Le vase d’albâtre

« En vérité, je vous dis qu’en quelque lieu que cet évangile soit prêché dans le monde entier, ce que cette femme a fait sera aussi publié en mémoire d’elle. »
Marc 14, 9

Savoir donner à chacune des vérités de la Parole de Dieu la place qui lui convient, est la vraie preuve de puissance et d’intelligence spirituelles : étant guidé par l’Esprit, on saura mettre toutes choses sous le jour qui lui appartient, et s’il est question de zèle dans une direction donnée, ce ne sera jamais aux dépens d’une autre vérité, car chacune d’elles a sa valeur et son importance propres.

Si on laisse agir la nature, d’une façon ou d’une autre, elle sera d’autant plus active que la conscience sera engagée, et l’activité de la nature agit toujours au détriment de la vérité. C’est probablement ainsi que sont nées une grande partie des erreurs qui se trouvent dans l’Église : une vérité particulière était mise en avant et poursuivie, et la puissance spirituelle venant à manquer, on avait recours à celle de la nature, et celle-ci conduit bientôt au-delà de ce qui est seul vrai. Dans tout réveil de l’Église, et plus ce réveil est zélé et selon Dieu, plus il est nécessaire de juger toutes choses, « communiquant des choses spirituelles par des moyens spirituels » (1 Cor. 2, 13).

Il me semble donc que, dans un temps comme celui où nous vivons, nous pourrions nous occuper, avec quelque fruit pour nos âmes, de la valeur respective de la Parole et du commandement que notre bien-aimé Seigneur a joints ensemble ici : « En quelque lieu que cet évangile soit prêché… ce que cette femme a fait sera publié en mémoire d’elle ».

L’évangile est annoncé assez généralement, et, par la grâce de Dieu, il est accepté par bien des âmes ; mais « ce que cette femme a fait », et qui doit être « publié en mémoire d’elle », cela est-il vraiment mis en lumière avec intelligence et de manière à produire un résultat ?

L’évangile est le récit de l’œuvre de Jésus sur la terre. Le Seigneur nous y fait connaître à la fois sa volonté et sa capacité de venir au secours de l’homme, dans quelque circonstance de faiblesse ou de besoin qu’il se trouve, car la bonne nouvelle, annoncée à l’homme, n’est en réalité que l’histoire de ce que le Seigneur Jésus Christ est pour lui dans son amour, amour qu’Il lui a prouvé en faisant ce qu’Il a fait ; et c’est dans la plénitude de son amour et de sa puissance, que Jésus s’adresse à l’humanité souffrante tout entière.

Y eut-il jamais nouvelle semblable à celle-ci ? Que le Fils de Dieu avait été fait à la ressemblance d’un homme, afin d’endurer toutes les souffrances qu’un être humain peut endurer, manifestant en même temps, sur la terre, le pouvoir de soulager pratiquement ces souffrances. Et plus encore, il nous est dit, que dans son propre corps sur le bois, Jésus porta le jugement et la peine que méritait l’homme à cause du péché. — Dans le passage que nous avons cité, nous voyons Jésus arrivé au terme de son service ici-bas : l’acte suprême, base de toute son œuvre, par lequel Il porta le péché du monde, va s’accomplir, et pendant qu’Il se repose pour quelques instants dans la maison de Simon le lépreux, à Béthanie, une femme vint, ayant un vase d’albâtre, rempli d’un parfum de nard pur et de grand prix, et ayant brisé le vase, elle répandit le parfum sur la tête de Jésus. Ceci n’était pas l’évangile, mais devait être publié avec lui : c’était l’appréciation de la valeur intrinsèque de Celui dont l’évangile n’est simplement que la biographie.

