Un message d’adieu

L. Gibert

Ceux qui parmi vous peuvent disposer d’une collection du Messager Évangélique trouveront entre les années 1904 et 1910, quelques méditations remarquables sur les principales paraboles du Seigneur. Nul doute qu’ils éprouveront à les lire, beaucoup d’édification. Elles sont signées J.L. ; ces initiales étaient celles d’un humble et fidèle serviteur de Dieu, dont la mémoire est vénérée par tous ceux qui ont profité de son ministère.

Après une longue carrière de dévouement à ses frères et d’attachement au Seigneur, il s’endormit en 1912. Nous avons retrouvé les notes que conservait l’un de ses amis chrétiens, sur la dernière visite qu’il lui fit. Vous serez intéressés par ce qu’exprima ce « conducteur », près d’entrer dans le repos, relativement aux jeunes croyants.

On lui demandait un message pour eux. Après un moment de silence, et par phrases entrecoupées, il dit : « Les jeunes chrétiens ont reçu des vérités que la grâce de Dieu leur a fait connaître sans effort. Je leur dirai : Vivez-les ; elles ont pour but et pour effet d’attacher le cœur à Christ ».

Il cita ensuite Apocalypse 3, 11 : « Tiens ferme ce que tu as afin que personne ne prenne ta couronne. On ne peut tenir ferme si on ne vit pas les vérités connues ».

Puis il ajouta 1 Jean 2, 15, 16 : « N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Ceci comprend toute la vie pratique ».

« Enfin, dit-il, consultez le thermomètre de votre état moral ; si la communion avec le Seigneur a faibli, arrêtez-vous et demandez-lui quelle en est la cause. Peut-être faudra-t-il appliquer le fer rouge, mais n’hésitez pas. Attachez-vous au Seigneur de tout votre cœur et vivez dans Sa communion ».

À bout de forces, il demanda à son visiteur de lui lire les dernières paroles de David (2 Sam. 23, 3-4), terminant ainsi l’entretien par l’évocation du Seigneur glorieux régnant en justice.

Nous voudrions, chers jeunes amis, méditer avec vous ce message aux multiples aspects. Ceux auxquels il était adressé sont sur le point d’achever à leur tour leur carrière de témoins du Seigneur ; ils portent leur propre responsabilité devant Celui à qui ils rendront compte, chacun pour eux-mêmes (Rom. 14, 12). Mais ils ont le devoir et le privilège de reprendre les termes mêmes de ce message d’un serviteur de Dieu mourant, pour vous le transmettre, si humiliés qu’ils soient d’avoir trop peu réalisé ses exhortations. Ainsi se succèdent les générations, chacune avec ses tâches propres, ses épreuves, ses dangers, mais toutes appelées à vivre ces vérités qui constituent le plus précieux des héritages, ce dépôt qui nous est confié et que nous avons à garder, selon l’exhortation de Paul à son enfant Timothée [2 Tim. 1, 14].


Quelles sont ces vérités, par nous reçues de la grâce de Dieu, sans effort, et que ce cher serviteur nous appelait à vivre — que nous vous demandons à notre tour de vivre ?

Nous les apprécierions sans doute davantage si nous avions dû prier et lutter comme nos devanciers pour les acquérir et les maintenir ; elles furent remises en lumière voici plus d’un siècle ; mais elles demeurent d’actualité, comme la base du témoignage du Seigneur pour nos temps, proches de la fin de ce témoignage.

Salut accompli par notre Sauveur mort, ressuscité et glorifié ; salut saisi par la foi en Lui et en Son œuvre ; salut devenant ainsi le partage de tous ceux qui obéissent à Son évangile, en dehors de toute œuvre de loi ;

Affranchissement, en Christ, « de la loi du péché et de la mort » [Rom. 8, 2], par la réalisation pratique de notre mort et de notre résurrection avec Lui, selon que le dit l’apôtre : « Je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi » [Gal. 2, 20] ;

Unité du corps de Christ, comprenant tous les croyants, scellés de l’Esprit après avoir cru, pour former sur la terre l’Assemblée de Dieu, Sa maison dès ici-bas, et Son habitation par l’Esprit ;

Nécessité de se retirer de tout ce qui ne maintient pas les droits de Dieu dans Sa maison et ne correspond pas à Sa sainteté, mais porte le nom d’iniquité, morale ou doctrinale ;

Culte rendu à Dieu selon Sa Parole, par l’Esprit Saint agissant au milieu des deux ou trois assemblés au nom du Seigneur dont la présence est réalisée en dépit de leur faiblesse ;

Cène du Seigneur, célébrée chaque premier jour de la semaine, dans le rappel de Ses souffrances ; communion du corps et du sang du Christ réalisée à la table du Seigneur, gardée pure de toute souillure ;

Pleine suffisance du nom du Seigneur Jésus, évoquant pour eux Son adorable personne, dans Ses droits absolus d’autorité sur l’Assemblée dont Il est le chef ;

Souveraine sacrificature de Celui qui, au milieu de l’Assemblée, conduit la louange de Son Dieu et Père, y associant ceux qu’Il n’a pas honte d’appeler frères, en leur conférant le privilège de sacrificateurs unis à Lui ;

