Christ notre berger

Luc 15, 1 à 7
C.H. Mackintosh

[Série de traités chrétiens n° 7]

Il est toujours doux et édifiant pour l’âme de considérer le Seigneur Jésus dans Son caractère de Berger, quel que soit l’aspect sous lequel on L’envisage dans ce caractère : soit comme « le bon Berger », donnant Sa vie pour Ses brebis ; soit comme « le grand Berger » sorti du tombeau et ayant, par la puissance de Sa force, arraché à la mort son terrible aiguillon et au sépulcre sa victoire ; soit enfin comme « le souverain Berger » lorsque, entouré de tous Ses bergers subordonnés qui, par amour pour Son adorable personne et par la grâce de Son Esprit, auront gardé et surveillé le troupeau, Il ceindra le front de chacun d’eux de la couronne de gloire. En effet, il y a, dans ce caractère de Berger que prend notre Seigneur, quelque chose de particulièrement convenable à notre condition présente. Par grâce nous avons été faits « le peuple qu’il paît, les brebis que sa main conduit » ; or comme tels, c’est d’un berger que nous avons spécialement besoin. En tant que pécheurs perdus et condamnés, il nous faut en Jésus « l’Agneau de Dieu », dont le sang expiatoire ôte le péché et satisfait à tous nos besoins. Comme adorateurs, nous avons en Lui notre « grand souverain Sacrificateur », dont les vêtements, image de Ses divers attributs, rappellent à nos âmes, d’une manière bénie, avec quelle puissante efficace Il remplit cet office. Comme disciples, nous Le trouvons dans Son caractère de docteur, « en qui sont renfermés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance ». Mais comme brebis, exposés à d’innombrables dangers pendant notre passage à travers ce sombre désert, nous avons bien besoin de la voix amie d’un Berger, dont le bâton et la houlette gardent et affermissent nos pieds, tandis que nous nous acheminons vers le céleste bercail.

Dans les versets dont nous nous occupons plus spécialement ici, le Berger se présente à nous dans un moment des plus intéressants de son œuvre de grâce ; il est à la recherche de la brebis. Cette similitude tire une force particulière du fait qu’elle fut prononcée en même temps que les paraboles de la drachme perdue et du fils perdu, dont le but est de faire ressortir toute la miséricorde de Dieu envers les pécheurs. Dieu, dans la personne du Seigneur Jésus, s’était tellement rapproché du pécheur que le légalisme et le pharisaïsme, représentés par les scribes et les pharisiens, s’en offensèrent. « Cet homme reçoit les pécheurs et mange avec eux ». Voilà ce dont la grâce divine était accusée à la barre du cœur de l’homme légal, orgueilleux, plein de propre justice. Mais c’était là la vraie gloire de Dieu — de Dieu manifesté en chair — de Dieu descendu sur la terre pour recevoir les pécheurs. C’était pour cela même qu’Il était venu dans un monde ruiné. Il n’a point quitté le trône et le sein de Son Père pour chercher des hommes justes, car pourquoi les chercherait-Il ? Qui penserait à chercher quelque chose qui n’est pas perdu ? Assurément la présence seule de Christ dans le monde prouvait qu’Il était venu chercher quelque chose, et que ce quelque chose devait être « perdu ». « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». L’âme a de quoi se réjouir extrêmement d’avoir été comme une chose perdue, puisque c’est là ce qui a provoqué la grâce et la miséricorde du Berger. Nous pouvons, il est vrai, demander ce qui pouvait attirer le cœur de Jésus vers des êtres tels que nous ; oui, nous pouvons le demander, mais l’éternité seule répondra pleinement à cette question. Nous aurions pu demander au Berger de cette parabole, pourquoi il s’occupait d’une pauvre brebis perdue plutôt que des quatre-vingt-dix-neuf autres qui n’étaient pas perdues. Quelle aurait été sa réponse ? — « La brebis perdue est celle que je veux, c’est elle qui a du prix pour moi, et il faut que je la trouve ». Il en était de même du marchand de la parabole, qui, sans doute, est encore Jésus Lui-même. Lui seul pouvait discerner, caché dans les entrailles de la terre, un objet de la plus grande valeur pour Lui. Jésus seul pouvait voir dans un pécheur perdu, condamné, ruiné, un être pour le salut duquel Il jugea convenable de quitter le trône radieux de Son Père.

