Dans le secret

G. André
« Entre dans ta chambre, et ayant fermé ta porte, prie ton Père, qui demeure dans le secret »
Matt. 6, 6

Connaissons-nous vraiment ce privilège ? Savons-nous nous retirer à l’écart, dans le silence, dans un lieu où nous soyons seul, et là « dans le secret » répandre notre cœur devant notre Père ?

Sans doute des promesses spéciales (Matt. 18, 19) se rattachent-elles à la prière collective. Se trouver réunis autour du Seigneur pour intercéder et supplier est une des grandes joies des rachetés ici-bas. Mais pour en profiter vraiment, il faut d’abord avoir connu pour soi-même — que dis-je ? il faut d’abord connaître pour soi-même chaque jour — la valeur unique de la prière « dans le secret », seul à seul avec Dieu[1].

Moïse, chargé de responsabilités, de préoccupations et de travaux, Moïse, nous est-il dit, « entrait dans la tente pour parler avec Lui » (Nomb. 7, 89). Et là, seul, « dans le secret » du lieu très saint, « il entendait la voix qui lui parlait de dessus le propitiatoire ; et il Lui parlait ». Comprenons-nous pourquoi il peut être déclaré que l’Éternel parlait à Moïse « face à face, comme un homme parle avec son ami » [Ex. 33, 11] ? Il y avait certainement là une révélation directe de Dieu au législateur de Son peuple. Mais pourtant, le privilège du croyant aujourd’hui est le même dans son essence. Il peut « entrer dans le silence », et là, loin du brouhaha journalier, à travers les pages bénies de la Parole de Dieu, écouter la voix qui lui parle ; puis humblement ouvrir son cœur et prier, avec la liberté d’un fils devant son Père, et le saint tremblement d’un mortel devant Dieu.


Ne voulons-nous pas chercher à mieux pratiquer ce désir du Seigneur Jésus Lui-même : « Prie ton Père qui demeure dans le secret » ? Il nous en a donné l’exemple, « sur le matin longtemps avant le jour » [Marc 1, 35] ; « sur une montagne… le soir… seul » [Matt. 14, 23] ; « éloigné d’eux environ d’un jet de pierre » [Luc 22, 41]. C’est là, à genoux, devant Son Père, qu’Il a intercédé pour les siens ; que, poursuivi par la haine des hommes, Il s’est « adonné à la prière » [Ps. 109, 4] ; qu’Il a fait le sacrifice suprême : « Pas ma volonté, mais la tienne » [Luc 22, 42].

« Ayant fermé ta porte ». Selon les conditions de vie et de logement, il peut être difficile pour l’un ou l’autre de trouver un endroit où être seul. Mais nous pouvons être sûrs que si nous le demandons vraiment au Seigneur, Il nous le procurera[2]. Et si nous avons, en première ligne, à prendre ces paroles de Jésus dans leur sens littéral, rappelons-nous qu’elles ont une portée plus profonde. Le recueillement, la concentration, le « silence » intérieur, sont indispensables pour prier en vérité. Ainsi, s’il est vrai que nous pouvons prier en tout temps, en tout lieu, en toute circonstance, il est tout aussi certain que la prière réelle ne peut se passer du sentiment de la présence de Dieu, de Celui qui nous voit « dans le secret ». « Prier, c’est entrer dans le sanctuaire — toujours », a dit quelqu’un. On peut être seul dans une chambre, sans entrer dans le sanctuaire ; on peut entrer dans le sanctuaire sans être nécessairement isolé de tous ; mais combien précieux — et nécessaires — sont ces moments où, « dans le secret » de notre chambre, sous l’œil qui nous voit, nous avons pu élever nos cœurs au Père qui sait si bien « récompenser » ceux qui Le cherchent.


Dans le même chapitre 6 de Matthieu, le Seigneur Jésus relève deux autres choses qui doivent être faites « dans le secret » : l’aumône et le jeûne.

« Ne fais pas sonner la trompette devant toi », dit-Il à celui qui fait part de ses biens à autrui ! Ce n’est guère notre habitude ! Mais sommes-nous si sûrs de n’avoir jamais espéré être « vus des hommes », surtout de nos frères, quand — simple acquit pourtant de l’administration qui nous est confiée (Luc 16) — nous avons donné à d’autres de nos biens matériels ou de notre temps ? « Que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite… et ton Père qui voit dans le secret te récompensera ».

« Ne prenez pas un air morne », ajoute Jésus, s’adressant à ceux qui jeûnent. Nous ne pratiquons guère le jeûne, enseigné pourtant par Jésus à Ses disciples pour le temps de Son absence et plus d’une fois réalisé par eux. Quoi qu’il en soit, le sens profond des paroles du Seigneur va plus loin que la seule privation volontaire de nourriture.

Il y a bien des choses que le croyant est appelé à laisser de côté par amour pour le Seigneur, plus d’un « sacrifice » à faire. Est-ce pour prendre « un air morne » ? Au contraire. Abandonner de cœur quelque chose à cause du Seigneur ne rend pas triste, mais remplit de joie. Qu’il n’y « paraisse » pas lorsqu’un « sacrifice » nous a été demandé ; mais que le sentiment de l’approbation intime de notre Père « qui voit dans le secret », suffise à nos cœurs.

« Entré dans les sanctuaires de Dieu… j’ai compris », disait le psalmiste (Ps. 73, 17). Là où nous nous trouvons, chez nous ou dans un pays lointain, que, seuls dans le secret de notre chambre, la présence du Seigneur soit pour nous comme « un petit sanctuaire » (Éz. 11, 16), où nous savons entrer chaque matin, chaque fois que « la voix douce et subtile » [1 Rois 19, 12] nous y engage. Car « la force et la joie sont dans le lieu où il habite » (1 Chron. 16, 27).