Dieu en tout

L’habitude de voir Dieu en toutes choses est des plus profitables pour aider le chrétien à endurer les épreuves qu’il rencontre. Il n’est point de circonstance, quelque ordinaire ou même triviale qu’elle soit, qui ne puisse être considérée comme un messager venant de Dieu, si du moins l’oreille est circoncise pour entendre, et l’entendement assez spirituel pour comprendre le message. Si nous perdons de vue cette précieuse vérité, la vie, à beaucoup d’égards, ne sera qu’une carrière monotone, ne nous offrant presque rien autre qu’une suite d’événements journaliers sans intérêt. D’un autre côté, si nous pouvions seulement nous rappeler, chaque matin, avant de commencer notre travail du jour, que la main de notre Père peut être discernée et suivie dans tous les détails d’une journée — si nous savions voir, dans les plus petites aussi bien que dans les plus importantes circonstances, des traces de la puissance divine, comme l’histoire de chacun de nos jours serait intéressante pour nous !

Le livre de Jonas, le prophète, est une illustration des plus frappantes de cette vérité. Nous y apprenons, ce dont nous avons tant besoin d’être pénétrés, qu’il n’est rien de petit, rien de purement ordinaire pour le chrétien ; que, dans un sens, tout est extraordinaire. Les choses les plus communes, les événements les plus simples nous présentent, dans l’histoire de Jonas, les preuves évidentes d’une intervention spéciale de Dieu ; il en serait probablement de même dans notre propre histoire, si elle était écrite sous l’inspiration du Saint Esprit. Pour discerner ce caractère si instructif, il n’est pas nécessaire de faire une exposition détaillée du livre de Jonas ; il suffit presque d’y relever une expression, qui y revient fréquemment, celle de : « l’Éternel prépara, ou avait préparé ».

Le fils d’Amitthaï, pour se soustraire à la mission dont Dieu l’avait honoré, se lève pour s’enfuir en Tarsis de devant la face de l’Éternel [Jon. 1, 3]. Insensé, qui aurait dû se dire au contraire : « Où irai-je loin de son Esprit, et où fuirai-je loin de ta face ? » [Ps. 139, 7]. Quelle folie à l’homme de penser qu’il peut se cacher ou s’éloigner de manière à se dérober à la vue de Celui dont « les yeux sont sur les voies de chacun, et qui regarde tous leurs pas » (Job 34, 21).

Arrivé à Japho, le prophète trouve un navire en partance. Satan tient toujours à la disposition du serviteur de Dieu qui s’égare les moyens de s’égarer toujours plus, mais ici l’ennemi fait une œuvre qui le trompe. Jonas s’embarque, mais l’Éternel, qui voit, qui suit son infidèle serviteur et qui veut le ramener, « éleva un grand vent sur la mer » [Jon. 1, 4] ; il y avait dans ce vent une voix solennelle pour l’oreille du prophète, si celui-ci eût veillé pour l’entendre. Jonas était celui qui avait besoin d’enseignement et de répréhension, c’était à lui que ce message était envoyé. Les pauvres marins, païens, sans doute, avaient souvent déjà été exposés à la tempête ; pour eux il n’y avait là rien de nouveau — rien d’extraordinaire — rien de plus que ce qui arrive à tous ceux qui naviguent sur les grandes eaux ; mais il se trouvait à bord un individu pour qui « le grand vent » était quelque chose de spécial et d’extraordinaire, et pourtant, tandis que, dans leur angoisse à la vue du danger imminent qui les menace, tous les mariniers crient à leurs dieux, cet individu, Jonas, dormait profondément au fond du navire. On l’éveille, on l’interroge, il est forcé de confesser sa prévarication et de reconnaître que c’est à cause de lui que cette grande tourmente est venue sur eux. « Prenez-moi, leur dit-il, et jetez-moi dans la mer, et la mer s’apaisera » [Jon. 1, 12]. En vain, les matelots, qui répugnent à sacrifier leur compagnon de voyage, font tous leurs efforts pour lutter contre la tempête et gagner la terre ; tout est inutile tant que le message du Seigneur n’a pas atteint les oreilles et le cœur de celui à qui il était envoyé, et qui aurait pu dire encore : « Si je monte aux cieux, tu y es ; si je me couche dans le sépulcre, t’y voilà. Si je prends les ailes de l’aube du jour et que je me loge au bout de la mer, là même ta main me conduira, et ta droite me saisira » [Ps. 139, 8-10].

