Souviens-toi de ton Créateur

H. Chabloz

Les oublis ont parfois des conséquences fâcheuses. Le pire de tous, et le plus général, est l’oubli du Créateur.

Dieu, lui, n’oublie pas Ses créatures ; Il veille sur elles ; Il en prend soin ; pas même un passereau n’est oublié devant Lui (Luc 12, 6). S’Il ne pensait qu’à Lui-même, s’Il retirait à Lui Son esprit et Son souffle, toutes les créatures périraient, et l’homme retournerait à la poussière.

À l’homme, Dieu montre chaque jour Sa bonté. Pour lui, Il fait lever Son soleil, Il envoie Sa pluie ; Il donne des saisons fertiles. Il fournit de la semence au semeur et du pain à toute chair. Dieu envoie aussi des épreuves, des châtiments, sur des peuples, sur des familles, sur des individus. Mais, dans ce monde, Il ne rend à personne selon ses péchés. Il est miséricordieux et plein de grâce, lent à la colère et d’une grande bonté.

Depuis le commencement du monde, le Créateur n’a cessé d’étendre Sa sollicitude sur tous les hommes. Il fait plus que de donner du pain. Il a parlé ; Il a révélé Son amour ; Il a tant aimé le monde qu’Il a donné Son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle [Jean 3, 16]. Malgré cela, Il est généralement oublié ; la plupart des hommes ne Lui rendent grâces ni pour Ses soins, ni pour Son don inexprimable.

Cet oubli ne durera pas toujours. Tout homme se souviendra de son Créateur. Mais si c’est au jour du jugement, devant le grand trône blanc… on se souviendra de Lui quand Lui se souviendra des péchés par lesquels on L’aura offensé. Alors Il jugera jusqu’aux secrets des cœurs. Il mettra Ses accusations sous les yeux des méchants. Personne ne pourra détourner Ses coups. Prenez-y garde, vous qui oubliez Dieu.

C’est une expérience séculaire que les jours les plus favorables pour se souvenir de son Créateur, pour être réconcilié avec Lui, sont les jours de la jeunesse. Pécheur en venant au monde, on s’endurcit vite et beaucoup avec les années. L’idée même du Créateur, qu’on a refoulée, s’éloigne, et l’on vit, quant à Dieu, comme une brute, comme si, lorsque la poussière retourne à la terre d’où elle vient, l’esprit ne retournait pas à Dieu qui l’a donné.

L’exhortation charitable de la sagesse : « Souviens-toi de ton Créateur dans les jours de ta jeunesse » [Eccl. 12, 1] est accompagnée d’un avertissement solennel dans l’expression « avant que ». Elle revient quatre fois pour signaler des bornes que l’homme atteint successivement ici-bas :

Avant que soient venus les jours mauvais.
Avant qu’arrivent les années dont tu diras : Je n’y prends point de plaisir.
Avant que s’obscurcisse le soleil, et la lumière, et la lune, et les étoiles.
Avant que le câble d’argent se détache, que le vase d’or se rompe, que le seau se brise à la source, et que la roue se casse à la citerne.

Si les jours mauvais désignent spécialement ceux de la vieillesse, nul n’ignore qu’ils viennent quelquefois très tôt et subitement. « Car aussi l’homme ne connaît pas son temps, comme les poissons qui sont pris dans le filet de malheur, et comme les oiseaux qui sont pris dans le piège : comme eux, les fils des hommes sont enlacés dans un temps mauvais, lorsqu’il tombe sur eux subitement » (Eccl. 9, 12). Il est donc sage de se souvenir de son Créateur avant ces jours-là.

Mais s’ils étaient déjà arrivés, ils pourraient servir d’avertissement en prouvant la fragilité du bonheur terrestre et la vanité de tout ce qui est sous le soleil. Il faut, alors, ouvrir son cœur à la discipline, et se tourner vers l’auteur de l’existence, le maître de la destinée. Il a compassion de nous ; Il afflige pour faire grâce. Si l’on demeure insensible à Sa voix dans l’épreuve, on s’aigrit et l’on prend en dégoût la vie. Ainsi, l’indifférence et l’incrédulité augmentent jour après jour.