C’est un mystère bien étonnant que celui de l’amour de Christ pour l’Église ; ce sera même un sujet d’étonnement pour les anges et les saints, pendant toute l’éternité. Mais si nous ne pouvons jamais ni résoudre le profond mystère ni sonder les profondeurs de cet amour rédempteur, combien n’est-il pas doux pour l’âme du pauvre pécheur travaillé, de savoir qu’elle est elle-même l’objet d’un tel amour ! Oui, c’est là une chose douce et réjouissante, en même temps que c’est le seul vrai fondement de la sainteté réelle, et de la consécration du cœur à Dieu. « Nous l’aimons parce que il nous a aimés le premier ». C’est à Dieu qu’appartient la première place dans la rédemption ; Son Esprit éternel en avait conçu tout le plan ; elle est émanée de Lui pour venir à nous. La pauvre et simple brebis égarée n’eût jamais pu imaginer un moyen de retourner au bercail qu’elle avait abandonné. Comment le pourrait-elle, tant que la même disposition, qui l’a fait s’égarer dans l’origine, la pousse à s’égarer toujours davantage ? Et comment la disposition qui, au commencement, poussa la créature à se révolter contre son Dieu, engendrerait-elle jamais un esprit de soumission et de confiance ? Cela est impossible. De là la force et la valeur de ces paroles : « il va après celle qui est perdue ».

Dans ces quelques mots nous avons toute l’œuvre de la rédemption et la part que Dieu y prend. Dans la rédemption Dieu est essentiellement et éminemment le chercheur, et non le cherché. C’est ce qui nous est enseigné déjà dans Genèse 3. La question : « Où es-tu ? » nous montre bien Dieu « allant après ce qui était perdu ». L’homme s’était enfui de devant la face de Dieu, il s’était réellement « égaré », il avait cherché un lieu de refuge non vers Dieu mais loin de Dieu, derrière les arbres du jardin ; et lorsque ce Dieu miséricordieux descendit pour visiter l’homme, Il se trouva complètement seul relativement à l’homme, en sorte qu’Il dut, ainsi seul, commencer de nouveau non seulement à créer mais à racheter. Dans la création c’est la toute-puissance agissant sur la matière inerte ; mais dans la rédemption c’était l’amour sans bornes et la grâce aux prises avec un cœur rebelle et une création ruinée. De là, comme conséquence, cette vérité aussi simple que sublime : Dieu apparaît agissant aussi seul dans la rédemption que dans la création. L’homme n’était pas sur la scène, lorsque le Créateur appela les mondes à l’existence ; il n’était pas là lorsque la main du Tout-puissant jeta le soleil dans les cieux pour y accomplir sa course annuelle ; il n’était pas là, lorsque des bornes furent assignées aux flots en fureur, par la volonté divine. Non, l’homme n’était pas là, il ne pouvait y être ; il était alors dans la poussière de la terre et ne prenait aucune part au grand drame qui se déroulait en ce moment. Et pourtant tel est le fol orgueil du cœur de l’homme, que, bien que la rédemption doive être regardée comme une œuvre plus difficile (s’il est permis de parler de difficulté quand il s’agit de Dieu) et, pour ainsi dire, plus digne de Dieu, que la création, l’homme a néanmoins la vaine et présomptueuse prétention de vouloir être pour quelque chose dans cette œuvre dont Dieu, dans un solennel isolement, traçait le magnifique plan, et dans laquelle Lui seul pouvait être acteur. « Non, l’homme ne peut par aucun moyen racheter son frère ni donner à Dieu sa rançon, car le rachat de son âme est trop considérable et il ne se fera jamais ». La rédemption est une œuvre trop précieuse aux yeux de Dieu pour qu’Il la confie à d’autres mains que les siennes. Lui seul doit avoir toute la joie et toute la gloire de sauver de pauvres pécheurs perdus par leur faute. Et c’est précisément ce que nous avons dans les versets que nous étudions. Le Berger est seul à la poursuite de la brebis perdue.

