Cinq lettres sur le culte et le ministère par l’Esprit

W. Trotter

« Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, distribuant ses biens à chacun en particulier selon qu’il le veut »

(1 Cor. 12, 11)

Au lecteur

Les lettres suivantes furent adressées, il y a plusieurs années, à une assemblée de chrétiens avec lesquels l’auteur était particulièrement lié, tant par son service au milieu d’eux que par son affection ; c’est ce qui lui a donné le courage de s’entretenir très librement avec eux sur des sujets d’un profond intérêt mutuel. On lui a souvent demandé dès lors de publier ces lettres ; mais il s’y était toujours refusé, de crainte que ce qui était applicable à une assemblée donnée, dans un certain état, ne fût pas aussi bien adapté aux besoins d’autres assemblées chrétiennes, dont la condition pourrait être fort différente. Il redoutait de plus d’avoir même l’apparence de prendre, parmi ses frères en général, une position qu’il ne se serait pas attribuée dans sa localité même, mais qui lui était joyeusement accordée par ceux au milieu desquels il avait eu la joie et le privilège de travailler pour le Seigneur. Ces deux objections ont été levées par le fait, en apprenant que des copies manuscrites de ces lettres circulaient en divers lieux — sorte de demi-publicité qui peut, à bon droit, donner lieu à de très graves objections. Les facilités que présente un tel mode de circulation à la diffusion clandestine d’erreurs mortelles, sont sûrement suffisantes pour rendre ceux qui ont à cœur le soin des âmes, jaloux de répandre la vérité. C’est pour cette raison que les lettres suivantes sont mises sous presse. Ainsi la circulation qu’elles pourront avoir sera publique ; leurs allégations pourront être soumises à l’épreuve de la sainte Parole de Dieu. Et si elles se trouvaient contenir quelque chose de contraire à ses enseignements, personne ne sera plus reconnaissant que l’auteur de la correction de ses erreurs, par cette pure et parfaite règle de la vérité.

Quinze ans d’expériences variées ont contribué à enraciner et fortifier la conviction, que la marche et la position signalées dans ces lettres, sont l’une et l’autre de Dieu, quels qu’aient été les manquements des hommes qui les ont adoptées. Ce dont nous avons besoin, c’est de patience, de foi dans le Dieu vivant, d’amour pour Christ, de vraie soumission à l’Esprit, d’étude diligente de la Parole et d’une sincère soumission les uns aux autres dans la crainte du Seigneur.

Il n’y a plus qu’à ajouter, qu’en préparant ces pages pour la presse, on a usé de la liberté d’y faire des changements nécessités par des lumières actuelles sur l’Écriture, ainsi que d’omettre ou de modifier quelques expressions qui auraient pu signaler l’assemblée particulière à laquelle les lettres étaient adressées.

Telles qu’elles sont, on les recommande à la bénédiction de Dieu et à la conscience des saints.

Londres, décembre 1857

Première lettre — Dieu présent dans l’assemblée

Bien-aimés frères,

Il y a plusieurs points relatifs à notre position, en tant que rassemblés au nom de Jésus, sur lesquels je sens le besoin de m’entretenir avec vous. Je choisis ce moyen de le faire, comme vous offrant plus de facilité pour examiner et peser mûrement ce qui vous sera communiqué, que vous n’en auriez probablement dans un entretien ou une discussion libre, à laquelle tous assisteraient. Je serais très reconnaissant qu’une telle discussion pût avoir lieu, si le Seigneur y inclinait vos cœurs, quand vous aurez examiné et pesé, en Sa présence, les choses que j’ai à vous soumettre.

Un mot, en commençant, pour reconnaître la miséricorde de Dieu envers nous, comme assemblés au nom de Jésus. Je ne puis que courber la tête et adorer, en me rappelant les nombreux moments de réel rafraîchissement et de joie sincère qu’Il nous a donné de passer ensemble en Sa présence. Le souvenir de ces moments, tout en remplissant le cœur d’adoration devant Dieu, nous rend indiciblement chers ceux avec lesquels nous avons joui de telles bénédictions. Le lien de l’Esprit est un lien réel ; et c’est dans la confiance qu’il m’inspire en l’amour de mes frères, que je voudrais, comme votre frère et votre serviteur pour l’amour de Christ, vous exprimer sans réserve ce qui me paraît être d’une grande importance pour la continuation de notre bonheur et de notre avantage commun, aussi bien que pour ce qui est beaucoup plus précieux encore : la gloire de Celui au nom duquel nous sommes assemblés.

Lorsque, en juillet dernier, nous fûmes conduits par le Seigneur, comme je n’en doute pas, à substituer des réunions libres, le dimanche soir, à la prédication de l’évangile, qui avait eu lieu jusqu’alors, je prévoyais tout ce qui s’en est suivi. Je puis dire que le résultat ne m’a point du tout surpris. Il y a des leçons relatives à la direction pratique du Saint Esprit qui ne peuvent être apprises que par l’expérience ; et bien des choses, qui peuvent maintenant, par la bénédiction du Seigneur, être appréciées par votre entendement spirituel et par vos consciences, auraient été alors complètement inintelligibles, si vous n’eussiez appris à connaître le genre de réunions auxquelles ces vérités s’appliquent. On dit que l’expérience est le meilleur des maîtres. Cela pourrait souvent être justement mis en doute ; mais on ne saurait douter que l’expérience ne nous fasse sentir des besoins que l’enseignement divin peut seul faire naître. Vous me croirez, quand je vous dirai que le fait de voir mes frères mutuellement mécontents de la part qu’ils prennent les uns et les autres dans les assemblées, n’est pas pour moi un sujet de joie ; mais si cet état de choses contribuait, comme j’ai la confiance qu’il le fera, à ouvrir tous nos cœurs aux leçons de la Parole de Dieu, qu’autrement nous n’aurions pu apprendre aussi bien, ce résultat serait au moins un sujet de reconnaissance et de joie.

La doctrine de l’habitation du Saint Esprit dans « le corps, l’Église », et conséquemment, de Sa présence et de Sa suprématie dans les assemblées des saints, m’apparaît depuis bien des années, sinon comme la grande vérité de la dispensation actuelle, du moins comme une des plus importantes vérités qui distinguent cette dispensation. La négation virtuelle ou réelle de cette vérité constitue un des traits les plus sérieux de l’apostasie qui s’est fait jour. Ce sentiment ne diminue pas chez moi, mais s’approfondit plutôt à mesure que le temps s’écoule. Je vous confesse ouvertement que, tout en reconnaissant pleinement qu’il y a des enfants bien-aimés de Dieu dans toutes les dénominations qui nous entourent et tout en désirant tenir mon cœur ouvert à tous, il ne me serait plus possible d’être en communion avec un corps quelconque de chrétiens professants, qui substituerait des formes cléricales quelconques à la souveraine direction du Saint Esprit — pas plus que, si j’eusse été Israélite, je n’aurais pu avoir communion avec l’érection d’un veau d’or à la place du Dieu vivant. Que cela ait eu lieu, et même dans toute la chrétienté, et que, à cause de ce péché et de tant d’autres, le jugement soit suspendu sur la chrétienté, c’est ce que nous ne pouvons que reconnaître avec douleur, en nous en humiliant devant Dieu, comme y ayant tous participé, et comme étant un seul corps en Christ avec un grand nombre de chrétiens qui, aujourd’hui encore, demeurent dans cet état de choses et s’en glorifient. Mais les difficultés qui accompagnent la séparation d’avec ce mal, difficultés que nous aurions certes dû prévoir et que nous commençons tous à éprouver, n’ont pas le pouvoir d’affaiblir mes convictions relativement à ce mal dont Dieu, dans Sa grâce, nous a fait sortir ; et elles n’éveillent en moi aucun désir de retourner à cette espèce de position et d’autorité humaine et officielle ; position et autorité que s’arroge une certaine classe de personnes, ce qui caractérise le monde professant, et contribue à hâter le jugement qui tombera bientôt sur lui.

Mais, bien-aimés frères, si notre conviction de la vérité et de l’importance de la doctrine de la présence du Saint Esprit ne saurait être trop profonde, permettez-moi de vous rappeler, que cette présence du Saint Esprit dans les assemblées des saints est elle-même un fait. C’est d’une simple foi en cela que nous avons besoin. Nous sommes enclins à l’oublier. Et l’oubli ou l’ignorance de ce fait est la cause principale de ce que nous nous assemblons sans en retirer aucun profit pour nos âmes. Si seulement nous nous assemblions pour être en la présence de Dieu ; si seulement, lorsque nous sommes réunis ensemble, nous croyions que Dieu est réellement présent, quel effet cette conviction devrait avoir sur nos âmes ! Le fait est que, aussi réellement que Christ était présent avec Ses disciples sur la terre, aussi réellement le Saint Esprit est maintenant présent dans les assemblées des saints. Si Sa présence pouvait, de quelque manière, être manifestée à nos sens — si nous pouvions Le voir comme les disciples voyaient Jésus — quel sentiment solennel nous éprouverions, et comme nos cœurs en seraient dominés ! Quel calme profond, quelle attention respectueuse, quelle solennelle confiance en Lui, en résulteraient ! Comme il serait impossible qu’il y eût aucune précipitation, aucun sentiment de rivalité, d’agitation, si la présence du Saint Esprit était ainsi révélée à notre vue et à nos sens. Et le fait de Sa présence aurait-il moins d’influence, parce que c’est une affaire de foi et non de vue ? Est-Il moins réellement présent, parce qu’Il est invisible ? C’est le pauvre monde qui ne Le reçoit point, parce qu’il ne Le voit point ; prendrons-nous donc la place du monde et abandonnerons-nous la nôtre ? « Et je prierai le Père pour vous, dit Jésus, et il vous donnera un autre Consolateur pour demeurer avec vous éternellement, savoir l’Esprit de vérité, lequel le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous » (Jean 14, 16, 17).

