L’amitié

G. André
« Il est tel ami plus attaché qu’un frère »
Prov. 18, 24

Sujet de tous les temps, traité par toutes les littératures, l’amitié n’est pas à proprement parler un sentiment chrétien. Mais que de désillusions, de désappointements, là où seul un attachement humain unissait les cœurs ! On en retrouve l’écho douloureux — à quelques exceptions près — chez les écrivains de tous les siècles. La vraie, la profonde amitié, ne se réalise qu’en Christ.

D’après les divers passages de la Parole de Dieu qui nous en parlent, on peut dire que l’amitié est l’union intime de deux âmes, qui se retrouvent l’une dans l’autre et ont un but commun. L’amitié n’est pas l’amour : l’amour divin qui aime ce qui n’est pas aimable ; l’amour humain qui conduit à l’union de deux êtres (Gen. 2, 24), et contient un élément absolument étranger à l’amitié ; l’amour fraternel qui unit les membres de la même famille, famille humaine ou famille de Dieu (1 Jean 5, 1). L’amitié n’est pas non plus la camaraderie, lien passager entre des personnes que des circonstances ou un travail commun ont rapprochées.

Au début de notre course chrétienne, nous avons entendu la voix du Seigneur Jésus nous disant : « Toi, suis-moi » [Jean 21, 22], et s’Il nous en a fait la grâce, nous nous sommes trouvés marchant seuls dans ce chemin où Il a passé le premier, L’ayant Lui comme l’objet de notre cœur. Mais dans Sa bonté, Il peut nous faire rencontrer sur la route une âme sœur, qui elle aussi Le connaît, et marche à sa suite. Quelle joie alors de retrouver l’un chez l’autre les mêmes sentiments, de cultiver une intimité qui a le même but : la personne de Christ. Les genres de vie, les goûts, les caractères peuvent être différents ; mais les âmes se sont unies dans l’attachement à un objet commun, devenant l’une pour l’autre une aide dans le chemin.

« La consécration absolue de soi-même à Jésus est un des liens les plus forts entre cœurs humains ; elle les dépouille du moi, et ils ne sont qu’une âme en fait de pensée, de dessein, de propos arrêté, parce qu’ils n’ont qu’un seul objet. — C’est ce qui a lié Jean à Pierre : Jésus était l’unique et commun objet de leurs cœurs. De caractères très différents, et d’autant plus liés à cause de cela, ils ne pensaient qu’à une seule chose » (J.N.D.).

La confiance et l’intimité sont des conditions nécessaires de l’amitié. Confiance dans le dévouement, dans l’affection, dans la discrétion de l’autre. Intimité qui permet de partager ses expériences, ses joies, ses douleurs, ses exercices. La Parole nous donne une belle allusion à cette intimité en y comparant la manière dont l’Éternel parlait à Moïse : « Face à face, comme un homme parle avec son ami » (Exo. 33, 11).

« L’ami aime en tout temps », nous dit Salomon (Prov. 17, 17). La fidélité dans l’amitié malgré les circonstances adverses, malgré la distance qui peut séparer ceux qui ont vécu l’un près de l’autre pour un temps, malgré les chutes, malgré les manquements de l’un à l’égard de l’autre (Job 6, 14), n’est-elle pas aussi nécessaire que l’intimité ? Satan est celui qui divise ; il a plusieurs moyens ; l’un des plus fréquents, dans notre cas, est la méfiance et la calomnie (Prov. 16, 28 ; 17, 9).

Mais le propre d’un ami véritable, c’est d’être une « aide dans le chemin », une aide qui encourage (Jean 20, 4), qui console (Prov. 27, 17), qui reprend et ne craint pas de dire la vérité quand cela est nécessaire (Prov. 27, 6) ; une aide enfin qui relève et restaure. Pour être une aide pour les autres, il faut d’abord avoir eu affaire avec le Seigneur pour soi-même : on peut donner seulement ce qu’on a reçu de Lui. La plus grande aide cependant, ne restera-t-elle pas toujours la prière l’un pour l’autre ?

