Tout…

A. Gibert

Je m’adresse ici à ceux qui connaissent Jésus. Vous désirez Le servir. Il vous arrive de soupirer : « Que puis-je faire pour le Seigneur ? ». Et vous attendez quelque occasion remarquable, un appel particulier pour accomplir quelque chose qui puisse être valablement catalogué comme « service du Seigneur ».

Mais permettez-moi de prendre la question par un autre bout. Voulez-vous me dire ce qu’un chrétien est autorisé à faire qui ne soit pas pour le Seigneur Jésus ? Y a-t-il acte, parole, pensée, d’où j’aie le droit de L’exclure ?

Laissons répondre la Parole :

« Et quelque chose que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, rendant grâces par lui à Dieu le Père » (Col. 3, 17).

« Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Cor. 10, 31).

Et voici encore, à titre de contre-épreuve par la négative, Romains 14, 23 : « Or tout ce qui n’est pas sur le principe de la foi est péché ».

Tout. Le mot ne permet aucune dérobade. Le Seigneur nous veut tout entiers pour la gloire de Dieu. Il ne nous demande pas quelques moments à part dans notre vie, mais notre vie intégrale, dans tous ses détails. Il veut présider à tout, contrôler tout, animer tout.

Quel maître exigeant ! dit l’incrédulité. Plus exigeant encore qu’elle ne le suppose. « Donne-moi ton cœur » [Prov. 23, 26], demande-t-Il ; non pas seulement notre activité, mais sa source. C’est qu’Il a sur les siens le droit le plus sacré et le plus doux, celui d’un amour qui L’a fait se livrer Lui-même pour nous. Mais quel Maître bienfaisant ! Cet esclavage est la vraie et seule liberté. Il a brisé le joug implacable qui pesait sur nous, afin que nous « servions le Dieu vivant » [Héb. 9, 14], dans la joie et la louange : « rendant grâces par lui à Dieu le Père » [Col. 3, 17]. Tout ce qui n’est pas le Seigneur est une perte, en Lui tout est gain. Notre bonheur et la gloire de Dieu sont ici étroitement liés. Qu’est-ce que le monde, hélas, sinon la vaine poursuite d’un bonheur en dehors de Dieu, et comment l’homme pourrait-il être heureux loin de Dieu ?

Tout. Ne laissez pas votre vie se distribuer en parties multiples, une pour Dieu avec le Seigneur, d’autres sans Lui. Il n’y a pas de milieu, ou on sert le Seigneur, ou on sert le monde et son prince.

« Vous exagérez, et ce ne sont là que des façons de parler », dira quelqu’un. « L’existence comporte tant de choses qui ne concernent que la terre et qui n’ont rien à voir avec la vie spirituelle ! ». Eh bien, la Parole de Dieu, encore une fois, est formelle et absolue : « Tout… ». Nulle lame ne peut s’insinuer dans ce tout, nulle faille ne peut le scinder, vous n’en pouvez rien soustraire. « Soit, mais la chose est impraticable ! La preuve, c’est que nous voyons tant de chrétiens plus âgés que nous, et vous-même sans doute, qui ne se conforment pas comme ils le devraient à ces injonctions ». Ah, chers jeunes amis, l’expérience de vos aînés sur ce point ne saurait que confirmer, s’il pouvait en être besoin, la vérité de la Parole : ils ne vous diront pas qu’ils ont tout fait pour le Seigneur, hélas, mais ils vous diront, sans exception aucune, quel regret ils ressentent de ne pas l’avoir fait, et que tout ce qui n’a pas eu Christ comme objet a bien été une perte.

Sans tarder, passez au crible — nul ne peut le faire pour vous — les motifs réels de toutes vos diverses occupations.

