La clôture

G. André
« Qui renverse une clôture, un serpent le mord »
Eccl. 10, 8

Le pays était spacieux, et « de long en large », Abraham, l’homme de foi, était invité à s’y promener (Gen. 13, 17). Il avait quitté Ur, la ville de sa naissance ; il s’en était allé de sa parenté et de la maison de son père, pour venir au pays que Dieu lui avait montré. Là il se trouvait au large, mais il devait se garder d’en dépasser les limites. D’aucune façon son fils Isaac ne devait retourner en Mésopotamie ; et lorsque lui-même, craignant la famine, avait voulu descendre en Égypte, le malheur l’avait atteint : le « serpent » l’avait « mordu ». Plus triste encore, le souvenir de l’Égypte avait influencé Lot (Gen. 13, 10) qui, sans se laisser diriger par Dieu dans son choix, avait « franchi la clôture », dressant ses tentes jusqu’à Sodome, et pris petit à petit une place importante parmi ces « grands pécheurs » devant l’Éternel. La fin lamentable de son histoire montre clairement ce que signifie la « morsure » du « serpent ».

L’Éternel indique à Josué (chap. 1) les limites du pays : le désert, aridité du monde ; la montagne du Liban, puissance du monde ; l’Euphrate où se trouvait Babylone, prospérité et corruption du monde ; la grande mer, agitation et inquiétude de ceux qui ont leur part « sur la terre ». En dehors de ces limites, il ne fallait pas sortir, mais faire la conquête du pays lui-même, en tout lieu poser « la plante de son pied ». De fait, Israël ne le fit jamais complètement, mais il « renversa la clôture ». Quel avertissement !

Notre temps et nos forces sont limités ; à quoi les employons-nous ? Savons-nous profiter des loisirs que laisse le travail quotidien pour nous « promener de long en large » (Éph. 3, 18) dans le pays, en faire la conquête, c’est-à-dire par la lecture et la méditation de la Parole de Dieu, nous en approprier les richesses ? Et les mettre en valeur en pratiquant les enseignements du Seigneur et en les communiquant à d’autres ? — Ou bien, franchissant la clôture, recherchons-nous dans le monde de quoi combler un vide que nous n’avons pas laissé le Seigneur remplir ? Prenons garde : « Qui renverse une clôture, un serpent le mord » [Eccl. 10, 8] !

Le pays est large et spacieux aussi pour nous. Dans la communion du Seigneur et la reconnaissance envers Dieu, nous pouvons jouir pleinement des bienfaits si nombreux qu’Il répand sur notre route. Et s’Il a mis des limites que nous ne devons pas franchir, c’est encore bienfait de Sa part. Satan le savait bien quand il parlait à Dieu de la « haie de protection » [Job 1, 10] dont Job était entouré. Dans ce cas particulier, Dieu permit à l’ennemi de démolir la haie, afin d’éprouver Son serviteur. Mais combien c’est différent de « renverser la clôture » nous-mêmes ; nul ne peut alors prévoir où il sera entraîné : il est entré dans le domaine de Satan, proie facile pour ce lion qui « rôde autour de nous, cherchant qui il pourra dévorer » [1 Pier. 5, 8].

Dans la maison de son seigneur l’Égyptien, Joseph pouvait disposer de tout. Une seule chose lui était interdite (Gen. 39, 9). Malgré les sollicitations les plus vives, il n’a pas renversé la clôture. Il a su dire « non », et le répéter ; « jour après jour, il ne l’écouta pas ». Mais David a passé outre. Un soir d’oisiveté, par un regard (2 Sam. 11, 2) de convoitise charnelle, il a été entraîné dans l’abîme : la « morsure » a été terrible, et malgré la restauration, les conséquences en ont subsisté jusqu’à la fin de sa vie. Ne pensons pas : « Cela ne m’arrivera pas à moi ». Ces choses ont été écrites « pour nous servir d’avertissement » [1 Cor. 10, 11] ; seule la puissance du Seigneur peut nous garder en réponse à la foi. Dans ce domaine plus que dans tout autre, la « clôture » est nette et précise : « Le corps est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps » (1 Cor. 6, 13-20). Il s’agit de « fuir », et non de regarder avec légèreté par-dessus la barrière. « Un homme prendra-t-il du feu dans son sein sans que ses vêtements brûlent ? » (Prov. 6, 27). « Garde ton cœur plus que tout ce que l’on garde, car de lui sont les issues de la vie » (Prov. 4, 23).

Le chrétien a un centre : Christ. Tenons-nous près de Lui et nous serons préservés du désir même de « renverser la clôture » ; nous serons à l’abri des « morsures du serpent ». « Le monde s’en va et sa convoitise, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement » [1 Jean 2, 17].

« Et près de moi, tu seras bien gardé »
(1 Sam. 22, 23)