Peu ou beaucoup ?

A. B.-P.

Ne nous arrive-t-il pas de nous plaindre du peu de temps libre dont nous disposons ? Nous aimerions tant pouvoir nous consacrer un peu plus à certaines occupations utiles qui nous sont chères, et voici, les circonstances sont telles qu’elles ne nous permettent de faire qu’une petite partie de ce que nous voudrions accomplir. Si tel est notre cas, rappelons-nous toujours que, dans le domaine des choses de la vie et plus encore dans le domaine des choses de Dieu, la question principale n’est pas nécessairement de faire beaucoup. Il s’agit plutôt de faire bien, d’agir à propos, en réalisant, en tout et partout, la dépendance du Seigneur, à qui appartiennent nos vies et, plutôt que de chercher à avoir beaucoup de temps libre, demandons à Dieu de nous donner de bien employer celui qu’Il nous accorde, peu ou beaucoup.

Nous pouvons en particulier déplorer de ne pas avoir tout le temps désirable pour nous adonner à la lecture de la Parole et de ces précieux écrits qui nous la font connaître. Mais la Parole de Dieu est une nourriture, dont le peu, bien savouré et bien assimilé, est capable de nourrir nos vies bien mieux que ne saurait le faire une abondante nourriture prise à la hâte. Lire est précieux — peu ou beaucoup, là n’est pas toujours l’important — mais garder est plus précieux encore. Dieu peut rendre nos vies utiles si nous gardons le peu, multiplié par la bénédiction divine. Mais combien de fois n’avons-nous pas lu sans rien garder, ou entendu sans avoir recueilli, ni mis en pratique la précieuse Parole qui eût rendu notre vie plus heureuse. « Celui qui aura regardé de près dans la loi parfaite, celle de la liberté, et qui aura persévéré, n’étant pas un auditeur oublieux, mais un faiseur d’œuvre, celui-là sera bienheureux dans son faire » (Jacq. 1, 25).

S’il s’agit de la prière en général, nous ne saurions assez nous répéter combien il est nécessaire de prier beaucoup. « Priez sans cesse ». Le Seigneur a passé des nuits entières à prier Dieu. Des hommes de Dieu L’ont suivi dans ce chemin. La prière ne doit-elle pas être comme la respiration de l’âme ? Mais s’il s’agit plus spécialement de nos requêtes à Dieu, nous sommes enseignés à les formuler d’une façon claire et brève. Ce qui compte devant Lui, ce n’est pas le « peu » ou le « beaucoup », c’est l’état du cœur, la ferveur avec laquelle nous Le prions et Le supplions. Nous ne serons pas exaucés parce que nous « parlons beaucoup » (Matt. 6, 7). Non, la fervente supplication du juste peut beaucoup. Courtes ou longues, selon les circonstances, nos requêtes doivent être la profonde expression de besoins ou de désirs sentis en Sa présence, car c’est cela qui compte.

Quant à notre activité pour le Seigneur, elle serait sans doute toujours plus heureuse si elle s’exerçait dans une plus grande dépendance de Lui, si nous y mettions tout notre cœur et lui vouions tous nos soins. D’autres ont travaillé et travaillent beaucoup, mais le Seigneur ne demande peut-être que très peu de nous. Peu ou beaucoup n’est pas l’essentiel. Ce qui compte, ce sont les soins et la fidélité avec lesquels nous accomplissons cela même qui nous a été confié, que ce soit peu ou beaucoup. Il appartient au Seigneur de nous confier davantage. « Bien, bon et fidèle esclave ; tu as été fidèle en peu de chose, je t’établirai sur beaucoup » [Matt. 25, 21, 23]. Et n’est-il pas précieux de savoir que notre capacité personnelle n’entre pas en ligne de compte ? « Rien n’empêche l’Éternel de sauver, avec beaucoup, ou avec peu » (1 Sam. 14, 6).

La pièce de monnaie qu’une pauvre veuve déposait dans le tronc du temple à Jérusalem était peu de chose, mais aux yeux du Seigneur qui la considérait, c’était beaucoup. La valeur de nos dons est appréciée bien différemment par Dieu que par les hommes qui s’attachent à la matière. Devant Lui, les gestes les plus marquants peuvent être sans grande valeur, mais tout ce qui est fait pour Lui avec amour, joie et renoncement, a un grand prix pour Son cœur, même si c’est peu de chose aux yeux des hommes. Toutefois, « semons » libéralement, selon ce que nous avons, que ce soit peu ou beaucoup, et donnons à Dieu l’occasion de multiplier notre semence (2 Cor. 9, 10). Mais n’essayons pas de semer sans Sa bénédiction, car le résultat en serait fâcheux. « Tu porteras dehors beaucoup de semence au champ, et tu recueilleras peu » (Deut. 28, 38).