En continuant à suivre Jonas, nous trouvons un nouvel exemple de la vérité ou du fait que nous avons formulé en ces termes : « Dieu en tout ». Il est placé dans des circonstances tellement extraordinaires que jamais personne autre n’a passé par le même chemin ; cependant il n’est pas hors de la portée des messages de Dieu. Le chrétien ne peut jamais, non plus, se trouver dans une position où la voix de son Père ne puisse atteindre son oreille, où la main de son Père ne puisse se faire voir ; car sa voix peut être entendue, sa main peut être discernée en toutes choses.

Ainsi quand Jonas a été jeté à la mer, « l’Éternel avait préparé un grand poisson pour engloutir Jonas » [Jon. 2, 1], qui demeure trois jours et trois nuits dans le ventre du cétacé. Ici encore, nous voyons qu’il n’y a rien d’insignifiant dans la vie d’un serviteur de Dieu. Un grand poisson n’était pas une chose rare ; il y en avait un grand nombre dans la mer ; néanmoins Jéhovah en prépare un tout exprès pour Jonas, afin que ce monstre aussi fût un message de Dieu pour son âme.

Là, dans le sein de ce sépulcre, au cœur de la mer, environné de l’abîme, le prophète rentre en lui-même et revient à Dieu. Il sent son péché, le confesse et fait sa prière à l’Éternel, avec l’assurance que cette prière parvient jusqu’au palais de sa sainteté et que déjà elle est exaucée. Maintenant il reconnaît que c’est une complète folie de penser que l’homme puisse se cacher aux yeux de Dieu ; maintenant il peut répéter, toujours avec le psaume 139 qui a tant d’analogie avec l’histoire du fils d’Amitthaï : « Si je dis : Au moins les ténèbres me couvriront, la nuit même sera une lumière tout autour de moi », et avec d’autres écritures : « Il n’y a ni ténèbres, ni ombre de mort, où se puissent cacher les ouvriers d’iniquité » (Job 34, 22) ; et encore : « Quand ils auraient creusé jusqu’aux lieux les plus bas de la terre, ma main les enlèvera de là, et quand ils monteraient jusqu’aux cieux, je les en ferai descendre… et quand ils se seraient cachés de devant mes yeux au fond de la mer, je commanderai au serpent de les y mordre » (Amos 9, 2, 3). Un jour, bientôt peut-être, pensée solennelle ! les rois de la terre, les princes, les riches, les capitaines, les puissants, les esclaves et tout homme libre se cacheront dans les cavernes et entre les rochers des montagnes, et diront (hélas ! en vain) aux montagnes et aux rochers : « Tombez sur nous et nous cachez de devant la face de Celui qui est assis sur le trône, et de devant la colère de l’Agneau, car le grand jour de sa colère est venu ; et qui pourra subsister ? » (Apoc. 6, 15-17).

Jonas est délivré, et voici comment : « L’Éternel commanda au poisson, et il vomit Jonas sur le sec » [Jon. 2, 11]. L’homme de Dieu s’acquitte maintenant de son message : il dénonce à Ninive, la grande ville, une prochaine destruction. Alors les hommes de Ninive crient à Dieu, publient le jeûne, se convertissent, et Dieu se repent du mal qu’il avait dit qu’il leur ferait et ne le fit point.