La brebis ne savait rien de l’amour et de la sollicitude du Berger ; rien des motifs qui l’avaient poussé à sa recherche, en s’oubliant lui-même. Non, tout cela lui était inconnu. Le Berger n’avait point demandé la coopération de la brebis dans cette recherche ; c’eût été inutile. Elle était errante, cette pauvre brebis, loin de la bergerie, et elle aurait erré jusqu’à ce que le loup l’eût dévorée, si le tendre cœur du Berger ne l’eût poussé à la chercher au milieu des sauvages labyrinthes du désert ; et cela (oh ! quelle infatigable compassion révèlent ces paroles !) « jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ». Jésus, notre miséricordieux Berger, ne pouvait pas se voir frustré dans l’œuvre qu’Il avait entreprise. Il était entièrement préparé à tous les obstacles qu’Il rencontrerait sur Sa route, et Il savait très bien tout ce qui s’opposerait à Lui, avant qu’Il pût mettre la main sur Sa brebis perdue. Il s’attendait aux perfides oppositions de Satan qui Lui disputerait pied à pied le terrain. Il savait quelle inimitié il y avait dans le cœur de la créature elle-même qu’Il venait chercher et sauver ; et par-dessus tout Il avait devant les yeux cette coupe remplie d’une ineffable amertume, qui Lui était préparée à la croix ; l’abandon même de Son Père ; les trois heures les plus sombres qui aient jamais passé sur l’âme d’une créature intelligente, heures plus terribles encore pour son âme divinement sensible que toutes les tribulations et les épreuves qu’Il avait rencontrées ici-bas. Recula-t-Il alors devant Satan ? Non, certes, mais comme « l’homme plus fort », Il pénétra dans le centre même du palais de l’homme fort, et le dépouilla « de toute son armure dans laquelle il se confiait ». — « Par la mort il détruisit celui qui avait le pouvoir de la mort ». Fut-Il lassé ou repoussé par l’inimitié incessante et terrible de l’homme ? Non, Il s’avança avec toute la puissance divine de l’amour, au-devant de tous les obstacles qui Lui étaient suscités, jusqu’à ce qu’enfin, l’homme ayant jeté tout le venin mortel qui était dans son cœur et ayant cloué le divin Berger à l’arbre maudit, Il exhala cette charitable prière : « Père, pardonne-leur », et répandit le sang, en vertu duquel cette prière pouvait être et fut exaucée. La mort, enfin, put-elle Le détourner de Son dessein de miséricorde ? Non, Il rencontra son mortel aiguillon ; et c’était réellement pour Lui un terrible aiguillon ; Il l’endura pourtant et en l’endurant Il lui ôta tout pouvoir de blesser l’âme qui croit en Lui. Et le tombeau — « la fosse meurtrière et le bourbier fangeux », effraya-t-il Son âme ? Non, Il descendit jusqu’au cœur du sépulcre, dans les lieux les plus bas du royaume de la mort, Il l’ébranla jusque dans ses fondements ; et, comme si les royaumes de la mort eussent déjà ressenti les secousses du terrible tremblement de terre, par lequel ils allaient être ébranlés, le tombeau ouvrit sa bouche pour laisser échapper sa proie qu’il retenait depuis longtemps, au moment même où le Prince de la vie allait y descendre. En un mot, rien ne put arrêter le divin Berger dans la recherche de « ce qui était perdu, jusqu’à ce qu’il l’eût trouvé ». Œuvre vraiment divine ! Dieu, dans la création, ne put être arrêté dans l’accomplissement de Ses grands desseins ; la matière fut forcée d’obéir à Sa puissante voix ; puis lorsque Satan eut gâté la création et que Dieu, pour la gloire de Son nom, fut appelé à l’œuvre bien plus haute de la rédemption, nous pouvons Le suivre dans ce merveilleux chemin, s’élevant de hauteur en hauteur, jusqu’à ce que, du sommet, nous entendions ces touchantes paroles : « J’ai trouvé ma brebis qui était perdue ». Bienheureuse nouvelle ! « J’ai trouvé ». C’est le complet triomphe de l’amour rédempteur sur toute la puissance de Satan.

Et remarquez ici deux caractères importants de l’amour de notre Berger : il ne se plaint pas et ne reproche rien. Nous ne trouvons pas un mot sur toute la peine que lui cause la recherche de sa brebis ; il ne se plaint ni du temps, ni de la distance, ni de la fatigue. Au contraire, l’impression que laissent ces versets est que le Berger se considère comme amplement dédommagé de toutes ses peines, lorsqu’il est parvenu à ressaisir sa brebis égarée. Il en est ainsi de notre bon Berger, qui « en vue de la joie qui lui était proposée, endura la croix, ayant méprisé la honte ». Quelle joie ? Celle de pouvoir dire : « J’ai trouvé ». Il n’y eut aucune joie pareille dans la création ; tout ce que Dieu put dire alors fut : « J’ai fait ». C’était à l’œuvre plus glorieuse et plus sublime de la rédemption qu’était réservée cette parole plus réjouissante : « J’ai trouvé ». La première de ces expressions fut prononcée, pour ainsi dire, de ce côté-ci de la tombe, et la seconde, de l’autre côté. La création laissait l’homme exposé aux traits de Satan, qui peuvent blesser en tous lieux, de ce côté-ci du tombeau ; la rédemption, en le plaçant au-delà du tombeau, le met par conséquent hors de leur atteinte. Mais l’amour exprimé dans ces paroles est encore un amour qui ne fait pas de reproches. Le Berger ne reproche rien à la brebis et ne la chasse pas avec colère à la maison. Ah ! non ; nous voyons ici le cœur tendre, compatissant et sympathique de ce Jésus, qui, au milieu de la ruine totale des choses humaines et en voyant l’immense désolation causée par Satan dans la création de Dieu, versa des larmes de profonde pitié sur les misères, que Lui seul pouvait soulager par la résurrection. Et quand, je le demande, trouvons-nous l’expression la plus aimable de cet amour qui ne reproche rien ? À la première rencontre du Seigneur avec Ses disciples après la résurrection ; oui, là, au lieu de leur reprocher ce que, sans aucun doute, ils sentaient avoir été un honteux abandon de leur cher Maître, à l’heure de Ses plus profondes angoisses, Ses premières paroles sont : « Paix vous soit ». Oh ! qu’elle devait être accablante pour Satan, la conviction calme qui ressort de ces paroles, que lui, Satan, était la grande cause de tout le mal ! Incomparable grâce ! Puisse-t-elle lier nos âmes à Celui qui en est la source et le canal !

