« Compté à justice »

G. André
« Abraham crut Dieu et cela lui fut compté à justice »
Rom. 4, 3

À l’appel de la voix de Dieu, Abraham était sorti de sa tente dans la nuit étoilée. Bien des années auparavant, il avait obéi à cette voix qui lui disait : « Va-t’en de ton pays, et de ta parenté, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai… Je donnerai ce pays à ta semence » (Gen. 12). Les années avaient passé. Marchant avec Dieu, il apprenait petit à petit les leçons du chemin de la foi, dans une communion croissante avec Celui dont il devait être appelé l’ami. Mais la promesse quant à « la semence » ne s’accomplissait pas et quelques doutes semblaient vouloir germer dans le cœur du patriarche (Gen. 15, 2, 3). Mais le Dieu fidèle allait intervenir, non pour accorder sans retard le désir de son serviteur, mais pour donner un objet à sa foi. Dans le secret de la nuit, alors qu’Abraham se lamentait de « s’en aller sans enfants », la voix connue dit : « Ne crains pas… Regarde vers les cieux et compte les étoiles, si tu peux les compter… Ainsi sera ta semence ». Et là, dans l’obscurité, dans le silence d’une heure inoubliable, s’est opéré le miracle qui met à toujours une âme en relation avec Dieu : « Il crut l’Éternel, et il lui compta cela à justice ». Les yeux levés en haut, « n’étant pas faible dans la foi », Abraham « ne forma point de doute » en la promesse de Dieu. « Contre espérance, il crut avec espérance ». « Il fut fortifié dans la foi, donnant gloire à Dieu, étant pleinement persuadé que ce qu’Il a promis, Il est puissant aussi pour l’accomplir » (Rom. 4). Et que nous répète l’Écriture ? « C’est pourquoi aussi cela lui a été compté à justice » (v. 22).

Quel est donc ce miracle opéré par la foi, qui rend juste celui qui croit ? Ou plutôt quelle est donc cette « justice » « comptée » à « celui qui ne fait pas des œuvres, mais croit en Celui qui justifie l’impie » (v. 5) ?

La justice de Dieu, c’est Christ, Christ qui, par l’acte de Dieu appelé « imputation » (« compté à »), nous a été « fait… de la part de Dieu… justice » (1 Cor. 1, 30). Qu’est-ce que cela veut dire ?

Pour mieux le comprendre, considérons ce que Paul écrit à Philémon au sujet d’Onésime : « Reçois-le comme moi-même ». C’est-à-dire : traite-le comme tu me traiterais moi-même, mets-lui en compte mes mérites. Puis : « S’il t’a fait quelque tort… mets-le moi en compte », autrement dit : Fais-moi supporter ses fautes. Voilà l’imputation. Dieu voit le croyant en Christ. Il lui impute, Il lui compte les mérites de Christ, Il le reçoit comme Il reçoit Christ Lui-même. Mais aussi, Il a mis à la charge de Son Fils tous nos péchés, et « celui qui n’a pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous — afin que nous devinssions justice de Dieu en Lui » (2 Cor. 5, 21).

Dans le Lévitique, deux exemples encore nous aideront à saisir. L’adorateur qui s’approchait de l’autel avec un holocauste, devait « poser sa main » sur la tête de l’animal, s’identifiant ainsi avec la victime. Et la Parole ajoute : « Il sera agréé pour lui » (Lév. 1, 4). Autrement dit, les perfections de la victime étaient attribuées à l’adorateur, comme plus tard, quand la victime parfaite, Christ, aura été offerte, il sera dit : « Il nous a rendus agréables dans le Bien-aimé » (Éph. 1, 6).

Mais ce n’est pas tout. Lorsque le pécheur en Israël s’approchait de l’autel avec « son offrande… pour son péché qu’il a commis », là aussi il nous est dit : « Il posera sa main sur la tête du sacrifice pour le péché… et il lui sera pardonné » (Lév. 4, 27-31). Le péché du coupable passait sur la victime, il lui était imputé ; la victime était alors brûlée sur l’autel, mais le pécheur pardonné s’en allait libre.

Comprenons-nous maintenant la merveilleuse justice de Dieu ? Ce n’est pas pour Abraham seul que cela a été écrit, « mais aussi pour nous » (Rom. 4, 23), « pour nous… qui croyons en celui qui a ressuscité d’entre les morts Jésus notre Seigneur, lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification » (v. 25).

Après cette nuit mémorable, Abraham n’a pas toujours marché avec Dieu ; il a eu des chutes et des manquements. Mais c’est la foi, non la marche, qui nous est « comptée à justice ». Et cette foi, il l’a prouvée devant tous « par des œuvres, ayant offert son fils Isaac sur l’autel » (Jacq. 2, 21). Elle lui avait été « comptée à justice » alors que Dieu seul la voyait dans son cœur ; elle a été démontrée à tous, « rendue parfaite », bien des années plus tard à la colline de Morija. Les œuvres, fruit de la vie nouvelle, démontrent la foi aux yeux des hommes, mais c’est cette foi seule qui est, « par Dieu », « comptée à justice », la foi en l’œuvre d’un autre, de Celui qui est mort et ressuscité pour nous.

Ainsi Dieu est « juste » (Rom. 3, 26) envers Christ, en justifiant celui qui croit en Jésus, en le recevant comme Lui-même. Assurance éternelle du racheté fondée sur la Parole même de Dieu : « Sa foi lui est comptée à justice » (Rom. 4, 5).

« En toi revêtus de justice,
Lavés dans ton sang précieux,
Nous rappelons ton sacrifice
Qui nous ouvrit l’accès des cieux »