Cela déplaît extrêmement au prophète que, au chapitre 4, nous voyons, plein de dépit et de colère, oser se plaindre de ce que l’Éternel est miséricordieux, pitoyable, tardif à colère, abondant en grâce, et se repentant du mal dont il a menacé ; il demande au Seigneur de lui ôter la vie. Irrité, il sort de la ville et s’assied du côté de l’orient de Ninive et se fait une cabane. Il semble avoir oublié la leçon qu’il avait apprise pendant son séjour de trois jours au fond de la mer ; aussi a-t-il besoin d’un nouveau message de la part de Dieu, « et l’Éternel Dieu prépara une plante de ricin, qu’il fit croître au-dessus de Jonas, afin qu’elle lui fît ombre sur la tête et qu’elle le délivrât de son mal » [Jon. 4, 6]. Ceci encore est plein d’instruction pour nous. Il n’y avait assurément rien d’extraordinaire dans le simple fait de l’existence d’une plante de ricin ; d’autres auraient pu trouver plusieurs de ces plantes qui, dans les pays chauds, s’élèvent jusqu’à six mètres de hauteur ; ils auraient pu s’asseoir sous l’ombrage que procurent leurs grandes feuilles palmées et fraîches, et ils n’eussent vu là rien de merveilleux. Mais le ricin de Jonas portait les traces de la main de Dieu, et il forme un anneau — un important anneau, dans la chaîne des circonstances, par lesquelles, selon les conseils de Dieu, le prophète passait alors. Or le ricin, de même que précédemment le grand poisson — quoique d’une tout autre nature — était, lui aussi, un messager de Dieu pour son âme. Aussi « Jonas se réjouit extrêmement du ricin » [Jon. 4, 6]. Il avait naguère demandé la mort, mais cette demande était le résultat de l’impatience et du dépit, plutôt que d’un saint désir de déloger pour être toujours avec le Seigneur [Phil. 1, 23] et dans Son repos. C’était la douleur actuelle et non pas le bonheur à venir, qui lui faisait souhaiter de s’en aller. Il en est fréquemment de même pour nous. Il nous arrive souvent de désirer être délivrés de la peine présente qui nous oppresse, mais dès que cette peine est dissipée, le désir disparaît aussi. Si c’était la venue de Jésus Christ et la gloire de Sa présence que nous attendions, les circonstances diverses n’auraient pas le pouvoir d’altérer en rien ce désir ; nous souhaiterions tout aussi ardemment de sortir du milieu des jours de bien-être et de soleil, que de ceux de brouillard, d’orage et d’affliction. Jonas, assis à l’ombre du ricin, ne pense plus à la mort, et le fait même de la joie extrême qu’il en ressent, démontre combien il avait besoin de ce nouveau message de la part du Seigneur ; il servait à manifester le véritable état de son âme, alors qu’il prononçait ces paroles : « Maintenant donc, ô Éternel ! ôte-moi, je te prie, la vie ; car mieux vaut pour moi mourir que de vivre » [Jon. 4, 3]. Le Seigneur peut faire, même d’une plante, un instrument propre à manifester les secrets du cœur humain. Assurément le chrétien peut dire : « Dieu est en tout ». La tempête mugit, et la voix de Dieu est entendue ; un ricin pousse silencieusement, et la main de Dieu apparaît.

Toutefois le ricin n’était qu’un anneau dans la chaîne, car Dieu prépara pour le lendemain, lorsque l’aube du jour monterait, un ver [Jon. 4, 7]. Ce ver, quelque insignifiant qu’il pût être à vue humaine, n’en était pas moins tout autant un agent divin que « le grand vent » ou « le grand poisson ». Un ver, employé par le Seigneur, peut opérer des merveilles : il fit soudainement sécher le ricin de Jonas pour lui donner une sérieuse leçon — et cette sérieuse leçon, il nous la donne aussi. C’était, il est vrai, un agent bien misérable, dont la puissance dépendait de son union avec d’autres ; mais cela ne fait que nous offrir une preuve d’autant plus frappante de la grandeur de notre Père dans tous ses conseils. Il peut préparer un ver, et Il prépare ensuite un vent d’est étouffant [Jon. 4, 8], et les fait l’un et l’autre, quelque dissemblables qu’ils soient, concourir à l’accomplissement de ses grands desseins. En un mot, l’intelligence spirituelle voit Dieu en tout. Le ver, la baleine, la tempête, le vent d’orient, sont tous également des instruments entre Ses mains. Les plus chétifs, aussi bien que les plus grandioses agents, contribuent à Ses fins. Le vent d’orient n’aurait pas produit son effet, eût-il été même plus accablant encore, si tout d’abord le ver n’avait pas fait son œuvre. Tout cela est bien frappant. Qui eût jamais pensé qu’un ver et un vent d’orient pussent être des coopérateurs dans une œuvre de Dieu ? Et c’est cependant ce qui eut lieu. Grand et petit sont des termes en usage parmi les hommes, et qui ne peuvent avoir aucune application pour Celui qui « s’abaisse pour regarder aux cieux », aussi bien que « sur la terre » (Ps. 113, 6). Cieux et terre sont égaux pour Celui « qui est assis au-dessus du globe de la terre » (És. 40, 22). Jéhovah « compte le nombre des étoiles » (Ps. 147, 4) et, tout en le faisant, Il prend connaissance d’un passereau qui tombe en terre (Matt. 10, 29 ; Luc 12, 6). Il peut faire de la tempête son chariot et d’un cœur brisé sa demeure. Rien n’est grand ou petit pour Dieu.