« Mais vous le connaissez ». Il serait bien à désirer qu’il en fût ainsi, mes bien-aimés ! Je suis de plus en plus persuadé que la grande chose qui nous manque, c’est la foi en Sa présence personnelle. N’y a-t-il pas eu des temps, où Sa présence était réalisée au milieu de nous comme un fait ? Et combien de tels moments étaient bénis ! Il pouvait y avoir, et il y avait des intervalles de silence ; mais comment étaient-ils employés ? À s’attendre sérieusement à Dieu. Non dans une inquiète agitation, de savoir qui prierait ou qui parlerait ; non en tournant les feuilles des Bibles ou des livres de cantiques pour trouver quelque chose qu’il nous parût convenable de lire ou de chanter. Non, ni dans des pensées anxieuses au sujet de ce que penseraient de ce silence ceux qui étaient là comme assistants. Dieu était là. Chaque cœur était occupé de Lui. Et si quelqu’un avait ouvert la bouche uniquement pour rompre le silence, on aurait senti que c’était là une interruption réelle. Quand le silence était rompu, c’était par une prière qui renfermait les désirs, et exprimait les aspirations de tous les assistants ; ou par un cantique auquel chacun pouvait s’unir de toute son âme ; ou par une parole qui s’adressait avec puissance à nos cœurs. Et quoique plusieurs personnes pussent être employées, pour indiquer ces hymnes, prononcer ces prières ou ces paroles, il était si évident qu’un seul et même Esprit les dirigeait dans tout ce service, que c’était comme si le programme en avait été déterminé d’avance, et que chacun y eût sa part assignée. Aucune sagesse humaine n’aurait pu faire un tel plan. L’harmonie était divine. C’était le Saint Esprit qui agissait par les différents membres, dans leurs diverses places, pour exprimer l’adoration, ou pour répondre aux besoins de tous ceux qui étaient présents.

Et pourquoi n’en serait-il pas toujours ainsi ? Je le répète, bien-aimés frères, la présence du Saint Esprit est un fait, et non pas une pure doctrine. Et assurément si, de fait, Il est présent avec nous quand nous sommes réunis ensemble, aucun fait ne peut être d’une importance comparable à celui-là. C’est certainement le grand fait, celui qui absorbe tous les autres, le fait qui devrait caractériser tout le reste dans l’assemblée. Il ne s’agit pas seulement ici d’une négation. La présence du Saint Esprit ne signifie pas seulement que l’assemblée ne doit pas être conduite d’après un ordre humain et fixé d’avance ; elle signifie plus que cela : Si le Saint Esprit est présent, il faut qu’Il dirige l’assemblée. Sa présence ne veut pas dire non plus que chacun a la liberté d’y prendre part. Non, elle signifie l’opposé de cela. Il est vrai qu’il ne doit y avoir aucune restriction humaine ; mais si l’Esprit de Dieu est présent, nul ne doit prendre une part quelconque au culte, excepté celle que l’Esprit lui assigne et pour laquelle Il le qualifie. La liberté du ministère, c’est la liberté que le Saint Esprit a d’agir par qui Il veut. Mais nous ne sommes pas le Saint Esprit ; et si l’usurpation de Sa place par un seul individu est une chose intolérable, que dira-t-on de l’usurpation de Sa place par un certain nombre d’individus, agissant parce qu’il y a liberté d’agir, et non parce qu’ils savent qu’ils ne font que se conformer à la volonté du Saint Esprit en agissant comme ils le font ? Une foi réelle en la présence du Saint Esprit mettrait ordre à toutes ces choses. Ce n’est pas que l’on doive désirer le silence pour soi, ou que quelqu’un doive s’abstenir d’agir uniquement à cause de la présence de tel ou tel frère. J’aimerais tout autant qu’il y eût toutes sortes de désordres, afin que l’état réel des choses se manifestât, que de le sentir contenu par la présence d’un individu. Ce qui est à désirer, c’est que la présence du Saint Esprit soit réalisée de telle sorte que personne ne rompe le silence que par Sa puissance et sous Sa direction ; et que le sentiment de Sa présence nous garde ainsi de tout ce qui est indigne de Lui et du nom de Jésus qui nous rassemble.

Sous une autre dispensation, nous lisons l’exhortation suivante : « Quand tu entreras dans la maison de Dieu, prends garde à ton pied ; et approche-toi pour ouïr, plutôt que pour donner le sacrifice des insensés ; car ils ne savent point qu’ils font mal. Ne te précipite point à parler, et que ton cœur ne se hâte point de parler devant Dieu ; car Dieu est au ciel, et toi sur la terre : c’est pourquoi use de peu de paroles » (Eccl. 5, 1, 2). Certes, si la grâce dans laquelle nous sommes, nous a donné un plus libre accès auprès de Dieu, nous ne devons pas user de cette liberté, comme d’une excuse pour le manque de respect et pour la précipitation. La présence réelle de Dieu le Saint Esprit au milieu de nous devrait certainement être un motif plus pressant encore à une sainte révérence et à une pieuse crainte, que la considération que Dieu est au ciel et nous sur la terre. « C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, possédons la grâce, par laquelle nous rendions notre culte à Dieu d’une manière qui lui soit agréable, avec respect et crainte ; car notre Dieu est un feu consumant » (Héb. 12, 28, 29).

Espérant reprendre ce sujet, je suis, chers frères, votre indigne serviteur en Christ.

Deuxième lettre — L’Église édifiée par des dons

Bien-aimés frères,

En revenant au sujet sur lequel je vous écrivis dernièrement, je voudrais vous présenter l’extrait suivant d’un traité, écrit, il y a au moins neuf ou dix ans. L’auteur[1], si je suis bien informé, est un frère qui a été grandement honoré de Dieu parmi nous, et qui est connu personnellement de la plupart d’entre vous. Le traité est sous la forme d’un dialogue.

E. J’ai appris que vous affirmez que chaque frère est capable d’enseigner dans l’assemblée des saints.

W. Si je disais cela, je nierais le Saint Esprit. Personne n’est capable d’enseigner dans l’assemblée des saints, s’il n’a pas reçu de Dieu un don particulier pour cela.

E. Bien, mais vous croyez que tout frère a le droit de parler dans l’assemblée, s’il le peut.

W. Non, certainement pas. Je nie ce droit à qui que ce soit, excepté à Dieu le Saint Esprit. Un homme peut être naturellement très capable de parler et de bien parler, mais s’il ne peut pas « complaire à son prochain en ce qui est bon pour l’édification », le Saint Esprit ne l’a pas qualifié pour parler ; et s’il le fait, il déshonore Dieu son Père, il contriste l’Esprit, et méprise l’Église de Christ ; et de plus, il ne fait que manifester sa propre volonté.

E. Quelle est donc votre vue particulière là-dessus ?

W. Pensez-vous que ce soit une vue à moi particulière, de croire que, comme l’Église appartient à Christ, Il lui a accordé des dons, par lesquels seuls, elle doit être édifiée et gouvernée, afin que son attention ne soit pas mal dirigée, et son temps mal employé en écoutant ce qui ne lui serait pas profitable, quelque bien dit que ce pût être ?

E. Non, j’admets cela, et je désirerais seulement que l’on ambitionnât davantage ces dons de Dieu, et que l’on mît plus de soin à combattre l’usage de tous les autres moyens, quelque crédit que puissent leur donner l’éloquence ou le patronage humain.

W. Je soutiens encore que le Saint Esprit donne des dons à qui il Lui plaît, et les dons qu’il Lui plaît ; et que les saints devraient être tellement unis ensemble, que les dons d’un frère ne devraient jamais rendre irrégulier l’exercice des dons d’un autre, et que la porte fût ouverte aux petits dons aussi bien qu’aux grands.

E. Cela va sans dire.

W. Pas du tout ; car ni dans l’église nationale ni chez les dissidents, on ne trouve 1 Corinthiens 14 mis en pratique. En outre, j’affirme qu’aucun don de Dieu n’a à attendre la sanction de l’Église pour être exercé. S’il est de Dieu, Dieu l’accréditera et les saints en reconnaîtront la valeur.

E. Admettez-vous un ministère régulier ?

W. Si par un ministère régulier, vous entendez un ministère constaté (c’est-à-dire que, dans chaque assemblée, ceux qui ont reçu des dons de Dieu pour l’édification, soient en nombre limité et connus des autres), je l’admets ; mais si par un ministère régulier, vous entendez un ministère exclusif, je n’en veux rien. Par un ministère exclusif, j’entends la reconnaissance de certaines personnes comme occupant si exclusivement la place de docteurs, que l’exercice de dons réels par quelqu’un d’autre, deviendrait irrégulier, comme, par exemple, dans l’église nationale et dans la plupart des chapelles dissidentes, où l’on regarderait comme irrégulier, un service accompli par deux ou trois personnes réellement douées par le Saint Esprit.