Par exemple, pour prendre les choses les plus simples, vous consacrez du temps et des soins à votre corps. Il faut le nourrir, le tenir propre, l’exercer, il demande du délassement, du sommeil, vous le soignez en cas de maladie, etc. Tout cela est naturel au point qu’il ne vous vient peut-être pas à l’esprit de le faire pour le Seigneur. Mais vous voyez des gens qui sont de vrais maniaques en fait de soins corporels, toujours préoccupés d’eux-mêmes, de leur santé, de leur mine, sinon de leur beauté, et de leur « ligne », et de leurs vêtements, ou qui recherchent tous les sports propres à sculpter harmonieusement ce corps. D’autres, au contraire, le négligent au point d’être pour leur entourage des objets de répulsion. Ne direz-vous pas que les premiers sont occupés d’eux-mêmes, et que les seconds méprisent la créature de Dieu ? Pour le chrétien, tout sur ce point sera réglé et équilibré s’il prend garde que son corps est le temple du Saint Esprit (1 Cor. 6, 20), et il le traitera comme consacré au Seigneur, sans idolâtrie comme sans négligence, en rendant grâces.

Vous travaillez, de la main ou de l’esprit, aux champs ou à l’atelier, au bureau ou au magasin, peu importe. Dans quel but ? Si c’est pour vous enrichir, votre travail est la pire des choses, car voyez en 1 Timothée 6, 9 ce qui est dit de « ceux qui veulent devenir riches ». D’autres font comme si le travail avait sa fin en soi, et c’est même une idée courante (mais fausse) que rien n’est plus noble qu’une vie consacrée au travail. À l’opposé, combien, surtout de nos jours, estiment en avoir toujours trop fait pour ce qu’ils gagnent ? Apprenons donc à voir dans notre travail quotidien un moyen de servir le Seigneur, accomplissons notre tâche pour Lui avec le sentiment reconnaissant que c’est par là qu’Il subvient à nos besoins, à ceux de notre famille, et qu’Il nous met à même de « faire du bien à tous, mais surtout à ceux de la maison de la foi » (Gal. 6, 10). Ne nous y trompons pas, tout autre motif fausse notre existence et déprécie notre ouvrage. Gagner sa vie est honorable devant Dieu, travailler pour se faire une fortune ou un nom est méprisable. « Faites tout au nom du Seigneur… tout à la gloire de Dieu ».

Cette même règle très simple s’applique à quoi que ce soit de notre activité. Beaucoup d’entre nous poursuivent en ce moment qui un apprentissage, qui des études en vue de la profession que vous pensez exercer. Cela est très légitime en soi, et nécessaire ; mais par-delà la profession, ou plutôt par elle, vous avez à servir le Seigneur, et c’est seulement en ayant ce but devant vous que vous pourrez utilement vous instruire, vous former, vous cultiver.

Oh, il ne s’agit pas de vous placer sous une loi. Vous la trouveriez avec raison dure et inapplicable. Mais que Christ possède réellement votre cœur, qu’Il soit tout pour vous, et tout vous sera facile. Il vous faudra peut-être rayer de votre activité bien des choses que vous auriez crues indispensables. Aux yeux du monde c’est un appauvrissement. Mais ne vous inquiétez pas, vous aurez sans cesse à ajouter un bien plus grand nombre d’autres choses, et propres à vous donner la vraie joie. La vie chrétienne n’est pas une vie diminuée, mais une vie démesurément enrichie. Christ vient illuminer d’un reflet céleste les plus banales choses d’ici-bas.

Laissez-Le orienter Lui-même votre cœur et votre esprit. Alors vous ne trierez pas entre les péchés grossiers et la multitude de ces choses « où il n’y a pas de mal », mais dont on ne saurait dire qu’on les fait par la foi et pour la gloire de Dieu. Embrasser telle carrière, assister à tel concert, lire tel livre, aller voir tel match, faire telle excursion, conclure telle affaire avantageuse, que sert de discuter là-dessus ? Ou vous le faites pour le Seigneur, en rendant grâces à Dieu le Père, ou vous ne le pouvez pas, et vous laissez délibérément le Seigneur de côté. N’attendez pas d’avoir dix ans ou vingt ans de plus pour dire déjà : Quel temps j’ai perdu ! Vous lui donnerez son prix, à ce temps qui fuit si vite, en l’employant tout pour le Seigneur.