Le sain enseignement

A. Gibert

La plupart d’entre nous ont été mis de bonne heure en contact avec les vérités de la Bible relatives à la personne et à l’œuvre de Christ, à l’Assemblée de Dieu, à la venue du Seigneur.

Nous rendons-nous compte à quel point Dieu nous a favorisés par l’enseignement qui nous a été ainsi donné ? Dans la période difficile de l’histoire de l’Église que nous sommes appelés à vivre, les croyants ont à leur disposition plus de lumières qu’on n’en a jamais eues depuis le temps des apôtres, lumières non point nouvelles, mais remises en évidence. Sans méconnaître aucunement ce que Dieu a donné ailleurs, disons que l’ensemble des « écrits des frères » constitue une inestimable richesse mise libéralement à notre portée. Ils nous conservent intact le ministère d’ouvriers qualifiés qui ont exposé non point des vues ou des doctrines personnelles, mais la Parole de Dieu, à laquelle ils nous ramènent sans cesse pour nous y faire trouver Christ[1]. Ce trésor, qui n’a pas été acquis ni préservé sans travail, luttes et peines, nous a été fidèlement transmis.

Qu’en faisons-nous ?

Il est assurément déplorable que souvent, nous glorifiant de ce que nous avons reçu comme si nous ne l’avions pas reçu, nous glissions vers un esprit traditionaliste et routinier, plein de suffisance. À l’action vivante du Livre de Dieu, on substitue l’adoption passive de pensées et d’expressions empruntées à d’autres. Il est facile d’être théologien avec les écrits dont je parle, et de discuter sur maint et maint passage sans que le cœur et la conscience soient vraiment touchés. On crée ainsi une autorité humaine que l’on place sans y penser au-dessus de la Parole : « Les frères ont dit… J.N.D. a dit… ». C’est exactement le contraire de ce qu’ont voulu ces chers serviteurs de Dieu, qui visaient à amener les âmes au contact direct de la Parole divine, en les aidant, non point en les régentant.

Mais plus déplorable encore est, à l’opposé, la tendance trop répandue aujourd’hui à refuser ce « sain enseignement » de nos conducteurs. « Oh ! dit-on, je lis ma Bible, je n’ai pas besoin de guide, ces hommes ont pu se tromper… ». Prenons garde de ne pas mépriser le ministère de ceux que le Seigneur a donnés pour « exposer justement la parole de vérité » (2 Tim. 2, 15), « hommes fidèles, capables d’instruire aussi les autres » [2 Tim. 2, 2], parce qu’ils étaient nourris eux-mêmes des saintes lettres. Si vous rejetez ce que le Seigneur vous présente par leur moyen, Il ne le donnera pas deux fois. Un tel ministère se recommande précisément en ce qu’il ne se fait pas valoir lui-même, mais seulement la Parole, et Christ dans la Parole. Ces conducteurs n’ont pas dit : « Suivez-nous », mais : « Voici ce que dit la Parole de Dieu ». Ils n’imposent pas leur manière de voir, ils renvoient à l’autorité divine. Les négliger volontairement, c’est souvent présomption, c’est estimer sa propre pensée supérieure, et c’est s’exposer à errer par ignorance, tordant les Écritures (2 Pier. 3, 16). La pensée d’un J.N. Darby, non inspirée, mais enseignée de Dieu, ne peut jamais être indifférente, et elle s’offre toujours au contrôle de cette Parole dont elle est imprégnée. Ne nous privons pas d’une aide de cette valeur.

Quelqu’un dira : « Je n’ai pas le temps ». Si tel est réellement le cas, aucun doute : lisez d’abord et avant tout la Bible. Mais, de nos jours, les loisirs sont plus répandus qu’au temps de nos pères, qui se sont pourtant avidement nourris des écrits dont ils disposaient. On trouve du temps pour la détente, pour le sport, exercice corporel utile, mais à peu de chose [1 Tim. 4, 8], on en trouve pour lire des journaux, des revues, des livres de toutes sortes. N’en trouverait-on point pour l’exercice spirituel ? La vraie raison, c’est le manque d’appétit pour cette forte nourriture. Certes, elle attire moins que telles publications religieuses où « il y a tant de bonnes choses », nous dit-on, et si agréablement présentées qu’on les lit sans effort. Mais ce qui se lit sans effort est souvent marqué de faiblesse. L’extraordinaire profusion des productions imprimées actuelles, adaptées à tous les niveaux, risque d’ôter la vigueur à beaucoup d’esprits, ou de paralyser leur croissance. Sans doute, et la Parole nous l’enseigne, il faut des aliments différents selon l’âge et le degré de développement spirituel, aux uns le lait, aux autres de la nourriture solide [Héb. 5, 13, 14], et la présentation de la vérité doit être, cela est certain, mise à divers niveaux. Mais le propre d’une nourriture saine, pour un enfant, est d’être stimulante, de lui donner les forces voulues pour en prendre une plus solide, progressivement. Or, trop souvent, on s’accoutume à un enseignement dilué, ou qui, hélas, mêlant de façon attrayante le monde et le christianisme, n’est qu’un enseignement frelaté.

