Christ dans la nacelle

Marc 4, 35 à 41
C.H. Mackintosh

[Consolation et encouragement n° 16]

Il y a un proverbe anglais qui dit : « Un extrême besoin chez l’homme est une opportunité pour Dieu ». Nous aimons à le répéter, car nous le croyons ; et pourtant, lorsque nous nous trouvons réduits à l’extrémité, nous sommes très souvent peu préparés à compter sur l’opportunité de Dieu. C’est une chose d’affirmer ou d’écouter une vérité, et une autre chose de réaliser la puissance de cette vérité ; une chose, en naviguant sur une mer calme, de parler de la puissance de Dieu pour nous garder de la tempête, et une autre chose de mettre cette puissance à l’épreuve lorsque la tempête sévit autour de nous. Et cependant, Dieu est toujours le même. Dans la tempête comme dans le calme, dans la maladie comme dans la santé, dans l’épreuve comme dans la prospérité, dans la pauvreté comme dans l’abondance, « le même hier, et aujourd’hui, et éternellement » — la même précieuse vérité, à laquelle la foi peut s’attacher pour en faire usage, en tout temps et en toutes circonstances.

Mais, hélas, nous sommes incrédules ! Et cette incrédulité est la source de faiblesses et de chutes. Nous sommes perplexes et agités, lorsque nous devrions être calmes et confiants ; nous travaillons toute la nuit à jeter le filet de côté et d’autre, lorsque nous devrions demander la direction d’en haut ; nous cherchons du secours autour de nous, lorsque nous devrions regarder à Jésus. Et de cette manière, nous faisons une grande perte et nous déshonorons le Seigneur dans nos voies. Il y a, sans doute, peu de manquements pour lesquels nous avons à nous humilier plus que pour notre tendance à manquer de confiance dans le Seigneur quand les difficultés et les épreuves se présentent ; et certainement nous affligeons le cœur de Jésus en manquant de confiance en Lui, car la méfiance blesse toujours un cœur qui aime. Considérez, regardez par exemple, la scène entre Joseph et ses frères, en Genèse 50 : « Et les frères de Joseph virent que leur père était mort, et ils dirent : Peut-être Joseph nous haïra-t-il, et ne manquera-t-il pas de nous rendre tout le mal que nous lui avons fait. Et ils mandèrent à Joseph, disant : Ton père a commandé, avant sa mort, disant : Vous direz ainsi à Joseph : Pardonne, je te prie, la transgression de tes frères, et leur péché ; car ils t’ont fait du mal. Et maintenant, pardonne, nous te prions, la transgression des serviteurs du Dieu de ton père. Et Joseph pleura quand ils lui parlèrent » (Gen. 50, 15-18).

C’était bien peu en retour de tout l’amour et des soins que Joseph avait témoignés à ses frères. Comment pouvaient-ils supposer que lui, qui les avait si librement et si pleinement pardonnés, et qui avait sauvé leurs vies quand elles étaient entièrement en son pouvoir, voudrait, après tant d’années de bonté, tourner contre eux sa colère et sa vengeance ? C’était un tort grave, et il n’y a pas à s’étonner si « Joseph pleura quand ils lui parlèrent ». Quelle fut la réponse à leur indigne crainte et leur noir soupçon ? Un torrent de larmes ! Tel est l’amour ! « Et Joseph leur dit : Ne craignez point ; car suis-je à la place de Dieu ? Vous aviez pensé du mal contre moi ; Dieu l’a pensé en bien, pour faire comme il en est aujourd’hui, afin de conserver la vie à un grand peuple. Et maintenant, ne craignez point ; moi, je vous entretiendrai, vous et vos petits enfants. Et il les consola, et parla à leur cœur » (Gen. 50, 19-21).

Il en fut de même pour les disciples dans la circonstance qui fait le sujet de cette étude. Méditons un peu les passages.

