Des couronnes

A. Gibert

Une couronne désigne à l’attention de tous celui qui la porte, comme placé au-dessus des autres soit par sa dignité propre, soit par son mérite. De là deux sens au moins dans lesquels l’Écriture emploie cette figure.

La couronne est d’abord, ainsi que le diadème, l’emblème de la dignité royale. Jehoïada met la couronne sur la tête du jeune Joas quand il le proclame roi (2 Chron. 23, 11). La « couronne du royaume » que Vasthi avait refusé de porter aux yeux des conviés d’Assuérus est mise plus tard sur la tête d’Esther (Esth. 1, 11 ; 2, 17).

Les Psaumes parlent maintes fois de la couronne du vrai Roi, Christ. « Tu as mis sur sa tête une couronne d’or fin » (Ps. 21, 3). « Sur lui fleurira sa couronne » (Ps. 132, 18). Son rejet est exprimé prophétiquement en ces termes : « Tu as profané sa couronne jusqu’en terre » (Ps. 89, 39). Les soldats qui saluaient par dérision le « roi des Juifs », « ayant tressé une couronne d’épines, la mirent sur sa tête » (Matt. 27, 29). Mais Dieu Lui-même, une fois accomplie l’œuvre de la rédemption, a couronné Celui dont dès longtemps Il avait dit : « Je ferai de lui le premier-né, le plus élevé des rois de la terre » (Ps. 89, 27). Si nous ne voyons pas encore que toutes choses lui soient assujetties, « nous voyons Jésus, qui a été fait un peu moindre que les anges à cause de la passion de la mort, couronné de gloire et d’honneur » (Héb. 2, 9). Bientôt Il apparaîtra dans Sa gloire, et sur Sa tête il y aura « plusieurs diadèmes » (Apoc. 19, 12).

En Apocalypse 4, 4, les anciens assis autour du trône ont « sur leurs têtes des couronnes d’or ». « Faits rois et sacrificateurs », ils sont associés à cette double majesté de Christ (Apoc. 1, 6 ; 5, 10 ; cf. Zach. 6, 13). Ils représentent toutes les classes des saints glorifiés préalablement au règne de Christ. Ce sont des rachetés, la dignité royale leur est donnée par grâce, en vertu de l’œuvre de la croix. Il n’est pas fait de distinction entre leurs couronnes : nous régnerons tous au même titre. L’or de ces couronnes symbolise la perfection d’une justice en harmonie avec la justice divine, et qui est celle de Christ. En jetant nos couronnes aux pieds du Seigneur, nous aurons la joie et la gloire insignes de proclamer que Lui seul a droit à la couronne, nous reconnaîtrons que nous tenons de Lui celles que nous porterons, et notre office le plus élevé sera de Lui en faire hommage. « À lui la gloire éternellement » [Rom. 11, 36] !

Mais, dans un autre sens, la couronne est une récompense honorifique, publiquement décernée. Elle est à la gloire de celui qui la reçoit, mais par là aussi de celui qui la décerne.

Telle est bien aussi la couronne de Jésus et telles, avec la sienne, celles qu’Il nous a acquises. Il a été haut élevé comme prix de Son abaissement (Phil. 2, 9-11). Et parmi les gloires reçues ainsi à titre de récompense, une des plus hautes sera d’avoir les siens où Il est, afin qu’ils voient Sa gloire personnelle (Jean 17, 24) et participent à Sa gloire officielle (Jean 17, 22). Nous ne Le couronnerons nullement nous-mêmes, comme on l’exprime parfois à tort ; cela n’appartenait qu’à Dieu et nous, nous reconnaissons qu’Il en est digne. Mais ce sera pour Lui une gloire que de couronner Ses saints. Quels qu’ils aient pu être sur la terre, ils sont tous pareillement rois : la couronne d’or ne récompense pas leur mérite, mais celui de leur Sauveur.

Or, à cette dignité dont ils resplendiront tous s’ajoutera, au jour du triomphe de Christ, l’éclat des récompenses qu’Il aura décernées « à chacun selon son œuvre » (Apoc. 22, 12). Il se plaira à honorer ceux qui L’auront honoré ici-bas. Tout ce qui aura été fait pour Lui sera manifesté et mis au compte de chacun de ceux qui l’auront fait. En Zacharie 6, des couronnes sont apportées de la part de ceux de la transportation pour être mises sur la tête de Joshua, le grand sacrificateur royal, mais ceux qui l’honorent ainsi voient ensuite leurs couronnes « placées pour mémorial dans le temple de l’Éternel », à leur propre nom.

