Le microscope et le télescope

J. Kiehm

Voyez ce savant qui, l’œil fixé sur la lentille de son microscope, observe une simple goutte d’eau ou de sang et considère avec étonnement ce monde en miniature où grouille une multitude de corpuscules dont le profane ne soupçonne même pas l’existence. C’est le domaine merveilleux de l’infiniment petit.

Voyez maintenant cet astronome qui, au moyen de son télescope, peut fouiller l’immensité des mondes, de ces cieux qui racontent la gloire de Dieu [Ps. 19, 1]. Grâce à son instrument et au moyen de savants calculs, il nous dira par exemple que notre soleil, qui est trois cent vingt mille fois aussi gros que la terre, est éloigné de nous de cent cinquante millions de kilomètres et que la lumière, qui parcourt trois cent mille kilomètres à la seconde, met environ huit minutes à parvenir du soleil jusqu’à nous. Plus étonnant encore : pour atteindre l’étoile la plus proche, un avion lancé dans l’espace à cinq cents kilomètres à l’heure devrait voler sans arrêt pendant neuf millions d’années ! Devant les découvertes de l’astronomie, nous restons confondus, écrasés par la puissance de Dieu, ravis à la pensée que c’est notre Père qui a créé toutes ces merveilles. Nous comprenons que notre terre n’est qu’un infime grain de sable dans l’immensité de la création, et nous sommes amenés à répéter avec le psalmiste : « Quand je regarde tes cieux, l’ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as disposées : qu’est-ce que l’homme que tu te souviennes de lui ? » (Ps. 8, 3, 4). Quelle grâce insondable que ce tout-puissant Créateur se soit occupé des habitants de notre planète, ce point imperceptible de l’univers, et qu’Il ait envoyé Son Fils unique pour y mourir ! Connaissance trop merveilleuse pour nous, si élevée que nous n’y pouvons atteindre [Ps. 139, 6]. Somme toute, l’homme n’est qu’un pauvre être fini, placé entre deux infinis également merveilleux : l’infiniment petit et l’infiniment grand. Et il est indéniable que ces deux instruments, le microscope et le télescope, lui ont permis d’approfondir ses connaissances dans ces deux domaines, de se former une idée, si imparfaite soit-elle, de ces merveilles qui le dépassent tellement.

Peut-être, chers amis chrétiens, vous êtes-vous enthousiasmés pour ces découvertes et avez-vous lu avidement des ouvrages qui s’y rapportent. Mais ne pensez-vous pas que ce qui est vrai dans le domaine scientifique l’est aussi dans le domaine spirituel et que nous pourrions avec grand profit appliquer les méthodes du microscope et du télescope à l’étude d’un autre infini qui a nom : la Parole de Dieu ? Que de fois, hélas ! nous nous contentons d’une lecture superficielle au lieu de sonder les Écritures qui rendent témoignage de Lui [Jean 5, 39], et notre connaissance des merveilles du saint Livre risque de rester toujours rudimentaire. Sans doute, je ne nie pas que la Parole dans toute sa simplicité ne puisse, sous l’action du Saint Esprit, être en immense bénédiction aux âmes qui sont mises en contact avec elle, parce qu’elle est divine, vivante, opérante et pénétrante. Mais pour vous, jeunes gens chrétiens, qui pour la plupart avez le privilège de connaître les saintes lettres dès l’enfance, quelle perte irréparable vous faites en ne vous appliquant pas à l’étude lente, patiente de ce livre merveilleux, quels trésors insoupçonnés restent cachés pour vous dans ces pages inspirées ! Croyez-moi, tout homme qui se penche avec respect et dépendance sur le Livre en est richement récompensé, y fait sans cesse des découvertes, soit qu’il considère au microscope les détails les plus infimes de cette Parole, soit qu’il envisage les vastes horizons que découvre la foi, les idées fondamentales de la révélation, les conseils éternels de Dieu. Dans les grandes lignes comme dans les moindres détails, c’est l’infini, et il faut adorer.

