Le sang et l’eau

J. Kiehm
« Le sang de Jésus Christ, son Fils, nous purifie de tout péché »
1 Jean 1, 7

Quelle joie inonda notre âme quand nous avons saisi pour la première fois la merveilleuse grâce de Dieu, quand nous avons compris que nous étions pardonnés, lavés, purifiés, justifiés ! Mais hélas, cette joie du nouveau converti est parfois de courte durée. Il ne tarde pas à constater en lui les fruits de la vieille nature, qui est toujours présente et qui n’a nullement été changée ou améliorée par la présence d’une vie et d’une nature nouvelles. S’il aime Jésus — et qui pourrait Le connaître vraiment sans L’aimer — et si sa conscience est délicate, ce croyant sera profondément troublé. Pour chacun de nous, le problème se pose, angoissant, exigeant une solution claire, nette : que faire des nombreux péchés que je commets chaque jour après ma conversion ? Si, au moment où j’ai cru, j’ai été assuré, par le témoignage de la Parole de Dieu, que tous mes péchés commis jusqu’à ce moment étaient totalement expiés et jetés dans la mer de l’oubli, en est-il de même pour tous ceux que je commettrai dans la suite ? Ma responsabilité étant encore accrue, ne vais-je pas, vu la gravité de ces fautes, mettre en danger mon salut, et éventuellement le perdre à cause de mon indignité ?

Grave problème, qui de tout temps a été, pour les jeunes croyants surtout, une source de profonds exercices de conscience ; grave problème qui peut nous amener, si nous ne sommes pas gardés par les enseignements de la Parole, à deux extrêmes également néfastes : ou bien le désespoir dans lequel tombent des âmes sincères qui arrivent à douter de leur salut ; ou bien l’indifférence de ceux qui disent, avec une légèreté coupable : « Puisque nous sommes sous la grâce, nous pouvons pécher, car le pardon nous est acquis d’avance, et là où le péché abonde, la grâce surabondera ». Que Dieu nous garde de traiter avec légèreté les fautes que nous commettons comme croyants, ce qui nous exposerait infailliblement à Son gouvernement ; puissions-nous aussi ne pas nous laisser acculer au découragement en découvrant en nous ces défaillances si fréquentes ; mais recherchons plutôt dans la Parole quelle est la conduite à tenir par le croyant à l’égard de ces péchés.

L’Écriture nous parle de deux moyens de purification : le sang et l’eau. Le sang expie nos péchés, l’eau nous lave de nos souillures. Les deux étaient nécessaires pour notre conversion, c’est pourquoi il est dit que Jésus Christ est venu dans la puissance de l’eau et du sang (1 Jean 5, 6). Il était nécessaire que nos péchés soient expiés par Son sang, nous devions aussi être nés d’eau et de l’Esprit (Jean 3, 5). L’eau, c’est la Parole de Dieu qui, appliquée par le Saint Esprit à la conscience, exerce son influence purifiante et produit la nouvelle naissance (1 Pier. 1, 23 ; Jacq. 1, 18).

Sans doute, les deux se lient intimement : le lavage initial par l’eau de la Parole n’est possible que grâce à l’efficace du sang. Mais il y a pourtant une différence dans la modalité d’application du sang et de l’eau. L’application du sang nous est faite une fois pour toutes : au moment de la conversion. En cet instant, le croyant saisit cette vérité infiniment précieuse : le sang de Jésus Christ a expié à jamais tous ses péchés, donc passés, présents et futurs. Par cette seule offrande, le racheté est rendu parfait à perpétuité (Héb. 10, 14) et cette application du sang n’a donc jamais besoin d’être renouvelée. Par contre, lorsque la Parole nous parle de la purification par l’eau, elle la présente sous deux aspects nettement différents. Il y a d’abord, à la conversion, au début de la route chrétienne, une purification initiale, un lavage complet qui ne se répète pas ; puis en cours de route, fréquemment, très fréquemment même, nous avons encore besoin d’être purifiés par l’eau.