L’évangile, je le dis encore, place devant nos yeux le service de Christ et l’amour de Dieu envers l’homme ; mais le vase d’albâtre brisé nous montre Christ, apprécié selon sa valeur dans sa relation avec le présent siècle mauvais. Dieu, manifestant ses desseins d’amour envers l’homme, est une chose, et l’homme, témoignant qu’il reconnaît le prix de ce que Dieu fait, est une autre chose. Le Seigneur donne personnellement la preuve de son amour envers l’homme, et l’homme lui rend cet amour en appréciant Dieu selon ce qu’Il est. Le premier objet de tout ministère de la part de Dieu, c’est d’apprendre à l’homme ce qu’il a perdu, et comme « le Fils unique, qui est dans le sein du Père » [Jean 1, 18], peut seul révéler le Père, l’évangile nous fait connaître les œuvres et le ministère de ce Fils bien-aimé. Quiconque sert l’évangile, selon la capacité que Dieu lui a donnée, met en évidence Celui qui révèle le Père, c’est-à-dire, le Seigneur Jésus Christ ; et quiconque fait ainsi connaître Jésus, concourt au service de l’évangile. Ce fut le témoignage de tous les serviteurs de Dieu depuis Adam jusqu’à maintenant. Il est vrai que, dans les dispensations passées, ce témoignage n’était rendu qu’obscurément ; toutefois, c’était toujours de ce côté que le service, les types et les ombres dirigeaient le regard.

Mais le dévouement personnel, qui disait quel prix ce Seigneur, ainsi annoncé, avait pour le cœur, ce dévouement était plus rare ; il était moins exigé, quoiqu’il n’eût pas moins de valeur. Hénoc nous donne l’exemple d’un homme, qui ne se contentait pas de rendre pleinement témoignage à la vérité, telle que Dieu la lui avait révélée, mais qui reconnaissait de plus la valeur de la vérité qui était en Dieu lui-même, en montrant que, quoiqu’il vécût dans le monde, il n’était pas du monde, car il « marcha avec Dieu » [Gen. 5, 22] ; de telle sorte qu’il y a un mémorial d’Hénoc qui se rattache à la vérité qu’il a prêchée. Rendre témoignage à la vérité qui nous a été révélée est une chose, et manifester notre affection pour le Seigneur, jusqu’à mettre de côté ses dons pour jouir de Lui-même, est une autre chose. Là où ceci a lieu, il y a un « mémorial ».

Ce renoncement ne produit, ou ne prétend produire aucune impression favorable sur les hommes : tout au contraire. Souvent on encourt le reproche de faire une « perte » de ce qui aurait pu être employé différemment. Mais le Seigneur apprécie tellement ce qu’on fait pour Lui, qu’Il commande que l’on s’en souvienne, et chaque action de ce genre est spécialement remarquée et racontée dans les Écritures. Un homme peut être un bon évangéliste, c’est-à-dire un prédicateur fidèle de la vérité qu’il a reçue ; mais celui qui abandonne tout pour Christ, se renonçant lui-même, fait preuve d’un sentiment plus profond et plus réel de l’excellence de la vérité et du Dieu de vérité qu’il proclame. Abraham rendit témoignage de l’amour de Dieu envers l’homme, lorsqu’il montra son amour à lui, en risquant sa vie pour délivrer Lot. Cet acte-là était une manifestation de l’évangile, car l’évangile est essentiellement l’expression de l’amour de Dieu envers l’homme. Mais lorsque Abraham refusa les offres du roi de Sodome, tout comme précédemment il avait abandonné son pays et sa parenté, il témoigna qu’il connaissait le prix de ce qu’il possédait en Dieu, et ces choses sont rapportées de lui comme un mémorial. Aussi la première parole que Dieu lui dit après cela, c’est : « Je suis ton bouclier et ta grande récompense » (Gen. 15, 1). Le renoncement d’Abraham était tellement agréable à Dieu, qu’immédiatement il lui confirme la promesse qu’Il lui a faite.

Dieu appelle ses serviteurs à être l’expression de son amour envers les hommes, et surtout envers leurs frères ; mais le fait même qu’il est dit : « en tant que vous avez fait ces choses, à l’un des plus petits de ceux-ci, qui sont mes frères, vous me les avez faites à moi-même » (Matt. 25, 40), prouve que faire une chose pour Christ Lui-même, est le témoignage le plus élevé et le plus excellent. Un des principaux caractères des serviteurs de Dieu, c’est l’amour : « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 4, 8) ; mais c’est une chose différente et meilleure, de ne pas aimer le monde, ni les choses qui sont au monde [1 Jean 2, 15], parce que l’amour du Père est en nous, et nous dédommage de tout.

