Une autre génération (Juges 2, 10)

G. André
« Une génération s’en va, et une génération vient »
Eccl. 1, 4

« Il arriva après la mort de Moïse… » [Jos. 1, 1] — « Il arriva après la mort de Josué… » [Jug. 1, 1] — ainsi débutent Josué et les Juges : passage de deux générations, combien différentes l’une de l’autre.

Moïse, le législateur, celui que l’Éternel avait connu face à face, « mon serviteur », est mort. Qui va reprendre la tête du peuple en ce moment décisif où, pour la seconde fois à la frontière du pays promis, il doit se décider à en faire la conquête ? Josué est prêt à répondre à l’appel de Dieu et à conduire Israël à la victoire ; mais longtemps à l’avance, il s’était laissé former par l’Éternel pour cette tâche.

Tout d’abord, en Exode 17, par le combat. Comme pour bien d’autres, les premières expériences de la marche de la foi, marquent sa carrière : plus tard il combattra en Canaan, mais dès sa jeunesse, il lutte contre Amalek. Ce jour-là, Josué apprend une grande leçon : pas de victoire sans intercession : « Lorsque Moïse élevait sa main, Israël avait le dessus ; et quand il reposait sa main, Amalek avait le dessus » [Ex. 17, 11]. Un seul peut nous rendre victorieux : Celui qui, bien mieux que Moïse, « peut sauver jusqu’à l’achèvement ceux qui s’approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder pour eux » (Héb. 7, 25).

Josué avait encore d’autres leçons à apprendre. À Sinaï avec Moïse (Ex. 24), puis seul dans la tente d’assignation (Ex. 33), il apprend à faire silence dans la présence de Dieu. Dans le secret, sa personnalité intérieure se forme, sa foi se fortifie ; au jour de l’épreuve de Kadès-Barnéa, il se mettra résolument aux côtés de Caleb pour dire avec énergie : « Montons hardiment et prenons possession du pays… l’Éternel est avec nous, ne les craignez pas » (Nomb. 13 et 14). Trente-huit ans doivent encore s’écouler au désert ; mais Canaan ne s’efface pas de sa vision et, au jour décisif, il est prêt.

Combien différente est la génération qui lui succède ! « Le peuple servit l’Éternel tous les jours de Josué, et tous les jours des anciens dont les jours se prolongèrent après Josué… Et après eux, se leva une autre génération qui ne connaissait pas l’Éternel, ni l’œuvre qu’il avait faite pour Israël » [Jug. 2, 7, 10].

Ceux qui, après la mort de Josué, devenaient les éléments responsables, n’avaient-ils pas entendu parler de l’Éternel, et de tout ce qu’Il avait fait pour Son peuple ? D’où vient donc que la Parole peut dire qu’ils ne « connaissaient pas » l’Éternel ? — N’y a-t-il pas, parmi nous, quantité de jeunes qui, depuis leur enfance, ont entendu parler du Seigneur, ont récité des versets de la Bible, l’ont lue eux-mêmes, l’ont entendu méditer, et qui pourtant ne Le « connaissent pas » ? Même du jeune Samuel, il nous est dit : « Samuel ne connaissait pas encore l’Éternel » (1 Sam. 3). Il ne s’agit pas d’une connaissance intellectuelle, ni d’avoir retenu dans sa mémoire des enseignements, profitables, mais sans effet tant qu’ils restent théoriques. Connaître le Seigneur, c’est autre chose : c’est avoir eu affaire personnellement avec lui ; c’est s’être trouvé, au moins dans une mesure, réellement dans la présence de Dieu — comme autrefois le jeune Josué, ou Samuel dans la nuit mémorable — en faisant taire ses propres pensées pour laisser Sa lumière éclairer la conscience et le cœur.

« … ni l’œuvre qu’il avait faite pour Israël ». La génération qui suivit Josué ignorait-elle la délivrance d’Égypte, les soins de Dieu au désert, la conquête du pays ? Certainement non ! — Ne peut-on pas aujourd’hui de même, être parfaitement au courant de tout ce qui s’est passé à la croix, avoir lu dix fois, vingt fois les évangiles, Ésaïe 53 ou le psaume 22, et pourtant ne pas « connaître » l’œuvre du Seigneur pour Ses rachetés ? Connaître Son œuvre, c’est en accepter les conséquences ; en saisir par la foi la nécessité, parce que nous ne pouvions rien apporter ; croire que Dieu nous reçoit à cause des mérites de Son Fils ; mais aussi accepter que « un est mort pour tous… afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui pour eux est mort et a été ressuscité » [2 Cor. 5, 14, 15]. Connaître le Seigneur et Son œuvre, c’est ne plus s’appartenir à soi-même, mais être toujours conscient d’avoir été « acheté à prix » (1 Cor. 6, 20).

Cette « autre génération » se croyait sans doute libérée des barrières imposées par l’Éternel et qu’avaient respectées leurs pères ! Pourquoi ne pas prendre contact et frayer avec les peuplades qui les entouraient ? Pourquoi ne pas se lier avec elles, par mariage ou autrement ? Josué les avait pourtant avertis : « Si vous retournez en arrière et que vous vous attachiez au reste de ces nations, et que vous vous alliiez par mariage avec elles, et que vous entriez parmi elles, et elles parmi vous… elles vous seront un filet et un piège, et un fouet dans vos côtés, et des épines dans vos yeux » (Jos. 23). Combien autour de nous, qui ont abandonné le chemin du Seigneur pour se lier, dans leurs foyers ou dans leurs entreprises, à des incrédules, n’ont-ils pas trop souvent rencontré et le piège et les épines dont parlait le vieux serviteur ?

L’Éternel n’avait pas voulu faire disparaître les nations païennes de Canaan ; au contraire « il les laissa subsister pour éprouver par elles Israël… tous ceux qui n’avaient pas connu toutes les guerres de Canaan… pour savoir s’ils écouteraient les commandements de l’Éternel » (Jug. 3). Le Seigneur peut très bien nous mettre à l’épreuve. Sans doute, dans le cercle familial, dans l’ambiance à laquelle nous avons été accoutumés depuis l’enfance, sommes-nous préservés de bien des pièges. Mais, pour des raisons professionnelles, des études, des obligations militaires, on peut se trouver placé dans un tout autre milieu. Il s’agira alors de « connaître, en l’apprenant, ce que c’est que la guerre » : lutter, tenir ferme, résister, savoir dire non et ne pas se laisser entraîner. Il y a un courant à remonter qui demande d’autant plus d’énergie qu’il est plus fort. Mais il en est un dont la force est en nous, qui intercède pour nous, et peut donner et la victoire et la constance pour atteindre le but.

« Choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir ! » [Jos. 24, 15]. Chaque jour, nous avons à choisir entre ce qui est de Dieu ou du monde, de l’Esprit ou de la chair. Surtout aux heures décisives de la vie, le choix à faire aura des conséquences lointaines, non seulement pour nous-mêmes, mais pour ceux qui viendront après nous. Laquelle des deux générations imiterons-nous : celle de Josué qui se tenait dans la présence de Dieu et savait combattre (« entrer et sortir ! ») — ou cette « autre génération » qui ne connaissait pas l’Éternel ni l’œuvre qu’Il avait faite pour Son peuple ?