fidélité et clarté. Vous ne pouvez pas ignorer ces enseignements fondamentaux sans courir le danger d’être « ballottés ou emportés çà et là par tout vent de doctrine » (Éph. 4, 14). Il importe que vous en fassiez une étude des plus sérieuses.

Dès lors, le chemin étroit vous apparaîtra vraiment comme celui ouvert par le Seigneur Lui-même. Vous comprendrez pourquoi le témoignage du Seigneur ne peut être que séparatif (Act. 19, 9) à l’égard de tout ce qui renie le nom du Saint et du Véritable (Apoc. 3, 7).

Dans la deuxième épître à Timothée, l’apôtre Paul nous enseigne pour les temps fâcheux des derniers jours, ceux-là mêmes que nous vivons. Il dénonçait la mondanité et ses dangers, dans l’amour et la poursuite des richesses (1 Tim. 6, 9-10), dans l’embarras des affaires de la vie (2 Tim. 2, 4) ; il discernait la fausse doctrine dans les discours vains et profanes, gangrène rongeante (2 Tim. 2, 16-17), dans les questions folles et insensées (2 Tim. 2, 23). Il exhortait les chrétiens à se garder purs du monde, et à retenir le sain enseignement.

Hélas ! l’Église s’est unie au monde ; ayant oublié que le secret de la force est dans la communion et l’amour de son Seigneur, elle a toléré la fausse doctrine. Les fidèles ont donc été contraints de se détourner des faux docteurs et de ceux qui, n’ayant plus que la « forme de la piété, en ont renié la puissance ». Le chemin étroit s’imposait à eux : « détourne-toi de telles gens » (2 Tim. 3, 5).

Mais, pensée consolante, « le solide fondement de Dieu demeure, ayant ce sceau : Le Seigneur connaît ceux qui sont siens » (2 Tim. 2, 19). Il les voit tous, où qu’ils soient. Il les aime. Nous n’en connaissons que quelques-uns, mais nous devons les aimer comme Lui.

Les aimer, de quelle manière ? « Dans la vérité » (2 Jean 1), gardant les commandements de Dieu ; c’est ainsi que nous saurons que nous aimons les enfants de Dieu, que nous les aimons de l’amour de Dieu (1 Jean 5, 2). Nous les aimerons, même en obéissant à l’injonction de ce que l’on a appelé la deuxième face de ce sceau : « Qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur » (2 Tim. 2, 19). Or cette expression : se retirer, comporte une entière séparation des « vases à déshonneur » qui se trouvent dans la « grande maison » de la profession chrétienne, et dont il faut « se purifier » (2 Tim. 2, 20-21).

Ce sont les expressions que la Parole emploie, et elles touchent au fond même de la question ; elles s’imposent à nous ; nous ne pouvons en atténuer la force ; si nous voulons être fidèles, il est absolument nécessaire de nous retirer, de nous purifier. Et, prenez-y garde, celui qui, par obéissance au Seigneur, se purifie « des vases à déshonneur », ne peut que se trouver séparé « des vases à honneur » qui ne s’en purifieraient pas. Il n’y a, quant au rassemblement autour du Seigneur, pas de position neutre. Par fidélité au Seigneur, nos devanciers ont connu la peine profonde de se séparer de vrais chrétiens avec qui ils avaient précédemment cultivé l’affection fraternelle, mais qui entendaient rester liés aux fausses doctrines retenues dans la profession chrétienne. Quand ils eurent compris l’injonction divine, ils ne mirent rien en balance. Il s’agissait pour eux d’obéir, Dieu ouvrant devant eux le chemin étroit d’une entière séparation pour Sa gloire.

Ce qu’ils firent, au prix de réelles souffrances pour beaucoup, nous avons la responsabilité de le maintenir, d’y persévérer ; le même devoir s’impose à nos cœurs, le même chemin étroit s’offre à nous. Ajoutons que la même grâce y conduira une génération après l’autre, s’Il tarde.

Pourtant, craintifs peut-être, hésitants, vous diriez : « Quels sont ces vases à déshonneur dont il faut que je me purifie ? ». La réponse, en ce qui vous concerne personnellement quant au sujet qui nous occupe, peut se ramener à ceci : Vous ne pourriez être « un vase à honneur, sanctifié, utile au Maître, préparé pour toute bonne œuvre », si vous restiez en deçà de votre devoir envers Dieu, tel que le trace Sa Parole pour chacun de nous. Car c’est une responsabilité individuelle : « Si quelqu’un se purifie de ceux-ci… ».

Instruit dans la vérité du rassemblement autour du Seigneur, calculeriez-vous, raisonneriez-vous, regarderiez-vous en arrière (Luc 9, 62), au lieu d’être entièrement affranchi par elle (Jean 8, 31-32), quand la voix de notre Seigneur et Maître vous dit : « Toi, suis-moi » (Jean 21, 22) ?

Peut-être encore serez-vous tenté de penser : « Quelle sévérité dans ce jugement de la voie des autres, et comment réaliser un cœur au large dans un chemin aussi étroit ? ».

Mais nous avons à obéir sans juger personne ; c’est la Parole qui juge, et qui jugera en dernier ressort, au dernier jour (Jean 12, 48), quand le Maître appellera Ses esclaves à Lui rendre des comptes (Luc 19, 15). Tout au contraire, nous avons à maintenir nos cœurs largement ouverts à tous, nous laissant pénétrer de l’amour de Dieu. Nous saurons ainsi comment nous conduire dans la maison de Dieu, quant aux relations individuelles avec tous Ses enfants, avec la sagesse qu’Il donne ; nous serons gardés de tout orgueil spirituel, avec le sentiment que la grâce seule peut nous amener à réaliser Hébreux 13, 13 : « Sortons donc vers lui, hors du camp, portant son opprobre ». Car la grâce nous rend vraiment humbles pour marcher devant Dieu. Mais elle ne peut être séparée de la vérité, contre laquelle nous ne pouvons rien (2 Cor. 13, 8), sinon de lui être soumis et de la garder.

C’est vers Lui que nous avons à sortir, en nous séparant de toute organisation humaine désignée par ce terme : le camp ;

Vers Lui, débonnaire et humble de cœur, dont nous désirons manifester les caractères, ce qui nous épargnera de juger ou mépriser personne ;

Vers Lui, qui tiendra nos pieds dans le chemin étroit où Il veut marcher avec nous, chemin d’obéissance où l’on porte Son joug, où l’on trouve le repos de l’âme (Matt. 11, 29).


Lire : « Le sentier de Dieu dans les temps difficiles », par A. Ladrierre.

« L’Assemblée de Dieu », par A. Gibert.

« Entretiens sur la deuxième épître à Timothée », par H. Rossier.