La hardiesse

P. Rossel

Un miracle notoire vient d’être accompli à Jérusalem : un homme, impotent dès sa naissance au point de ne pouvoir se tenir debout, a été vu marchant et sautant. Guéri par la puissance du nom de Jésus Christ le Nazaréen, il dit les louanges de Dieu qui lui a donné la capacité de marcher comme ses semblables.

Les chefs du peuple, haineux et jaloux, se sont saisis des apôtres, instruments de cette guérison, et les ont gardés sous surveillance pour les interroger le lendemain. À l’ouïe de leur réponse assurée, « voyant la hardiesse de Pierre et de Jean » (Act. 4, 13), ils décident de les relâcher, non sans leur avoir interdit au préalable, avec menaces, de parler encore de Jésus.

Leur liberté recouvrée, ils viennent vers leurs frères et, ensemble, d’un commun accord, ils s’en remettent à Dieu. Ils s’adressent à Celui qui est souverain, au Créateur de toutes choses. Que sont ces quelques hommes, méchants et violents, en présence de Celui qui par Sa puissance a fait la terre, qui a établi le monde par Sa sagesse et qui par Son intelligence a étendu les cieux ? Celui qui a tout formé (Jér. 10, 16) domine sur eux comme Il domine sur toutes choses. — Aussi demandent-ils avec supplication : « Et maintenant, Seigneur, regarde à leurs menaces, et donne à tes esclaves d’annoncer ta parole avec toute hardiesse » (Act. 4, 29).

Plusieurs passages du livre des Actes des apôtres montrent que cette prière a été exaucée, que Dieu a accordé cette hardiesse à Ses serviteurs. Elle avait pour but la gloire de Celui qui veut que tous les hommes soient sauvés [1 Tim. 2, 4]. Des apôtres, à Jérusalem tout d’abord, il est dit qu’ils annonçaient la Parole de Dieu avec hardiesse (Act. 4, 31). Ils n’ont pas terminé leur supplication, semble-t-il, que déjà ils en voient l’exaucement.

Plus tard, à Antioche de Pisidie, Paul, laissé libre par les chefs de la synagogue de dire au peuple quelque parole d’exhortation, rappelle succinctement les dispensations de Dieu à l’égard d’Israël jusqu’à l’arrivée — dispensation suprême — de Jésus, le Sauveur. Remplis de jalousie, les Juifs contredisent et se répandent en blasphèmes. Paul et Barnabas s’enhardissent alors et leur répondent que, puisqu’ils rejettent la parole de Dieu, ils se tourneront désormais vers ceux des nations (13, 46).

À Iconium ils rencontrent la même opposition, ce qui ne les empêche pas de parler hardiment. L’Esprit de Dieu indique ici la source de leur hardiesse : « parlant hardiment, appuyés sur le Seigneur » (14, 3). Ils ne s’appuyaient pas sur eux-mêmes, sur quelque capacité naturelle, ni même sur les dons de grâce qu’ils avaient reçus. Ils comptaient sur Lui et, avec la force que donnent la confiance et la tranquillité, ils pouvaient, malgré l’hostilité des Juifs, parler de Lui en toute hardiesse. Il est même dit qu’« ils séjournèrent là assez longtemps », et que plus tard ils y retournèrent, estimant que « c’est par beaucoup d’afflictions qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu » (14, 22).

Apollos a été un autre serviteur qui a rendu témoignage avec hardiesse au Seigneur. Homme éloquent, puissant dans les Écritures et fervent d’esprit, il vient à Éphèse pour enseigner diligemment les choses qui concernent Jésus et parler avec hardiesse de Lui dans la synagogue (18, 26). Il n’y a pas seulement chez lui éloquence et hardiesse ; il y a aussi ferveur d’esprit et diligence. Cette association des qualités intérieures aux manifestations extérieures tant prisées par l’homme naturel mérite d’être soulignée. S’il n’y avait eu qu’éloquence et hardiesse, il n’aurait pas « contribué beaucoup » à l’avancement des croyants.

