Christ et l’Église

Méditation sur Éphésiens 5[1]
1850

Si Dieu s’introduit dans le cœur, il n’est pas étonnant que la mesure du bien et du mal soit changée pour nous ; et c’est ce qui a lieu. — « Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière au Seigneur » (Éph. 5, 8). Non seulement nous étions dans les ténèbres, mais nous étions ténèbres. Voici le changement qui a lieu quand on se retourne vers Dieu : on est « lumière » ; de « ténèbres », on devient « lumière ».

Nous sommes naturellement un mauvais arbre, et il n’est pas étonnant que nous portions de mauvais fruits. — Le cœur naturel est porté au mal, il est l’arbre, ou le péché, qui porte pour fruits les péchés. — Mais aussitôt qu’il y a en nous une nouvelle nature, nous jugeons ce qui est de nous, et nous discernons le bien du mal. Nous pouvons dire avec Paul : « Je sais qu’en moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’habite aucun bien » (Rom. 7, 18). Il existait en nous quelque chose avant que la vie de Christ y entrât, et ce quelque chose c’était le péché ; la conscience naturelle même reconnaissait les péchés, mais nous « étions encore ténèbres ». — Il est bon de se souvenir d’où l’on a été tiré.

Il est évident que, si Dieu se révèle, tout est entièrement changé, car la lumière manifeste tout, et l’on voit les choses tout différemment qu’on ne les voyait. C’est l’opposé de ce que l’on croyait. — La mesure de ce que nous devrions être se trouve dans cette parole : « Soyez les imitateurs de Dieu » (Éph. 5, 1). Parce qu’Il aime, il faut aimer ; parce qu’Il pardonne, il faut pardonner, afin qu’on voie en nous le caractère de notre Père. Il faut que nous ayons le caractère de la famille. Ce que Dieu est, c’est ce que nous devons être, c’est le modèle que nous avons à copier.

Christ, comme Juif, était sous la loi, parce qu’Il était né sous la loi. Étant Dieu, Il s’est fait homme, et c’est comme tel qu’Il s’est présenté pour modèle. Dieu s’est manifesté en chair, et toute la vie de Jésus a été, en même temps, l’observation de la loi, et l’accomplissement de cette manifestation. C’est pourquoi, lorsque l’apôtre a dit : « Soyez les imitateurs de Dieu », il ajoute « et marchez dans la charité ainsi que Christ nous a aimés » (Éph. 5, 1, 2). Quel bonheur pour nous que ces choses aient été présentées non seulement d’une manière abstraite, en Dieu, mais aussi en Jésus homme !

Le moyen de pouvoir imiter Dieu, c’est d’être « rempli de l’Esprit » (je ne parle pas maintenant des dons de l’Esprit). « Et ne vous enivrez point de vin, dans lequel il y a de la dissolution, mais soyez remplis de l’Esprit » (Éph. 5, 18).

Il est évident qu’une âme remplie de l’Esprit a des motifs conformes à ceux de Dieu, et que dans le sens pratique tout est entièrement renouvelé dans cette âme. Ainsi, chers amis, la mesure de notre marche, c’est Dieu ; le moyen de la réaliser, c’est la puissance du Saint Esprit, et Christ, qui en est le modèle, dans l’humanité, agit par des relations que l’âme peut comprendre, en nous communiquant tout ce qu’Il a Lui-même.

Si l’on veut exiger de la sainteté, ou une certaine conduite qui devrait être, l’on n’obtient rien ; si vous commandez l’œuvre, vous ne vous ferez pas aimer. Jamais, sous la loi, je n’aurais fait quelque chose, car elle donne bien des principes de ce que l’homme aurait dû être, mais elle ne communique pas les affections qui rendent capables de faire ce qu’elle prescrit.