E. Sur quoi fondez-vous cette distinction ?

W. Sur Actes 13, 1. Je vois qu’il n’y avait à Antioche que cinq personnes reconnues par le Saint Esprit comme propres à enseigner : Barnabas, Siméon, Lucius, Manahem et Saul. Sans doute que, dans toutes les réunions, ce n’était que ces cinq, que les saints s’attendaient à entendre parler. C’était là un ministère constaté ; mais non pas un ministère exclusif : car quand Judas et Silas vinrent (15, 32), ils purent sans difficulté prendre leurs places parmi les autres, et alors les docteurs reconnus furent plus nombreux.

E. Mais quel rapport cela aurait-il avec l’indication d’un cantique, etc., ou avec une prière, ou la lecture d’une portion de l’Écriture ?

W. Tout cela, comme le reste, tomberait sous la direction du Saint Esprit. Malheur à l’homme qui, uniquement par volonté propre, indiquerait une hymne, ou ferait une prière, ou lirait l’Écriture dans une assemblée, sans y être conduit par le Saint Esprit ! En agissant ainsi dans l’assemblée des saints, il fait profession d’être poussé et guidé par le Saint Esprit ; et cette profession, lorsqu’elle n’est pas vraie, est quelque chose de très présomptueux. Si les saints savent ce que c’est que la communion, ils sauront aussi combien il est difficile de conduire la congrégation dans la prière et dans le chant. S’adresser à Dieu, au nom de l’assemblée, ou proposer à celle-ci un cantique, comme le moyen d’exprimer à Dieu son état réel, demande beaucoup de discernement, ou au moins la direction la plus immédiate de la part de Dieu.

Tel est le jour, sous lequel ces sujets étaient envisagés par un frère, connu, je crois, de la plupart d’entre vous — un des premiers ouvriers parmi ceux qui, depuis plus de vingt ans, ont cherché à se réunir au nom de Jésus. À l’appui de l’idée principale de l’extrait ci-dessus — savoir que Dieu ne désigne jamais tous les saints pour prendre part au ministère public de la Parole, ou pour conduire le culte d’une assemblée, je voudrais vous renvoyer premièrement à 1 Corinthiens 12, 29 et 30 : « Tous sont-ils apôtres ? Tous sont-ils prophètes ? Tous sont-ils docteurs ? Tous ont-ils le don des miracles ? Tous ont-ils des dons de guérisons ? Tous parlent-ils diverses langues ? Tous interprètent-ils ? ». Ces questions n’auraient pas de sens, s’il n’eût pas été évident, que de telles places dans le corps n’étaient remplies que par quelques-uns. L’apôtre venait de dire : « Et Dieu a placé dans l’Église, premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite des miracles », etc. Après quoi il dit : « Tous sont-ils apôtres ? » etc. Ainsi dans la portion même des Écritures, qui traite avec le plus de détails de la souveraineté du Saint Esprit, dans la distribution et l’exercice des dons dans le corps, l’Église ; dans la portion même, à laquelle on en appelle toujours, et avec raison, pour prouver que la liberté du ministère est ce que Dieu a établi dans Son Église ; dans cette portion même, il nous est dit que tous n’étaient pas des frères doués de Dieu, mais que Dieu en avait établi dans le corps ; puis vient l’énumération des différents ordres et espèces de dons qui les distinguaient.

Voulez-vous prendre maintenant Éphésiens 4 ? — On a élevé des doutes quant à la possibilité d’agir suivant les principes contenus dans 1 Corinthiens 12 et 14, en l’absence d’une si grande partie des dons énumérés dans ces chapitres. Je n’ai point moi-même de doutes pareils, et je me bornerai à demander à ceux qui en ont, où se trouvent dans l’Écriture d’autres principes, d’après lesquels nous puissions agir ; et, s’il n’y en a point, quelle autorité nous possédons pour agir suivant des principes qui ne sont nulle part dans l’Écriture ? Mais aucun doute de ce genre ne peut exister quant à Éphésiens 4, 8 à 13 : « C’est pourquoi il dit : Étant monté en haut, il a emmené captive une foule de captifs, et il a donné des dons aux hommes… Et c’est lui qui a donné les uns comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres comme évangélistes, d’autres comme pasteurs et docteurs, pour la restauration des saints, pour l’œuvre du ministère, pour l’édification du corps du Christ ». Et remarquez qu’ils sont donnés jusqu’à ce que l’Église soit complète. Aussi longtemps que Christ a sur la terre un corps, auquel le service de tels hommes est nécessaire, Il leur confère les dons de Son amour, pour la nourriture et l’entretien de ce corps, Son Épouse : « Jusqu’à ce que tous, nous nous rencontrions », etc.

C’est donc par le ministère d’hommes vivants, donnés et appelés pour ce ministère ou ce service, que Christ prend soin de Son troupeau et le nourrit, que le Saint Esprit opère dans le corps, où Il demeure. Peut-être, il est vrai, ces hommes ont-ils un métier : Paul était un faiseur de tentes ; peut-être sont-ils très loin (plus loin est mieux) de toute espèce de prétentions à une dignité cléricale, à une position officielle ; mais ils n’en constituent pas moins la provision de Christ pour l’édification de Ses saints, et pour l’appel des âmes ; et la vraie sagesse des saints est de discerner ces dons, là où Christ les a mis, et de les reconnaître à la place qu’Il leur a assignée dans Son corps. Les reconnaître de cette manière, c’est reconnaître Christ ; refuser de le faire, c’est, à la fois, nous faire tort à nous-mêmes et déshonorer le Seigneur.

Rappelons-nous aussi que Dieu a mis ces dons dans le corps, dans tout le corps ; que c’est à l’ensemble du corps que Christ les a donnés, et que nous ne sommes pas tout le corps. Supposez que l’Église fût restée manifestement une, comme elle l’était au temps des apôtres : même alors, il se pourrait très bien que, dans tel endroit, il n’y eût point d’évangéliste, et, dans tel autre, point de pasteur ou docteur ; tandis qu’ailleurs, au contraire, se trouverait plus d’un évangéliste, plus d’un pasteur et docteur. Mais maintenant que l’Église est tellement dispersée et tellement divisée, combien ce que nous venons de dire ne doit-il pas être plus vrai des petites assemblées qui se réunissent ici et là au nom de Jésus ! Le Seigneur Jésus ne se soucie-t-Il plus de Son Église, parce qu’elle est divisée, déchirée ? À Dieu ne plaise ! A-t-Il cessé de manifester Ses soins pour elle, en lui accordant les dons nécessaires et convenables ? Nullement. Mais c’est dans l’unité de tout le corps qu’on les trouve : nous avons besoin de nous rappeler cela. Tous les saints de X… forment l’église de Dieu de cet endroit ; et il peut y avoir des évangélistes, des pasteurs et docteurs parmi ceux des membres du corps qui sont encore dans l’église établie, ou au milieu des méthodistes et des dissidents. Quel profit retirons-nous de leur ministère ? Et comment les saints qui sont avec eux peuvent-ils profiter des dons que Christ a mis au milieu de nous ?

En exposant ces pensées, bien-aimés frères, mon but a été de vous faire bien comprendre que, si, parmi les soixante-dix ou quatre-vingts qui se réunissent à X… au nom du Seigneur, il ne s’en trouve point qui soient Ses dons, selon ce qui est dit dans Éphésiens 4 ; ou qu’il y en ait seulement deux ou trois, le fait que nous nous réunissons de cette manière, n’augmentera pas, par lui-même, le nombre de ces dons. Un frère que Christ Lui-même n’a pas fait pasteur ou évangéliste, ne le deviendra pas en commençant à se réunir là où la présence du Saint Esprit et la liberté du ministère sont reconnues. Et si, parce qu’il y a affranchissement des restrictions humaines, ceux qui n’ont pas été donnés par Christ à Son Église, comme pasteurs, docteurs ou évangélistes, s’en attribuent la position ou agissent comme tels, en résultera-t-il de l’édification ? Non, mais au contraire, de la confusion ; et « Dieu n’est point un Dieu de désordre, mais de paix, comme dans toutes les assemblées des saints ». Si de tels dons manquent au milieu de nous, confessons notre pauvreté ; si nous en possédons deux ou trois, soyons-en pleins de gratitude, reconnaissons-les à la place que Dieu leur a assignée, et prions afin d’obtenir des dons et des ministères plus nombreux et meilleurs. Mais gardons-nous de supposer que l’action d’un frère quelconque, que le Seigneur n’a pas Lui-même établi dans cette position, puisse remplacer un don. L’unique effet d’une telle action est d’attrister l’Esprit, et de L’empêcher d’agir par le moyen de ceux qu’Il emploierait, sans cela, au service des saints.