C’est la vérité qu’illustre si merveilleusement la scène du lavage des pieds, en Jean 13. Le Seigneur dit à Pierre : Celui qui a tout le corps lavé n’a besoin que de se laver les pieds ; mais il est tout net (v. 10). Dans ce verset, l’original a deux mots différents pour « laver ». Au lieu de « tout le corps lavé », on pourrait lire : « tout le corps baigné », tandis que pour le deuxième « se laver », il s’agit « d’un mot spécial employé pour le lavage d’une partie du corps seulement, pieds ou mains ». L’image suggérée par ce verset est celle d’un Oriental qui, rentrant chez lui des bains publics où il s’est baigné, doit néanmoins se laver les pieds, parce qu’ils se sont salis en cours de route. N’est-ce pas là une frappante image du chrétien qui, en venant à Jésus, a été lavé entièrement de ses fautes, a été rendu tout net — ce que Tite appelle le lavage de la régénération (3, 5) — mais qui pourtant, en poursuivant sa route sur la terre, souille ses pieds par le contact avec le monde et a besoin d’avoir les pieds lavés par son Seigneur. De sorte que nous voyons ici clairement les deux applications de l’eau : d’abord le bain initial, complet, puis le lavage des pieds.

Cette même vérité est illustrée par un type de l’Ancien Testament. Aaron et ses fils, le jour de leur consécration comme sacrificateurs de l’Éternel, ont été lavés avec de l’eau entièrement, de la tête aux pieds, à l’entrée de la tente d’assignation (Ex. 29, 4) ; ce lavage n’eut jamais à être répété. Par contre, chaque fois qu’ils devaient entrer dans le sanctuaire, ces mêmes sacrificateurs devaient se laver les mains et les pieds dans l’eau de la cuve d’airain, « afin qu’ils ne meurent pas » (Ex. 30, 18-21). Le Seigneur lavant les pieds de Ses disciples, et les sacrificateurs se lavant eux-mêmes les pieds et les mains dans l’eau de la cuve d’airain, voilà les deux aspects d’une même vérité : si le Seigneur prend Sa part de cette purification et nous lave les pieds, nous avons, d’autre part, une responsabilité personnelle, et devons nous laver nous-mêmes les pieds et les mains, nous purifier nous-mêmes de toute souillure de chair et d’esprit (2 Cor. 7, 1).

Que représente ce moyen de purification, cette eau ? De nouveau la Parole de Dieu qui, appliquée à nos consciences, nous montre tout ce qui est à confesser et à juger, nous révèle la gravité du péché. Il est dit, en Éphésiens 5, 26, que le Christ purifie l’Assemblée par le lavage d’eau par la Parole. Par son péché, le croyant a perdu quelque chose de très précieux, mais aussi de très fragile : la communion avec son Sauveur. Autant sa position devant Dieu est stable et immuable, parce que fondée sur les perfections de l’œuvre de Christ, autant la jouissance de cette position et la communion avec Dieu sont facilement interrompues, parce qu’une seule mauvaise pensée les détruit. Le Seigneur dit à Pierre : « Si je ne te lave, tu n’as pas de part avec moi » (Jean 13, 8). Il ne dit pas : Tu n’as pas de part en moi, parce que tous ceux qui Lui appartiennent ont une part en Lui, mais : une part avec moi, c’est-à-dire la communion. Le Seigneur aime que nous éprouvions la réalité de cette part commune avec Lui ; pour cela il faut que nous acceptions de nous laisser ramener par Lui au moyen de la Parole, chaque fois que nous nous sommes écartés. Précieuse activité de notre Sauveur ! Non seulement Il est mort pour nous, mais maintenant Il vit pour nous. Dans la gloire, Il est notre Avocat auprès du Père (1 Jean 2, 1, voir note). Nos nombreuses fautes L’obligent à intervenir constamment en notre faveur, mais, si même Il a parfois des causes désespérées à défendre, notre divin Avocat n’en a jamais perdu une seule :


Pour nous jusqu’à la fin,
Intercesseur divin,
Il est victorieux.