« En ce jour-là, le soir étant venu, il leur dit : Passons à l’autre rive. Et ayant renvoyé la foule, ils le prennent dans la nacelle comme il était ; et d’autres nacelles aussi étaient avec lui. Et il se lève un grand tourbillon de vent, et les vagues se jetaient dans la nacelle, de sorte qu’elle s’emplissait déjà. Et il était, lui, à la poupe, dormant sur un oreiller ».

Nous avons ici une scène intéressante et instructive. Les pauvres disciples sont réduits à l’extrémité : ils sont à bout de ressources. Une violente tempête — la nacelle remplie d’eau — le Maître endormi. C’était vraiment un moment d’épreuve, et certainement, si nous nous considérons nous-mêmes, nous ne nous étonnerons pas de la crainte et de l’agitation des disciples. Il est bien probable que nous n’eussions pas agi autrement qu’eux si nous avions été à leur place. Néanmoins, le récit ayant été écrit pour notre enseignement, nous sommes tenus de l’étudier et de chercher à apprendre la leçon qu’il contient pour nous.

Si, en dehors de toute agitation, nous considérons les faits, rien ne nous paraît plus absurde et plus irrationnel que l’incrédulité. Dans la scène placée devant nous, l’incrédulité des disciples semble déraisonnable. En effet, était-il possible que la barque pût être submergée puisqu’elle portait le Fils de Dieu Lui-même ? Et pourtant, c’était ce qu’ils craignaient. Sans doute qu’en ce moment-là, ils ne pensaient pas qu’Il était le Fils de Dieu. Leur cœur était rempli d’effroi : les vagues menaçaient d’engloutir la frêle embarcation. Au point de vue humain, ils étaient perdus ; c’était un cas désespéré. Un cœur incrédule raisonne toujours ainsi. Il regarde aux circonstances en laissant Dieu de côté. La foi, au contraire, regarde à Dieu en considérant les circonstances à la lumière de la Parole.

Quelle différence ! La foi trouve sa jouissance dans l’extrémité de l’homme, simplement parce qu’elle est une opportunité pour Dieu. La foi se plaît à se concentrer en Dieu — à se trouver, pour ainsi dire, sur ce terrain vide de la créature, pour laisser Dieu déployer Sa gloire : et c’est alors le moment de multiplier les « vases vides » afin que Dieu les remplisse. Telle est la foi. Nous pouvons affirmer qu’elle aurait permis aux disciples de s’endormir à côté de leur divin Maître au milieu de la tempête. C’était, d’autre part, l’incrédulité qui les tenait en émoi ; ils ne pouvaient eux-mêmes trouver du repos, et ils troublèrent effectivement le sommeil du Seigneur à cause de leurs appréhensions incrédules, lorsque, fatigué par un travail accablant, Il aurait voulu profiter de cette traversée pour se reposer quelques instants. Il savait ce qu’était la fatigue. En entrant dans nos circonstances, Il eut occasion de prendre connaissance de nos sentiments et de nos infirmités, ayant été tenté en toute chose, à part le péché.

Il a été trouvé comme un homme sous tous les rapports, et comme tel Il dormait sur un oreiller, bercé par les vagues de la mer. Les vents et les flots heurtaient la nacelle, quoique le Créateur fut à bord dans la personne de ce serviteur accablé et endormi.

Mystère profond ! Celui qui avait fait la mer, et qui pouvait tenir les vents dans Sa main puissante, dormait là, au fond de la barque, et permettait au vent de Le traiter sans plus d’égards que s’Il eût été un homme quelconque. Telle était réellement la nature humaine de notre précieux Seigneur. Il était fatigué, Il dormait, Il se laissait ballotter au sein de cette mer que Ses mains avaient faites. Ô lecteur, arrête-toi, et médite sur cette scène merveilleuse. Considère-la et penses-y. Nous ne pouvons pas nous y attarder davantage, mais nous l’admirons en adorant.