Une heureuse pensée se présente à moi, en terminant cette lettre. Si la position dans laquelle nous sommes ne répondait nullement à ce qui se trouve dans l’Écriture, de telles questions s’élèveraient difficilement au milieu de nous. Lorsque tout est arrangé, réglé par un système humain, que des hommes établis par un évêque, une conférence ou une congrégation, n’ont qu’à se conformer, dans leurs offices, à une routine prescrite par les règles auxquelles ils sont soumis, de telles questions n’ont point de raison d’être. Les difficultés mêmes de notre position prouvent, par leur caractère, que cette position est de Dieu. Oui, et Dieu, qui nous y a amenés par Son Esprit, par le moyen de la Parole, est pleinement suffisant, et ne nous fera pas défaut dans les difficultés ; mais Il nous les fera traverser d’une manière profitable pour nous et pour Sa propre gloire. Soyons seulement simples, humbles et modestes. Ne prétendons pas à quelque chose de plus que ce que nous possédons, ou avoir à faire ce pour quoi Dieu ne nous a pas qualifiés. Je réserve quelques points de détail pour une autre lettre.

En attendant, je reste votre affectionné en Christ.

Troisième lettre — Comment on peut discerner la direction de l’Esprit

Marques négatives

Bien-aimés frères,

Il est deux points sur lesquels je désire me faire clairement comprendre, avant d’aborder le sujet spécial de cette lettre. Premièrement, la différence qui existe entre le ministère et le culte. Je prends ici le mot culte dans son sens le plus étendu, comme désignant les diverses manières dont l’homme s’adresse à Dieu : la prière, la confession, et ce qui est plus proprement le culte, savoir, l’adoration, l’action de grâces et la louange. La différence essentielle entre le ministère et le culte, c’est que dans celui-ci l’homme parle à Dieu, et que dans celui-là Dieu parle aux hommes par Ses serviteurs. Notre unique titre, mais pleinement suffisant, pour pouvoir rendre culte, est cette surabondante grâce de Dieu, laquelle nous a tellement rapprochés par le sang de Jésus, que maintenant nous connaissons et adorons Dieu comme notre Père, et que nous sommes rois et sacrificateurs à Dieu. À cet égard, tous les saints sont égaux : le plus faible et le plus fort, celui qui a le plus d’expérience et celui qui n’est encore qu’un petit enfant, ont tous la même part à ce privilège. Le serviteur de Christ le plus doué ne possède pas plus de droit à s’approcher de Dieu, que le plus ignorant d’entre les saints parmi lesquels il exerce son ministère. Admettre le contraire serait agir comme on ne l’a que trop fait dans toute la chrétienté, c’est-à-dire instituer un ordre de sacrificateurs ou de prêtres entre l’Église et Dieu. Nous avons un grand souverain Sacrificateur. La seule sacrificature qui existe actuellement à côté de la sienne, est cette sacrificature que tous les saints partagent, et qu’ils partagent tous également. Aussi ne pourrais-je pas supposer que, dans une assemblée de chrétiens, ceux que Dieu a qualifiés pour enseigner, pour exhorter ou pour prêcher l’évangile, fussent seuls appelés à indiquer des hymnes, à prier, à louer Dieu, à Lui rendre grâces (j’entends l’expression de l’action de grâces, de la louange, etc.). Il se peut que Dieu le Saint Esprit se serve d’autres frères, ou pour indiquer une hymne qui soit l’expression vraie de l’adoration de l’assemblée ; ou pour exprimer, dans des prières, les désirs réels et les vrais besoins de ceux dont ils font profession d’être l’organe ou la bouche. Et si Dieu trouve bon d’agir de cette manière, qui sommes-nous pour nous opposer à Sa volonté ? Toutefois souvenons-nous bien que, si ces actes de culte ne peuvent être le privilège exclusif de ceux qui ont des dons, il faut qu’ils soient subordonnés à la direction du Saint Esprit ; et ils sont tous régis par les principes contenus dans 1 Corinthiens 14, d’après lesquels toutes choses doivent se faire avec ordre et pour l’édification.

Le ministère (c’est-à-dire le ministère de la Parole, dans lequel Dieu parle aux hommes par le moyen de Ses serviteurs) est le résultat du dépôt spécial, dans l’individu, d’un don ou de dons, de l’usage desquels il est responsable envers Christ. Notre droit à rendre culte est ce en quoi nous sommes tous égaux ; la responsabilité du ministère découle de ce en quoi nous différons. « Or, puisque nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été donnée » (Rom. 12, 6). Ce passage établit, de lui-même, la différence dont je parle entre le ministère et le culte.

Le second point est la liberté du ministère. La vraie idée, l’idée scripturaire de liberté du ministère, ne comprend pas seulement la liberté dans l’exercice des dons, mais aussi pour leur développement. Elle implique que nous reconnaissons dans nos assemblées la présence et la suprématie de l’Esprit, à tel point que nous ne mettons aucun obstacle quelconque à Son action, par qui Il veut ; il est donc parfaitement clair que le premier développement d’un don doit être l’œuvre de l’Esprit, commençant à agir par des frères qu’Il n’employait pas ainsi auparavant. Tout principe contraire serait, il me semble, également attentatoire aux privilèges de l’Église et aux droits du Saint Esprit. Mais alors, il est évident, que si les enfants de Dieu se réunissent sur un principe qui laisse au Saint Esprit la liberté de pousser tel frère à indiquer un cantique, tel autre à prier, un troisième à donner une parole d’exhortation ou une doctrine ; et si l’Esprit doit de même être laissé libre de développer des dons pour l’édification du corps ; il est évident, dis-je, que cela ne peut avoir lieu sans que, par là-même, l’occasion ne soit fournie à la précipitation et à la suffisance, d’agir en dehors de toute direction de l’Esprit. De là l’importance de savoir comment on peut distinguer entre ce qui est de la chair et ce qui est de l’Esprit. Je déteste l’abus que l’on fait trop souvent d’expressions telles que « le ministère de la chair » et « le ministère de l’Esprit » ; cependant elles renferment une bien importante vérité, quand on les emploie avec justesse. Chaque chrétien a au-dedans de lui deux sources de pensées, de sentiments, de motifs, de paroles et d’actions, et ces deux sources sont appelées dans l’Écriture « la chair et l’Esprit ». Notre action dans les assemblées des saints peut provenir de l’une ou de l’autre de ces sources. Il est donc très important de savoir bien distinguer entre elles ; il est important pour ceux qui agissent dans les assemblées, soit habituellement soit par occasion, de se juger eux-mêmes à cet égard ; c’est une chose essentielle pour tous les saints, puisque nous sommes exhortés à « éprouver les esprits » ; ce qui peut parfois placer l’assemblée sous la responsabilité de reconnaître ce qui est de Dieu, et de signaler en le repoussant ce qui procéderait d’une autre source.

C’est sur quelques-unes des principales marques à l’aide desquelles nous pouvons distinguer la direction de l’Esprit des prétentions et des contrefaçons de la chair, que je désirerais maintenant attirer votre attention. Et d’abord, je voudrais mentionner plusieurs choses qui ne sont pas pour nous une autorisation à prendre part à la direction des assemblées des saints.

1º On n’est pas autorisé à agir, simplement parce qu’il y a liberté d’agir. La chose est tellement évidente qu’il n’est nullement besoin de la démontrer ; et cependant nous avons besoin qu’on nous en fasse souvenir. Le fait qu’aucun obstacle formel ne s’oppose à ce que chaque frère agisse dans l’assemblée, donne la possibilité à ceux dont l’unique capacité est de savoir lire, de prendre une grande partie du temps, en lisant chapitre après chapitre et indiquant hymne après hymne. Tout enfant qui a appris à lire pourrait en faire autant ; et, en vérité, peu de frères au milieu de nous seraient incapables de diriger les assemblées, si toute la capacité requise consistait à savoir lire comme il faut des chapitres et des hymnes. Il est assez facile de lire un chapitre ; mais discerner celui qu’il convient de lire et le moment convenable pour le lire, c’est tout autre chose. Il n’est pas difficile non plus d’indiquer une hymne ; mais en indiquer une qui renferme et exprime réellement l’adoration de l’assemblée, voilà ce qu’il est impossible de faire sans la direction du Saint Esprit. Je vous l’avoue, mes frères, lorsque, il y a quelque temps (non pas dernièrement, grâce à Dieu), nous avions lu cinq ou six chapitres et chanté autant d’hymnes autour de la table du Seigneur, et prié ou rendu grâces peut-être une seule fois, je me demandais si nous avions été réunis pour annoncer la mort du Seigneur, ou bien pour nous perfectionner dans la lecture et dans le chant. Je bénis Dieu sincèrement des progrès qui ont eu lieu à cet égard depuis quelques mois ; toutefois il est bon que nous nous rappelions sans cesse que la liberté d’agir dans les assemblées ne nous autorise pas à y agir à notre gré.

2º On n’est pas suffisamment autorisé à agir dans tel ou tel moment, parce que aucun autre frère ne le fait. Le silence pour le silence ne peut être trop évité : rien n’empêche qu’il ne devienne une forme tout aussi bien qu’autre chose ; mais le silence vaut mieux encore que ce qu’on dirait ou ferait simplement pour le rompre. Je sais bien ce que c’est que de penser aux personnes présentes qui ne sont pas de l’assemblée, peut-être même pas converties, et de se sentir mal à l’aise du silence à cause d’elles. Lorsqu’un tel état de choses est fréquent ou habituel, il est possible que ce soit un appel sérieux de Dieu à rechercher d’où cela peut provenir ; mais jamais cela ne peut autoriser un frère, à parler, à prier ou à indiquer une hymne, dans l’unique but que l’on fasse quelque chose.