Ministère du Saint Esprit, distribuant Ses dons comme il Lui plaît, appelant au service du Seigneur ceux qu’Il daigne qualifier, en dehors de toute consécration humaine, pour l’édification du corps de Christ ;

Parole prophétique (lampe divine brillant dans un lieu obscur [2 Pier. 1, 19]), clairement exposée selon la Parole, non point en interprétations hasardées, mais en vues scripturaires dont la rectitude s’affirme à mesure que nous approchons de leur accomplissement ;

Retour prochain du Seigneur, réalisant enfin Sa promesse et nous prenant à Lui, avant que viennent sur la terre les jugements terribles qui prépareront Son retour en gloire pour établir Son royaume en puissance ;

Telles sont, brièvement rappelées, ces vérités qui attachent nos cœurs à notre adorable Sauveur, vérités qui sont à vivre, non pas seulement à recevoir par l’intelligence spirituelle.

Car là est le danger, chers jeunes amis, de connaître ces choses sans les réaliser vraiment ; d’accepter ces vérités par l’intelligence sans les vivre par le cœur. Elles vous sont enseignées ; vous ne doutez pas qu’elles constituent un dépôt de grande valeur, si même vous ne pouvez pas juger combien elles manquent à des croyants, plus fidèles que nous peut-être, mais privés de cet enseignement — privés de ce dont nous devrions davantage jouir dans nos cœurs, quant aux gloires et aux grâces attachées à la personne du Seigneur Jésus, pour une marche pratique qui Le glorifie.

Que de fois sont venues à vous, par ces feuilles « Aux jeunes », des exhortations semblables à celles du cher serviteur de Dieu d’il y a trente-six ans ! Quel cas en faites-vous ? Quel cas en faisons-nous ? devrais-je dire, unissant nos deux générations de croyants en une même confession humiliée : « Hélas ! trop peu de cas, Seigneur, tu le sais ! ». Quoi d’étonnant, dès lors, que nos cœurs manquent d’attachement réel à Christ ? Si Son nom, Sa gloire, ne nous sont pas plus précieux que tout, alors nous sommes en danger de perdre notre couronne, selon Apocalypse 3, 11, que citait ce cher vieux chrétien. Accepteriez-vous d’être seulement sauvés comme à travers le feu [1 Cor. 3, 15], quand Dieu éprouvera toute notre vie afin qu’en soient manifestés les secrets mobiles ? Amour du Christ et des vérités qui Le concernent, ou amour du monde et des choses qui sont dans le monde ? Qu’est-ce qui a orienté notre vie ? Comment vont s’orienter les vôtres, chers jeunes amis ? Quelle est votre ambition pour cette terre ? Y prospérer, comme ceux qui y habitent ? Ou bien apprendre, dès ici-bas, à mieux connaître Celui qui nous veut avec Lui pour l’éternité ? Le mieux connaître, c’est L’aimer bien davantage.

Or L’aimer, c’est le tout de la vie chrétienne. Elle est, dès lors, un progrès constant :

« croissant par la connaissance de Dieu » (Col. 1, 10) ;

« croissant dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ » (2 Pier. 3, 18).

De cette vie, comment suivre les progrès ? Comment en connaître vraiment les variations ? Quel est le thermomètre de notre état moral ? « Si la communion avec le Seigneur a faibli, arrêtez-vous, et demandez-Lui quelle en est la cause ». La sagesse humaine dirait : « Demandez-vous ». Mais l’expérience chrétienne du vieux serviteur de Dieu faisait écho à la requête du psalmiste : « Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur » (Ps. 139, 23). Le philosophe a dit : « Connais-toi toi-même ». Mais c’est à Lui qu’il nous faut demander ce qui nous tient en fait loin de Lui, ce qui nous ferait encourir Son blâme ou Sa discipline. Or, « qui enseigne comme lui ? » [Job 36, 22].

Et quand le diagnostic est fait, par Lui-même dont la voix est discernée dans le secret du cœur, comment s’administre le remède ? « S’il faut appliquer le fer rouge, n’hésitez pas », disait enfin ce cher mourant. Coupez main et pied, arrachez l’œil, occasions de chutes ! Votre salut journalier est à ce prix ; c’est ainsi seulement que vous atteindrez le but ! C’est ainsi que vous travaillerez « à votre propre salut avec crainte et tremblement » [Phil. 2, 12]. Alors, débarrassés de vous-mêmes, délivrés du péché qui assaille et obsède votre âme, vous pourrez vous attacher au Seigneur de tout votre cœur.

« Étant mort, il parle encore » [Héb. 11, 4]. Plusieurs de ceux qui liront ces lignes évoqueront leur pasteur et leur docteur d’autrefois, silhouette humble et effacée s’il en fut, mais noble figure du chrétien entièrement dévoué au bien du troupeau. Après lui, nous vous disons :

« Vivez ces vérités qui vous attachent à Christ ; tenez ferme ; n’aimez pas le monde ; mais aimez le Seigneur, vivez dans Sa communion ».