Bientôt les belles facultés de l’homme faiblissent sous les conséquences du péché ; on s’approche de la borne ultime ; l’esprit s’affaiblit, l’âme se flétrit, le corps se décrépit ; les plus belles choses perdent leur charme, les splendeurs des cieux, qui racontent la gloire de Dieu [Ps. 19, 1], se voilent. Bien plus, la lumière de l’évangile perd sa force, le beau visage de Jésus, le Sauveur, n’a plus d’attraits. Il se fait tard, la grande nuit arrive. Soudain, les organes vitaux cessent leurs fonctions. Qu’il s’agisse du câble d’argent détaché : la moelle épinière ; du vase d’or rompu : le cerveau ; du seau qui se brise à la source : le cœur ; ou de la roue qui se casse à la citerne : les poumons ; c’est le terme de la vie dans ce monde, c’est la fin du jour favorable de la patience de Dieu.

Après cela, pas de salut. Tel on quitte ce monde, tel on retourne à Dieu, sauvé ou perdu. Rien ne peut perdre le sauvé, rien ne peut sauver le perdu. Tous les hommes et tous les anges prieraient-ils pour une âme perdue, sa condition ne changerait point. Il n’est plus seulement tard, il est trop tard. « Il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela le jugement » (Héb. 9, 27).

Ton Créateur s’est souvenu de toi dans Son immense amour. Il a tout fait pour ton salut, pour ton bonheur. Souviens-toi de Lui pendant les jours de ta jeunesse, souviens-toi de Lui avant qu’il ne soit trop tard.

Comment connaissons-nous Jésus ?

On peut connaître Jésus de deux manières : ou bien du dehors, par la seule intelligence humaine, comme on connaît les hommes du passé en lisant leurs biographies ou leurs écrits. Cette connaissance nous Le montre très grand certes, plus grand même peut-être que tous les sages de ce monde, et nous fait découvrir parfois en Lui un inexplicable attrait : nous L’admirons, mais d’une admiration qui n’influence en rien notre volonté et nos actes ; Il demeure hors de nous ; Il n’est pas notre Sauveur.

Ou bien du dedans, d’une façon mystérieuse qui ne procède pas du raisonnement humain : Il nous révèle à la fois Sa sainteté et notre péché ; Il nous apparaît seul capable de nous délivrer de ce péché, bien plus, Il nous en délivre. Nous nous sentons pris par Lui, Il s’impose à nous avec une autorité souveraine, celle d’un être divin à qui il est impossible de résister et qui, sans violence, par une ineffable persuasion, nous arrache la soumission de notre volonté et de notre cœur.

Est-ce à dire que, connaissant ainsi Jésus, le croyant verra s’éclairer toutes les énigmes du monde ? Non. Il lui arrivera même peut-être de croire en trouver dans la Parole de Dieu, dont certaines déclarations pourront lui paraître incompréhensibles ou paradoxales, faisant naître en lui le doute. Mais le rayonnement divin de Jésus le ramènera toujours à Lui et il redira avec Pierre : « Seigneur, auprès de qui nous en irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jean 6, 68). Et le croyant comprendra alors que ce n’est pas lui qui a cherché Dieu, que c’est Dieu au contraire qui l’a cherché et qui l’a trouvé par le travail mystérieux de Son Esprit (voir entre autres à ce sujet Matt. 11, 25 ; 16, 17 ; Jean 6, 44 ; 1 Cor. 2, 4-10 ; 2 Cor. 4, 6 ; Éph. 2, 1-10).

Mais, dira-t-on peut-être, si, dans l’œuvre du salut, et l’initiative et la réalisation appartiennent à Dieu seul, ce n’est pas ma faute, si je ne crois pas. C’est là un raisonnement qu’on entend fréquemment, mais qui n’en est pas moins faux. Par un mystère dont l’explication échappe à notre faible intelligence, mais dont le chrétien saisit la réalité, la souveraineté de Dieu n’exclut nullement la responsabilité de l’homme. Qu’on pense aux nombreux passages des Écritures qui font allusion à cette responsabilité ou aux appels que Dieu adresse à Ses créatures. Il suffira d’en indiquer quelques-uns : Jean 3, 18-21 ; 5, 40 ; 8, 24 ; Romains 1, 18-20. — Matthieu 11, 28-30 ; Jean 7, 37 ; 12, 36. Aussi bien nul n’a le droit d’accuser le Dieu Sauveur de lui refuser le salut, car il est dit : « Demandez, et il vous sera donné ; cherchez, et vous trouverez ; heurtez, et il vous sera ouvert ; car quiconque demande reçoit ; et celui qui cherche trouve ; et à celui qui heurte il sera ouvert » (Matt. 7, 7, 8). Dieu, en effet, « donne à tous libéralement » (Jacq. 1, 5).

Comment connaissons-nous Jésus ? La question est de toute importance. Car il y va de notre salut présent et éternel.