3º De plus, nos expériences et notre état individuels ne sont pas des guides sûrs quant à la part d’action que nous pouvons prendre dans les assemblées des saints. Il se peut qu’une hymne ait été d’une grande douceur pour mon âme, ou que je l’aie entendu chanter ailleurs avec une grande jouissance de la présence du Seigneur ; mais dois-je en conclure que je suis appelé à indiquer cette hymne dans la première réunion à laquelle j’assisterai ? Il est possible qu’elle ne soit nullement en rapport avec l’état actuel de l’assemblée. Peut-être aussi ne serait-ce point du tout l’intention de l’Esprit qu’une hymne fût chantée. « Quelqu’un parmi vous est-il dans la souffrance ? Qu’il prie ; quelqu’un est-il joyeux ? Qu’il psalmodie » (Jacq. 5, 13). Une hymne doit exprimer les sentiments de ceux qui sont réunis ; autrement, en la chantant, ils ne seront pas sincères. Et qui pourra faire trouver une telle hymne, sinon Celui qui connaît l’état actuel de l’assemblée ? Il en est de même quant à la prière : si quelqu’un prie dans l’assemblée, c’est comme l’organe des requêtes et de l’expression des besoins de tous. Je puis avoir à me décharger sur le Seigneur, au moyen de la prière, de fardeaux à moi particuliers, qu’il ne conviendrait nullement de mentionner dans l’assemblée. Si j’agissais de cette manière, l’unique effet en serait, probablement, de rabaisser tous mes frères au même niveau que moi. D’un autre côté, il se peut que mon âme soit parfaitement heureuse dans le Seigneur ; mais, s’il n’en est pas ainsi de l’assemblée, c’est seulement en m’identifiant avec son état à elle, que je serai rendu capable de présenter ses requêtes à Dieu. C’est-à-dire que, si je suis poussé par l’Esprit à prier dans l’assemblée, ce ne devra pas être comme dans mon cabinet, où nul ne se trouve, excepté le Seigneur et moi, et où mes propres besoins et mes propres joies forment le sujet spécial de mes prières et de mes actions de grâces ; mais il faudra que je sois rendu capable de faire au Seigneur les confessions, et de Lui présenter les actions de grâces et les requêtes qui s’accordent avec l’état de ceux dont je deviens la bouche, en m’adressant ainsi à Dieu. Une des plus grandes méprises que nous puissions faire, c’est de nous imaginer que le moi et ce qui se rapporte au moi, doive nous guider dans la direction des assemblées des saints. Une portion de l’Écriture peut avoir intéressé à un haut degré mon âme, et je puis en avoir profité ; mais il ne s’ensuit pas que je doive la lire à la table du Seigneur ou dans d’autres réunions des saints. Il se peut aussi que quelque sujet particulier m’occupe ou me préoccupe, et que ce soit pour le bien de mon âme ; mais il se peut en même temps, que ce ne soit pas du tout le sujet sur lequel Dieu veut que l’attention des saints en général soit attirée. Remarquez-le, je ne nie pas que nous ne puissions avoir été occupés spécialement, nous-mêmes, de sujets dont la volonté de Dieu serait que nous occupassions aussi les saints. Peut-être en est-il souvent, ou même ordinairement ainsi, chez les serviteurs de Dieu ; mais ce que je ne crains pas d’affirmer, c’est que, en soi-même, le fait que nous avons été occupés de cette manière n’est pas une direction suffisante. Nous pouvons avoir des besoins que les enfants de Dieu en général n’ont pas, et pareillement leurs besoins peuvent ne pas être les nôtres.

Permettez-moi d’ajouter que l’Esprit ne me poussera jamais à indiquer des hymnes, parce qu’elles expriment mes vues particulières. Il se peut que, sur certains points d’interprétation, les saints qui se réunissent ensemble ne soient pas entièrement du même avis. Dans ce cas, si quelques-uns d’entre eux choisissent des hymnes dans le dessein d’exprimer leur propre opinion — quelque bonnes ou vraies que soient d’ailleurs ces hymnes — il est impossible que les autres membres de l’assemblée les chantent ; et, au lieu d’harmonie, il en résulte du désaccord. Dans une réunion de culte, les hymnes que l’Esprit de Dieu indique seront l’expression des sentiments communs à tous. En tout temps, mais en tout cas dans l’assemblée, empressons-nous « de conserver l’unité de l’Esprit dans le lien de la paix » ; et souvenons-nous que le moyen d’y parvenir, c’est de marcher « avec toute sorte d’humilité et de douceur, avec longanimité, nous supportant les uns les autres dans l’amour ».

Laissez-moi vous rappeler ici que, dans le chant, dans la prière, dans le culte en un mot, quel que puisse être l’organe ou la bouche de l’assemblée, c’est l’assemblée qui parle à Dieu ; par conséquent le culte ne sera vrai, sincère, qu’autant qu’il ne dépassera pas, mais exprimera fidèlement l’état de cette assemblée. Béni soit Dieu, de ce qu’Il peut, par Son Esprit, faire entendre une note plus haute (et Il le fait souvent) qui vibre immédiatement dans tous les cœurs, et de ce qu’Il donne ainsi au culte un ton plus élevé. Mais si l’assemblée n’est pas en état de répondre tout de suite à ce diapason de louange, rien ne peut être plus pénible que d’entendre un frère se répandre en ardents accents d’actions de grâces et d’adoration, tandis que les autres cœurs sont tristes, froids et distraits. Celui qui exprime le culte de l’assemblée doit avoir avec lui les cœurs de l’assemblée ; sans cela, on n’est pas dans le vrai. D’un autre côté, puisque c’est Dieu qui nous parle dans le ministère, celui-ci n’est pas, comme le culte, limité par notre état ; il peut toujours être à un degré plus élevé. Si un frère employé dans le ministère est réellement, en parlant, la bouche de Dieu, comme il doit l’être, ce sera souvent pour nous présenter des vérités que nous n’avons pas encore reçues, ou pour nous en rappeler d’autres qui ont cessé d’agir avec puissance sur nos âmes. Combien il est évident que, dans l’un et l’autre de ces cas, et dans tous les cas, il faut que ce soit l’Esprit de Dieu qui dirige.

Je trouve qu’il vaut mieux laisser pour une autre lettre ce qui distingue la direction positive de l’Esprit. Je n’ai présenté jusqu’ici que la partie négative de ce sujet.

Je suis, bien-aimés frères, votre affectionné en Christ.

Quatrième lettre — Comment on peut discerner la direction de l’Esprit dans l’assemblée

Marques positives

Bien-aimés frères,

L’homme qui tenterait de définir les opérations de l’Esprit dans le réveil ou dans la conversion d’une âme, ne ferait que trahir sa propre ignorance, et nierait, de plus, cette souveraineté de l’Esprit déclarée dans ces paroles bien connues : « Le vent souffle où il veut, et tu en entends la voix ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va ; il en est ainsi de quiconque est engendré de l’Esprit ». Et cependant l’Écriture abonde en signes, qui peuvent servir à reconnaître ceux qui sont nés de l’Esprit et ceux qui ne le sont pas. Il en est de même du sujet de cette lettre. J’espère être préservé du danger d’usurper la place du Saint Esprit, en croyant pouvoir définir exactement le mode de Ses opérations sur les âmes de ceux qu’Il pousse à agir dans l’assemblée, soit dans le culte, soit en exerçant un ministère au milieu des saints. La chose peut être, dans certains cas, beaucoup plus claire et beaucoup plus sensible que dans d’autres (je veux dire, sensible à celui qui est ainsi appelé à agir). Mais, quelque vain et présomptueux qu’il pût être de chercher à donner une vraie et complète définition sur ce sujet, l’Écriture nous offre d’amples instructions touchant les marques du vrai ministère ; et c’est sur quelques-unes des plus simples et des plus évidentes de ces marques que je désire maintenant attirer votre attention. Il en est qui s’appliquent à la matière qui est l’objet du ministère ; et d’autres qui concernent les motifs qui nous portent à agir dans le ministère, ou à prendre une part quelconque à la direction des assemblées des saints. Les unes fourniront à ceux qui agissent ainsi, une pierre de touche, au moyen de laquelle ils pourront se juger eux-mêmes ; et à l’aide des autres, tous les saints pourront discerner ce qui est de l’Esprit et ce qui procède d’une autre source. Les unes serviront à montrer ceux qui sont les dons de Christ à Son Église pour le ministère de la Parole ; et les autres aideront ceux qui sont réellement ces dons-là, à décider l’importante question de savoir quand ils doivent parler et quand ils doivent se taire. Mon âme tremble lorsque je pense à ma responsabilité en écrivant sur un tel sujet ; mais ce qui m’encourage, c’est que « notre capacité vient de Dieu », et que « l’Écriture est utile pour l’enseignement, pour la conviction, pour la correction, pour l’instruction qui est dans la justice ; afin que l’homme de Dieu soit accompli, étant entièrement formé pour toute bonne œuvre ». Éprouvez tout ce que je pourrai écrire au moyen de cette règle parfaite, et, si quelque chose ne supportait pas cette épreuve, que Dieu vous accorde la grâce, bien-aimés frères, d’être assez sages pour le rejeter.