Quand le cœur naturel participe à quelque chose, il tend à tout accaparer, et même quand il s’agit de l’évangile, le danger existe de faire de l’homme le seul objet de notre attention ; nous pouvons être entraînés à montrer tant d’intérêt pour l’homme, qu’il ne reste ni temps ni occasion pour rendre au Seigneur ce qui Lui revient en honneur et en sacrifice. L’égoïsme trouve à se satisfaire de cette manière, car alors le service est particulièrement évangélique et expressif, sans qu’aucun dévouement personnel pour le Seigneur soit demandé ; du moins le Seigneur n’occupe-t-il pas la première place, comme nous le savons et le sentons trop bien. En brisant le vase d’albâtre et en répandant le parfum sur la tête de Jésus, la femme faisait de Lui-même son principal objet, et quiconque prêchait la bonne nouvelle, devait rapporter ce qu’elle avait fait, en mémoire d’elle.

Et l’action de cette femme est-elle, en effet, commémorée de nos jours ? c’est-à-dire la personne de Christ est-elle placée devant le cœur, comme étant ce qu’il y a de plus excellent et de plus digne ? Personne ne dira que cela soit. Eh bien ! dans ce cas, l’une de ces deux choses doit être vraie : — ou que le Seigneur ne voulait pas dire ce que ses paroles expriment, quand Il dit : « en quelque lieu que cet évangile soit prêché dans le monde entier, ce que cette femme a fait sera publié en mémoire d’elle » ; — ou bien que cet évangile n’est pas toujours annoncé ! La première chose, nous le savons, est impossible ; la seconde est possible, et doit nous être à tous un sérieux avertissement.

Le serviteur de Dieu le plus dévoué a reconnu, à un moment ou l’autre de sa vie (quelque béni qu’ait été d’ailleurs son ministère), qu’il y avait quelque chose au-delà de toutes les démonstrations de la puissance et de la grâce de Dieu, qu’il lui était donné de faire, et cette chose était — Dieu Lui-même. Moïse savait combien le cœur était plus fortifié en voyant la gloire de Dieu, qu’en Le servant même de la manière la plus fidèle. Quelque nécessaire et quelque dévoué que fût le ministère de Moïse, il pouvait y renoncer pour dire : « Je te prie, fais-moi voir ta gloire » (Ex. 33, 18). Il lui était doux et glorieux de servir, mais de contempler la gloire de Dieu, en oubliant tout ce qui était de la terre, était meilleur et atteignait plus haut. Aucune mesure de service ne fait mieux connaître Moïse que cette appréciation, quant à lui-même, de la valeur personnelle du Seigneur ; aussi le retrouvons-nous plus tard sur la montagne de la gloire : l’entière satisfaction qu’il trouvait dans le Seigneur devait être rapportée en mémoire de lui. La gloire du Seigneur et la gloire avec le Seigneur, surpassaient pour lui le service le plus actif. Dieu était pour lui quelque chose de plus que de servir le peuple, même dans la plénitude de la puissance et de l’amour de ce Dieu. Il n’ôtait rien à ceux-ci, mais il trouvait davantage son bonheur en Dieu Lui-même, et ce besoin étant le plus élevé, il fut satisfait au-delà de toute pensée. Moïse parla avec le Seigneur sur la montagne de la transfiguration.

Le ministère de l’évangile, c’est-à-dire, l’expression de ce que Dieu est pour l’homme, est le message le plus beau qui soit confié à l’homme ; mais pour celui qui connaît et qui aime Christ, il y a encore le renoncement empressé et facile à toute distinction et à toute œuvre, pour jouir de Christ Lui-même. Le Seigneur Jésus pouvait dire : « ma viande est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jean 4, 34) ; toutefois, il y avait pour Lui quelque chose de plus précieux encore — où son cœur se reposait — et qui se faisait jour quelquefois par des paroles comme celles-ci : « Père, je te rends grâces » — « Père, glorifie ton nom » — « Je ne suis pas seul, car le Père est avec moi » (Jean 11, 41 ; 12, 28 ; 16, 32). Ce sentiment de satisfaction en Dieu, séparé et indépendamment de tout autre chose, est le témoignage le plus précieux envers Dieu de la part de ses serviteurs, quelque chétive que soit la mesure dans laquelle nos pauvres faibles cœurs puissent le rendre. C’est une appréciation de Lui-même, fondée sur ce qu’Il a fait pour nous, mais qui dit en même temps quelle est la valeur et l’excellence de la personne, qui a ainsi agi en notre faveur.

