L’amour pour Jérusalem (Zacharie 2)

P. Jeanmonod
« Jérusalem, au-dessus de la première de mes joies »
Ps. 137, 6

Après que les dix tribus d’Israël infidèles eurent été emmenés captives en Assyrie en 721 avant J.C. par le roi Shalmanéser, Dieu patienta à l’égard de Juda et de Benjamin, les laissant à Jérusalem à cause de la maison de David. Mais vu leur désobéissance invétérée, Il permit finalement leur déportation à Babylone par Nebucadnetsar pour soixante-dix ans. Le pouvoir fut alors donné aux nations qui mirent Jérusalem en monceaux. Sa muraille fut détruite et la maison de l’Éternel dévastée (Néh. 1, 3).

Toutefois, Dieu a dit : « Mes yeux et mon cœur seront toujours là » [1 Rois 9, 3]. « À cause de Sion, je ne me tairai pas, et à cause de Jérusalem, je ne me tiendrai pas tranquille jusqu’à ce que sa justice paraisse comme l’éclat de la lumière et son salut comme un flambeau qui brûle » (És. 62, 1).

Sous l’édit de Cyrus, roi de Perse, favorable aux Juifs, cinquante mille d’entre eux environ revinrent de la captivité de Babylone à Jérusalem en 536 avant J.C. Après avoir rebâti l’autel et posé les fondements du temple, découragés par leurs ennemis, ils délaissèrent sa construction pendant seize ans environ.

En 519 avant J.C., la deuxième année du règne de Darius, roi de Perse, les prophètes Aggée et Zacharie sont suscités et réveillent le zèle du peuple. Aggée est surtout préoccupé de la maison de l’Éternel dévastée et reproche aux Juifs de la négliger pendant qu’eux-mêmes habitent des maisons lambrissées (Agg. 1, 9).

Zacharie pense à la ville, lève les yeux et regarde : « Et voici un homme, et dans sa main un cordeau à mesurer ». Il interpelle cet inconnu (un ange ayant pris une forme humaine) : Pourquoi se dirige-t-il vers Jérusalem, la ville ruinée ? Est-il un de ses serviteurs qui « prennent plaisir à ses pierres et ont compassion de sa poussière » [Ps. 102, 14] ? A-t-il avec le prophète une même pensée, une même sollicitude pour le sanctuaire désolé ?

« Et je dis : Où vas-tu ? Et il me dit : Je vais mesurer Jérusalem, pour voir quelle est sa largeur et quelle est sa longueur ». Dieu montre ainsi Sa compassion ; Il affirme Ses droits à l’entière possession de ce lieu foulé aux pieds par l’ennemi.

La question du prophète est-elle inopportune ? Les paroles de l’ange montrent l’accueil bienveillant qu’elle rencontre ; venant d’un homme aimant Jérusalem, cette demande ne pouvait rester sans réponse.

Voyons-nous Zacharie, ce jeune homme, au « jour des petites choses » (4, 10), alors qu’autour de lui règne une mort spirituelle, le cœur brûlant pour la ville délaissée, sans attrait, dont les portes sont consumées par le feu, n’oubliant pas qu’elle est la ville du grand Roi ? Pendant que chacun court à sa propre maison (Agg. 1, 9), ses yeux regardent les lieux abandonnés et, dans la tristesse, il est animé des sentiments de Daniel qui, plusieurs années auparavant, disait : « Écoute, ô notre Dieu, la prière de ton serviteur et ses supplications, fais luire ta face sur ton sanctuaire désolé » (Dan. 9, 17).

Zacharie, dans sa jeunesse, est un bel exemple d’un attachement réel à l’œuvre de Dieu. Quel exercice de cœur chez lui au sujet de l’état du peuple d’Israël et de la cité chère au cœur de l’Éternel. Écoutons-le, dans son amour vibrant pour elle, considérant ses ruines fumantes, énoncer cinq fois : « Et je levai les yeux et je regardai » (1, 18 ; 2, 1 ; 5, 1, 9 ; 6, 1).

