La course

J. Koechlin
« Pourvu que j’achève ma course… »
Act. 20, 24
« Et quoi qu’il arrive, je veux courir »
2 Sam. 18, 23

Il y a quelques mois, nous avons été occupés avec profit du « grand voyage ». Nous pourrions utilement revenir à cet important sujet sous un autre titre que la Parole lui donne, celui de « la course ».

Il s’agit donc de la vie du chrétien. Elle commence à ce carrefour qui s’appelle la conversion et que signale la croix. Celui qui jusqu’alors errait sans but, comme une brebis, se trouve arrêté par Dieu. La croix où mourut son Sauveur devient le point de départ de sa course vers le ciel. J’aime à penser que nous en sommes tous arrivés là. Alors arrêtons-nous quelques instants. Devant nous la route, la route étroite, se déroule vers le but céleste. Allons-nous courir puisque dès maintenant le salut nous est acquis ? La course paraît redoutable et rester sur place serait plus sûr et plus agréable. Bien des chrétiens s’en sont accommodés. Assurément, comme pour toute entreprise, il faut commencer par s’asseoir et calculer la dépense. La dépense, oui, d’un côté, et elle est considérable, mais de l’autre côté il faut compter aussi les ressources et les gains.

C’est donc une sorte de « compte de pertes et profits » qu’il va nous falloir établir. La différence nous dira s’il vaut ou non la peine de se mettre en route. Car il ne faut pas nous faire d’illusion, dans la première colonne, celle des pertes, nous allons être obligés de compter bien des épreuves, peut-être des persécutions si l’Ennemi en suscite à nouveau contre les enfants de Dieu. Elles peuvent aller, la Parole ne nous le cache pas, jusqu’au sacrifice de notre vie. Allons, il est inutile d’aller plus loin, voilà déjà la partie perdue. Non, regardons plutôt dans l’autre colonne, celle des profits, qu’y lisons-nous en lettres d’or ? « Une mesure surabondante, un poids éternel de gloire » (2 Cor. 4, 17). Nous pouvons poursuivre.

Voici maintenant, dans la colonne des dépenses, un autre verset qui nous dit que la course devant nous est à courir avec patience (Héb. 12, 1). C’est là quelque chose de plus pénible qu’une épreuve de temps en temps. Certes, mais la patience a sa contrepartie dans l’espérance qui ne rend point honteux. Puis il y a, toujours parmi les dépenses, la dépendance et tous les exercices de foi qui s’y rattachent : aurons-nous ce qu’il faut demain ? Que nous arrivera-t-il après telle décision ? À ce poste, la grâce de Dieu répond en surabondance dans la colonne des profits. Il y a l’obéissance, mais du côté des gains nous trouvons aussitôt le Maître débonnaire que nous avons le privilège de servir et Sa bannière sur nous, c’est l’amour (Can. 2, 4).

Il y aura des obstacles certains, mais pensons au divin guide qui a tracé notre chemin, au Sacrificateur dont l’intercession devancera les moments difficiles. Ajoutons aux pertes la fatigue, malgré laquelle il faudra poursuivre toujours, d’un effort persévérant, mais souvenons-nous aussi en contrepartie de la nourriture et de l’eau qui ne manqueront pas, la Parole inépuisable de Dieu et l’Esprit de puissance dont la plénitude est promise à celui qui s’en laisse remplir.

Maintenant nous abordons un autre chapitre de notre budget. Il s’agit de la vie de régime et de privations qu’impose la carrière (1 Cor. 9, 25), c’est-à-dire une abstention volontaire de toute une série de choses considérées comme indispensables par ceux qui vivent autour de nous. Il y aura d’abord un coûteux renoncement aux plaisirs de toute sorte que le monde aux mille sourires propose à la jeunesse moderne. Mais du côté des profits nous ne manquerons ni des joies du cœur, ni de cette paix que procure une bonne conscience. Il y aura l’abstention de fréquentations non profitables, mais ce sera pour trouver de chers frères et sœurs dans la famille de la foi. Il y aura cette sobriété intellectuelle, « ceinture à notre entendement » (1 Pier. 1, 13) que nous sommes invités à porter et qui nous engagera à ne pas laisser notre intelligence et notre mémoire s’adonner à tous les domaines où elles aimeraient pouvoir s’exercer. Mais en contrepartie nous entrerons plus avant dans « l’excellence de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur » (Phil. 3, 8) à cause duquel ces choses, tant estimées par le monde, sont regardées comme étant une perte, comme des ordures. Oui, il y aura d’un côté le renoncement non seulement à ce qui est nuisible, mais peut-être même à des choses justes et légitimes qui, comme le manteau de Bartimée, pourraient entraver la course vers le Seigneur. Par contre, sur l’autre face, nous pourrons lire en caractères de feu : « afin que je gagne Christ ». Christ Lui-même, gain suprême qui résume tous les autres. À présent nous sommes bien d’accord que, tout compte fait, la somme des ressources l’emporte de bien loin sur celle des dépenses, parce que, nous l’avons chaque fois vérifié, ces ressources sont totalisées dans la personne de Christ et dans ce qu’Il donne. Dans de telles conditions, il vaut bien la peine de se mettre en route.

Mais ce n’est pas tout. On peut en être convaincu et ne pas courir, soit que l’on reste à ce point de départ, soit que l’on marche sa vie durant à un pas de promenade. Parfois, peut-être après avoir couru un moment, on se sera assis fatigué au bord de la route. Il y a donc une décision à prendre maintenant, à l’endroit où nous sommes, un choix irrévocable à faire. Ensuite il faudra maintenir l’effort dans une persévérance souvent éprouvante. Cependant par nous-mêmes nous n’y parviendrons pas. Comment cela sera-t-il possible ? Chers amis, en nous occupant beaucoup de notre colonne des profits de tout à l’heure, c’est-à-dire de Celui qui est à la fois le but et la ressource pour y parvenir.

Les sportifs ont une maxime qui dit : Un coureur court autant avec sa tête qu’avec ses jambes. Le chrétien pourrait ajouter : et autant avec son cœur. Voilà son secret. C’était celui du jeune Akhimaats qui retournait vers son roi et que rien n’a pu dissuader : Quoi qu’il arrive, dit-il, je veux courir. Pourvu que j’achève, déclare Paul inébranlable. Ils étaient avertis l’un comme l’autre pourtant qu’il y aurait des moments difficiles. Mais l’amour les portait en avant. Si Christ est vraiment notre trésor, une sainte énergie conduira nos pas naturellement là où notre cœur se trouve déjà. Puissions-nous donc, dès le départ et jusqu’au bout de notre course, faire nôtres ces derniers mots d’un fidèle témoin de la Réforme qui montait au bûcher : « Je ne veux que Christ, je ne veux que Christ ».