Nous retrouvons, dans diverses parties des Écritures, les preuves du prix que Dieu attache à ce témoignage. Dans la consécration des sacrificateurs, par exemple, il n’était pas question de l’évangile, c’est-à-dire qu’il ne s’agissait d’aucun service envers l’homme, mais on reconnaissait, à cette occasion, devant Dieu, quelle plénitude de bénédictions on avait reçues, et c’était les mains remplies de ce qui les rappelait, que les sacrificateurs se présentaient devant l’Éternel. C’est ainsi que le ministère le plus excellent consiste à proclamer « les vertus de Celui qui nous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (1 Pier. 2, 9). La femme, qui mit en pièces sa fiole d’albâtre et oignit la tête de Jésus, cette femme était un sacrificateur ; ses mains étaient pleines des vertus de son Seigneur, et l’acte qu’elle accomplissait, disait à quel point elle reconnaissait Jésus pour ce qu’Il était. Tout serviteur de Dieu reconnaîtra, et est appelé à reconnaître, par un témoignage pratique, que Dieu est en Lui-même quelque chose de meilleur qu’aucune démonstration faite de Lui. Les œuvres et les voies de Jéhovah nous réjouiront et occuperont nos pensées, selon la mesure de spiritualité à laquelle nous sommes parvenus ; mais Jéhovah Lui-même peut seul satisfaire nos cœurs.

Après que David eut réussi d’une manière si remarquable, par la puissance de Dieu, à se frayer un chemin à travers tous les obstacles, jusqu’à la montagne de Sion, où il fut établi roi, il ne put trouver le repos dans l’accomplissement fidèle de son service. Il ne pouvait supporter la pensée d’être plus en honneur sur la terre que Dieu, et de demeurer dans une maison de cèdre, tandis que l’arche de l’Éternel n’était que sous des courtines. D’après son appréciation, le Seigneur était moins bien traité que lui. Cette pensée de David ne dénotait pas une pleine intelligence de celle de Dieu, car une époque de guerre n’était pas celle qui convenait à la glorification de Dieu sur la terre. Toutefois, ce sentiment de David fut agréable à Dieu, et il le reconnaît, en mettant dans le cœur de son serviteur cette conscience de proximité et d’intimité avec Lui-même, qui, plus que toutes choses, répondait à tous les désirs et à toutes les intentions de David. « David entra et se tint devant le Seigneur » [1 Chron. 17, 16]. — De plus, quoique l’honneur de bâtir un temple à Dieu fût refusé à David, il prépara pour sa construction des choses magnifiques. Si les circonstances et la nature de son service lui interdisaient d’élever une habitation au Seigneur, rien ne pouvait l’empêcher de faire travailler aux préparatifs de toute sa puissance. « J’ai », dit-il, « une grande affection pour la maison de mon Dieu » ; et « David eut une fort grande joie », tout en disant : « Toutes choses viennent de Toi, et les ayant reçues de Ta main, nous Te les présentons » (1 Chron. 29, 3, 9, 14).

Tout ceci doit nous faire comprendre de quelle plus grande valeur est le service accompli par dévouement pour le Seigneur, qu’accompli en vue des hommes seulement ; et nous voyons qu’il demeure un mémorial du premier, tandis que, quant à l’autre, après que nous avons fait tout ce qui nous a été commandé de faire, nous ne sommes, à nos propres yeux, que des serviteurs inutiles (Luc 17, 10). Sans doute le Seigneur récompensera aussi ce service-là, quand Il viendra en son jour, et qu’Il accueillera chacun de ses serviteurs fidèles par cette parole précieuse : « Bien, bon et fidèle esclave — entre dans la joie de ton Seigneur » (Matt. 25, 21) ; mais sans nul doute aussi, c’est en appréciant la personne de son Seigneur, que chacun d’eux aura été amené à faire abnégation de lui-même et à expérimenter la vérité de cette promesse : « il n’y a personne qui ait laissé maison, ou frères, ou sœurs, etc. pour l’amour de moi et de l’évangile, qui n’en reçoive maintenant, en ce temps-ci, cent fois autant » (Marc 10, 29, 30). En un mot, renoncer à quoi que ce soit pour le Seigneur, est plus excellent qu’aucun ministère. L’âme est alors sous la consécration de la sacrificature.