Cette fidélité d’un cœur soustrait à l’influence des choses de ce monde pour n’avoir qu’un objet, brille d’un éclat d’autant plus vif qu’elle se montre au milieu du relâchement général. Aussi quelle réponse reçoit le prophète ! Pour l’encouragement de sa foi, dans ces jours sombres, juste récompense de son intérêt, il est placé devant le tableau magnifique des gloires futures de Sion ! « Et voici, l’ange qui parlait avec moi sortit, et un autre ange sortit à sa rencontre, et lui dit : Cours, parle à ce jeune homme, disant : Jérusalem sera habitée comme les villes ouvertes, à cause de la multitude des hommes et du bétail qui seront au milieu d’elle. Et moi, je lui serai, dit l’Éternel, une muraille de feu tout autour, et je serai sa gloire au milieu d’elle » (2, 3-5).

Voyons-nous ce second messager venir du ciel à la rencontre du premier ange, l’invitant à apporter sans retard son merveilleux message au prophète ? Il doit lui révéler d’une manière plus complète et plus belle ce qu’il adviendra de la ville bien-aimée. Les ruines ne seront pas perpétuelles ! Les pierres dispersées du sanctuaire seront de nouveau rassemblées et édifiées pour être encore la maison de l’Éternel où beaucoup de nations afflueront et dont la dernière gloire sera plus grande que la première, lors du millénium.

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Nous sommes à la fin de l’histoire de l’Église sur la terre. Si, à son début, la bonté de Dieu y brille dans sa beauté, sa fin montre l’infidélité de l’homme et son incapacité à se maintenir dans la bénédiction.

Actuellement, comme jadis, c’est un temps de petites choses. Le témoignage est ce que l’apôtre Paul annonçait dans le chapitre 20 des Actes. Dans ses dernières épîtres, écrites alors qu’il était prisonnier à Rome, il en parle d’une manière plus précise encore, voyant chez plusieurs de ceux qui l’accompagnaient un manque d’intérêt pour l’œuvre du Seigneur. Depuis, le mal s’est encore développé. Grande est la tiédeur spirituelle : on cherche ses propres intérêts et non pas ceux de Jésus Christ [Phil. 2, 21] ! Une vie agitée captive les esprits. Que de raisonnements pour justifier les distractions et les plaisirs mondains que l’on recherche et qui font la guerre à l’âme [1 Pier. 2, 11] ! Aussi quel voile cache les choses excellentes, vraies, pures, vénérables, qui seules donnent joie et paix véritables ! Pourtant, par la grâce de Dieu, Sa Parole n’a jamais été aussi répandue.

Imitons plutôt Zacharie, « ce jeune homme » qui avait pour Jérusalem un amour profond parce qu’elle était chère au cœur de Dieu. Alors, une riche bénédiction reposera sur les siens, car « Dieu n’est pas injuste pour oublier » [Héb. 6, 10] ce qui est fait pour Son nom. « Si quelqu’un me sert, le Père l’honorera » [Jean 12, 26].

L’activité pour Christ se rapporte à des choses plus précieuses que le temple et la Jérusalem terrestres. Par grâce, quoique dans la faiblesse, nous avons le privilège de participer à Son œuvre d’amour ici-bas dont les résultats merveilleux dureront sans fin.

Ils resplendiront durant le millénium dans la Jérusalem céleste, qui descendra du ciel d’auprès de Dieu [Apoc. 21, 2]. Métropole brillante d’un monde renouvelé, l’Église, « la sainte cité », sera « la femme de l’Agneau » [Apoc. 21, 9], « préparée comme une épouse ornée pour son mari » [Apoc. 21, 2], « vêtue de fin lin, éclatant et pur, car le fin lin, ce sont les justices des saints » [Apoc. 19, 8]. L’Agneau sera sa lampe, « et les nations marcheront par sa lumière ; et les rois de la terre lui apporteront leur gloire » [Apoc. 21, 24].

Et quand toutes choses seront faites nouvelles, l’Église, « nouvelle Jérusalem », illuminée de la gloire divine, sera à toujours l’habitation de Dieu avec les hommes dans de nouveaux cieux et une nouvelle terre, dans lesquels la justice habitera [2 Pier. 3, 13].

Ne vaut-il pas la peine, jeune ou plus âgé, d’avoir une sainte énergie, puisée dans la communion avec le Seigneur qui élève au-dessus de tout ce qui, dans ce monde, captive nos pensées et nos affections et les détourne de ce qui devrait être constamment devant nos yeux : Sa gloire, Ses intérêts dans tout ce que nous faisons.

