La solitude

G. André
« La solitude véritable est dans le cœur. »
« La véritable, la bonne solitude est tout entière dans le sentiment de la présence de Dieu. »

Dans ce monde, la solitude est généralement un malheur. L’homme a peur d’une vie solitaire ; il recherche la compagnie, le bruit, l’agitation, les distractions. C’est parce qu’il craint par-dessus tout de se trouver seul avec Dieu.

L’homme n’a pas été créé pour être seul ; la famille, la société, l’entraide qu’elles permettent, sont selon Dieu. Mais il faut être seul pour entendre la voix divine.

C’est seul aux pieds du Sauveur que l’on trouve le salut.

C’est seuls aux pieds du Maître que nous sommes enseignés, jugés, éclairés dans le secret de nos cœurs.

C’est seuls à Ses pieds encore que nous trouvons la vraie consolation, la vraie force.

Il y a lieu de distinguer deux genres de solitude : celle qui nous est imposée par les circonstances, et celle que nous choisissons volontairement.

La solitude dans les circonstances

Dans le chemin de la vie, nous sommes souvent appelés à marcher moralement seuls. C’est un privilège d’avoir un ami, une compagne, quelqu’un qui soit une aide sur la route. Mais si le Seigneur nous appelle à marcher seuls, c’est pour nous apprendre à compter sur Lui uniquement, à mieux Le connaître, à mieux entrer dans Son intimité. C’est après la mort de son père et après sa séparation d’avec Lot, qu’Abraham a reçu les plus grandes bénédictions.

Le Seigneur Jésus a tout particulièrement ressenti cette solitude morale, Lui si incompris ici-bas. Mais dans quelle mesure infinie, Il jouissait de la communion avec Son Père !

Dieu fait souvent passer par un temps de solitude particulière ceux qu’Il veut préparer pour Son service. Moïse fut quarante ans au désert à garder les troupeaux, Élie trois ans et demi au torrent de Kerith et à Sarepta. Dans cette solitude, l’âme apprend à se connaître et à connaître Dieu ; elle est nourrie afin d’être à même d’apporter ensuite l’eau de la vie à d’autres.

Dans le service lui-même, les ouvriers sont souvent seuls. Le Seigneur avait envoyé les disciples deux à deux ; Paul avait des compagnons. Mais un Jérémie, un Jonas, et bien d’autres, étaient seuls pour accomplir la tâche reçue.

On est souvent appelé à rendre témoignage seul dans un milieu hostile. Josué et Caleb étaient seuls contre tout le peuple. Élie était seul contre les sacrificateurs de Baal. Jésus était seul pour faire la belle confession devant Pilate [1 Tim. 6, 13]. Et au soir de sa carrière, le grand apôtre pouvait dire : « Personne n’a été avec moi… mais le Seigneur s’est tenu près de moi » (2 Tim. 4, 16, 17).

Dans la distance, loin des nôtres et des bien-aimés du Seigneur souvent, nous apprenons aussi à connaître ce qu’est la solitude. Quel encouragement nous trouvons alors dans la parole du prophète : « Je leur serai comme un petit sanctuaire dans les pays où ils sont venus » (Éz. 11, 16).

Dans la vieillesse, quand la plupart de ceux que l’on a aimés et connus s’en sont allés pour ne plus revenir, combien le cœur se sent plus solitaire. Mais aussi le désir augmente de voir le Seigneur, d’être auprès de Celui dont la communion réjouit d’autant plus l’âme, qu’elle est privée des joies d’autrefois.

Dans le deuil et dans la souffrance, le cœur est seul ; il connaît sa propre amertume [Prov. 14, 10]. La sympathie chrétienne, l’affection fraternelle peuvent aider ; mais elles ne sont pas la force. Seuls la sympathie du Seigneur, le sentiment de Sa présence dans la solitude qui vous entoure, sont à même de restaurer l’âme et de la porter au travers des grandes eaux.

Ainsi, au travers de la vie, bien des circonstances nous placent dans la solitude. Mais pour être armé pour les traverser, il faut cultiver :

La solitude volontaire avec le Seigneur

Elle est indispensable à la prospérité de notre âme. Il faut savoir prendre le temps d’être seul à Ses pieds, chaque jour, et s’il est possible, de temps à autre pour une période plus longue. Il est nécessaire d’être ainsi régulièrement seul avec Lui :

pour L’écouter, comme Moïse en Sinaï ou dans le lieu très saint ;

pour Le prier, comme Jésus s’en allait longtemps avant le jour [Marc 1, 35] seul à l’écart, ou le soir encore, seul sur la montagne ;

pour considérer devant Lui, chaque fois qu’il est possible de le faire, toutes les décisions que nous avons à prendre. Loin de l’ambiance journalière et des influences multiples qui nous entourent, dans le silence de Sa présence, Il nous fera connaître Son chemin. Que de décisions sont prises, même dans les détails, sans avoir d’abord mis de côté le temps de prier et d’examiner les choses devant Lui !

Mais on peut être effectivement seul sans en profiter. La solitude a ses dangers. Le Seigneur n’a pas demandé que les siens soient ôtés du monde, mais gardés du mal [Jean 17, 15] dans le monde où ils sont laissés. Nous ne sommes pas appelés à être ermites ou moines. Par la solitude, on n’échappe pas au péché qui se trouve dans notre cœur. Et les mauvaises pensées ont souvent plus de force quand nous sommes seuls, sans réaliser la présence de Dieu. La solitude tend à développer l’égoïsme, la préoccupation exagérée de soi-même et de sa vie intérieure. La pensée et le jugement peuvent être déformés.

Pour éviter ces écueils, il faut le sentiment de la présence de Dieu, gagné surtout dans la prière. Alors la solitude sera dans le cœur. Les préoccupations extérieures seront laissées pour un moment. Dieu parlera, et ensuite dans la vie active et les mille circonstances et difficultés de nos journées, le calme intérieur subsistera ; nous porterons, comme autrefois Moïse, le reflet de la gloire entrevue, « parce qu’il avait parlé avec Lui » [Ex. 34, 29].

Nous sommes appelés à vivre pour les autres, à les servir. Et pourtant, les moments de solitude sont nécessaires à notre âme. Comment partager notre temps ? Considérons notre modèle : qui mieux que Lui a su apporter la nourriture aux âmes, le soulagement aux misères, la consolation à toutes les souffrances ? Et qui mieux que Lui a su prendre les heures de solitude pour parler à Son Père ? En Le considérant de près, nous verrons plus clairement ce que devrait être le chemin de nos vies.

La pratique de la solitude volontaire permettra seule de traverser avec Lui la solitude imposée par les circonstances. Abandonné des siens, devant les terribles heures de Gethsémané et de la croix, Celui qui connaissait bien mieux que nous les deux solitudes, pouvait dire à Ses disciples : « Vous me laisserez seul ; — et je ne suis pas seul, car le Père est avec moi » [Jean 16, 32].

Trois heures plus sombres encore devaient venir, trois heures d’abandon, trois heures de ténèbres :

« Tu fus seul sur la croix, buvant la coupe amère,
Sans qu’un cœur vint répondre à ton cri douloureux ! »

Mais s’Il a connu cette solitude inexprimable, c’était pour que nous ne la connaissions jamais.