La pauvre veuve qui mit dans le trésor ses deux pites, toute sa subsistance [Marc 12, 42-44], attira immédiatement l’attention de Jésus, qui place son humble offrande au-dessus de toutes les autres. Dans la mesure de lumière et de connaissance qu’elle possédait, cette femme donnait tout ce qu’elle avait pour l’entretien du temple (figure de Christ), et montrait ainsi que son cœur était affectionné au Seigneur plus qu’à toute chose. Ce fut un rafraîchissement pour l’âme de Jésus, à cette dernière visite au temple ; de même, qu’à Béthanie, cette autre femme le réjouit encore par un acte de même nature, produit toutefois par une intelligence et une appréciation de Lui-même plus profondes et plus entières. En brisant le vase d’albâtre et en versant l’huile précieuse sur la tête de Jésus, elle déclarait que son cœur renonçait à toute joie terrestre, non pour un Christ vivant, dont le temple était le type, mais pour un Christ rejeté, et enseveli quant à ce monde. Elle prodiguait ce qui était rare et de grand prix, afin de mettre en relief et de commémorer ce qui allait passer devant les hommes inaperçu et inapprécié, c’est-à-dire la mort du Seigneur. Elle veut, dans un sens, partager avec Lui sa réjection, et ensevelir avec Lui toute distinction et toute gloire de la terre. Elle lui rend honneur, là où les hommes l’accablent d’outrages, et toutes ses ressources sont concentrées vers ce but.

Une autre fois elle s’occupera de l’évangile de l’amour de Christ, ce récit merveilleux, béni pour celui qui l’annonce comme pour celui qui l’écoute, mais dans ce moment, elle manifeste solennellement que Christ Lui-même est l’objet de son âme, au-dessus et au-delà de toute réquisition de service. Et comment le Seigneur accueille-t-Il sa déclaration silencieuse ? « Laissez-la, pourquoi lui donnez-vous du déplaisir ? » dit-Il, lorsque les autres la reprennent. Il ne veut pas qu’elle soit troublée ou affligée dans l’accomplissement d’un acte, dont son cœur à Lui lui sait tant de gré. Les hommes peuvent considérer ce qu’elle fait comme étant « une perte », le cœur de Jésus lui en tient compte, et Il commande qu’on s’en souvienne « en mémoire d’elle ».

C’est ainsi que l’apôtre Paul, dans sa prison à Rome, dit : « J’ai le désir de déloger et d’être avec Christ, ce qui est beaucoup meilleur » (Phil. 1, 23), meilleur que tout, malgré que nul n’ait servi avec plus de zèle que lui. Mais il place une plus entière jouissance de Christ au-dessus de tout ministère. Il avait souffert la perte de toutes choses pour Christ ; c’était là le témoignage qu’il avait rendu, le plus doux pour le cœur du Seigneur, et qui devait être commémoré partout où son évangile sera annoncé dans tout son entier.

Combien ceci est différent des vues qui prédominent de nos jours, vues d’autant plus subversives, qu’elles sont, en apparence, louables. Je veux parler de la tendance de s’occuper exclusivement du service de l’homme. L’évangile même est sans cesse mis en avant pour produire ce service, tout à fait bon en lui-même sans doute, sauf en ce qu’il est exclusif, c’est-à-dire, qu’il n’a en vue que l’homme seulement, en refusant au Seigneur l’onction du parfum de grand prix, sous prétexte de le donner aux pauvres. En un mot, lorsque tant de choses sont faites en vue de l’homme, il n’en est point fait qui montre que le cœur sache apprécier un Christ rejeté, dont le dernier témoignage devant le monde a été Sa mort. Il est peu visible que le cœur ait renoncé à toute louange, à toute distinction humaines, par dévouement à Christ, s’associant à Lui, et rendant hommage au dernier grand acte de sa vie sur la terre. Le fait même que le Seigneur, ainsi rejeté, a quitté ce monde, devrait flétrir pour nous tout ce qui s’y trouve, et nous faire ensevelir avec Lui tout ce qui par nature a quelque charme et quelque attrait.

Prenons donc garde, qu’en prêchant l’évangile, nous ne négligions de mentionner ce que Jésus Lui-même y a attaché comme un « mémorial », méprisant ainsi la parole de notre Seigneur.