Votre lettre nous a extrêmement intéressés. Peu de choses nous tiennent plus à cœur que le cas des esprits anxieux et chargés. Le travail d’émancipation et d’apaisement de ceux qui sont tels nous est devenu de plus en plus agréable. Les mots ne peuvent traduire convenablement combien nous désirons intensément être utilisés comme instruments de Dieu dans ce travail des plus plaisants. Nous sommes tout à fait persuadés que c’est une œuvre qui tient beaucoup au cœur de Christ. Comment pourrions-nous le mettre en question, en entendant des paroles telles que : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres ; il m’a envoyé pour publier aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue ; pour renvoyer libres ceux qui sont foulés » (Luc 4, 18). Et encore : « Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos » (Matt. 11, 28). Combien est précieuse la pensée de Dieu envoyant Son Fils et L’oignant du Saint Esprit, pour prêcher de bonnes nouvelles aux pauvres, pour apporter la guérison aux cœurs brisés, la vue aux aveugles, la délivrance aux captifs, la liberté aux opprimés, le repos à ceux qui sont fatigués ! Quelle consolation indicible pour quelqu’un qui se trouverait dans une de ces conditions !
Or cher ami, il semble très clair que vous êtes fatigué et lourdement chargé, et comme tel, vous êtes l’objet même du ministère de grâce du Seigneur Jésus Christ. Vous êtes un de ceux pour qui Il a été envoyé et pour qui Il a été oint du Saint Esprit. Nous n’avons pas le moindre doute que la racine de la chose est en vous. Les anxiétés mêmes que vous exprimez sont, à notre avis, la preuve d’un travail spirituel dans votre âme. Non pas que nous voulions que vous fondiez votre paix sur cela. Dieu nous en garde ! Si tous les anges dans le ciel et tous les hommes sur la terre devaient exprimer leur confiance dans le fait que vous êtes chrétien, ce pourrait être une consolation et un encouragement pour vous, mais cela ne pourrait jamais former la base de votre paix, en présence d’un Dieu saint qui hait le péché. Peu importe, comparativement, ce que pensent les hommes de vous ; la question est : Qu’est-ce que Dieu pense de vous ? Il vous a découvert. Il sait ce qu’il y a de pire en vous ; pourtant, Il vous aime et a donné Son Fils pour mourir pour vous. Voilà la seule base de la paix d’un pécheur. Dieu Lui-même a pourvu à votre cas. Il a été glorifié au sujet de vos péchés dans la mort de Son Fils. Ce que vous êtes n’importe pas le moins du monde. Vous dites que vous êtes quelquefois incapable de savoir sous quel éclairage vous considérer, si c’est comme un inconverti complet ou un apostat. En réalité, ce qui vous manque vraiment est d’en finir complètement avec vous-même. Quand vous en serez là, vous trouverez Dieu dans toute la plénitude de Sa grâce manifestée en Christ. Assurément, en avoir fini avec soi-même et trouver Christ, c’est le vrai moyen de trouver la paix.
Il nous semble que cette maladie spéciale dont vous souffrez est l’intense occupation de soi. C’est le cas de milliers de gens. Il est tout à fait juste que l’Esprit de Dieu nous exercera au sujet de notre condition et nous la fera juger, mais alors, c’est seulement dans le but de nous conduire au fond de tout cela, afin que nous puissions trouver un repos établi dans la plénitude et la suffisance de Christ. Ce genre d’exercice est très bon. Nous nous réjouissons de voir une âme dans un profond travail spirituel — plus il est profond, mieux c’est. Nous sommes d’avis que dans le labourage spirituel, plus le sillon est profond, plus la racine sera forte. Nous n’attachons pas beaucoup de valeur à un travail superficiel dans la conscience. Bien qu’il soit tout à fait vrai que nous ne sommes pas sauvés par un processus d’exercice du cœur ou de la conscience, nous avons cependant souvent remarqué que les personnes qui glissaient facilement et rapidement dans un certain sentiment de paix, étaient en danger d’en glisser dehors tout aussi rapidement, et de devenir aussi misérables qu’elles avaient été heureuses auparavant. Le péché doit être vu dans toute son immoralité, et plus tôt ce sera le cas, mieux cela vaudra, de manière à ce que l’ayant réellement jugé dans la conscience, nous puissions saisir un Christ complet et précieux comme réponse de Dieu à tout cela. Quand c’est le cas, le cœur jouit d’une paix plus solide, et qui demeure et n’est pas sujette à ces variations dont tant se plaignent.
