« Si toutefois vous avez goûté… » (1 Pier. 2, 3)

A. Henry

Nous chercherons à comprendre « les jeunes ». Leurs circonstances de temps et de vie ne sont pas celles de leurs aînés. Jeunes gens, jeunes filles, même de trente ans, ont trouvé en entrant dans les réalités de la vie une ambiance extraordinaire, dans laquelle les conséquences terribles du péché se faisaient sentir beaucoup plus impressionnantes. La guerre ! — état de chose anormal et réservé dans nos pensées égoïstes aux pays lointains — était devenue chose présente, reculée quelque peu, mais avec un retour inévitable. Le cœur de l’homme s’habitue à tout, surtout quand on n’a pas vécu un temps tranquille, assoupissant, qu’un auteur a appelé « un silence tragique, solennel, préparant l’orage auquel on ne prenait pas garde ».

Notre jeunesse, on le comprend, a senti autrement que nous, dans bien des domaines ; et sans qu’elle s’en rende compte, un besoin de jouir du monde, de profiter d’un temps qu’instinctivement l’on sent court, s’est développé dans le cœur.

Autour de nous, c’est bien souvent une ruée vers les choses qui vont du possible au pire (cela dépend du caractère et de l’éducation) ; mais, nous nous adressons ici aux jeunes amis chrétiens, ou aux enfants sérieux, mais non encore manifestés, de parents pieux. N’est-il pas vrai que vous-mêmes aussi, tout en ayant de sincères aspirations et de pieux désirs, vous éprouvez un besoin de jouir des choses du monde ? Vous chercherez des domaines possibles, pouvant quelque peu s’harmoniser avec la Parole à laquelle on veut parfois attribuer le sens désiré. En toute affection, n’est-il pas vrai que dans 1 Timothée 4, 8 : « L’exercice corporel est utile à peu de chose », inconsciemment on a enflé le terme « peu » jusqu’à être « beaucoup » et diminué d’autant le « mais » qui suit avec son contexte : « mais la piété est utile à toutes choses, ayant la promesse de la vie présente et de la vie qui est à venir ». Je ne généralise pas, mais laisse une pensée devant la conscience.

Comprenez-nous aussi, chers « jeunes », si quelquefois nous, les « âgés », nous sommes pris de quelque crainte, surtout en voyant le chemin du témoignage, si nettement séparé du monde au point de départ, s’élargir toujours davantage, l’agitation remplaçant parfois le dévouement d’un cœur qui a trouvé pour lui-même sa satisfaction en Christ. Ainsi le niveau de l’ensemble descend toujours plus à celui des appréciations humaines. Un détail ! Il arrive qu’au culte, un seul des parents soit présent, l’autre restant avec les enfants à la maison, à cause de toutes sortes de circonstances peu en rapport avec le nom du Seigneur (je ne parle pas de tout ce qui est vraiment selon Lui). La pépinière est ainsi abandonnée ; où seront les jeunes plants si le Seigneur tarde quelque peu ? Ils n’auront pas grandi dans l’atmosphère de Sa présence, qui aurait marqué leur vie et leur cœur.

Ces âpres et ardents désirs du cœur que l’on voit dans le monde ne se trouvent-ils pas à l’état latent chez le jeune croyant ? Quel remède y a-t-il pour lutter ? Comment fermer les yeux aux convoitises, et les oreilles aux appels d’un monde qui nous obsède ? N’est-ce pas en cherchant ardemment quelque chose de meilleur que les gousses des pourceaux de Luc 15, 16 ? La grande famine spirituelle semble s’avancer dans ce monde (comme peut-être aussi l’autre) ; la diffusion de l’évangile rencontre des obstacles dans divers pays ; des publications sont bloquées, des colporteurs sont bridés et manquent de semence. Rappelons-nous que nous sommes dans le royaume de Satan, « le Seigneur l’a dit » ; voulez-vous y vivre tranquillement, y cherchant un bonheur qui, comme dit le cantique, « paraît et s’efface » ? Comportons-nous comme en territoire ennemi, prudents et sages, car si nous nous laissons bercer par Satan, Dieu qui nous aime nous réveillera plus fortement encore et nous troublera dans nos cœurs partagés.

Ah ! cherchons une autre nourriture ! Rappelons-nous les trois stades d’appréciation des Israélites concernant la manne, type de notre nourriture spirituelle qui est Christ. D’abord le goût d’un gâteau au miel (Ex. 16, 31) ; puis en Nombres 11, 8, ce n’est plus qu’un gâteau à l’huile ; enfin en Nombres 21, 5, l’âme du peuple était dégoûtée de ce pain misérable. C’était la fin du désert et nous y sommes, mais individuellement, où en sommes-nous ? Trouvons-nous, dans la lecture de la Parole, la douceur de Christ, ou même encore quelque fruit de l’Esprit pour nos âmes, ou en sommes-nous au troisième stade ? On en vient alors à recourir à tous les piments humains que l’on trouve parfois sur les tables.

