Christ dans l’intérieur du voile et hors du camp

(Un mot sur Hébreux 10, 9 à 17)
C.H. Mackintosh

[Série de traités chrétiens n° 3]

« Alors il a dit : Voici je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté : il ôte le premier, afin d’établir le second. C’est par cette volonté que nous sommes sanctifiés, au moyen de l’offrande du corps de Jésus Christ, faite une seule fois.

Et tandis que tout sacrificateur se tient debout chaque jour, en exerçant son ministère et en offrant plusieurs fois les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais ôter les péchés, celui-ci, après avoir offert pour les péchés un seul sacrifice, s’est assis à perpétuité à la droite de Dieu, attendant désormais que ses ennemis soient mis pour marchepied de ses pieds. Car, par une seule offrande, il a consommé à perpétuité ceux qui sont sanctifiés. Et le Saint Esprit aussi nous en rend témoignage ; car, après avoir dit auparavant : Voici l’alliance que je ferai en leur faveur après ces jours-là, dit le Seigneur : en mettant mes lois dans leur cœur, je les écrirai aussi dans leurs entendements ; et je ne me souviendrai plus de leurs iniquités ».


Afin de pouvoir marcher en chrétiens dans ce monde, il faut que nous connaissions, par le Saint Esprit, que dans toutes nos voies, nous sommes un avec Christ et membres de Son corps. Étant donc placés dans le monde pour manifester Christ, notre force dans la marche ne consiste pas seulement à savoir que nous possédons, par Son précieux sang, le salut et une conscience purifiée. Ce qui distingue le témoignage du chrétien, c’est qu’il marche sur les traces de Christ : « Car pour moi, vivre c’est Christ » (Phil. 1, 21) ; et encore : « Je suis crucifié avec Christ, et je vis, non plus moi, mais Christ vit en moi ; et quant à ce que je vis maintenant en la chair, je vis par la foi (c’est-à-dire) par la foi au Fils de Dieu (littéralement : par celle du Fils de Dieu), qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi » (Gal. 2, 20). Ce qui signifie que la même foi par laquelle Jésus a marché dans le monde, est aussi celle par laquelle nous sommes appelés à vivre. C’est précisément aussi ce qui nous rend responsables de notre marche, de nos habitudes, de nos dispositions et de notre but. Réalisons-nous cette responsabilité : vivre pour Christ ? L’Église de Dieu est placée dans le monde, afin qu’elle y soit l’expression de Christ pendant Son absence. La conscience de bien des chrétiens se contente souvent de présenter l’Écriture sainte à un homme inconverti pour qu’il puisse y lire ce que Christ était. Mais tel n’est pas le but pour lequel Christ nous a laissés ici-bas après Lui. « Vous êtes notre lettre… connue et lue de tous les hommes… une lettre de Christ… » (2 Cor. 3, 2, 3). Sommes-nous une telle lettre, bien lisible ? Il ne s’agit pas, pour cela, qu’on vienne à moi avec la question : Quelle est ta profession de foi ? Quelles sont tes vues ? ou autres questions semblables. Si je ne suis pas l’expression de la pensée et de la marche de Christ, je suis une pierre d’achoppement plus que toute autre chose. Le chrétien doit être la vivante expression de Christ ; l’expression de Ses motifs, de Ses dispositions, de l’amabilité de Son caractère. Mais, hélas ! le christianisme consiste, en majeure partie, dans le genre et la manière de penser ; l’on est apprécié d’après ses opinions, d’après les formes auxquelles on est assujetti. Et cependant nous sommes appelés à vivre pour Christ auquel nous croyons. Nous sommes un avec Lui, et appelés à manifester ce qu’Il est. Or toute la puissance, par laquelle j’agis et par laquelle je dois manifester Christ, gît dans l’intelligence de ce fait, que je suis un avec Lui.

Les deux grands points d’appui de la marche avec Christ et de celle du croyant, en tant que un avec Lui, nous sont présentés dans l’épître aux Hébreux. Le premier de ces points est là où l’âme est introduite, « dans le sanctuaire ». Le Saint Esprit la conduit là et nous fait prendre place dans ce lieu béni : « Ayant donc, frères, assurance pour entrer dans le sanctuaire par le sang de Jésus, chemin nouveau et vivant qu’il nous a inauguré au travers du voile, c’est-à-dire de sa chair… » (Héb. 10, 19, 20).