Et pour ce qui concerne nos paroles, nous lisons dans les Proverbes que, dans la multitude des paroles, la transgression ne manque pas [Prov. 10, 19]. Nous y lisons aussi : « une parole dite en son temps, combien elle est bonne » [Prov. 15, 23]. Ce qui fera la valeur de nos paroles, c’est leur opportunité. Peu ou beaucoup est souvent secondaire. « Des pommes d’or incrustées d’argent, c’est la parole dite à propos » [Prov. 25, 11]. Une seule parole, peu de paroles, peuvent avoir ainsi plus de valeur que beaucoup d’autres. Le don de la parole est pourtant chose excellente, et nous sommes enseignés à nous en servir, mais de la bonne manière : « Ouvre ta bouche pour le muet, pour la cause de tous les délaissés » (Prov. 31, 8). Et puis, nous pouvons avant tout ouvrir notre bouche pour rendre grâces à Dieu. Dans le domaine de l’Assemblée, que de bénédictions n’avons-nous pas reçues par des « paroles enseignées de l’Esprit » [1 Cor. 2, 13], et nous eussions désiré en entendre davantage. « Les lèvres du juste en repaissent plusieurs » [Prov. 10, 21]. Mais souvenons-nous encore que seules « cinq paroles » [1 Cor. 14, 19] peuvent avoir plus de prix que beaucoup de paroles. Peu ou beaucoup est parfois sans importance. Une seule flèche du carquois de Dieu opère davantage que beaucoup de paroles de sagesse humaine. L’Esprit de Dieu ne nous a-t-Il pas donné une fois ces « cinq paroles » et ne nous sommes-nous pas tus parce que nous estimions que c’était « trop peu » ? Le Seigneur veut multiplier le peu que nous avons, et c’est ainsi que, entre Ses mains, le peu deviendra beaucoup.

Notre temps est limité. Nos possibilités et nos capacités naturelles le sont aussi. Il n’est donné qu’à quelques-uns de pouvoir faire beaucoup et faire bien. Mais si au moins le peu qu’il nous est donné, à nous, de pouvoir accomplir pour le Seigneur, portait ce caractère d’à-propos tant désirable qui imprimerait à nos actions une valeur réelle et durable ! Nous aurions alors réalisé beaucoup.

Non pas peu ou beaucoup, mais beaucoup avec peu.

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Tissu de laine et de lin — J.G.B.

L’été va ramener pour plusieurs d’entre nous les loisirs que procurent les vacances. Si courtes soient-elles, combien plus réel sera le bien et la détente qui en résulteront si nous prenons à cœur de consacrer chaque jour quelques moments à l’étude de la Parole de Dieu et des écrits qui nous la font mieux connaître ou nous enseignent dans le chemin de la foi. C’est pourquoi nous voulons recommander aujourd’hui aux « jeunes » le traité ci-dessus, publié il y a soixante-cinq ans, mais dont plusieurs pages sont particulièrement actuelles. La question du monde a de tout temps préoccupé les jeunes croyants. Ce n’est pas « de l’extérieur » qu’il faut la résoudre, en dressant une liste de ce que l’on ose faire ou ne pas faire. C’est « à l’intérieur », dans le cœur, qu’est la solution. La brochure en question met en contraste deux « générations » de croyants, deux classes. L’une a compris l’appel céleste de Dieu et, tout en traversant la terre, a son trésor en haut et reste séparée du monde. Le vêtement de la justice pratique que chaque croyant a journellement à revêtir peut être plus d’une fois souillé ou taché, car « la nature prévaut tristement et d’une manière variée chez tous les saints de Dieu ». Mais « cependant un vêtement souillé n’est pas un vêtement de diverses matières », tissé de laine et de lin comme celui de la deuxième classe de croyants envisagés plus haut. Ceux-ci ont cru que le Seigneur Jésus est mort pour eux ; ils sont sauvés par grâce, mais leur cœur est encore sur la terre ; les principes, les mobiles qui les font agir, sont mélangés. Il ne s’agit pas de manquements ou de chutes particuliers, mais de la vie, du caractère. C’est « une génération qui, tout en appartenant au peuple de Dieu, est à l’écart de la place où l’aurait voulue l’appel de Dieu ». C’est ainsi que notre traité met en contraste Abraham et Lot, David et Jonathan, Élie et Abdias, Jérémie et Ébed-Mélec, l’homme de Dieu de Juda et le vieux prophète de Béthel, les captifs remontés à Jérusalem avec Esdras et Néhémie et ceux restés parmi les nations ; d’autres encore, comme Jacob et Josaphat, malgré leurs chutes et leurs inconséquences, n’ont pourtant pas porté le vêtement de laine et de lin.

De quelle classe faisons-nous partie ? La distinction paraît subtile à première vue, mais à la lumière de Dieu, elle est profonde. « Un vase non purifié n’est pas propre au service du Maître », et si ce service ne nous occupe pas, « les aises, le repos et la recherche de soi-même viennent occuper la place vacante ». Puissions-nous trouver le temps de « bien considérer nos voies » (Agg. 1) devant le Seigneur, et par Sa grâce, de Lui demander de redresser Lui-même en nous ce qui n’est pas droit devant Lui.

Il y a autre chose encore. « Il se peut que la position que nous occupons soit selon Dieu, mais que notre mesure de grâce et de piété pratiques y soit bien minime ». On peut, en effet, soigneusement éviter le vêtement tissé de différentes matières, occuper « une position de séparation, mais sans puissance » ; avoir « une sainte jalousie pour la vérité et les choses profondes de Dieu, et cela sans une communion personnelle et intime avec le Seigneur ». Cela non plus n’est pas rare. Que le Seigneur ouvre nos yeux pour discerner où nous manquons, mais aussi pour voir la grâce infinie de Son cœur qui nous restaure et nous enseigne dès le début de notre vie, jusqu’au jour de la « maison du Père ».