Par les affections, nous saisissons ce qui fait le mobile de notre conduite ; si c’est Jésus, nous avons le même objet que Dieu Lui-même, et le saisissant par les affections, nous tendons à Lui ressembler. — Dieu soit béni de ce qu’Il nous a appelés à être rendus conformes à l’image de Son Fils ! — Quand je contemple tout ce qu’Il a senti et fait, est-ce que cela ne produit rien dans mon cœur ? « Ayant cette espérance en lui, nous nous purifions comme lui-même aussi est pur » (1 Jean 3, 3). Regarder à Lui, produit les affections ; puis on désire réaliser ce que l’on voit en Christ. Impossible que je voie ce qu’a été Jésus ici-bas, sans que cela produise aussitôt cette pensée : Voilà ce que je voudrais être.

Il faut premièrement bien comprendre cette grâce qui nous a placés où Dieu veut que nous soyons. C’est la base. — Pour que nous ayons la jouissance de la position que Dieu nous a faite, il faut que nous ayons la conscience d’y être. Il faut que j’aie la conscience d’être enfant, pour aimer mon père comme tel. Il faut que cette grâce soit comprise, pour produire les affections. — Nous aimons Dieu, quand nous savons qu’Il nous a aimés le premier. Si ma conscience n’est pas purifiée, et si mes péchés ne sont pas une chose réglée, l’amour n’est pas là ; car il ne s’agit pas d’affection si la conscience n’est pas purifiée, et si elle réclame, au nom de Dieu, une certaine conduite sous peine d’être condamné. Mais en nous lavant de nos péchés, et en nous disant : « Vous êtes nets » (Jean 15, 3), Il nous place en Sa présence, sans aucune autre pensée que celle de Son amour. Il a fait tout ce qui était nécessaire.

Si je me confie en ce que Dieu a fait pour me purifier, je me dis : Le jugement ne manque pas à Celui qui connaît parfaitement le péché de tous ; Il s’en est occupé et l’a jugé, en Christ, selon l’exigence de Sa sainteté.

Moi-même, je ne connais pas tous mes péchés, car plus on avance dans la présence de Dieu, et plus on apprend à juger des choses tout différemment qu’on n’en jugeait autrefois, et l’on voit du mal où l’on n’en voyait point alors.

Quand ma conscience est mise parfaitement au large, par la foi en l’œuvre de Christ, mon cœur comprend que Dieu m’a aimé, afin que je L’aime, et qu’il n’y a plus rien entre mon âme et Lui, que la joie de Son amour. Quand on en est là, on commence à comprendre aussi ce que Dieu veut faire à d’autres égards et on l’apprend en Christ.

C’est ce dont il est spécialement question à la fin de ce chapitre. — Il n’y est pas parlé de ce que l’Église devrait être, mais il y a la révélation de ce que Christ est pour elle : « Christ a aimé l’Église et s’est donné lui-même pour elle » (v. 25). Il ne s’agit pas ici de l’expiation qu’Il a faite des péchés de l’Église, cela est dit ailleurs ; mais il s’agit de cette énergie de cœur par laquelle « Christ s’est donné lui-même pour elle ». Il s’est donné Lui-même. Il n’y a pas dans Son cœur une seule pensée, un seul mouvement qui n’ait pas été en activité pour l’Église, comme dans le conseil et les intentions de Christ, il n’y a rien dont elle ne soit l’objet. Il est plein de bonté envers tous les pauvres pécheurs, mais, pour l’Église, dans le dévouement de Son cœur, dans le propos arrêté de ce dévouement, Il s’est donné Lui-même.

On peut compter sur la bénédiction de tout croyant, quel que soit son état, et sur la puissance de la grâce pour le relever, s’il est en chute, lorsque l’on sait que Christ s’est proposé de « se présenter l’Église sans tache et irrépréhensible » (v. 27). La foi compte sur cette puissance de Christ, et elle empêche le découragement qu’on pourrait éprouver en voyant une âme faible et malade.

Quand une âme faible est découragée par son état ou par celui des autres, il faut qu’elle pense à cette puissance qui peut « relever les mains lâches et fortifier les genoux déjoints » (Héb. 12, 12).

L’apôtre Paul, après avoir dit : « Je suis en perplexité à votre sujet » (Gal. 4, 20), dit, aussitôt que son esprit s’est élevé jusqu’à Christ : « Je suis plein de confiance en vous par le Seigneur » (Gal. 5, 10). Si l’on aime les chrétiens, quel bonheur n’a-t-on pas de pouvoir compter qu’ils seront bénis parce qu’ils sont à Christ ?