Dans le langage du Nouveau Testament, les couronnes font le plus souvent allusion aux prix décernés aux vainqueurs des jeux célébrés au cours des fêtes païennes, et singulièrement des jeux isthmiques. Ce sont les comparaisons coutumières de l’apôtre Paul, qu’il parle de la course ou de la lutte. Ces prix différaient selon la nature des épreuves où l’athlète avait triomphé. Sa couronne — de laurier, de chêne, de myrte, d’or, etc. — rappelait ses exploits du stade ou de l’arène. Elle n’appartenait qu’à lui.

Aussi trouvons-nous différentes « couronnes » proposées. Celui qui aura été fidèle dans la situation particulière où le Maître l’avait placé, et qui comportait un service et un effort déterminés, recevra, au jour des récompenses célestes, un témoignage public, durable, et qui lui sera propre, rappelant cette fidélité. Tout sera, certes, à la gloire du Seigneur : ces saints en qui Il sera « admiré » (1 Thess. 2, 19) n’exprimeront qu’une multitude de reflets de Lui-même ; Lui seul a été trouvé fidèle en toutes choses, et c’est dans la mesure où les siens auront été individuellement occupés de Lui qu’ils auront été transformés à Son image de gloire en gloire (2 Cor. 3, 18). Les couronne des vainqueurs honoreront ceux-ci, mais en magnifiant leur Chef.

Il nous est parlé à l’avance de ces couronnes pour nous stimuler. Non point que notre mobile puisse jamais être de l’emporter sur nos frères pour en tirer vanité. Un tel désir égoïste et orgueilleux, exactement opposé à « cette pensée qui a été dans le Christ Jésus » (Phil. 2, 5), disqualifierait à elle seule celui qu’elle animerait. Mais pour qui poursuit la gloire de son Maître, il est encourageant de savoir, à travers travaux, combats, épreuves, que les choses faites pour Lui, connues de Lui seul peut-être, sont appréciées par Lui et ne seront pas oubliées.

Entre tant de « couronnes » diverses, la Parole en met quelques-unes en relief.

Il y a la couronne de vie, qui récompensera ceux qui n’auront pas estimé précieuse leur vie terrestre et, « fidèles jusqu’à la mort » (Apoc. 2, 10) l’auront sacrifiée pour le témoignage de Jésus. De même « l’homme qui endure la tentation » et « qui aura été manifesté fidèle par l’épreuve », montre par sa patience inébranlable qu’il a dévoué sa vie à son Seigneur, et la même récompense l’attend (Jacq. 1, 12). Elle est appelée « la couronne de vie qu’il a promise à ceux qui l’aiment » (Jacq. 1, 12). Le motif secret est ici mis à nu : l’amour pour leur Seigneur a tout primé pour eux, même le souci de leur vie d’ici-bas.

La couronne de justice est promise, dit Paul, à « ceux qui aiment l’apparition » du Seigneur (2 Tim. 4, 8). Il en était ainsi pour lui, mais il se réjouissait de penser que d’autres étaient comme lui. Il faisait toutes choses en vue du jour de Christ, la gloire de son Maître à son achèvement lui était chère. Il ne concevait pas d’autre emploi de son existence. Aussi avait-il été persécuté par le monde inique qui avait crucifié ce Maître. Il avait combattu, il avait couru jusqu’au bout. La couronne de justice désormais l’attendait. Pensons-nous assez à cet avènement de Christ, et nos cœurs aiment-ils cette pensée qu’alors apparaîtra en gloire Celui qui a été ici-bas l’homme de douleurs, le méprisé et le rejeté ? Il sera alors le « juste juge », récompensant l’attente aimante et fidèle, non point simplement l’attente de notre délivrance qu’Il apportera à Sa venue pour enlever les siens, mais l’attente de Son apparition glorieuse.