Permettez-moi d’illustrer brièvement par quelques exemples ces deux méthodes d’investigation, qui toutes deux sont susceptibles d’être pour l’âme une source de jouissance profonde. Vous êtes-vous déjà donné la peine de rechercher patiemment combien de fois tel mot, telle expression reviennent dans certains livres de la Parole ? Tâche apparemment bien aride, bien rebutante, que je comparerai aux patientes observations du savant penché sur son microscope, mais dont on est souvent largement récompensé ; ce qu’on trouve ainsi par soi-même a bien plus de saveur que si on l’apprenait d’autrui. Il y a quelques années, un jeune chrétien étudiant à l’université fut vivement frappé par la remarque du professeur (non croyant, d’ailleurs) qui, en commentant le texte grec de l’évangile de Marc, disait en souriant : « Pour Marc, il faut que tout se fasse aussitôt », et qui considérait la répétition fréquente de l’expression « et aussitôt » chez cet évangéliste comme un défaut de style. Vérification faite, l’étudiant dut se rendre à l’évidence. Il suffit de relire par exemple le premier chapitre de Marc pour la retrouver onze fois : versets 10, 12, 18, 20, 21, 28, 29, 30, 31, 42, 43. Fait plus remarquable encore : Marc l’emploie plus de quarante fois en tout, alors qu’on n’en compte que quelques exemples dans le reste du Nouveau Testament. Mais quelle en est la raison profonde ? Marc avait été un serviteur infidèle, qui n’avait pas suivi aussitôt l’appel du Maître ; il s’était arrêté dans l’œuvre et Paul n’avait plus voulu de lui (Act. 15, 37, 38) ; mais plus tard, quand il fut restauré (Col. 4, 10 ; 2 Tim. 4, 11), le Saint Esprit choisit par grâce ce serviteur infidèle pour nous dépeindre le parfait Serviteur, et il se plaît à insister sur le fait que le Seigneur agissait toujours aussitôt, en parfaite dépendance du Père.

Un autre exemple typique, c’est le nom caractéristique sous lequel Dieu se révèle dans les différents livres ; ainsi c’est l’Éternel (Jéhovah) dans les Proverbes, parce que c’est Dieu qui est entré en relation avec l’homme ; mais dans l’Ecclésiaste, où l’homme est considéré comme n’étant pas en relation positive avec Dieu, observant uniquement ce qui se passe sous le soleil, c’est simplement Élohim, le Dieu créateur. Dans Daniel, le nom caractéristique est : le Dieu des cieux, parce qu’Il a quitté Son trône sur la terre, dans le temple de Jérusalem (Éz. 10 et 11) et que le peuple est « Lo-Ammi » (pas mon peuple, Os. 1, 9). Dans le prophète Ésaïe, on rencontre une trentaine de fois : le Saint d’Israël ; pourquoi cette fréquence, tandis que ce nom ne se retrouve que dans cinq autres passages de l’Ancien Testament ? N’en trouvons-nous pas la raison dans la grande vision du chapitre 6 de son livre, qui décida de sa vocation et qui laissa une impression ineffaçable sur son esprit ? En voyant la gloire du Seigneur qui remplissait le temple, Ésaïe s’écrie : « Malheur à moi ! car je suis perdu ; car moi, je suis un homme aux lèvres impures, et je demeure au milieu d’un peuple aux lèvres impures » [És. 6, 5]. De plus, il prend soin de nous dire qu’il eut cette vision l’année de la mort du roi Ozias (v. 1), qui fut lépreux jusqu’au jour de sa mort (2 Chron. 26, 21) et était par conséquent impur (Lév. 13, 45). De sorte que le peuple était impur, le roi était impur et le prophète était impur ; mais en contraste avec cette triple impureté, les séraphins crient : « Saint, saint, saint, est l’Éternel des armées » [v. 3]. Cette scène a tellement impressionné Ésaïe qu’il n’a jamais plus oublié la sainteté de Dieu et, conduit par l’Esprit, il aime Le désigner comme le Saint d’Israël.

