Un rocher d’habitation

G. André
« Sois pour moi un rocher d’habitation, afin que j’y entre continuellement »
Ps. 71, 3

« Il y aura un homme qui sera comme une protection contre le vent et un abri contre l’orage, comme des ruisseaux d’eau dans un lieu sec, comme l’ombre d’un grand rocher dans un pays aride » (És. 32, 2). Le connaissons-nous, Celui qui a voulu descendre ici-bas, pour y faire comme homme l’expérience de ce qu’est le vent et l’orage, la sécheresse et l’aridité ? Il a voulu « en toutes choses, être rendu semblable à ses frères » [Héb. 2, 17], afin de pouvoir aussi entrer dans leurs circonstances et les comprendre parfaitement. Il ne promet pas aux siens que le vent ne les assaillira pas sur la mer ; il peut même les contraindre à monter dans la nacelle, comme autrefois les disciples, même si le soir est là, que le vent est contraire et qu’ils devront se « tourmenter à ramer » (Marc 6). Mais s’Il le fait, c’est pour qu’ils apprennent à entendre Sa voix dans la tempête : « Ayez bon courage ; c’est moi ; n’ayez point de peur ». C’est aussi pour les rendre « intelligents » par l’épreuve mieux que par la prospérité.

Il ne promet pas non plus que les verts pâturages et les eaux paisibles seront constamment la part de ceux qu’Il appelle à vivre dans ce monde après leur conversion. Il leur fera rencontrer le « lieu sec » et le « pays aride ». Israël au désert, Élie sous le genêt, Jérémie dans la fosse, David dans la caverne, et combien d’autres, en ont fait l’expérience. Mais , les « ruisseaux d’eau » ont jailli du rocher frappé, la nourriture leur a été fournie, « cruche d’eau » et « gâteau cuit » sur les pierres chaudes [1 Rois 19, 6] ; là, malgré l’ambiance hostile, leur âme a été « rassasiée comme de moelle et de graisse » (Ps. 63).

Point n’est besoin d’être bien avancé dans la course chrétienne pour faire de telles expériences. Un jeune croyant qui connaît Jésus trouvera en Lui son refuge et sa protection dans les circonstances variées qu’Il lui fait traverser. Difficultés professionnelles, examens, entrevues redoutées, déceptions et isolement peut-être, sans parler des deuils et des maladies : autant d’occasions pour un cœur qui aime le Seigneur de trouver auprès de Lui protection et abri, ombre et rafraîchissement.

Mais Jésus ne veut pas être seulement un refuge pour les siens, un refuge dont nous sortions dès que l’orage est passé. Il nous parle d’une demeure, d’un « rocher d’habitation », où il ne s’agit pas de se réfugier seulement — si précieux que cela soit — « jusqu’à ce que les calamités soient passées«  [Ps. 57, 1], mais d’un « rocher d’habitation » où l’on entre « continuellement ». Le psalmiste pouvait dire : « J’ai demandé une chose à l’Éternel, je la rechercherai : c’est que j’habite dans la maison de l’Éternel tous les jours de ma vie » (Ps. 27, 4). Il n’allait pourtant pas quitter ses occupations, ni son trône, pour aller demeurer dans le temple. La vraie communion avec le Seigneur est dans le cœur et peut se réaliser au travers de la journée dans les multiples préoccupations et problèmes.

Mais elle a aussi besoin d’être continuellement renouvelée, comme le dit notre verset : « afin que j’y entre… ». Entrer dans Sa présence, ce n’est pas seulement lire rapidement quelques versets de la Parole, mais c’est prendre le temps d’être aux pieds du Seigneur ; c’est faire comme Moïse, fatigué des murmures du peuple, de la poussière, de la chaleur et du vent du désert, qui « entrait dans la tente d’assignation pour parler avec lui ». Et là, dans le silence du sanctuaire, « il entendait la voix qui lui parlait de dessus le propitiatoire… et il Lui parlait (Nomb. 7, 89). Et parce qu’il avait « parlé avec lui », la gloire de Dieu laissa son empreinte et son reflet sur la face de Son serviteur (Ex. 34, 35). Tous voyaient que Moïse avait été dans la présence de Dieu : ils en pouvaient constater les résultats.

Si nous avons l’habitude d’entrer dans ce « rocher d’habitation », nous n’aurons plus le désir de fréquenter les lieux où il ne se trouve pas. La vie intérieure, et non une règle imposée, guidera nos travaux, nos amitiés, nos joies et nos délassements : toutes les heures de nos journées. En les recevant de Sa main, nous pourrons jouir avec Lui de toutes les choses qu’Il nous donne richement (1 Tim. 6, 17).