La couronne de gloire, « inflétrissable », par opposition aux misérables satisfactions d’une supériorité factice ici-bas, sera la part de ceux qui auront accompli dans une humble fidélité le service que le Seigneur leur aura confié pour le bien des siens. L’apôtre Pierre en parle à ces « anciens », surveillants du « troupeau de Dieu », qu’il exhorte à paître ce troupeau « non point par contrainte, mais volontairement, ni pour un gain honteux, mais comme de bon gré, ni comme dominant sur des héritages, mais en étant les modèles du troupeau » (1 Pier. 5, 2, 3). C’est dans un tel service, tout de dévouement et d’abaissement, qu’est la vraie grandeur, et le « souverain pasteur », de qui tous dépendent, et qui est au fait de tout, intentions, actes, paroles, le proclamera publiquement un jour.

Paul voyait comme sa couronne, comme le prix de tant de combats et de tant d’efforts, les âmes amenées à Christ par lui. Leur présence dans le glorieux cortège des rachetés serait le témoignage vivant qu’il n’avait pas « couru en vain, ni travaillé en vain » (Phil. 2, 16). « Ma joie et ma couronne », dit-il aux Philippiens (Phil. 4, 1) ; et aux Thessaloniciens : « Quelle est notre espérance, ou notre joie, ou la couronne dont nous nous glorifions ? N’est-ce pas bien vous devant notre Seigneur Jésus Christ, à sa venue ? Car vous, vous êtes notre gloire et notre joie » (1 Thess. 2, 19, 20).

Chers jeunes amis, y aura-t-il, en ce jour-là, quelque fruit de même nature provenant de notre travail ?

Vous aurez profit à méditer vous-mêmes sur cet important sujet des couronnes. Qu’est-ce qui m’est vraiment cher ? Quel est le motif profond de ma vie ici-bas ? Vers quoi tend mon activité ? Chacun de nous doit répondre, non aux hommes, mais au Seigneur.

À chacun aussi de se rendre compte s’il vit de ce « régime » sans lequel on ne saurait être un vainqueur (1 Cor. 9, 25). Bien plus encore que les champions sportifs d’aujourd’hui, les athlètes d’autrefois vivaient « de régime en toutes choses » [1 Cor. 9, 25], et l’apôtre les propose en exemple aux chrétiens. Vivre de régime, c’est ne pas accorder à nos cœurs les choses qu’ils aimeraient, mais qui seraient funestes à notre vie spirituelle, c’est être sobres même dans ce qui est le plus légitime. Le secret, c’est d’être occupés de Christ, et non de nous-mêmes. Hélas, nous employons beaucoup de notre temps et de nos forces pour des objets terrestres, des « couronnes corruptibles » [1 Cor. 9, 25]. Paul n’avait qu’une ambition : une couronne incorruptible (1 Cor. 9, 25). N’en convoitons pas d’autre ; comme lui, faisons une chose, une seule : courons « droit au but » (Phil. 3, 14). Et n’oublions pas que « si quelqu’un combat dans la lice, il n’est pas couronné s’il n’a pas combattu selon les lois » (2 Tim. 2, 5). Selon les lois… « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime » [Jean 14, 21], dit le Seigneur.

Laissons la Parole nous aiguillonner. L’ennemi sait nous engourdir en nous suggérant qu’après tout nous arriverons bien au bout, ou encore que nous sommes trop faibles pour quelque effort que ce soit. Arrière ces funestes pensées ! Le langage divin est celui de l’énergie divine. Il incite à la fidélité individuelle, quel que soit l’état du monde, ou celui du témoignage. La couronne est une récompense personnelle. Le vrai athlète ne voit qu’une chose : le but. « Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans la lice courent tous, mais un seul reçoit le prix ? Courez de telle manière que vous le remportiez » (1 Cor. 9, 24). Jésus, le modèle, avait « dressé sa face comme un caillou » (És. 50, 7), « résolument » (Luc 9, 51). Soyons, nous aussi, des résolus. Non point des téméraires ou des présomptueux, qui s’abusent sur leurs forces, mais des « forts » parce que, conscients de notre propre faiblesse, nous compterons sur le Seigneur. « Tu as peu de force, tu as gardé ma parole, et tu n’as pas renié mon nom » [Apoc. 3, 8], est-il dit à Philadelphie, et c’est pourquoi un avertissement tonique lui est donné : « Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne » (Apoc. 3, 8, 11).

Nous non plus, ne laissons personne ravir notre couronne.