Comme nous l’avons dit, ce fut l’incrédulité qui fit sortir notre Seigneur béni de Son sommeil. « Ils le réveillèrent et lui dirent : Maître, ne te mets-tu pas en peine que nous périssions ? ». Quelle question ! « Ne te mets-tu pas en peine ? ». Comme elle doit avoir blessé le cœur sensible du Seigneur ! Pouvaient-ils penser qu’Il fût indifférent à leur angoisse dans le danger ? Ils devaient avoir perdu complètement de vue Son amour, pour ne rien dire de Sa puissance, puisqu’ils osaient Lui adresser ces paroles : « Ne te mets-tu pas en peine ? ».

Et cependant, cher lecteur chrétien, n’avons-nous pas ici un miroir qui reflète notre propre misère ? Certainement. Combien souvent dans des moments d’épreuve et de détresse, nos cœurs conçoivent, si nos lèvres ne l’expriment pas, la question : « Ne te soucies-tu pas ? ». Il se peut que nous soyons sur un lit de maladie et de souffrance ; nous savons qu’une seule parole du Dieu de toute puissance pourrait chasser le mal et nous relever ; et cependant, cette parole, Il la retient. Ou bien nous sommes dans des difficultés pécuniaires ; nous savons que l’or, l’argent et le bétail, sur mille collines, appartiennent à Dieu — que les trésors mêmes de tout l’univers sont sous Sa main : — cependant, un jour succède à l’autre jour, et nos soucis ne sont pas allégés. En un mot, nous passons par des eaux profondes, d’une façon ou de l’autre ; la tempête se déchaîne, vague sur vague menace notre frêle esquif, nous sommes amenés à l’extrémité, nous sommes à bout de ressources, et nos cœurs sont prêts à s’écrier : « Ne te soucies-tu pas ? ». Hélas ! en y songeant, on se sent profondément humilié. La pensée d’attrister le cœur plein d’amour de Jésus par notre incrédulité et notre manque de confiance devrait nous remplir d’une profonde contrition.

Et encore, quelle folie, celle de l’incrédulité ! Comment peut-Il, Celui qui a donné Sa vie pour nous — qui laissa Sa gloire et descendit dans ce monde de labeur et de misère et mourut d’une mort ignominieuse pour nous délivrer d’une mort éternelle — comment peut-Il ne pas avoir soin de nous ? Nous sommes cependant prêts à douter, ou bien nous devenons impatients sous l’épreuve de notre foi, oubliant que cette épreuve même que nous appréhendons et que nous voudrions éviter est plus précieuse que celle de l’or, qui est sujet à se consumer par l’usure, tandis que l’autre demeure pour Dieu une impérissable réalité. La foi vraie, plus elle est éprouvée, plus elle devient brillante ; de là le pourquoi de l’épreuve ; plus elle est pénible, plus sûrement elle donnera louange, honneur et gloire à Celui qui, non seulement a implanté la foi dans le cœur, mais qui sait l’épurer par le feu de l’épreuve avec soin et persévérance.

Mais les pauvres disciples faillirent à l’heure de l’épreuve. La confiance leur fit défaut ; ils tirèrent leur Maître de Son sommeil par cette indigne question : « Ne te mets-tu pas en peine que nous périssions ? ». Hélas ! quelles créatures nous sommes ! Nous sommes prêts à oublier dix mille bontés en présence d’une seule difficulté. David put dire : « Maintenant, je périrai un jour par la main de Saül » ; et quelle fut l’issue pour lui ? Saül tomba sur la montagne de Guilboa, et David fut établi sur le trône d’Israël. Élie s’enfuit pour sa vie à la menace de Jézabel, et qu’arriva-t-il ? Jézabel fut jetée par la fenêtre de sa chambre et les chiens léchèrent son sang, et Élie fut enlevé par un chariot de feu et porté au ciel. Il en fut de même avec les disciples : ils pensaient qu’ils étaient perdus, tout en ayant à bord le Fils de Dieu ; et quel fut le résultat ? La tempête fut réduite au silence, la mer redevint calme au son de la voix qui, anciennement, appela les mondes à l’existence. « Et s’étant réveillé, il reprit le vent, et dit à la mer : Fais silence, tais-toi ! Et le vent tomba, et il se fit un grand calme ».