Il serait aisé de multiplier ces exemples, mais je préférerais, chers jeunes gens, vous laisser le plaisir de faire ces recherches par vous-mêmes et simplement vous suggérer l’un ou l’autre de ces sujets. Vous pourriez, en soulignant chaque fois dans votre Bible le mot en question et en faisant les renvois nécessaires, chercher dans l’évangile de Matthieu les sept versets où le Seigneur est appelé Fils de David ; dans l’évangile de Luc, les sept versets où l’on voit le Seigneur en prière et les sept louanges par lesquelles la naissance du Sauveur fut célébrée ; dans l’évangile de Jean, les sept miracles du Seigneur qui y sont mentionnés ; ou bien les sept « bienheureux » de l’Apocalypse ; les sept occasions où le Seigneur s’est révélé à l’apôtre Paul ; les personnes qui ont été assises aux pieds du Seigneur, pour des motifs variés (il y en a au moins huit) ; ou encore une quinzaine d’exemples de personnes qui ont dit : « J’ai péché », les uns sincèrement, les autres sans profonde conviction de péché ; dans le livre des Juges, vous trouveriez cinq femmes de foi, fidèles, et cinq dont l’influence fut néfaste ; ou bien vous pourriez considérer les différences de détail entre les récits parallèles des Rois et des Chroniques, ou des quatre évangiles, ou vous arrêter à des versets comme Jean 3, 16 ; 2 Corinthiens 8, 9, et méditer sur le sens profond de chacun des mots qui les composent. J’espère de tout cœur que vous vous laisserez tenter par l’un ou l’autre sujet dans cette énumération forcément très brève.

Mais peut-être direz-vous que vous êtes davantage attirés par les grands sujets de la Parole, par le déploiement des conseils de Dieu, ou que vous aimez à faire le plan d’un livre et à voir l’enchaînement des idées principales. Eh bien, alors, prenez le télescope et, négligeant provisoirement les détails, considérez les grandes lignes des voies de Dieu envers les siens, promenez vos regards en tous sens dans ce vaste pays, découvrez ces horizons immenses, infinis, et ici encore vous serez amenés à l’adoration. Essayez, par exemple, de faire, chapitre par chapitre, le plan d’un évangile, du livre des Actes ou de l’épître aux Romains (et comme cette tâche est un peu difficile, n’hésitez pas à recourir à tant de précieux écrits que le Seigneur nous a laissés). Ou étudiez un de ces nombreux sujets qui traversent toute la Parole, tels que : le contraste entre la loi et la grâce ; entre Israël et l’Église ; la personne et l’œuvre du Saint Esprit, dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament ; les différentes dispensations et ce qui les caractérise ; les alliances ; les titres du Seigneur Jésus, ainsi que tous les types qui Le concernent dans l’Ancien Testament ; les principaux mystères ; les différentes couronnes ; les différents jugements ; les deux résurrections, avec les étapes de la première ; la venue du Seigneur et Son apparition ; les types du tabernacle ; les formes de l’évangile (du royaume, de la grâce, de Paul, éternel) ; la notion du résidu ; les deux natures du croyant ; la prophétie ; le sabbat et le dimanche ; l’histoire de l’arche ; privilèges et responsabilité ; corruption et violence allant de pair (les exemples foisonnent) ; les montagnes, les vallées, les jardins de la Parole ; le fleuve de Dieu ; le figuier, l’olivier et la vigne.

Je m’arrête, chers amis. Il y a dans tout ceci ample sujet à méditation pour nos âmes. Vous ne regretterez jamais le temps consacré à essayer de sonder ce livre précieux, si vous le faites humblement, avec prière et dépendance ; vous serez convaincus qu’il est infini, dans ses détails comme dans ses grandes lignes. Vous avez pour vous la jeunesse, la santé, la mémoire et des loisirs ; profitez de ces avantages passagers et souvenez-vous de votre Sauveur dans les jours de votre jeunesse, avant que viennent les jours mauvais dans lesquels vous direz : Je n’y prends pas plaisir [Eccl. 12, 1].

Mais surtout ne cherchez pas la connaissance pour elle-même ; il faut que les affections du cœur soient vivement engagées. La connaissance enfle [1 Cor. 8, 1] ; mais la connaissance du Seigneur nous montre notre néant, nous amène humblement à Ses pieds et nous sépare du monde en nous donnant un objet d’un prix infini.