« Garde ton cœur… »

« Que tes yeux regardent droit en avant… »
(Prov. 4, 23-27)

Sur les rapports entre jeunes gens et jeunes filles[1]

Question délicate, mais dont il est aisé de concevoir l’importance par le seul fait que la conduite d’un jeune homme ou d’une jeune fille peut avoir, dans ce domaine, des conséquences pour toute la vie. L’exemple du monde est suivi par plusieurs, et combien le cœur est peiné de voir des jeunes gens, élevés par des parents chrétiens, familiers avec les vérités de la Parole, s’appliquer, pour ainsi dire, à faire comme le monde en contractant des liaisons légères, oubliant, volontairement peut-être, que celui qui se fait ami du monde et de ses habitudes, se constitue ennemi de Dieu [Jacq. 4, 4].

Pour arriver à temps, les conseils et avertissements doivent être donnés tôt, avant que de premiers faux pas aient été faits ou que l’on soit engagé dans une voie, d’où un retour n’est plus possible. L’exhortation doit être comme un « Prends garde » placé sur le chemin qui s’ouvre devant le jeune homme ou la jeune fille, au moment où l’on croit volontiers posséder de plein droit une certaine liberté de mouvements qui ne tient pas compte de l’avis des parents, ni du fait que le croyant n’est plus à lui-même et n’est jamais libre de faire ce que bon lui semble. Heureux les jeunes qui, à l’entrée de leur voie, se laissent conseiller par la Parole, décidés à l’écouter, pour le plus grand bien de leurs âmes et leur joie !

L’écrivain inspiré des Proverbes ne sut pas, hélas ! garder son propre cœur, et la fin de son histoire jette une ombre funeste sur le tableau de sa gloire. Quelles ne furent pas les suites désastreuses de sa légèreté ! « Le sentier des justes », avait-il écrit, conduit par le doigt divin, « est comme la lumière resplendissante, qui va croissant jusqu’à ce que le plein jour soit établi » (v. 18). Il n’en fut pas ainsi de son sentier, mais la gloire extérieure qui l’illumina pour un temps pâlit successivement à mesure que le cœur du roi se laissait gagner par des affections charnelles contraires à la pensée de Dieu. Salomon ne pourrait être mis au rang de ces conducteurs, desquels il nous est dit que, considérant l’issue de leur conduite, nous avons à imiter leur foi [Héb. 13, 7]. Ah ! s’il s’était souvenu de la parole : « Garde ton cœur plus que tout ce que l’on garde, car de lui sont les issues de la vie » !

Nous ne jugeons pas Salomon lui-même, mais ses actes, car nous tremblons en constatant notre propre faiblesse et les penchants de nos cœurs. Comme il se crée vite des attaches profondes, qu’il est si difficile d’éloigner ! Aussi, soyons sur nos gardes, usons de vigilance. La convoitise de la chair, la convoitise des yeux tendent à nous enlacer et à nous faire perdre la jouissance de l’amour du Seigneur et de Sa précieuse communion.

Mais ne pensons pas qu’il n’y ait que tel péché appelé grave, dont nous ayons à être gardés. Nous voudrions plutôt insister sur ce qu’il y a de bénin aux yeux des hommes, sur certaines habitudes légères d’où naissent des liens fragiles, rompus aussi facilement qu’ils ont été créés, mais qui n’en laissent pas moins dans les cœurs des traces parfois profondes. La prétendue bénignité de ces rapports mondains, cultivés entre jeunes gens et jeunes filles, est illusoire, même au point de vue humain, car que de maux n’ont pas apporté dans le monde ces liaisons et unions contractées inconsidérément ? Sous l’effet de la convoitise, gagné par des sentiments charnels aveugles, le cœur est si vite entraîné dans une voie qui plus tard apporte le chagrin. Aux joies passagères d’un moment d’étourdissement fait suite l’amertume d’un sombre réveil. La pente est glissante et l’issue en est malheureuse. Ne nous y engageons pas.