Quelle combinaison de grâce et de majesté y a-t-il ici ! Au lieu de reprocher aux disciples d’avoir troublé Son repos, Il tance les éléments qui les avaient terrifiés. Ce fut ainsi qu’Il répondit à leur question : « Ne te mets-tu pas en peine que nous périssions ? ». Maître béni ! qui ne se confierait pas en toi ? Qui ne t’adorerait pas pour ta grâce patiente et pour ton infatigable amour ?

Il y a quelque chose de parfaitement beau dans la manière dont notre précieux Seigneur se lève, sans aucun effort, du repos de Sa parfaite humanité, pour entrer dans l’activité de Sa divinité. Comme homme, fatigué de Son travail, Il dormait sur un oreiller ; comme Dieu, Il se lève et, de Sa voix puissante, fait taire le vent impétueux et calme la mer.

Tel était Jésus — vrai Dieu et vrai homme — et tel Il est maintenant, toujours prêt à répondre aux besoins des siens, à leur faire taire leurs anxiétés et éloigner leurs craintes. Oh ! puissions-nous nous confier davantage en Lui ! Nous n’avons qu’une faible idée de ce que nous perdons en ne nous appuyant pas davantage sur les bras de Jésus jour après jour. Nous sommes si facilement terrifiés. Chaque bouffée de vent, chaque vague, chaque nuage nous agite et nous déprime. Au lieu de demeurer calmes et en repos auprès de notre Seigneur, nous sommes remplis de perplexité et de terreur. Au lieu de nous servir de la tempête pour nous confier en Lui, nous en faisons une occasion pour douter de Lui. Aussitôt que le moindre trouble surgit, nous pensons que nous allons succomber, quoiqu’Il nous assure que pour Lui les cheveux même de notre tête sont comptés. Il pourrait bien nous dire comme Il disait à Ses disciples : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas de foi ? ». Il semblerait en effet que nous « n’ayons point de foi ». Mais Son tendre amour est toujours prêt à nous secourir et à nous protéger, lors même que nos cœurs incrédules sont si souvent disposés à douter de Sa parole. Il n’agit pas envers nous selon nos pauvres pensées à Son égard, mais selon Son parfait amour envers nous. C’est sur cet amour que nos âmes trouvent à s’appuyer pour être réconfortées au travers d’une mer agitée, en route vers le repos éternel. Christ est dans la barque, que cela nous suffise. Soyons calmes et comptons sur Lui ! Que nos cœurs puissent être constamment dominés par ce sentiment de repos qui découle d’une réelle confiance en Jésus ! Alors, quoique la tempête fasse rage et que la mer se soulève, nous ne serons pas poussés à dire : « Ne te mets-tu pas en peine que nous périssions ? ». Est-il possible que nous périssions avec le Maître à bord ? Pouvons-nous penser ainsi si nous avons Christ dans nos cœurs ? Que le Saint Esprit nous enseigne à faire plus librement et plus entièrement usage de Christ ! Nous en avons besoin maintenant même, et nous en aurons toujours besoin davantage. Il faut que ce soit Christ Lui-même que notre foi saisisse et en Lui seul que notre cœur trouve son bonheur. Et que cela soit à Sa gloire et pour notre paix et notre joie constantes !

Nous pouvons remarquer encore, en concluant, la manière dont les disciples furent affectés par la scène qui nous a occupés. Au lieu de manifester l’adoration qui est le résultat de la réponse à la foi, ils montrèrent la surprise de quelqu’un à qui la crainte a été reprochée. « Et ils furent saisis d’une grande peur, et ils dirent entre eux : Qui donc est celui-ci, que le vent même et la mer lui obéissent ? ».