Mais il y a une sorte d’occupation de soi dans laquelle Satan conduit le pécheur éveillé, dans le but de le tenir loin de Christ. Il faut s’en garder soigneusement. Nous comprenons qu’il a pris votre pied dans ce piège. Le style et le ton de votre lettre nous amènent à cette conclusion. Nous entrons pleinement dans votre cas. De fait, vous avez toute notre sympathie. Nous respectons profondément le sentiment qui vous conduit à vous absenter de la table du Seigneur, dans l’état actuel de votre âme. Nous le considérons comme bien supérieur à la légèreté, à la désinvolture et au formalisme froid avec lesquels tant s’approchent de cette institution sacrée. Loin de nous d’écrire une seule ligne qui aurait pour effet de vous enhardir à vous approcher de la cène du Seigneur dans une condition de cœur et de conscience malheureuse et fausse. Mais alors, nous voulons que vous compreniez l’évangile de la grâce de Dieu — le plein pardon de vos péchés, quelque amples et multipliés qu’ils soient, votre justification complète par la mort et la résurrection de Christ. Nous voulons que vous voyiez l’application de tout cela à votre propre âme, de manière à ce que vous puissiez, comme le pauvre homme d’Actes 3, vous lever de votre condition d’infirmité pour entrer dans le temple, sautant et marchant et louant Dieu. Soyez-en assuré, bien-aimé, c’est votre privilège. Rien n’entrave votre jouissance de ce moment, sinon l’incrédulité et le légalisme de votre propre esprit. L’ennemi voudrait vous garder occupé de vous-même, pour vous garder loin de Christ. Veillez sur cela. C’est un travail des plus désespérant et triste que de chercher quelque chose en soi-même. Regardez à Jésus. Vous trouverez en Lui tout ce dont vous avez besoin. Que la puissance du Saint Esprit remplisse toute votre âme de la plénitude et de la valeur précieuse de Christ, de manière à ce que vous entriez et demeuriez dans cette sainte et heureuse liberté, qui est la portion propre de chaque enfant de Dieu.
Vous serez de plus indulgent avec nous quand nous vous disons que nous discernons dans votre lettre une grande quantité d’éléments légaux. C’est un mal qui est haïssable à l’Esprit de Dieu et qui s’oppose à votre propre paix et consolation. Vous avez besoin de pénétrer et de respirer cette atmosphère aimable de la libre grâce — cette grâce qui règne par la justice pour la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur. Vous avez des pensées très indignes de l’amour de Dieu, parfait, éternel et qui ne change pas. Vous semblez mesurer Dieu selon les standards de vos propres pensées. Vous raisonnez au sujet de Dieu d’après ce que vous êtes, au lieu de croire ce que Dieu est pour vous. C’est une grave erreur, l’erreur de beaucoup. Nous sommes tous, plus ou moins, enclins à cette sérieuse erreur. Bien peu vivent dans la jouissance réelle du salut par grâce. Il y a continuellement le poids du moi dans une balance légale. Le principe de la loi est si profondément implanté dans le cœur, que rien sinon la puissance de l’Esprit de Dieu ne peut nous en délivrer et nous conduire dans l’intelligence pratique de cette déclaration brève mais très claire de l’apôtre : « Vous n’êtes pas sous la loi, mais sous la grâce » (Rom. 6).
Nous considérons qu’il est totalement impossible pour une âme de jouir d’une paix établie, aussi longtemps qu’elle est, dans une mesure quelconque, sous l’influence de ce principe légal. Il peut y avoir des rayons de soleil occasionnels, comme vous les décrivez dans votre propre expérience, mais il ne peut jamais y avoir la paix durable de l’évangile, aussi longtemps que la moindre trace de l’élément légal est autorisée à avoir autorité sur la conscience. La paix permanente ne peut découler que d’un sentiment profond, complet et pratique de la libre grâce, et du fait que cette libre grâce agit envers le pécheur sur la base établie de l’expiation accomplie.
Le légalisme dirigera toujours l’œil intérieur sur soi — oui, toujours et uniquement sur soi. Il nous conduira à mesurer notre position devant Dieu d’après nos progrès dans la sainteté personnelle, nos efforts, nos services, nos œuvres, nos voies, nos sentiments, nos ceci ou cela. Tout cela produit des ténèbres spirituelles, une sombre incertitude, un esclavage mental, une torture intense de l’âme, la dépression, l’irritabilité, un caractère aigri. Et ces choses en retour agissent sur tout notre être moral de façon très préjudiciable. Elles projettent leur influence démoralisante sur la vie et le caractère. L’hymne de louange joyeuse ne peut s’élever que par occasions. Le festin de la cène — ce mémorial très précieux de la rédemption accomplie — est abandonné, ou, s’il ne l’est pas, est pris sans fraîcheur, sans onction, sans puissance, sans élévation, ou sans profondeur du ton spirituel. De cette manière, Christ est déshonoré, le Saint Esprit est attristé, le témoignage est gâché, et la mesure du christianisme pratique est grandement abaissée. De plus, l’ennemi, nous trouvant dans cette condition d’âme, nous procure bien du travail en agissant de diverses manières sur nos convoitises et nos passions, qui ne trouvent de la force que dans le fait même que nous sommes sous la loi, car comme le dit l’apôtre : « la puissance du péché, c’est la loi ». Ainsi, l’histoire de l’âme est résumée en deux mots, à savoir « convoitise et loi », et on est renvoyé comme une balle de l’un à l’autre, jusqu’à ce que vienne la libre grâce pour délivrer des deux. La grâce vous donne puissance sur le péché, mais la loi donne puissance au péché sur vous. La grâce vous garde dans une position de victoire perpétuelle ; la loi vous garde dans une position de défaite continuelle.