Et que d’occasions s’offrent à nous, jeunes croyants, de cultiver cette amitié en Christ. Les vraies amitiés se forment dans la jeunesse :


« … Dans un temps où l’on met
Une part de soi-même
À tout ce que l’on fait »
(S.L.)

Le lien le plus intime entre les cœurs, c’est Christ, lien qu’aucune distance ne brise, qu’aucune proximité ne peut donner sans Lui. Parlons de Lui au cours de nos conversations et de nos promenades. Étudions Sa Parole en commun, soit en la lisant ensemble, soit en étudiant séparément le même livre à l’aide des nombreux écrits à notre disposition, pour considérer et approfondir ensuite dans nos rencontres les vérités ainsi découvertes. Partageons les expériences que le Seigneur nous accorde de faire sur la route, ou les encouragements qu’Il nous aura donnés dans la solitude à Ses pieds. Un bon moyen aussi est de prendre alternativement des notes dans les réunions ; rédigées ensuite, elles forment pour les deux amis un trésor précieux de souvenirs et d’enseignements, dont d’autres pourront profiter à leur tour. Et par-dessus tout, usons beaucoup du grand privilège de nous approcher ensemble du trône de la grâce [Héb. 4, 16]. La prière en commun est une force particulière, une joie bien grande, peut-être la plus belle de la vraie amitié. C’est elle qui, plus que tout autre chose, unit les âmes entre elles, et les attache à Christ.

La Parole a plus d’un exemple à nous fournir de cette « union des âmes ». L’attachement profond de David et de Jonathan est le plus connu, et quand la mort les eut séparés, rien ne put jamais remplacer pour David l’« amour merveilleux » [2 Sam. 1, 26] que l’ami de sa jeunesse lui avait porté.

Le Seigneur Jésus Lui-même, comme homme, n’a pas été entièrement étranger à ce sentiment. N’avait-il pas une intimité bien spéciale avec le « disciple qu’Il aimait » ? Et ce n’est pas Son amour divin qui fait dire à l’évangéliste, à propos de la famille de Béthanie : « Jésus aimait Marthe, et sa sœur, et Lazare » [Jean 11, 5].

Mais les vrais amis sont rares. Plusieurs d’entre nous sont peut-être appelés à marcher seuls. Il en est un pourtant qui reste pour chaque croyant l’ami de nos cœurs, l’ami suprême, dont rien ne pourra jamais nous séparer. Les Proverbes nous parlaient de cet « ami plus attaché qu’un frère ». Et dans les évangiles, nous retrouvons à chaque page cet homme, qui a connu toutes les souffrances de la vie ici-bas, qui peut sympathiser et comprendre, un « ami des publicains et des pécheurs » (Matt. 11, 19). Avec qui l’intimité et la confiance seraient-elles plus grandes qu’avec Lui, à qui nous pouvons tout dire, tout exposer, tout raconter ? Il est l’ami fidèle, qui demeure « immuable en son amour », même si notre affection pour Lui se refroidit et change. Et mieux que tout autre encore, Il sait nous reprendre avec amour, nous enseigner, nous relever, nous restaurer. « Le temps viendra où toutes nos souffrances auront pris fin, mais notre ami demeurera. Il est entré dans les angoisses les plus profondes de nos cœurs et veut nous faire partager Sa joie à toujours » (J.N.D.).

S’il est précieux de rencontrer sur la route une âme à laquelle la nôtre puisse s’attacher, une « aide » qui nous encourage dans le chemin, combien il est plus grand encore de l’avoir, Lui, avec nous, marchant pas à pas dans Son intimité, et sachant Lui donner dans notre cœur et dans nos affections — là comme en toute chose — à Lui, « la première place » [Col. 1, 18].