La puissance de notre service raisonnable envers Dieu est l’intelligence de la parfaite purification de notre conscience. Plusieurs, ne comprenant pas ceci, s’efforcent d’atteindre à cette purification ; mais c’est là renverser l’ordre de Dieu de fond en comble. J’ai une conscience purifiée ou pure ; et maintenant je vais en avant, non pas pour l’obtenir, mais parce que je l’ai obtenue. Mais comment reçois-je une conscience pure ? Ce n’est pas par quelque chose que j’aie fait ; ni par mes dispositions et ma conduite, comme s’il s’agissait de quelque chose qu’il fallût atteindre ou trouver — le Saint Esprit nous enseigne que c’est par le sang de Christ. Il révèle la gloire de la personne de Christ, plus distinguée que celle des anges et de Moïse ; la gloire de Sa sacrificature, plus excellente que celle des sacrifices sous la loi. La conséquence de tout cela, c’est que nous avons une conscience purifiée et qu’Il nous a fait prendre place dans Son sanctuaire. La conscience purifiée n’est pas une chose qu’un chrétien possède, tandis qu’un autre doit chercher à l’obtenir ; mais c’est une grâce commune à tous les chrétiens ; tous ont une conscience purifiée. Quelques-uns pensent que le sang de Christ expie ceux de nos péchés qui ont été commis avant la conversion, et que les péchés commis depuis la conversion doivent être réparés par la sacrificature de Christ. Mais c’est ce que le Saint Esprit ne dit pas ; non, l’un et l’autre ont lieu par le sang de Christ. Nous sommes dans le sanctuaire avec une bonne conscience ; nous n’avons plus aucune conscience de péchés. Il est bien digne du sacrifice de Christ, que je possède une complète propitiation pour mes péchés et non une propitiation partielle. Le plus simple croyant est à jamais placé là où le souverain sacrificateur de l’ancienne alliance ne pouvait entrer qu’une fois l’année.

Lorsqu’on s’occupe un peu des âmes, on expérimente combien elles éprouvent de doute, d’obscurités, de crainte et d’angoisse et l’on voit ce qui les attriste. Si le sang de Christ fait quelque chose pour nous, c’est ceci : il nous fait prendre place, sans taches ni rides, dans le sanctuaire : « Ayant donc, frères, assurance pour entrer dans le sanctuaire, par le sang de Jésus,… entrons donc… » (Héb. 10, 19-22). Il n’y a ici aucune différence entre les apôtres et les autres croyants ; l’apôtre Paul et le brigand sur la croix, tous, en un mot, ont de la même manière une place commune au-delà du voile. Mais la sacrificature de Christ opère pour intervenir pratiquement en ma faveur là où le sang de Christ m’a placé, comme cela nous est révélé dans l’épître de Jean : « Si quelqu’un a péché nous avons un défenseur auprès du Père, Jésus Christ le juste (Jésus Christ à la droite de Dieu est le seul fondement de la justification). Et il est la propitiation (trône de grâce) pour nos péchés » (1 Jean 2, 1-2). Depuis que le sacrifice de Christ a été accompli, et que le Saint Esprit est sur la terre, il ne nous est jamais dit, dans le Nouveau Testament, que nous devions prier pour demander le pardon ; il n’y a rien de semblable pour le chrétien ; non, mais : « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice » (1 Jean 1, 9). Or, cette différence n’est point sans importance. Il est beaucoup plus facile pour un enfant en faute, de demander pardon que de confesser la faute. Nous pouvons demander pardon pour tel ou tel péché, mais nous ne trouvons dans l’Écriture aucune raison solide pour savoir s’il est ôté ; tandis que, si nous le confessons, c’est selon 1 Jean 1, 9, une affaire de foi que de savoir qu’il est ôté. Je parle ici des croyants ; quant à l’inconverti, il faut lui présenter la nécessité du sang de Christ : « Dieu est fidèle et juste (pas seulement clément et miséricordieux) pour nous pardonner les péchés ». Aussitôt que, pour ce qui me concerne, j’ai condamné ou confessé le péché, je dois savoir avec certitude qu’il est ôté. Admirable position, dans laquelle se trouve placé le disciple, dès qu’il est disciple ! — Entièrement lavé de ses péchés, avec une conscience purifiée, et placé dans la lumière devant la face de Dieu, sans éprouver la moindre crainte ! Mais quoi ! en restera-t-il là ? Non, c’est ici le fondement sur lequel est établie la piété, pour y être édifiée. Le légal et l’antinomien combattent tous deux ces vérités. Que dira le légalisme ? Tu dois faire en sorte de parvenir à l’adoption. L’évangile dit : Christ m’y a amené. Jamais je n’y aurais pu parvenir ; la loi l’a prouvé. Lorsque Dieu donna la loi, qu’est-ce qui fut manifesté ? « Tu feras ceci, tu ne feras pas cela » ; — le cœur humain fut manifesté pour ce qu’il est. Il était impossible que l’homme fît ce que Dieu lui disait qu’il devait faire — et impossible qu’il ne fût pas ce que Dieu lui disait qu’il ne devait pas être : « Car tous ceux qui sont des œuvres de loi, sont sous la malédiction » (Gal. 3, 10). Par les œuvres de la loi, je ne peux absolument jamais entrer dans le sanctuaire. J’y suis, en conséquence de ce que Christ a accompli sur la croix. Or, c’est précisément ce qui est écrit au commencement de l’épître aux Hébreux, chapitre 1, 3 : « … après avoir fait par soi-même la purification de nos péchés — il s’est assis à la droite de la Majesté dans les lieux hauts ». Pourquoi la Parole dit-elle : « il s’est assis » ? Pour attester de la manière la plus formelle que l’œuvre est parfaitement accomplie. Aaron ne s’asseyait jamais ; il n’y avait point de siège pour le sacrificateur, ni dans le tabernacle ni dans le temple.