Le commencement, le développement et la fin d’une chose sont toujours à considérer. Aux Hébreux en danger de découragement, l’apôtre dit : « Rappelez dans votre mémoire les jours précédents dans lesquels ayant été éclairés… » (10, 32). Quand vous avez été convertis, quelle joie en Christ ! Mais Satan veille et en même temps, nous nous endormons.

Où trouver le temps de lire ? Voyez ce qui est dit du roi en Deutéronome 17, 18, 19 : « il devait écrire pour lui, dans un livre, une copie de la loi, qu’il lira tous les jours de sa vie, afin qu’il apprenne à craindre l’Éternel » ; ce « livre » pour nous, n’est-il pas notre cœur ? et y « lire », n’est-ce pas la méditation journalière du cœur rempli de Christ ? Nous sommes des rois par une grâce infinie : pris sur le fumier du péché, élevés à cette position d’honneur éternel. La personne qui nous a amenés d’un point à l’autre ne nous intéresse-t-elle pas ? Qui lit maintenant ? Il y a bien autre chose à faire, n’est-ce pas ? Y emploie-t-on même le temps disponible ? C’est une question de cœur.

Qui recherche aussi les vieux écrits — c’était l’eau à la source ? On a bien de la peine à suivre les nouveaux ! Là aussi, Dieu resserre pour éprouver et manifester nos cœurs, permettant les barrières que rencontrent certaines publications. Les sentiers anciens sont délaissés et, comme le dit Juges 5, 6, les chemins frayés par la Parole sont parfois délaissés pour les « sentiers détournés ».

Et même la lecture de la Parole de Dieu dans le rassemblement laisse-t-elle des traces profitables ? On est quelquefois douloureusement impressionné en entendant les conversations et les occupations de la sortie. En Hébreux 6, 7, on voit des terres labourées et buvant la pluie qui vient souvent sur elles, et qui portent des épines et des chardons. En Hébreux 4, 2, la Parole ne sert de rien parce qu’elle n’est pas mêlée avec de la foi dans le cœur. Les vérités sont connues, courantes, mais souvent non opérantes. Comment apprécier un mets et y revenir si on ne l’a pas « goûté » et savouré ; aussi Pierre montre-t-il par quelles opérations on peut « croître à salut » [1 Pier. 2, 2] : jusqu’au jour où nous serons avec Christ. Il cherche à exciter le désir d’un cœur tourné vers Lui par l’exemple du nouveau-né qui crie jusqu’à ce qu’il obtienne sa nourriture. Ensuite, un des « si » de l’Écriture vient sonder nos cœurs : « si toutefois vous avez goûté… ». Avons-nous vraiment goûté, apprécié, que le Seigneur est bon ? La chose est-elle ancrée dans nos cœurs ? Nos recherches en lecture, l’emploi de notre temps, notre vie toute entière le manifesteront.

Il faut, n’est-ce pas, toujours frapper sur le même clou, car il n’est pas encore enfoncé dans tous nos cœurs. Aimons-nous vraiment le Seigneur Jésus « en pureté » (Éph. 6, 24), sans mélange ? Tout est là ! « … si toutefois nous avons goûté que le Seigneur est bon ».

Un mot encore à quelque jeune âme partagée, désirant suivre le Seigneur, mais dont l’amour n’est pas « en pureté ». Rappelons-nous les trois verbes du psaume 1, 1 : marcher, se tenir, s’asseoir — on prend un peu les habitudes du monde, on marche avec lui, puis on s’y arrête ; on se tient, puis s’assied ; c’est un état qui va devenir définitif, c’est irrémédiable. Même dans cette position, saisissez la main « vivante » de Celui qui a été « mort », et goûtez combien Il est bon. Il sauve…

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« Il sauve et Il délivre » ! N’a-t-Il pas sauvé Pierre qui, voyant que le vent était fort, eut peur et commença à enfoncer [Matt. 14, 30] ? Mais Sa main secourable et puissante l’a saisi. Nous sommes sur la mer agitée, chers jeunes amis, les « vents soulèvent les flots » [Ps. 107, 25] et, si notre regard n’est pas fixé sur l’objet de la foi, que deviendrons-nous ? Souvenons-nous que Jésus est là, veillant, toujours le même, hier, aujourd’hui, éternellement [Héb. 13, 8]. Il est précieux de penser à ce passage si court et si significatif : « Jésus… l’aima » [Marc 10, 21]. C’était un « jeune » aimé de Jésus ! Vous aussi, vous le savez, êtes aimés de Lui, et cet amour est celui qui nous unit, qui nous étreint ensemble et a porté à vous adresser ces quelques paroles le serviteur de Dieu âgé qui, malgré sa vue précaire, a eu à cœur de vous les écrire. « Combien Il est bon » !