Ce n’est point par des impulsions aveugles et des impressions inintelligentes que l’Esprit dirige, mais c’est en remplissant l’entendement spirituel des pensées de Dieu, telles qu’elles sont révélées dans la Parole écrite, et en agissant sur les affections renouvelées. Dans les premiers temps de l’Église, il y avait, il est vrai, des dons de Dieu, dont l’emploi pouvait ne pas être lié à l’intelligence spirituelle. Je veux parler du don des langues, quand il n’y avait pas d’interprète ; et il paraîtrait que ce don étant aux yeux des hommes plus merveilleux que les autres, les Corinthiens aimaient beaucoup à l’exercer et à l’étaler. L’apôtre les en reprend : « Je rends grâces à mon Dieu de ce que je parle des langues plus que vous tous ; mais, dans une assemblée, j’aime mieux prononcer cinq paroles, au moyen de mon intelligence, afin d’enseigner aussi les autres, que dix mille paroles dans une langue. Frères, ne soyez pas des enfants en raison ; mais, quant à la malice, conduisez-vous comme de petits enfants ; et, quant à la raison, soyez des hommes faits » (1 Cor. 14, 18-20). Le moins, donc, qu’on puisse attendre de ceux qui exercent un ministère, c’est qu’ils connaissent l’Écriture, qu’ils aient l’intelligence de la pensée de Dieu telle qu’elle est révélée dans la Parole. Cette connaissance, cette intelligence, remarquez-le, peuvent se trouver chez un frère et n’être accompagnées d’aucun don d’élocution, d’aucune capacité pour les communiquer à d’autres ; mais sans elles, qu’aurions-nous à communiquer ? Assurément les enfants de Dieu ne s’assemblent pas de temps en temps au nom de Jésus, pour qu’on leur présente des pensées tout humaines, ou pour qu’on leur répète ce que d’autres ont dit ou écrit. Une connaissance personnelle de l’Écriture, l’intelligence de son contenu, sont certainement des choses essentielles au ministère de la Parole. « Jésus leur dit : Avez-vous compris toutes ces choses ? Ils lui dirent : Oui, Seigneur. Et il leur dit : C’est pourquoi tout scribe devenu disciple pour le royaume des cieux, est semblable à un maître de maison, qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes » (Matt. 13, 51, 52). Quand notre Seigneur était sur le point d’envoyer Ses disciples pour qu’ils fussent Ses témoins, « il leur ouvrit l’entendement, pour qu’ils comprissent les Écritures » (Luc 24, 45). Et combien de fois ne lisons-nous pas que Paul, quand il prêchait aux Juifs, s’entretenait avec eux d’après les Écritures (Act. 17, 2, 4). Si l’apôtre s’adresse aux Romains comme à des chrétiens capables de s’avertir les uns les autres, c’est parce qu’il peut dire d’eux : « Pour moi, mes frères, j’ai aussi cette persuasion à votre égard, que vous aussi vous êtes pleins de bonté, ayant été remplis de toute connaissance, étant même capables de vous avertir les uns les autres » (Rom. 15, 14). Dans les portions de l’Écriture qui traitent le plus expressément de l’action de l’Esprit dans l’assemblée, dans 1 Corinthiens 12, par exemple, ce n’est pas à l’exclusion de la Parole, que cette action est dite avoir lieu. « Car à l’un, par l’Esprit, est donnée une parole de sagesse ; et à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit » (1 Cor. 12, 8). Lorsque l’apôtre énumère les choses par lesquelles lui et d’autres se rendent recommandables comme serviteurs de Dieu, nous trouvons ce qui suit dans cette admirable liste : « dans la connaissance ; par la parole de la vérité ; au moyen des armes de la justice, celles de la droite et de la gauche » (2 Cor. 6), et si vous faites attention à ce qui constitue cette armure, vous trouverez que c’est la vérité qui est une ceinture pour les reins, et l’épée de l’Esprit qui est la Parole de Dieu (Éph. 6, 14, 17). L’apôtre, faisant allusion à ce qu’il avait déjà écrit aux Éphésiens, dit : « Par où vous pouvez, en lisant, reconnaître l’intelligence que j’ai dans le mystère du Christ » (Éph. 3, 4). Quand le même apôtre presse les saints de s’exhorter les uns les autres, voyez ce qu’il mentionne avant tout, comme une condition essentielle et préalable pour cela : « Que la parole du Christ habite en vous richement en toute sagesse ; et enseignez-vous et avertissez-vous les uns les autres, par des psaumes, et des hymnes et des cantiques spirituels, avec actions de grâces, chantant de votre cœur au Seigneur » (Col. 3, 16). Il dit de même à Timothée : « En exposant ces choses aux frères, tu seras un bon serviteur de Jésus Christ, nourri des paroles de la foi et de la bonne doctrine que tu as exactement suivie ». Et il l’exhorte, en disant : « Jusqu’à ce que je vienne, applique-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement. Occupe-toi de ces choses, sois-y tout entier, afin que tes progrès soient évidents en toutes choses ». « Sois attentif à toi-même et à l’enseignement ; persévère dans ces choses ; car en faisant cela tu sauveras, et toi-même et ceux qui t’écoutent » (1 Tim. 4, 6, 13, 15, 16). Dans la seconde épître, Timothée est exhorté de cette manière : « Et les choses que tu as entendues de moi, au milieu de beaucoup de témoins, confie-les à des hommes fidèles, qui seront capables d’enseigner aussi les autres » (2, 2). Et, quant à Timothée lui-même, nous lisons : « Empresse-toi à te présenter à Dieu comme un ouvrier approuvé qui n’a point à rougir, et qui distribue exactement la parole de la vérité » (v. 15). Parmi les qualités requises pour être évêque ou surveillant, telles qu’elles sont mentionnées dans Tite 1, nous trouvons ceci : « Retenant la parole fidèle selon la doctrine, afin qu’il soit capable, et d’exhorter par l’enseignement sain, et de reprendre les contredisants ». Tout ce qui précède prouve avec évidence, mes frères, que ce n’est pas seulement par de petits fragments de vérité, présentés toutes les fois que nous nous sentons poussés à le faire, que l’Église peut être édifiée[2]. Non, les frères par le moyen desquels le Saint Esprit agit pour paître, nourrir, et conduire les saints de Dieu, sont ceux dont l’âme est habituellement exercée par la méditation de la Parole ; ceux « qui, par l’habitude, ont le sens exercé à discerner le bien et le mal » (Héb. 5, 14). Comme nous l’avons dit, le moins qu’on puisse attendre de ceux qui ont un ministère dans l’Église, c’est qu’ils aient une telle connaissance de la Parole de Dieu.

Cependant cette connaissance ne suffit pas ; il faut aussi que la Parole de Dieu soit appliquée à la conscience des saints, de telle sorte qu’elle réponde à leurs besoins actuels. Pour cela, il faut ou apprendre à connaître l’état des saints, en ayant des communications avec eux, etc. (et cette connaissance ne serait jamais que fort imparfaite), ou bien être directement dirigé de Dieu. Ceci est vrai des frères qui, comme évangélistes, pasteurs et docteurs, sont, dans le sens le plus complet du mot, et le plus manifestement, les dons de Christ à Son Église. C’est Dieu seul qui peut leur faire trouver les portions de la vérité qui atteindront la conscience et répondront aux besoins des âmes ; c’est Lui seul qui peut les rendre capables de présenter cette vérité de telle manière qu’elle ait son effet. Dieu le Saint Esprit connaît les besoins de tous en général et de chacun en particulier dans l’assemblée, et Il peut donner à ceux qui parlent de faire entendre la vérité même qui convient, qui est nécessaire, qu’ils connaissent ou non l’état de ceux auxquels ils s’adressent. Combien n’est-il donc pas important d’être sans réserve et sincèrement soumis à cet Esprit !

Une chose qui distinguerait toujours le ministère de l’Esprit, ce seraient des effusions découlant d’une affection personnelle pour Christ. « M’aimes-tu ? » Telle fut la question répétée trois fois à Pierre, en même temps qu’il lui était ordonné, aussi jusqu’à trois fois, de paître le troupeau de Christ. « Car l’amour de Christ nous étreint », dit Paul. Combien ceci diffère de tant de motifs qui pourraient nous influencer naturellement ! Combien il serait important que nous pussions, en bonne conscience, dire chaque fois que nous exerçons quelque ministère : « Ce n’est pas le désir de me mettre en avant, ni la force de l’habitude, ni l’impatience, qui ne peut supporter que l’on ne fasse rien, qui m’a porté à agir ; mais c’est l’amour pour Christ, et pour Son troupeau à cause de Celui qui l’a acquis au prix de Son propre sang ». Certainement, c’était là le motif qui manquait au méchant serviteur, qui avait caché dans la terre le talent de son maître.