C’est pourquoi il n’est, au fond, aucune chose que le croyant doive considérer comme purement ordinaire, car Dieu est en tout. Le chrétien peut, il est vrai, avoir à passer par les mêmes circonstances — à traverser les mêmes épreuves — à rencontrer les mêmes revers que d’autres hommes ; mais il ne doit pas les envisager de la même manière, ni les interpréter d’après les mêmes principes ; ils ne doivent pas non plus apporter à son oreille les mêmes accents. Il devrait discerner la voix de Dieu et prendre garde au message qu’Il nous envoie dans les moindres détails d’une journée, aussi bien que dans les plus graves conjectures. La désobéissance d’un enfant, ou la perte d’une fortune ; l’irrégularité d’un serviteur, ou la mort d’un ami devraient également être envisagés comme de divins messages, adressés à son âme. Si le facteur m’apporte une lettre ou un télégramme, avant de l’ouvrir, je dois penser : « Voyons ce que Dieu a à me dire ». Si l’on m’annonce une visite, je n’oublierai pas qu’elle m’apporte ou me demande quelque chose de la part de Dieu. Si j’ai égaré un objet quelconque, en le cherchant je puis aussi me demander si Dieu ne veut pas encore m’enseigner quelque chose par cet événement peu important en lui-même. Et à combien plus forte raison, dois-je me le demander dans les circonstances graves ?

Il en est de même encore, quand nous regardons autour de nous dans ce monde : Dieu est en toute chose ; le renversement des trônes, le bouleversement des empires, la famine, la peste, tout ce qui se passe parmi les nations offre des traces de la main de Dieu et a une voix pour l’oreille de l’homme. Le diable cherche à dépouiller le chrétien de ce qu’il y a de réelle douceur dans cette pensée ; il voudrait le pousser à croire que, tout au moins, les triviales circonstances de chaque jour ne présentent absolument rien qui ne soit tout ordinaire et entièrement semblable à ce qui arrive à d’autres hommes. Mais il ne faut pas plus lui céder sur ce point que sur tout autre. Il nous faut commencer, chaque matin, le cours de nos occupations, avec cette pensée profondément gravée sur notre esprit : Dieu est en tout. Le soleil qui parcourt l’étendue des cieux dans une éclatante splendeur, et le ver qui rampe le long du sentier, ont tous deux également été préparés par Dieu, et, de plus, ils pourraient, l’un comme l’autre, concourir au développement de ses inscrutables décrets.

Je voudrais encore rappeler, en terminant, que le seul être qui ait marché ici-bas dans la conscience habituelle de la précieuse et importante vérité dont nous venons de nous occuper, c’est notre divin Sauveur. En toutes choses, Il voyait la main du Père et entendait sa voix. Cela apparaît tout particulièrement dans les moments de Ses plus profondes souffrances. Lorsque tous Le méconnaissent, Le repoussent et s’endurcissent contre Ses appels de grâce et d’amour, en ce temps d’affliction pour Son âme aimante, Jésus lève les yeux au ciel et dit : « Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux petits enfants. Oui, Père, car c’est ainsi que tu l’as trouvé bon » (Matt. 11, 25, 26). Lorsque, la veille de Sa mort, Il se voit sur le point d’être abandonné par Ses bien-aimés disciples, auxquels Il dit : « L’heure vient où… vous me laisserez seul », Il ajoute aussitôt : « Mais je ne suis pas seul, car le Père est avec moi » (Jean 16, 32). Quand Il sort du jardin de Gethsémané, Il prononce ces mémorables paroles : « La coupe que le Père m’a donnée, ne la boirai-je pas ? » (Jean 18, 11). Ainsi Il reconnaît toujours de la manière la plus explicite, que Dieu est en tout.