Il faut réagir, jeunes gens, si vous voulez être forts. Que de fois n’entendons-nous pas dire : « Oh ! J.N.D. est trop profond pour moi, je n’y entre pas… ». Et l’on abandonne ! Il vaut la peine, croyez-le, de casser la coque, même si elle est dure : la noix est exquise. Il vaut la peine de gravir patiemment le sentier ardu, pour découvrir ensuite des perspectives magnifiques. Pour qui s’y est mis résolument, il n’est pas de lectures plus attachantes, ni d’aussi profitables. Seulement, à la différence de beaucoup d’autres, elles exigent que l’on ait sans cesse sa Bible devant soi, et qu’on les accompagne de la prière. Car de tels ouvrages ne remplacent pas la vie chrétienne, ils la nourrissent de Christ.

Les attaques contre le témoignage se multiplient. Il est manifeste que la plupart des gens qui critiquent la personne ou la vie de ces conducteurs, de J.N.D. en particulier, n’ont pas même lu ses ouvrages essentiels. Nous manquons beaucoup dans notre témoignage, mais ce n’est en aucune manière la faute des enseignements qui nous ont été transmis ; c’est nous qui n’avons pas retenu ces enseignements, quand nous ne les avons pas déformés. Aussi est-ce un pressant appel qui vous est adressé ici, chers jeunes gens, pour que vous les lisiez et les étudiiez vous-mêmes. Vous serez étonnés de voir avec quelle connaissance des hommes et des choses, quelle force et quelle largeur de vues, ces chrétiens d’autrefois ont parlé de sujets qui paraissaient tout neufs à la génération nouvelle : l’évangélisation nécessaire, la place et le rôle du chrétien ici-bas, les rapports avec ceux du dehors tout en marchant rigoureusement dans le sentier étroit. Vous verrez comment ils dénoncent les deux écueils que nous trouvons sans cesse sur notre route, la mondanité d’une part, l’étroitesse de cœur de l’autre. C’est seulement en les lisant que vous comprendrez la distance qui sépare l’enseignement de ces vénérés frères suscités dans l’Église au siècle dernier, et l’idée qu’on s’en fait souvent. Rien ne nous préservera davantage du danger de constituer une secte de plus dans la confusion de la chrétienté, secte qui serait le « darbysme », que de saisir la vérité scripturaire qu’ils ont toujours et seulement revendiquée au sujet du témoignage, savoir : le rassemblement autour du Seigneur, sous la direction du Saint Esprit.

Dieu nous fasse la grâce de comprendre toujours plus la valeur et le sens de ce témoignage auquel Il nous appelle. Nous n’avons pas choisi, c’est Lui qui nous a placés là. Évitons à la fois l’indifférence coupable et un zèle ardent mais inconsidéré, et pour cela pesons le chemin de nos pieds (Prov. 4, 26), ce qui veut dire étudions. La connaissance enfle, oui, mais jamais la connaissance du Seigneur, apprise humblement à Ses pieds. Lisez à cet égard la deuxième épître de Pierre, toute remplie de cette expression : la connaissance. Nourrissons-nous de ce qui a nourri les témoins auxquels nous succédons. Dieu nous montrera comment adapter à des besoins nouveaux « ce qui est dès le commencement ». Mais « que ce qui est dès le commencement demeure en vous » (1 Jean 2, 24).

Nous trouverons en Genèse 26, 8-33 une illustration qu’en terminant je vous invite à méditer. Abraham et ses serviteurs avaient creusé des puits. Lui mort, les Philistins les avaient bouchés. Isaac, béni extraordinairement par l’Éternel après la mort de son père, aurait péri avec toutes ses richesses, faute d’eau, s’il n’avait débouché les puits d’Abraham. Chers amis, nos pères ont creusé, et ils ont trouvé l’eau vive, Christ. Dieu nous a comblés de richesses spirituelles que nous ne méritions pas, et avec lesquelles nous succomberons si nous ne retrouvons pas l’eau dont nos pères se sont abreuvés, et que nous avons laissé recouvrir par l’ennemi. Prenons la pioche en main, besogne humble, méprisée peut-être, qui nous fera traiter d’attardés, qui nous vaudra l’hostilité du monde. Mais le geste a toujours été pareil, des creuseurs de puits qui se sont baissés pour trouver l’eau. Cette tradition, ne nous en écartons pas, elle est féconde. L’eau est toujours là, l’eau vivante, dont nos âmes doivent boire pour elles-mêmes si nous voulons la faire couler ensuite pour d’autres. Mais il nous faut l’énergie obéissante et patiente de la foi attachée au « sain enseignement ».

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J.N.D. Notes sur l’évangile de Luc

Comme suite à ce qui vient d’être lu, nous désirons recommander spécialement le volume ci-dessus aux « jeunes » qui ne seraient pas encore familiers avec les écrits de J.N.D. Ils y trouveront nombre de pensées précieuses sur cet évangile qui « nous présente Christ Lui-même, Jésus Lui-même, tel qu’Il était, un homme sur la terre marchant au milieu des hommes journellement ». Le texte de ces « Notes » est particulièrement accessible, et ce premier contact avec le style et les pensées de l’auteur permettra d’entreprendre ensuite plus facilement la lecture de ses « Études sur la Parole » dont il importe tant de s’assimiler le contenu dans les années de jeunesse, où les obligations et les responsabilités de la vie et de la famille laissent encore quelques loisirs à ceux qui ont l’énergie de les prendre. « Quand Christ ouvre nos intelligences pour comprendre les Écritures, cette connaissance ne nous élève pas ; c’est une révélation de Lui-même qui met en communion avec Lui ». Puissions-nous rechercher cette communion profonde avec Celui qui fut l’homme de douleurs dont l’évangile selon Luc nous donne un si merveilleux tableau.