Et dans la mesure où nous aurons été dans le sanctuaire, il y aura dans tout notre comportement quelque reflet de cette lumière qui y règne : « Ils les reconnaissaient pour avoir été avec Jésus » [Act. 4, 13].


Notre ami J.L. nous envoie la lettre ci-dessous d’un prisonnier qu’il a souvent l’occasion de visiter :

« Après presque dix ans de vie sans Dieu, dont sept vécues en athée militant et dans la négation de toute morale, je me trouvais en prison. Une vingtaine de jours après mon arrivée, je me convertissais à Jésus Christ en trouvant en Lui, grâce à Sa Parole, mon parfait Sauveur. Dieu a été bon pour moi. Au moment de ma conversion j’avais tout mon temps libre. Il a été uniquement employé à la lecture de la Parole. J’ai lu alors toute la Bible, depuis le « Au commencement » de la Genèse, jusqu’à « l’Amen » de l’Apocalypse. Et cela plusieurs fois. Je consacrais à cette lecture au moins dix heures par jour. J’étais comme un touriste se promenant et regardant des sites merveilleux et allant toujours plus loin, sachant qu’il va de découvertes en découvertes, et que tout panorama a sa beauté. Cette manière de lire la Bible n’est peut-être pas à recommander à tout le monde. Pour moi, cette curiosité dévorante m’a amené à faire un effort pour comprendre et à me poser des questions auxquelles je ne pouvais répondre que par une autre méthode. Pour que le dynamisme de la Parole de Dieu fasse son effet, il faut un terrain préparé. Ce terrain préparé se trouve dans la nouvelle création qu’est devenu le chrétien à sa nouvelle naissance. Ma nouvelle naissance, c’était Christ implanté en moi lors de ma conversion. Christ en nous se développe par la lecture de la Parole, et par Son Esprit Il éclaire les Écritures et en révèle le sens caché. Lorsque je compris que Christ était le centre de la Bible et le phare de l’Ancien Testament, qu’Il le remplissait de Sa divine présence, je L’ai recherché dans les différents livres. J’ai relu l’Ancien Testament plus lentement, et je L’ai suivi pas à pas depuis la Genèse, où Il apparaît comme l’aube commençant à poindre, jusqu’à Son arrivée parmi les hommes, où, lumière, Il brille et éclaire, et j’attends Son retour où, lumière dans sa plénitude, Il éclatera et ruissellera.

Cette manière de lire la Bible a été féconde pour moi. Et je crois que je me rappellerai toujours ma découverte d’Ésaïe 53. C’était l’hiver dernier. Tard dans la nuit je lisais Ésaïe à la faible lueur d’un lumignon que j’avais fait avec de l’huile de foie de morue, un bouchon et une mèche à briquet. Le règlement nous oblige à laisser nos vêtements à l’extérieur de la cellule. Il faisait froid et je m’étais enveloppé de couvertures. Deux de mes camarades co-détenus partageaient avec moi la cellule.

La lecture de ce chapitre en l’appliquant à Jésus Christ me bouleversa. J’avais pourtant bien lu plusieurs fois ce passage auparavant, mais il n’avait pas attiré mon attention. Je me sentis obligé de me mettre à genoux, et je relus ce chapitre les larmes aux yeux (depuis quinze ans au moins je n’avais pas pleuré). Je remerciai Dieu d’avoir encore une fois éclairé Sa Parole et je me couchai. Dans mon sommeil j’eus continuellement ce chapitre dans l’esprit et à mon réveil je fus surpris de le savoir mot à mot. Je ne l’avais pourtant lu que trois fois cette nuit-là. Dieu l’avait écrit dans mon cœur.

Et maintenant je puis dire que la lecture de la Bible est vraiment la nourriture de mon âme. Je lis encore la Bible d’une manière cursive, je l’étudie aussi. Mais bien souvent je dois m’arrêter au cours de ma lecture ou étude, pour entendre parler Dieu plus particulièrement. Je pense que c’est surtout à ce moment-là, dans la prière cœur à cœur, où s’expriment mes besoins et qui se termine toujours par la louange et l’adoration, que Dieu agit en moi et que Christ se développe en moi.

Priez pour moi. — Merci. Bien unis dans le Christ notre Seigneur. »