Outre cela, le ministère de l’Esprit, et tout autre action faite, dans l’assemblée, sous l’impulsion de ce même Esprit, se distinguerait toujours par un sentiment profond de responsabilité envers Christ. Laissez-moi vous adresser une question, mes frères, et me l’adresser aussi à moi-même. Supposez que quelquefois, à la fin d’une réunion, on nous demandât : « Pourquoi avez-vous indiqué une telle hymne, ou lu un tel chapitre, ou fait entendre une telle parole, ou prié de cette manière ? ». Pourrions-nous répondre avec une pure et bonne conscience : « Mon seul motif en le faisant a été la conviction sincère que telle était la volonté de mon Maître » ? Pourrions-nous dire : « J’ai indiqué cette hymne, parce que j’étais pleinement persuadé que c’était l’intention de l’Esprit qu’elle fût chantée dans ce moment-là ? J’ai lu ce chapitre, ou dit cette parole, parce que je sentais clairement devant Dieu que c’était là le service que mon Seigneur et Maître m’assignait ? J’ai prié de cette manière, parce que je savais que l’Esprit de Dieu m’appelait à demander, comme bouche de l’assemblée, les bénédictions implorées dans cette prière » ? Mes frères, pourrions-nous répondre cela ? Ou n’agissons-nous pas souvent, plutôt, sans aucun sentiment de notre responsabilité envers Christ ? « Si quelqu’un parle, que ce soit comme oracle de Dieu », dit l’apôtre Pierre. Cela ne signifie pas : qu’il parle selon l’Écriture, quoique naturellement ceci soit vrai aussi ; ce passage veut dire, ou plutôt dit, que ceux qui parlent doivent parler comme oracles de Dieu. Si je ne puis pas dire en parlant : « Je crois que Dieu m’a enseigné ce que je fais entendre dans ce moment à l’assemblée, et que Sa volonté est que je le dise maintenant », je dois me taire. Naturellement un homme peut se tromper en disant cela, et c’est aux saints de juger par la Parole de Dieu, tout ce qu’ils entendent ; mais rien que la conviction sincère devant Dieu, que Dieu lui a donné quelque chose à faire ou à dire, rien que cette conviction ne devrait porter qui que ce soit à parler ou à agir de quelque autre manière dans les réunions. Si nos consciences agissaient habituellement sous cette responsabilité, ce serait sans doute un obstacle à beaucoup de choses ; mais en même temps, Dieu pourrait librement manifester Sa présence, que souvent nous ne réalisons pas assez.

Combien ce sentiment de responsabilité immédiate envers Christ est frappant chez l’apôtre Paul. « Que si j’annonce la bonne nouvelle », dit-il, « ce n’est pas pour moi un sujet de gloire, vu que la nécessité m’en est imposée ; et malheur à moi si je n’annonce pas la bonne nouvelle. Et si je le fais de bon cœur » (c’est-à-dire par choix, et volontiers), « j’en ai un salaire ; mais si c’est à contrecœur, l’administration m’en est cependant confiée » (1 Cor. 9, 16, 17). Et combien sont touchantes ces paroles qu’il adresse aux mêmes chrétiens : « Je fus, auprès de vous, dans la faiblesse, et dans la crainte, et dans un grand tremblement » (2, 3). Quel reproche pour la légèreté de cœur et la présomption avec lesquelles, hélas ! nous traitons trop souvent, tous, la sainte Parole de notre Dieu ! « Car nous ne sommes pas comme le grand nombre », dit encore le même apôtre, « qui frelatent la parole de Dieu ; mais c’est comme étant sincères, mais c’est comme de la part de Dieu, devant Dieu, que nous parlons en Christ » (2 Cor. 2, 17).

Je voudrais toucher un autre point. « Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de puissance, et d’amour et de bon sens » (2 Tim. 1, 7). « Un esprit de bon sens ». Il est possible qu’un homme ait peu ou point de science humaine ; il est possible qu’il soit incapable de s’exprimer d’une manière élégante, ou même correcte ; il est possible qu’il manque de tout cela, et que, pourtant, il soit « un bon serviteur de Jésus Christ ». Mais il faut qu’il possède un esprit de bon sens. Et, pendant que nous sommes sur ce sujet, m’est-il permis de mentionner une chose qui m’a quelquefois rendu très triste, ailleurs aussi bien qu’au milieu de nous ? Je veux parler de la confusion entre les personnes de la divinité, confusion qu’on fait souvent dans les prières. Lorsqu’un frère, en commençant à prier, s’adresse à Dieu le Père, et continue en parlant comme si c’était Lui qui fût mort et ressuscité ; ou lorsque, s’adressant à Jésus, il Lui rend grâces d’avoir envoyé Son Fils unique au monde, je vous l’avoue, je me dis : « Est-ce l’Esprit de Dieu qui peut inspirer de telles prières ? »[3]. Certainement tous ceux qui agissent dans le culte ont aussi besoin de l’esprit de « bon sens » pour éviter cette confusion. Aucun d’eux ne croit que le Père soit mort sur le Calvaire, ni que Christ ait envoyé Son Fils au monde. Où donc se trouve l’esprit rassis, l’esprit intelligent qui devrait caractériser ceux qui se mettent en avant comme les canaux du culte des saints, lorsque le langage dont ils se servent exprime réellement ce qu’ils ne croient pas eux-mêmes, ce qu’il serait choquant de croire !

En réservant encore quelques points pour une autre lettre, je suis votre affectionné en Christ.

Cinquième lettre — Diverses observations sur la dépendance réciproque des saints dans les réunions d’édification mutuelle, et sur d’autres sujets

Bien-aimés frères,

Mes remarques dans cette lettre seront plus décousues que dans les lettres précédentes, mon but étant de relever divers points qui ne pouvaient guère rentrer aisément dans les sujets que j’ai traités auparavant.

Et d’abord, qu’il me soit permis de vous rappeler que tout ce qui se fait dans une réunion d’édification mutuelle doit être le fruit de la communion. C’est-à-dire que, si je lis un chapitre de la Parole, il ne faut pas que j’aie à feuilleter longtemps ma Bible pour y chercher un chapitre qu’il convienne de lire ; mais, en admettant que je connais plus ou moins cette Parole, il faut que l’Esprit de Dieu m’ait mis au cœur la portion que je dois lire. De même, si une hymne doit être chantée, ce ne sera pas parce que j’aurai senti que le moment de chanter était venu, et qu’ainsi j’aurai cherché dans mon recueil une hymne qui me plaise ; non, mais il faut que, suivant la mesure de connaissance que j’ai du livre d’hymnes, l’Esprit de Dieu m’ait fait souvenir d’une des hymnes et m’ait poussé à l’indiquer. L’idée d’une demi-douzaine de frères parcourant leurs recueils de cantiques et leurs Bibles pour trouver des chapitres et des hymnes convenables, est aussi subversive que possible du véritable caractère d’une réunion d’édification mutuelle dans la dépendance du Saint Esprit. Je puis, il est vrai, à cause d’une connaissance imparfaite de ma Bible, avoir besoin de chercher un chapitre que l’Esprit m’a mis au cœur de lire ; et la même chose quand il s’agit d’une hymne ; mais il est clair que c’est le seul but que l’on doive avoir en feuilletant l’un et l’autre de ces livres, lorsqu’on est assemblé sur le principe de la dépendance du Saint Esprit pour s’édifier mutuellement.

En second lieu, si ce que nous venons de dire était bien compris, il s’ensuivrait, comme une conséquence naturelle, qu’en voyant un frère ouvrir sa Bible ou son livre de cantiques, on saurait qu’il le fait avec la pensée de lire une portion de la Parole, ou d’indiquer une hymne. Le passage : « C’est pourquoi, mes frères, quand vous vous réunissez pour manger, attendez-vous les uns les autres » (1 Cor. 11, 33), empêcherait alors tout autre frère d’avoir l’idée d’agir dans la réunion, jusqu’à ce que celui qui aurait ainsi manifesté son désir de lire, etc. eût mis la chose à exécution ou y eût renoncé. Ceci m’amène au sujet de la dépendance mutuelle, sur lequel nous ferons bien de méditer un moment.

Dans ce chapitre (1 Cor. 11), la question, quant aux Corinthiens, n’était pas le ministère, mais la manière de prendre la cène du Seigneur. La question du ministère se présente dans le chapitre 14 ; mais la racine morale du désordre était la même dans les deux cas. Les Corinthiens ne discernaient pas le corps de Christ, et ainsi chacun d’eux était occupé de sa propre personne. « Car lorsqu’on mange, chacun prend d’abord son propre souper » (v. 21). Il en résultait ce qui suit : « Et l’un a faim et l’autre est ivre ». Le principe du moi produisait là des fruits tellement visibles et tellement monstrueux qu’ils choquaient même les sentiments naturels. Mais si, en allant aux réunions et en y étant, je ne fais que penser au chapitre que je lirai, à l’hymne que j’indiquerai, en un mot à la part que je prendrai au culte, le moi est, dans les choses spirituelles, le pivot sur lequel tournent mes pensées et mes sollicitudes, tout autant que si, comme les Corinthiens dans les choses naturelles, j’avais apporté un souper et que je le mangeasse, tandis que mon pauvre frère qui n’aurait pas pu s’en procurer un, s’en irait sans avoir soupé. C’est dans la communion du seul corps de Christ, vivifié, animé, enseigné et gouverné par le seul Esprit, que nous nous assemblons ; et assurément la pensée de nos cœurs, en nous réunissant ainsi, ne devrait être ni le souper que j’ai, moi, à manger, ni la part que j’ai, moi, à prendre à la réunion, mais la bonté et la grâce admirable de Celui qui nous a confiés à la garde du Saint Esprit, lequel ne manquera pas, si nous nous attendons humblement à Lui, d’assigner à chacun la place et l’action qui lui conviennent, sans qu’il doive y avoir en nous aucune préoccupation fiévreuse à ce sujet. Chaque chrétien n’est qu’un membre du corps de Christ, et, si les Corinthiens avaient discerné et réalisé cela, certainement celui qui avait un souper aurait attendu ceux qui n’en avaient point, pour le partager avec eux. De la même manière, si mon âme réalise cette précieuse unité du corps, et l’humble place que j’y ai comme en étant seulement un des membres, je me garderai d’agir dans l’assemblée avec une précipitation qui pourrait empêcher d’autres saints de le faire ; et, si je sens que j’ai une parole à adresser de la part du Seigneur, ou qu’Il m’appelle à quelque service, je me souviendrai toujours que d’autres peuvent avoir aussi quelque chose à dire, avoir reçu le même appel, et je leur laisserai du temps pour agir ; et, par-dessus tout, si j’aperçois un frère avoir son livre ouvert pour lire une portion de la Parole ou pour indiquer une hymne, j’attendrai qu’il l’ait fait, au lieu de me hâter de le prévenir. Ces mots : « Attendez-vous les uns les autres », s’appliquent certainement à cela aussi bien qu’à la fraction du pain ; et dans le chapitre 14 nous trouvons que, lorsque des prophètes parlaient dans l’assemblée, par une révélation immédiate, ils devaient être tellement soumis les uns aux autres que, même quand l’un d’entre eux parlait, si un autre qui était assis recevait une révélation, le premier devait « se taire ». En outre, si, comme nous l’avons déjà dit, nous réalisions notre place dans le corps et l’unité de celui-ci, la portée générale et morale de cette parole : « Que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler » (Jacq. 1, 19), nous enseignerait à nous attendre ainsi les uns les autres.