Tirer le bien du mal est une prérogative divine que nous ne méconnaissons pas. Nos vies témoignent de la réalité de la chose. Ah ! si le Seigneur nous rendait selon notre fidélité à nous, et non selon la sienne, que deviendrions-nous ? Mais le sentiment de cette grâce dont nous sommes les objets, ne devrait-il pas nous engager à nous confier davantage en Lui, à tout attendre de Lui ? C’est précisément là qu’apparaît la beauté de la position chrétienne. L’homme du monde cherche, choisit, fait ses calculs, puis se décide, guidé par sa propre sagesse. Le croyant, lui, a le privilège bien doux de remettre ses circonstances à Celui qui est à la fois infiniment bon et infiniment sage. Pourquoi ne pas Le laisser choisir, Lui, pour nous, comme le fit autrefois Abraham, surtout dans la plus importante des décisions de la vie ? Il désire nous conduire comme Il conduisit aussi Éliézer, afin qu’avec lui nous puissions dire : Béni soit l’Éternel [Gen. 24, 27] !

Bien que n’étant pas appelé à calculer à la façon des hommes, le jeune croyant comprendra qu’il ne peut se fiancer et, ce faisant, envisager la question d’un prochain mariage, s’il n’est pas en mesure de faire face aux charges qui lui seront imposées dans la suite. Sauf cas spéciaux, la foi ne fait pas agir d’une manière contraire aux lois naturelles. « Prépare ton ouvrage au-dehors, et mets en état ton champ, et après, bâtis ta maison » (Prov. 24, 27).

En résumé, veillons donc à ne pas nous laisser engager — il faut si peu de temps pour cela — dans un chemin sans vraie joie, où nous ne pouvons avoir l’intime approbation du Seigneur, qui est d’un si grand prix. Veillons donc sur les premiers mouvements de nos cœurs et sur nos pensées qui peuvent facilement s’égarer. Que nous ne nous méprenions pas à l’égard de la volonté du Seigneur ! Le cœur est trompeur et incurable.

Mais pour que nos cœurs soient gardés, il nous faut aussi veiller sur les mouvements de nos yeux et réaliser cette autre exhortation : « Que tes yeux regardent droit en avant, et que tes paupières se dirigent droit devant toi » (v. 25). Regarder devant soi est une règle à observer fidèlement, si nous voulons garder notre cœur et le préserver de la pernicieuse influence de tout ce qui se voit aujourd’hui. « Marcher selon le regard de ses yeux » (Eccl. 11, 9), les laisser errer et s’arrêter sur tout ce que l’on peut être contraint de voir, peut avoir les conséquences les plus fâcheuses et appelle le jugement de Dieu. L’œil de la foi est simple, dirigé sur le Seigneur.

Nous n’avons pas touché directement la question des alliances avec le monde. La Parole est suffisamment claire à cet égard. Nous ajouterons seulement que le seul fait de s’unir à un croyant (même d’entre ceux qui jouissent des mêmes privilèges que nous) n’est pas nécessairement l’indice que nous sommes dans le sentier du Seigneur.

Pour terminer, insistons encore sur l’importance qu’il y a, avant toute décision, d’exposer toutes choses à ses parents. L’accomplissement de ce devoir sacré et le respect dû aux conseils reçus ne nous dispenseront sans doute pas de dépendre personnellement du Seigneur, mais saisissons par la foi la précieuse promesse qui nous est faite et agissons en conséquence pour notre plus grand bien : « Honore ton père et ta mère, afin que tu prospères et que tu vives longtemps sur la terre » [Éph. 6, 2, 3].

L’approbation des parents et l’approbation intime du Seigneur sont les gages de l’accroissement et de la joie. Regardons à Lui et comptons sur Son immense amour. Il est le soutien des siens dans les luttes que la vie leur réserve, car n’oublions pas que, même dans le sentier de la foi, les exercices ne manquent pas. Ils concourent à nous former pour Lui et à diriger nos yeux toujours davantage vers la glorieuse éternité, toute d’amour et de joie, qui est devant nous.