« Afin qu’il la sanctifiât » (v. 26). Je trouve aussi, en cela, une source de bonheur ; Il veut que nos cœurs soient séparés du mal, et qu’ils saisissent ce qu’Il est dans Sa grâce et dans Sa gloire, selon l’intelligence qu’Il en donne. Puis il fait voir le moyen de cette sanctification, savoir : « le lavement d’eau par sa parole » (v. 26). Il est dit dans Colossiens 1, 28 : « Lequel Christ, nous annonçons, en exhortant tout homme, et en enseignant tout homme en toute sagesse, afin que nous rendions tout homme parfait en Jésus Christ ». C’est-à-dire, afin que Christ soit révélé à nos cœurs selon Sa plénitude, et que nos cœurs soient formés spirituellement selon cette pleine révélation de tout ce qu’Il est.

Si vous dites : J’ai ce péché, j’ai cette convoitise qui m’embarrasse, je vous comprends, mais tout cela n’est pas plus puissant que Christ. Il agit par l’Esprit et se présente à vous. Ne Le trouvez-vous pas plus aimable que tout ce que la convoitise peut vous faire désirer ?

Si je suis avare, et que je regarde l’argent, fût-ce même pour le repousser, ah ! ma main le ressaisit aussitôt. Mais si c’est Christ que je regarde, alors je L’aime et j’oublie l’argent sans effort ; je n’ai plus rien à faire pour repousser l’argent, car mon cœur est ailleurs. — Voilà ce que Jésus a fait pour sanctifier l’Église, Il l’a aimée, « Il s’est donné lui-même pour elle » (v. 25), et Il travaille à attirer ses affections, et à les former, par la révélation de Lui-même. Et quel bonheur que nous soyons appelés à trouver nos délices où Dieu trouve les siennes ! Quel bonheur que de nous rencontrer avec Dieu dans le même objet, et d’avoir les mêmes affections que Lui ! — Voilà ce qui rend le cœur heureux.

À mesure que je comprends ce que Christ est, il est clair que la mesure de ma spiritualité croît aussi, et que je juge des choses tout autrement qu’autrefois.

Il n’est pas dit : afin que l’Église soit sans tache, mais « afin qu’Il se la présente sans tache » (v. 27). Il la veut pour Lui, et c’est là le fond de notre bonheur. Son cœur nous veut tels, pour Lui-même, Lui, qui sera pour nous la manne cachée promise à celui qui vaincra ; c’est Christ abaissé et connu dans cet abaissement, gardé pour que j’en jouisse.

Il est dit, dans 1 Thessaloniciens 4, 16 : « Le Seigneur lui-même, avec un cri d’exhortation et une voix d’archange, et avec la trompette de Dieu, descendra du ciel ; et ceux qui sont morts en Christ ressusciteront premièrement ; puis nous, qui vivrons et qui resterons, serons enlevés ensemble avec eux dans les nuées, au-devant du Seigneur, en l’air ; et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur ».

Le bonheur sera, non seulement de régner avec Lui, de juger avec Lui (quoique ces choses soient vraies), mais le bonheur sera « d’être toujours avec le Seigneur ».

Cette promesse est-elle la joie de vos cœurs ? Est-ce que la pensée d’être toujours avec Lui vous rend heureux ? Avez-vous assez goûté qu’Il est bon, et assez senti Son amour, pour pouvoir dire : Tout ce que je désire, c’est d’être toujours avec le Seigneur ? Tel ou tel objet qui occupe et qui retient vos cœurs est-il digne de les arrêter ? Regardez Jésus, et vous pourrez laisser tout le reste. En voyant combien Il est aimable, vous apprendrez qu’une seule chose est digne de vos affections. Du côté de Christ, ce désir de nous voir auprès de Lui ne manque pas ; non seulement Il désire, mais Il veut que nous soyons avec Lui, ainsi que cela est dit dans Jean 17. Il veut nous avoir auprès de Lui, et l’on voit dans ce dernier chapitre que la joie dont nous devons alors jouir avec Lui, se réalise dans nos affections, maintenant, et cela avec une intelligence spirituelle qui forme nos cœurs d’après la ressemblance de ce qui est révélé, et qui s’applique ainsi à l’état où nous sommes maintenant.