Que le Seigneur vous amène, ainsi que tous les siens, à une compréhension plus claire de la grâce, de sorte que votre paix coule comme un fleuve, et que les fruits de la justice abondent à la louange de Son nom !
Nous n’en avons pas encore fini avec votre lettre, cher ami. Nous croyons y discerner un autre caractère vous concernant, qui tend à produire la dépression spirituelle dont vous vous plaignez. Si nous ne nous trompons pas, vous êtes affligé d’une conscience maladive et sombre. C’est un mal douloureux, un lourd fardeau, une très grande épreuve. Nous sympathisons profondément avec quiconque peine sous cette douloureuse maladie, car elle affecte non seulement soi-même, mais tous ceux avec qui l’on vient en contact. Il y a une grande différence, en effet, entre une conscience scrupuleuse ou exigeante, et une conscience délicate. La première est gouvernée par ses propres craintes ; la dernière, par la Parole de Dieu. La première induit la faiblesse et l’incertitude dans toutes les voies ; la dernière, une stabilité et une constance saintes. Nous pouvons difficilement imaginer un compagnon plus pénible qu’une conscience maladive et sombre. Elle crée toujours des difficultés pour celui qui la possède, et place des pierres d’achoppement sur son chemin. Mais une conscience délicate est inappréciable. Elle éprouve seulement ce qui doit être éprouvé. Son action est juste et saine. Elle ne recherche pas maladivement la cause du trouble et de la souillure, mais étant justement mise en œuvre par la Parole de Dieu appliquée par le Saint Esprit, elle donne une vraie réponse et s’acquitte ainsi avec vigueur des fonctions qui lui ont été divinement assignées.
Pensez, bien-aimé, à toutes ces choses, et tenez-vous en garde contre elles, et par-dessus tout, croyez à leur encontre. Débarrassez-vous de l’occupation de vous-même, élevez-vous au-dessus de vos craintes légales, et jetez loin de vous les opérations d’une conscience maladive. Soyez-en assuré, ce sont trois caractères de votre cas. Ce sont aussi les caractères de beaucoup — un cœur occupé de soi, un esprit légal, une conscience maladive. Terribles maux ! Que la puissance du Saint Esprit vous donne la pleine délivrance de ces trois agents efficaces du diable ! Qu’Il brise toute chaîne et vous donne de goûter la vraie douceur de la liberté spirituelle et de la communion de cœur avec un Dieu et Père réconcilié.
Ne vous harassez pas plus longtemps avec ces questions : « Suis-je une personne convertie ou un apostat ? ». En vous-même, vous n’êtes qu’une pauvre créature perdue, indigne et bonne à rien. Pourtant, Dieu constate Son amour envers vous en ce qu’Il a donné Son Fils unique pour porter votre malédiction et votre fardeau sur le bois. Rejetez-vous sur Son amour illimité, « une mer où nul ne peut sombrer ». Considérez que tout est accompli. La dette est payée. Satan est réduit au silence. La loi est magnifiée. Le péché est ôté. Dieu est satisfait, et même glorifié. Que voudriez-vous de plus ? Qu’attendez-vous ? Vous pourriez nous dire : « Je sais tout cela ». Vous dites dans votre lettre que vous « pouvez difficilement vous attendre à entendre quelque chose de plus que ce que vous avez déjà lu ». Eh bien, nous désirons que vous fassiez tout cela vôtre par une foi simple et enfantine. Nous désirons chasser de vous tout recoin légal, pour vous amener dans le plein éclat de l’amour divin et éternel. Rejetez loin de vous, nous vous en supplions, cher ami, tous vos raisonnements légaux, et cherchez à exercer un esprit croyant, qui prend simplement Dieu au mot et s’empare, sans question, de tout ce qu’Il donne. Nous ne voulons pas panser légèrement votre blessure ; crier : « paix, paix, quand il n’y a point de paix », ce serait de la cruauté plutôt que de la bonté. Mais nous désirons que vous « connaissiez les choses qui vous ont été librement données de Dieu », et qui sont aussi clairement révélées dans la Parole, qu’elles nous sont librement données par grâce. Nous avons hâte de vous voir aussi heureux que ce que l’évangile de la grâce de Dieu est propre à vous rendre. Alors, vous pourrez chanter des hymnes de louange et prendre votre place à la table du Seigneur dans une communion et une adoration heureuses, saintes et élevées.
Que notre bon Seigneur réponde à votre besoin actuel ! Qu’Il disperse, par les rayons brillants et bénis de Son amour, le sombre nuage qui s’est installé sur votre esprit, et qu’Il vous remplisse de toute joie et paix en croyant. Nous vous recommandons très affectueusement à Lui, Le priant de faire usage de tout ce que nous avons écrit pour bénir votre précieuse âme, et que Son nom reçoive toute la louange aux siècles des siècles.