Ainsi, le croyant qui comprend sa position en Christ devant Dieu ne craint plus que cette position soit compromise par ses infidélités journalières ou que son salut soit perdu, mais il est amené à une confession sincère de sa faute, à un jugement profond non seulement des actes extérieurs, mais aussi de la racine même, de cette mauvaise nature qui se manifeste encore si souvent. Il est assuré d’avance du pardon, et par la confession et l’humiliation, il retrouve la précieuse communion. Que de croyants malheureusement se contentent de relations sans intimité avec Celui qui les a tant aimés et n’éprouvent pas le besoin de venir Lui confesser leurs fautes, sous prétexte qu’elles sont pardonnées. Que de fois nous sommes tous légers et indifférents quant au mal ! Faisons de cette confession et de ce jugement de nous-mêmes un exercice fréquent, habituel.

Et n’oublions pas qu’il est une occasion où la Parole nous le prescrit formellement, explicitement : c’est avant de célébrer la cène du Seigneur. Il est dit : « Que chacun s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe » (1 Cor. 11, 28). Ne nous rendons jamais à la table du Seigneur le dimanche matin sans avoir passé en revue la semaine écoulée et sans avoir confessé au Seigneur combien de fois nous L’avons déshonoré par nos actes, nos paroles et nos pensées. Le psalmiste disait déjà : Je laverai mes mains dans l’innocence, et je ferai le tour de ton autel (Ps. 26, 6). Avant de faire le tour de l’autel, avant de considérer tous les aspects de l’œuvre de Christ, je dois m’être lavé les mains dans l’eau de la cuve d’airain. Aaron et ses fils devaient s’y laver avant d’entrer dans le sanctuaire, afin qu’ils ne meurent pas (Ex. 30, 21), et beaucoup de croyants à Corinthe, s’étant approchés de la cène comme d’un simple repas, « ne discernant pas le corps », avaient été frappés de maladies ou même de mort. « Mais si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés » (1 Cor. 11, 31).

Si nous étions appelés à comparaître devant un roi ou un grand de la terre, instinctivement nous veillerions à ce que notre toilette soit aussi présentable que possible, comprenant bien que des vêtements sales ou une tenue négligée témoigneraient d’un manque de respect pour sa personne. Combien plus, avant de comparaître devant le Roi des rois, qui daigne nous inviter à Sa table, nous convient-il de faire la toilette de notre âme.

Puissions-nous comprendre la valeur et l’importance des deux purifications par l’eau. La première s’adresse au pécheur qui a besoin d’être lavé de toute sa souillure ; la seconde ne concerne que les sauvés, les sacrificateurs. La première a eu lieu une fois pour toutes au début de la vie chrétienne et nous purifie à tout jamais de notre culpabilité devant Dieu. Mais ensuite, en cours de route, il y a lieu de recourir journellement, fréquemment, à la purification périodique par l’eau de la Parole pour être délivré de la souillure du péché. Ce n’est nullement là une répétition du lavage initial. L’œuvre de restauration ne dépend heureusement pas de nous seuls ; c’est notre Avocat qui la commence dans la gloire, et quand nous nous approchons de la cuve d’airain pour y laver nos pieds, nous y trouvons quelqu’un qui nous y attendait déjà et complète cette œuvre en nous lavant Lui-même les pieds. Il emploie Sa Parole, ou un de Ses serviteurs peut-être, pour réveiller notre conscience et nous relever. Mais cette confession de nos fautes ne s’accomplit pas rapidement, à la légère et du bout des lèvres, en nous laissant la faculté de recommencer à pécher à la prochaine occasion et de regretter à nouveau notre chute. Non, une confession sincère devant le Seigneur s’accompagne d’un profond retour sur nous-mêmes, d’une tristesse selon Dieu ; une telle humiliation nous amènera à nous éloigner des occasions et des lieux de tentation. Et, chose solennelle, la restauration est souvent progressive — il faut plus de temps pour retrouver la communion que pour la perdre ; de plus, cette restauration n’empêche pas le gouvernement de Dieu, la discipline du Père, de suivre leur cours. Gardons une conscience délicate et cultivons la précieuse communion avec le Seigneur.