Mais que fait le Berger avec sa brebis ? Se repose-t-il satisfait de l’avoir simplement trouvée ? Non, il devait pousser bien plus loin son dévouement et ses soins ; ce n’était, pour la brebis perdue et maintenant retrouvée, que le commencement d’une œuvre merveilleuse. La brebis, comme nous le lisons, était égarée dans le désert ; le Berger la trouve, mais comment va-t-il la ramener à la maison ? Il ne laisse pas la question longtemps indécise, car il n’a pas plus tôt trouvé la brebis, qu’il la met en toute sûreté « sur ses épaules ». Et le fait-il en se plaignant du poids ou de la fatigue ? Oh ! non, « il la met sur ses épaules tout joyeux ». Que la brebis connaissait peu les profondes émotions de joie qui remplissaient le cœur du Berger ! Elle aurait bien plutôt augmenté sa peine en se débattant pour s’enfuir loin de ce lieu de repos et de sûreté ; mais peu importe, le Berger la tient et il s’en réjouit. Un cœur aimant et de fortes épaules surmonteront tous les obstacles. — Et qu’elle est simple et douce l’application de tout ceci à notre adorable Berger ! « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin » ; tel est le témoignage que Lui rend le Saint Esprit. L’amour de Christ n’était pas un amour qui pût être épuisé ou, le moins du monde, refroidi et diminué par une expérience personnelle du peu d’amabilité de celui qui en était l’objet. Il savait ce qu’Il pouvait et voulait faire de Son Église, à savoir : « une église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable » ; aussi ne s’arrête-t-Il pas avant la grande consommation de la beauté et de la gloire de cette Église, « dans la dispensation de la plénitude des temps ». Tel est le vrai principe de l’amour. Si nous avions l’habitude de penser, non à ce que les chrétiens sont en eux-mêmes, mais à ce qu’ils seront, notre amour pour eux serait plus pur et plus constant.

Mais quelle assurance nous donnent ces paroles : « Il la mit sur ses épaules » ! C’est là la place du plus faible des croyants en Jésus. Il est sur les épaules de Celui qui a la puissance de renverser les portes d’airain — de Celui qui a vaincu Satan, la mort et l’enfer, et qui, par conséquent, ne peut rencontrer aucun pouvoir ennemi égal au sien. De là ces consolantes paroles : « Personne ne peut les ravir de ma main ». Nous pouvons dire avec certitude, dans le langage triomphant de l’apôtre : « Qui nous séparera ? ».

Enfin observez les mots : « étant venu dans la maison ». Nous avons ici le dernier trait de ce récit si simple et en même temps si divin. Les amis et les voisins ne pouvaient pas être réunis dans le désert. Non, le désert est l’endroit où se déploient l’amour divin en cherchant, et la puissance divine en sauvant ce qui est perdu ; le désert doit être la scène des fatigues et de l’anxiété du Berger, parce qu’il est un lieu de danger pour la brebis. Le Berger ne pouvait déposer sa brebis avant d’être à la maison ; sachant que, dans le désert, il n’y avait que des loups et personne qui pût partager son bonheur.

Pour pouvoir donner essor à sa joie, il devait attendre d’être arrivé avec son précieux fardeau dans les murs tranquilles de son heureuse demeure, où il n’y aurait plus ni ennemis, ni mal, rien, en un mot, qui pût troubler le bonheur qu’allait goûter le cœur du Berger, dans la communion de ses amis, au sujet de la brebis dont le salut lui avait coûté tant de peine.