Nous retrouvons l’apôtre Paul à Éphèse. Il y parle avec hardiesse, persuadant ses auditeurs durant trois mois des choses du royaume de Dieu (Act. 19, 8). Puis, se séparant de ceux qui se montrent endurcis, rebelles et médisants, il poursuit son activité pendant deux ans, afin que tous les Juifs et les Grecs d’Asie puissent entendre la parole du Seigneur.

À Césarée, tandis qu’il prononce son apologie devant le roi Agrippa et la reine Bérénice, nous l’entendons encore parler hardiment ; et il le fait d’autant plus qu’il est persuadé qu’Agrippa n’ignore rien de ces choses (26, 26). Il ne craint même pas de s’adresser à lui personnellement : Ô roi Agrippa ! crois-tu aux prophètes ? — Je sais que tu y crois. Agrippa, quelque peu gêné, répond : Tu me persuaderas bientôt d’être chrétien ! Et Paul, prisonnier méprisé, mais combien élevé au-dessus de ce roi venu en grande pompe, dans la conscience d’une immense félicité d’appartenir au Sauveur mort pour ses péchés et ressuscité pour sa justification, souhaite avec amour que cette société, qui n’avait que l’éclat extérieur, devienne comme lui, à part les liens. C’est là le tableau d’une hardiesse pleine de dignité et de grandeur.

Le livre des Actes, en un septième et dernier passage, se termine par la mention de la hardiesse. « Paul… recevait tous ceux qui venaient vers lui, prêchant le royaume de Dieu et enseignant les choses qui regardent le Seigneur Jésus Christ, avec toute hardiesse, sans empêchement » (28, 30-31). Le serviteur du Seigneur est retenu à Rome, mais la Parole de Dieu n’est pas liée. Indissolublement attaché à un Christ glorifié qui est sa force, sa vie, son tout, il demeure capable de parler, avec toute hardiesse, des conseils magnifiques de la grâce de Dieu « depuis le matin jusqu’au soir » !

La hardiesse est cette énergie que donne une totale confiance en Dieu pour parler de Lui, librement et avec assurance, envers et contre tout. Le terme grec de l’original (parrhêsia), qui est le même dans tous les passages cités, donne l’idée de parler librement, et les auteurs latins, détail intéressant, ont jugé bon de le rendre par un mot qui donne l’idée de foi, de confiance (fiducia).

La source de la hardiesse des apôtres était dans le Seigneur, et s’ils pouvaient parler hardiment de Lui, c’est qu’ils étaient remplis de Lui et qu’ils n’avaient qu’un but : Sa gloire. Les apôtres à Jérusalem n’ont devant eux que le nom de Jésus, le saint serviteur de Dieu. Paul, à Antioche de Pisidie, démontre que toutes les voies de Dieu en Israël devaient aboutir à la manifestation de Jésus, le Sauveur. À Iconium, nous les voyons appuyés sur le Seigneur. Apollos enseigne avec diligence les choses qui concernent Jésus et Paul prêche à Éphèse que c’est en Celui qui vient après Jean le baptiseur, c’est-à-dire en Jésus, qu’il faut croire. Devant la cour, à Césarée, il rappelle que le roi Agrippa croit aux prophètes, lesquels ont annoncé la mort et la résurrection du Christ, et les choses qu’il enseigne durant sa captivité à Rome sont les choses qui concernent le Seigneur Jésus Christ.

Combien il est à désirer que nous qui sommes jeunes, nous montrions plus de hardiesse dans les jours d’indifférence, de lassitude, de nonchalance, que nous vivons. Si nous aimions davantage le Seigneur, nous userions aussi de plus de hardiesse — en Lui, comme dit l’apôtre (Éph. 6, 20) — de hardiesse pour parler de Lui dans le cercle de la famille où il est peut-être plus difficile qu’ailleurs de rendre un bon témoignage ; dans le domaine de l’assemblée où la faiblesse doit nous inciter à travailler pour son bien ; dans le monde, là où le Seigneur nous a placés, où parfois l’opprobre est pénible à supporter. Recherchons cette hardiesse auprès de Lui avec confiance : Il nous la donnera comme Il l’a donnée à ces frères dont l’apôtre parle dans l’épître aux Philippiens (1, 14), qui un jour eurent « beaucoup plus de hardiesse pour annoncer la parole de Dieu sans crainte ».