Semer avec larmes

G. André
Ceux qui sèment avec larmes, moissonneront avec chant de joie. Il va en pleurant, portant la semence qu’il répand ; il revient avec chant de joie, portant ses gerbes.
Ps. 126, 5-6

Quel privilège le Seigneur nous accorde, lorsqu’Il place sur notre chemin l’occasion de semer. « La semence est la parole de Dieu » [Luc 8, 11], et c’est elle qu’il importe de répandre. « Le matin, sème ta semence, et le soir ne laisse pas reposer ta main » [Eccl. 11, 6].

Commencer est facile. Des encouragements se trouvent sur la route. L’enthousiasme du début nous porte au-dessus des difficultés et des obstacles. Mais il est une expérience que tôt ou tard doivent faire tous ceux d’entre nous qui, dans le secret de leur cœur, ont entendu l’appel du Maître leur demandant de semer pour Lui. Ils ont fait le sacrifice qui de son temps, qui de ses affections, qui même de sa profession, et dans le service du Seigneur ont éprouvé qu’ils avaient à faire à un Maître tendre et bon, qui savait rendre au centuple à tous ceux qui ont abandonné quelque chose pour Lui. Le temps a passé… et les larmes sont venues. Difficultés, désillusions, blâmes de personnes bien intentionnées sans doute, mais qui n’ont peut-être pas compris le vrai travail du semeur, ingratitude ou chute grave chez ceux pour lesquels on avait fait le plus, fatigue, lassitude… le découragement s’empare du cœur et l’ennemi en profite pour tâcher de détourner définitivement de l’œuvre du Seigneur ceux qui y étaient entrés autrefois avec joie.

Et pourtant, la Parole nous l’avait dit ! « Ceux qui sèment avec larmes ». Si notre psaume associe le travail de « ceux qui sèment » avec les larmes, c’est qu’il en est bien ainsi dans ce monde. En fut-il autrement pour notre bien-aimé Sauveur ? Non, le verset suivant nous le rappelle : « Il va en pleurant portant la semence ». « En pleurant » ! Que de larmes sur Sa route ! Que de peines, que d’opposition ! À la fin du chemin, ne L’entendons-nous pas dire par la bouche du prophète : « J’ai travaillé en vain, j’ai consumé ma force pour le néant et en vain » (És. 49, 4) ?

N’y a-t-il pas là un profond encouragement pour nos âmes ? Si nous faisons l’application pratique des derniers versets de ce psaume (laissant pour l’instant de côté son sens prophétique), nous voyons que « ceux qui sèment » ne sont pas seuls. Ils ont devant leurs yeux Celui qui, bien avant eux, a connu les larmes, alors que, divin semeur, Il parcourait les sentiers de la terre. C’est un privilège de semer pour Lui ; mais n’en est-ce pas un aussi de faire l’expérience des « larmes » qu’Il a Lui-même si souvent rencontrées ? Devons-nous nous décourager si tout semble s’en aller à vau-l’eau, si tout paraît avoir été « pour le néant et en vain » ? Non, car comme pour Lui, « mon œuvre est par-devers mon Dieu… et mon Dieu sera ma force ». « Considérez Celui qui a enduré une telle contradiction… afin que vous ne soyez pas las, étant découragés dans vos âmes » [Héb. 12, 3].

Il y a plus encore. Semer, c’est le présent ; la moisson est future. « Ceux qui sèment avec larmes moissonneront avec chant de joie ». Il faut laisser à la semence le temps de germer et de croître. Peut-être sur la terre déjà quelques épis viendront-ils réjouir nos cœurs, mais que sera-ce au jour de la gloire, quand tout sera manifesté. Quel chant de joie quand le Maître reviendra et pourra dire : « Bien, bon et fidèle esclave… » [Matt. 25, 21, 23]. Quelle compensation aux larmes des semailles.

Et dans cette joie, nous ne serons pas seuls. Sans doute notre joie à nous sera grande, mais que sera la sienne ? « Il revient avec chant de joie ». Il a quitté le ciel une première fois pour venir accomplir l’œuvre que le Père Lui avait donnée à faire. Dans l’abaissement, Il a été « fort et puissant dans la bataille » [Ps. 24, 8], Il a vaincu la mort, et pour Lui les portails éternels se sont élevés bien haut quand Il est rentré dans la gloire. Il va revenir chercher Ses rachetés. Quelle joie quand avec toutes leurs « armées » (Ps. 24, 10), Il entrera de nouveau dans la maison du Père. Une seconde fois, les portails éternels s’ouvriront tout grands et le Roi de gloire entrera pour se présenter devant le Père en disant : « Me voici, moi et les enfants que Dieu m’a donnés » [Héb. 2, 13]. Bonheur infini, allégresse éternelle, jour de la joie de Son cœur. Et cette joie, nous qui sur la terre aurons partagé avec Lui les larmes, nous pourrons la partager aussi pour l’éternité.

Il est une chose pourtant que nous ne partagerons pas. Les semailles, les larmes, le chant de joie sont pour nous aussi. Pas les gerbes. Ce sont « Ses gerbes ». « Il revient avec chant de joie, portant Ses gerbes ». Qui de nous voudrait dire que le fruit est sien ? Les gerbes ne sont pas nôtre ; elles Lui appartiennent. C’est le fruit du travail de Son âme. C’est le fruit que le grain de blé, tombant en terre, a porté à cause de Sa mort [Jean 12, 24]. Mais cela ne remplit-il pas nos cœurs d’une joie bien plus douce et plus profonde encore, de savoir que Lui aura ce pour quoi Il a tant souffert ?

Au jour de la moisson, les larmes si douloureuses aujourd’hui, seront oubliées. C’est pourquoi : « Ne nous lassons pas… car au temps propre nous moissonnerons, si nous ne défaillons pas » (Gal. 6). Serrons dans nos cœurs ces précieux encouragements : les larmes, Il les a connues ; le chant de joie, nous le partagerons avec Lui ; et quant aux gerbes, au fruit de ces grains de semence répandus avec Lui et pour Lui dans les sillons de la terre, elles sont siennes. Il les a acquises par le sang de Sa croix.

Toi-même tu verras ce que ton cœur réclame,
De ton œuvre à la croix le fruit mûr et parfait.
Tu jouiras, Seigneur, du travail de ton âme,
Et ton amour divin en sera satisfait.