Puissions-nous, dans le temps court de notre pèlerinage, désirer être gardés de l’influence des plaisirs trompeurs d’un monde jugé, pour Lui consacrer ce qu’Il nous a confié : nos cœurs, nos facultés, nos biens, notre temps, réalisant que nous ne sommes plus à nous-mêmes et que nous avons été achetés à prix [1 Cor. 6, 19, 20].

Ayons à cœur « l’Assemblée de Dieu, laquelle il a acquise par le sang de son propre Fils » (Act. 20, 28), pour laquelle le Seigneur s’est livré Lui-même afin de se la présenter n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irréprochable [Éph. 5, 27] et qui, dans la félicité et la gloire éternelles, subsistera à jamais dans son inaltérable et divine beauté.

Paul

Paul, pour la première fois, participait à la petite étude biblique hebdomadaire. Il s’était adossé au mur de la cellule, et à l’énoncé des affirmations de la Parole de Dieu sur le salut sans les œuvres, son visage s’était fermé et avait pris une expression de défiance. Puis, très vivement, il avait riposté.

En face de lui, juché sur une étagère et les jambes pendantes, était assis Raymond. Deux semaines auparavant, les chaînes de condamné à mort lui avaient été enlevées. Trente mois aux chaînes avec la perspective constante de l’exécution au petit jour, lui avaient fait découvrir la vérité. La Bible était maintenant le critère pour toutes les questions et il opposait avec beaucoup de mordant, aux arguments de Paul, ceux de la Parole de Dieu. Le reste du groupe assistait à cette joute en souriant.

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Trois mois après. Tête à tête avec Paul. Avant de regagner sa cellule, il a prié : « Seigneur, tu as voulu que je te retrouve. Tu m’as placé devant mon péché, mon péché que tu m’as pardonné… ».

Une longue lettre relate son expérience spirituelle : « … Vous vous souvenez de notre première rencontre, lors de votre dernier cercle biblique fin juillet ou début août. Une discussion s’ouvrait au sujet du moyen par lequel nous étions sauvés. Éphésiens 2, 8-9 dit : « … par la foi… non pas sur le principe des œuvres ». Je pensais qu’à la rigueur les œuvres pouvaient suffire, puisque de bons fruits ne sauraient provenir que d’un bon arbre.

À notre séparation, je restai sur ma position, et rentrant dans ma cellule, je pris un Nouveau Testament, demandant vaguement à Dieu de m’éclairer. J’avais la certitude de trouver de solides arguments pour vous confondre lors d’une prochaine réunion. Jusqu’à ce moment, mon esprit était bien appesanti !

Mais chercher Dieu, c’est peut-être l’avoir déjà trouvé. Quelques heures passées avec les évangiles me donnèrent la certitude du salut par une foi agissante dans la charité, donc d’une « foi-amour ». Cette certitude m’invitait logiquement à étudier plus minutieusement les évangiles, ce que je fis sur-le-champ. Ce fut pour moi un bouleversement. Ce paralytique, c’était moi ; cet aveugle, c’était moi ; ce lépreux, c’était moi. Plus haut que la justice des hommes qui condamne, je voyais la bonté de Dieu qui pardonne et cela seul importait. Je pouvais donc être sauvé. Le chemin de Damas n’est pas fermé. C’est toujours le lieu de rencontre de Jésus Christ et des âmes… et mes lèvres murmuraient : « Seigneur, que faut-il que je fasse ? »… Jusqu’à ce jour, par mes péchés, je n’avais fait que Le crucifier, et pourtant ce n’était que Lui qui pouvait me sauver. Pour cela, je comprenais rapidement cette nécessité pour moi : ne faire par la foi qu’un avec Christ crucifié pour que moi pécheur mourant avec Lui sur la croix, je ressuscite avec Lui et continuant à ne faire qu’un avec Lui, je vive en Lui et par Lui.

C’était mourir en tant que pécheur, mais renaître comme enfant de Dieu et racheté du Christ ; c’était ma mort en tant que chair, et ma résurrection en tant qu’esprit. Le voile était déchiré…

J’eus la certitude que Christ sur la croix m’avait sauvé en portant Lui-même mes péchés sur le bois (1 Pier. 2, 24). Il m’avait pardonné mes péchés : « Vous êtes sauvés par la grâce, moyennant la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Non pas sur le principe des œuvres, mais afin que personne ne se glorifie… Ayant été créés dans le Christ Jésus pour les bonnes œuvres que Dieu a préparées à l’avance afin que nous marchions en elles » (Éph. 2, 8-10). »

J.L.