Que dit aux hommes l’antinomien ou le contempteur de la loi (l’autre erreur) ? « J’ai, je possède tout en Christ » ; puis il s’en tient là. Mais il n’en est point ainsi ! L’évangile me place là, pour que je parcoure la bienheureuse carrière qui m’est proposée, ayant dans l’âme un ardent et sérieux désir de devenir conforme à Christ.

Je suis d’abord placé dans le sanctuaire ; puis hors du camp. S’agit-il de ma conscience ? Je trouve Christ dans l’intérieur du voile ; s’agit-il de mon cœur ? Je Le trouve hors du camp.

Il ne nous convient pas de nous contenter de puiser de la consolation dans la certitude que Christ est au-delà du voile ; je dois chercher à m’identifier ou à m’unir pratiquement avec Lui, hors du camp. Christ dans l’intérieur du voile apaise ma conscience ; Christ hors du camp vivifie et fortifie mon âme, afin que, dévoué pour Lui, je parcoure la carrière qui est devant moi : « Car quant aux animaux dont le sang est apporté au sujet du péché dans le sanctuaire par le souverain sacrificateur, leurs corps sont consumés hors du camp ; c’est pourquoi aussi Jésus, afin qu’il sanctifiât le peuple par son propre sang, a souffert hors de la porte. Ainsi donc sortons vers lui hors du camp, en portant son opprobre » (Héb. 13, 11-13).

Au point de vue moral, il n’y a pas deux endroits plus éloignés l’un de l’autre que « dans le sanctuaire » et « hors du camp » ; cependant ils sont ici rapprochés. Dans l’intérieur du voile habitait la schéchinah de la gloire de Dieu ; hors du camp on brûlait le sacrifice pour le péché. Aucun autre lieu n’offre l’image de l’éloignement de Dieu autant que ce dernier. Bienheureux sommes-nous de savoir que le Saint Esprit nous montre Jésus comme Celui qui remplit l’intervalle qui existe entre ces deux points. Nous n’avons, pour ainsi dire, rien à faire avec le camp. Le camp d’Israël, ainsi que la ville de Jérusalem son antitype, était l’endroit de la profession extérieure. C’est pourquoi aussi Jésus a souffert hors de la porte, pour montrer que l’ordre de la profession extérieure d’Israël était mis de côté.

