« Jouis — Prends garde »

G. André
« Au jour du bien-être, jouis du bien-être, et au jour de l’adversité, prends garde »
(Eccl. 7, 14)

Jouis du bien-être — est-ce vraiment la Parole de Dieu qui nous parle ainsi ? Ne serait-ce pas plutôt la voix du tentateur qui cherche à nous éloigner de Lui ? Eh bien ! non, jeunes amis croyants, c’est la voix de Dieu, la voix de notre Père. Pourquoi croirions-nous qu’Il nous veut tristes et moroses, qu’Il aime à semer l’épreuve et la douleur sur la route des siens ? Non, Dieu aime à voir ses rachetés heureux ; Il « donne toutes choses richement pour en jouir » (1 Tim. 6, 17), et s’Il met dans le chemin de notre vie le « jour du bien-être », c’est pour que nous en jouissions, le recevant avec reconnaissance de sa main.

Quand un père fait un cadeau à son enfant, quelle déception pour lui si celui-ci n’y attache pas d’importance et vient plutôt se plaindre de telle autre chose qui lui manque. N’avons-nous pas souvent agi ainsi avec notre Père, passant à côté des nombreuses joies répandues sur notre route, mais relevant soigneusement ce qui n’allait pas selon notre gré ?

Sans doute, est-ce « en passant » que nous sommes appelés à jouir, comme on l’a dit, « prenant un peu de miel au bout du bâton du pèlerin », mais pourtant, nous devons sincèrement reconnaître que ce n’est pas en vain que la Parole doit nous rappeler : « Jouis du bien-être », compte les bienfaits de Dieu et rends grâces.

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Et maintenant, « le jour de l’adversité » est venu, jour terriblement sombre et dur pour plusieurs. Qu’allons-nous faire ? Si « nous avons reçu le bien de la part de Dieu, ne recevrions-nous pas le mal ? » (Job 2, 10). Si, au jour du bien-être, nous avons su discerner Sa main dans les joies, nous saurons discerner la même main bénissante dans les peines. Mais cette fois, dira-t-on, nous avons le droit d’être tristes ? Sentiment légitime, et que la Parole reconnaît en maint endroit. Pourtant, notre passage nous présente autre chose. Il nous dit : « Au jour de l’adversité, prends garde », c’est-à-dire, réfléchis.

Si Dieu l’a permise, cette adversité, Lui qui n’afflige pas volontiers les fils des hommes [Lam. 3, 33], c’est qu’elle était « nécessaire » (1 Pier. 1, 6). Deux dangers nous menacent : « Mépriser la discipline du Seigneur », y être indifférent, ou bien « perdre courage » (Héb. 12, 5).

Le découragement nous guette, c’est certain. Pourquoi ? Il y a deux causes principales. « Si tu perds courage au jour de la détresse, ta force est mince » [Prov. 24, 10]. Ta force ! Au jour du bien-être, ne nous est-il pas arrivé parfois de nous croire forts ? Bien-être matériel qui se traduit par la confiance dans les richesses ; bien-être spirituel, auquel si facilement se mêle la confiance en soi et le manque d’estime et d’amour pour les croyants faibles. Inconsciemment, nous avons pensé : « La force de ma main m’a acquis ces richesses » (Deut. 8, 17). La détresse arrive, et nous nous trouvons si faibles et découragés parce que nous avons perdu de vue que « la force est en Lui », notre Boaz (1 Rois 7, 21). Oubliant que « séparés de moi, vous ne pouvez rien faire », nous ne demeurons plus attachés au cep (Jean 15), et le soleil brûlant de l’épreuve a tôt fait de flétrir notre feuille.

L’autre cause, n’est-elle pas celle qui faisait dire à Élie, au jour où tout son courage s’était comme envolé : « Prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères » (1 Rois 19, 4) ? Pas meilleur ! Il avait donc cru l’être jusque-là. N’avons-nous jamais fait cette expérience ? C’est le propre des jeunes croyants, heureux dans le Seigneur, et zélés pour son service, de laisser pénétrer dans le secret de leurs cœurs ce sentiment de supériorité aux autres, apparemment plus faibles et plus silencieux. L’adversité arrive, et tout le bel édifice est ébranlé. Le Seigneur a vu qu’il était nécessaire de nous humilier. Allons-nous le reconnaître ? Allons-nous juger les racines de mal qui ont rendu inévitable l’épreuve dispensée ? Cela produira une tristesse selon Dieu, mais une tristesse dont on n’a pas de regret [2 Cor. 7, 10], sans amertume ni découragement.

Et cela nous préservera de l’indifférence devant les épreuves présentes. Les supporter stoïquement, ou dire comme plusieurs : « Cela passera ; après un temps, un autre ; après la pluie, le beau temps » ; nous expose à perdre la leçon particulière que Dieu a en réserve pour chacun de nous.

« Au jour de l’adversité, prends garde », arrête-toi sur le chemin, « considère bien tes voies » (Agg. 1). Quelles traces as-tu laissées sur le sable du désert, au jour du bien-être ? Quelles traces laisseras-tu au jour de l’adversité ?

L’épreuve actuelle est très grande pour certains, mais malgré tout, n’est-ce pas une grâce que le Seigneur nous fait, jeunes croyants, de nous arrêter ainsi dans les premières années de notre course chrétienne ? Sans doute la voix de Dieu se fait-elle entendre à tous, mais elle semble avoir un message particulier pour nous, justement parce que nous avons tendance à nous élever, à nous croire meilleurs, ne donnant plus au Seigneur Jésus la place qui Lui revient dans nos cœurs et dans nos vies.

Au milieu des larmes et des peines, faisons halte sur la route, prenons le temps de prier, d’écouter. Nous n’en aurons pas de regret et le jour de l’adversité n’aura pas été en vain.

« Aucune discipline, pour le présent, ne semble être un sujet de joie… ; mais plus tard, elle rend le fruit paisible de la justice à ceux qui sont exercés par elle » (Héb. 12, 11).