Il est clair que Christ veut déjà nous présenter à Lui sans tache ; or cette volonté, ce vœu de Christ devient le nôtre, et nous cherchons déjà à l’être en réalisant cette perfection, par la foi dans le cœur. Ce n’est pas que la chair ne soit encore là, oui, elle sera pour ainsi dire encore plus mauvaise à la fin, puisqu’elle agit en présence d’une plus grande lumière ; mais si l’Esprit est en nous, elle n’aura pas la victoire malgré les combats. Le cœur n’aimera plus le péché. — On ne peut pas sortir de la dépendance de Dieu sans faire une chute, et c’est pourquoi on pèche si souvent, lors même qu’on n’aime plus le péché.

« Personne n’a jamais eu en haine sa propre chair, mais il la nourrit et l’entretient, comme le Seigneur entretient l’Église » (v. 29). Il y a deux choses : « Il la nourrit et l’entretient ». L’Église est si misérable, qu’il pourrait arriver qu’on se demandât s’Il la nourrit et l’entretient encore. — Si l’on regarde ce qui en est depuis, on ne voit qu’une preuve de la fidélité de l’amour de Jésus. Pour moi, j’ai vu d’une manière certaine que quelle que soit l’incapacité de l’Église pour soigner les membres de Christ, j’ai vu, dis-je, que l’âme la plus faible, est nourrie et entretenue à travers tout, par Christ Lui-même, et qu’Il se sert même du mal pour lui faire du bien. Il est impossible qu’Il ne fasse pas « contribuer toutes choses au bien de ceux qui l’aiment » (Rom. 8, 28), et à se les présenter sans tache et irrépréhensibles (Éph. 5, 27). Votre cœur croit-il que Jésus s’occupe de vous de cette manière ? qu’Il a sans cesse en vue votre bien ?…

Je vous invite à y penser.

Croyez-vous qu’il n’y a pas un mouvement de Son cœur qui n’ait pour but votre bonheur ? Si vous désirez Le glorifier, demeurez calme, paisible, heureux, quoi qu’il en soit, vous confiant en Lui, sachant que, « quoi qu’il en soit, les biens et la gratuité vous accompagneront tous les jours de votre vie et que votre habitation sera dans la maison de l’Éternel pour longtemps » (Ps. 23, 6).

Comptez sur une puissance, sur un amour qui nourrit et qui entretient ceux qui en sont les objets. Reposez-vous dans cette confiance en Lui.

Souvenez-vous que le but qu’Il vous propose est celui qu’Il s’est proposé à Lui-même ; savoir de vous présenter à Lui « sans tache et irrépréhensible », afin que vos affections s’attachent à Lui, et trouvent en Lui une source abondante de joie. Il veut que déjà ici-bas vous soyez Son Épouse vivante.

Si vous désirez qu’il en soit ainsi, cela ne vous sera pas difficile en regardant à Jésus. Moïse ne se donnait pas de la peine pour refléter la gloire de Dieu ; cela se faisait sans qu’il y pensât, parce qu’il venait de contempler la gloire de Dieu. Soyez sûrs que tout ce que nous avons à faire, c’est de contempler Jésus, et de nous tenir près de Lui. — Prenez les circonstances les plus ordinaires, dans les versets suivants. Si je suis serviteur, et que j’aie un maître fâcheux, eh bien ! ce n’est pas à ce maître que j’ai à regarder, mais c’est à Christ, et c’est Lui que je dois servir ; tout me sera ainsi rendu facile.

Appliquez-vous à connaître ce que Christ est Lui-même, afin que Sa grâce vous rende tels qu’Il est.

C’est la joie et le bonheur que de marcher sous Son regard, et avec la jouissance de la plénitude de Son amour.