Nous devons avoir compris que l’œuvre de Christ pour nous a eu lieu (et Dieu veuille empêcher que quoi que ce soit obscurcisse pour nous cette bénédiction) ; nous devons encore avoir compris que notre conscience est purifiée ; mais le repos de la conscience est-il la seule chose dont j’aie besoin ? N’y a-t-il point de devoir ? Ne devons-nous prêter l’oreille qu’à la voix de Christ, nous parvenant de l’intérieur du voile, et faire peu de cas de la voix qui nous appelle hors du camp ? Si l’on pèse exactement tout, on trouvera que la joie, la paix, la liberté qui découlent de l’attention que nous prêtons à la voix de Christ au-dedans du voile, se lient d’une manière très intime à notre obéissance à Sa voix hors du camp. Ceux qui sont le plus exercés à souffrir avec Christ et à porter Son opprobre seront aussi ceux qui connaîtront le plus de la bénédiction de Sa position dans l’intérieur du voile. Notre train de vie, notre chemin à travers le désert ; bref, tout doit être mis à l’épreuve par le moyen de Christ : Christ serait-Il là ? Christ ferait-Il cela ? Le Saint Esprit est nécessairement contristé lorsqu’un saint suit une autre voie que celle que Christ aurait suivie, et si un saint fait cela, il faut que son âme soit languissante et asséchée. Si le Saint Esprit est contristé, comment témoignerait-Il de Christ ? Comment pourrait-Il gratifier l’âme de la puissance, de la joie et de la paix du témoignage qu’Il rend au sujet de Christ ? Quel est celui qui pourrait avoir la jouissance de Christ sans marcher avec Lui ? Nous savons bien que nous ne pouvons pas jouir de la communion de quelqu’un, sans être là où il est. Où donc est Christ ? Hors du camp ! Sortons donc vers Lui, hors du camp, en portant Son opprobre. Ce n’est pas là sortir vers des hommes, vers des opinions, vers un parti ecclésiastique, vers des symboles. Non, c’est sortir vers Christ. Nous ne sommes pas du monde ; et pourquoi ? Parce que Christ n’est pas du monde. La mesure de la séparation de Christ d’avec le monde est aussi la mesure de notre séparation d’avec le monde : « Car nous n’avons point ici une cité permanente ». Nos cœurs cherchent-ils, ici-bas, une telle cité, un état de choses durable, ou quoi que ce soit de pareil ? Cherchons-nous quelque chose pour nous y attacher ? Disons-nous comme Lot, qui contestait avec Dieu, devant Tsoar : « Vois donc, cette ville est proche pour m’y enfuir, et elle est petite ; je te prie, que je m’y sauve : n’est-elle pas petite ? et mon âme vivra » (Gen. 19, 20). S’il en est ainsi, notre cœur, comme celui de Lot, est encore lié à quelque chose dans le monde. Lorsque le cœur est plein de Christ, il peut abandonner le monde et n’y trouve plus, alors, aucune difficulté. Il ne sert de rien de dire simplement, à quelqu’un qui aime le monde : Laisse ceci ou cela ! Ce que j’ai à faire, c’est de présenter Christ à une telle âme.

Je suis hors du camp, cherchant une cité à venir et attendant Celui qui vient. Dans cette position hors du monde et de son système, je me trouve dans deux relations : l’une avec Dieu, l’autre avec les hommes. Premièrement : « Offrons donc continuellement à Dieu par son moyen un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui bénissent son nom » (Héb. 13, 15). Secondement : l’aimable description tracée par l’Esprit, de l’exercice de la bienveillance : « Et n’oubliez pas la bienfaisance et la communication de vos biens ; car Dieu prend plaisir à de tels sacrifices ».

Je suis avec Christ dans l’intérieur du voile et hors du camp, dans le monde, « portant son opprobre » ; et ainsi, affranchi de la profession qui m’entoure, je m’occupe d’adorer et de faire du bien à tous.

Quant à mon attente, elle ne consiste point, comme on a coutume de le dire, « en ce qui concerne la doctrine de la seconde venue » ; mais j’attends des cieux le Fils de Dieu. Ce n’est point une question morte et vaine. Si nous attendons, en effet, le Fils de Dieu venant des cieux, nous serons détachés du monde.

J’ai Christ pour les besoins de mon âme et j’attends maintenant, uniquement, le Fils de Dieu venant des cieux ; j’attends seulement que Christ vienne du ciel pour prendre à Lui Son Église, afin que là où Il est, nous y soyons aussi ; et cela peut déjà arriver ce soir même. Je ne m’inquiète pas de l’antichrist, des signes du temps, des agitations des peuples, mais seulement de la bienheureuse arrivée du Fils de Dieu venant des cieux. Oh ! puissions-nous ne pas lutter contre nous-mêmes pour saisir Christ d’une main, tout en retenant le monde de l’autre. Si nous reconnaissons notre position « dans l’intérieur du voile », il faut que nous la connaissions aussi « hors du camp ». Fussions-nous même méprisés, haïs et déshonorés par tous ceux qui ne sont pas hors du camp, nous n’en sommes pas moins dans la joie de la communion avec Lui. Ainsi « lorsque le Christ, notre vie, sera manifesté, alors vous serez aussi manifestés avec Lui, en gloire » (Col. 3, 4).