Troisièmement, le but de notre réunion est l’édification ; c’est là-dessus que l’apôtre insiste dans 1 Corinthiens 14. Dans le chapitre 12, nous avons le corps de Christ soumis à Lui comme à son Seigneur, et témoin ici-bas de cette souveraineté de Christ, en vertu de l’habitation en lui et de l’action du Saint Esprit qui distribue Ses grâces à chacun en particulier, selon qu’Il le veut ; ce chapitre se terminant par la liste des dons : apôtres, prophètes, etc., que Dieu a placés dans l’Église dans leurs diverses places d’utilité ou de service pour tout le corps. Il nous est recommandé d’avoir du zèle pour les dons les meilleurs, mais en même temps il est fait allusion à un chemin par excellence, c’est-à-dire la charité ou l’amour, dont parle le chapitre 13, sans laquelle les dons les plus magnifiques ne sont rien, et qui doit régler l’exercice de tous les dons, pour que le résultat en soit réellement l’édification. Celle-ci est le sujet du chapitre 14. Le don des langues étant le plus merveilleux aux yeux des hommes, les Corinthiens prenaient plaisir à l’étaler. Au lieu de l’amour cherchant l’édification de tous, c’était la vanité cherchant à faire parade de ses talents. Ceux-ci étaient réellement des dons, des dons de l’Esprit ; et c’est ici pour nous, bien-aimés frères, une chose sérieuse à considérer, que la puissance de l’Esprit manifestée dans les dons pour le service peut être séparée de la direction vivante du même Esprit dans l’exercice de ces dons. Cette direction ne peut se faire sentir que là où le moi est crucifié, où Christ est tout pour l’âme. Le but du Saint Esprit n’est pas de glorifier les pauvres vases de terre qui contiennent Ses dons ; mais, et cela par l’édification de tout le corps, de glorifier Christ de qui ces dons procèdent, en donnant à ceux qui les ont reçus d’en faire usage avec grâce, humilité et renoncement à eux-mêmes. Combien ce renoncement à soi-même est beau dans l’apôtre Paul ! Possédant tous les dons, avec quelle simplicité de cœur, il cherchait, non à les déployer, mais à exalter son Seigneur et à édifier les saints ! « Je rends grâces à mon Dieu de ce que je parle des langues plus que vous tous ; mais, dans une assemblée, j’aime mieux prononcer cinq paroles, au moyen de mon intelligence, afin d’enseigner aussi les autres, que dix mille paroles dans une langue ». Combien elles ont de force, sorties de la plume d’un tel homme, ces paroles du Saint Esprit : « Que toutes choses se fassent pour l’édification ». « Et vous de même, puisque vous êtes zélateurs des esprits, cherchez à en avoir abondamment pour l’édification de l’assemblée ».

De plus, tout serviteur, pour être fidèle, doit agir d’après les directions de son maître. De là l’importance de ce sur quoi j’ai tant insisté dans ma dernière lettre, savoir que, si j’agis dans l’assemblée des saints, il ne faut rien moins pour m’y pousser que la pleine et sérieuse conviction dans mon âme, et devant Dieu, que c’est bien selon la volonté actuelle de mon Maître. « Car, par la grâce qui m’a été donnée, je dis à tous ceux qui sont parmi vous, de ne pas penser d’eux-mêmes au-delà de ce qu’il faut penser ; mais d’en penser de manière à penser sainement, selon la mesure de foi que Dieu a départie à chacun » (Rom. 12, 3). La mesure de foi que Dieu m’a donnée doit être la mesure de ce que je fais ; et Dieu, en leur donnant la mesure de foi nécessaire, aura soin que Ses serviteurs sachent ainsi ce qu’Il voudra qu’ils fassent. Une conviction ferme et sincère que telle est la volonté de Dieu, peut donc seule m’autoriser à agir comme Son serviteur dans l’assemblée, et même partout ailleurs. Cependant, comme on peut faire abus de ce principe, Dieu a pourvu, par la direction contenue dans ce passage : « Que deux ou trois prophètes parlent, et que les autres en jugent » (1 Cor. 14, 29), à ce qu’il y eût un frein à cet abus dans l’assemblée. C’est à mon âme, en premier lieu, de juger et de savoir si le Seigneur m’appelle à parler, ou à agir d’une autre manière, dans l’assemblée ; mais, lorsque j’ai parlé ou agi, c’est à mes frères de juger, et, dans la très grande majorité des cas, je dois me soumettre à leur jugement. En effet, il arrivera bien rarement qu’un serviteur de Christ se sente autorisé à continuer d’agir dans les réunions, quand même son action serait désapprouvée par ses frères. Si Dieu m’appelle à parler ou à prier dans les réunions — que ce soit vraiment de Lui que procède ma conviction d’y être appelé — il est évident qu’il Lui est aussi facile de disposer les cœurs des saints à recevoir mon ministère et à s’unir à mes prières, qu’il Lui est facile de disposer mon propre cœur à un tel service. Si c’est réellement l’Esprit qui me pousse à agir, le même Esprit qui agit ainsi par moi demeure dans les saints, et, dans quatre-vingt-dix-neuf cas sur cent, l’Esprit dans les saints répondra au ministère et au culte par l’Esprit de la part d’un frère quelconque. C’est pourquoi, si, à l’ordinaire, je m’aperçois que mon action dans les réunions, au lieu d’édifier les saints, fût un fardeau et une peine pour eux, je serais autorisé à conclure que je me trompais en prenant cette position, et que je n’étais point appelé à agir ainsi. Supposez, ensuite, que la raison qui empêche que le ministère d’un frère ne soit apprécié pendant un temps, se trouve être, non l’état de ce frère, mais celui de l’assemblée ; supposez que ce frère soit tellement plus spirituel que l’assemblée qu’elle ne puisse ni goûter ni apprécier son service : dans ce cas, qui n’est pas très fréquent, il se peut que ce serviteur de Christ doive examiner s’il n’a point à apprendre à être comme son Maître, qui enseignait et « annonçait la parole selon ce qu’ils pouvaient entendre » ; s’il n’a pas besoin d’un peu plus de l’esprit de Paul, qui pouvait dire : « Nous fûmes doux au milieu de vous, comme une nourrice qui soignerait tendrement ses propres enfants » ; et qui dit aussi dans un autre endroit : « Je vous donnai du lait à boire et non un aliment à manger, car vous ne le pouviez pas encore ; mais maintenant même, vous ne le pouvez pas ». Si, malgré cette tendresse et ces soins pleins de discernement, le ministère de ce frère continue à n’être pas reçu, ce sera certainement une épreuve pour sa foi ; mais, puisque le but de tout ministère est l’édification, et qu’il est impossible que les saints soient édifiés par un ministère qui ne se recommande pas à leurs consciences, il ne pourrait être d’aucune utilité de le leur imposer, qu’ils fussent ou non capables de le recevoir. L’état général de faiblesse ou de maladie d’un corps, peut amener la dislocation de quelque jointure ; dans un cas pareil, ce ne sera pas en forçant la jointure disloquée à fonctionner, qu’on améliorera l’état du corps. C’est peut-être une chose déplorable que cette jointure ne puisse pas agir ; mais la seule manière de la remettre en bon état, c’est de lui accorder un complet repos, pendant qu’on cherche, par d’autres moyens, à rétablir la santé du corps. Il en est de même dans le cas que nous avons supposé. Continuer à exercer un ministère là où il n’est pas reçu, même quand la cause en est l’état misérable de l’assemblée, ne fait qu’ajouter de l’irritation à l’état généralement mauvais des choses, et ainsi le rendre pire. Le serviteur du Seigneur trouvera alors que sa sagesse, c’est de se taire ; ou bien peut-être, son Maître veut-Il lui faire comprendre de cette manière que Sa volonté est qu’il exerce son ministère ailleurs.

D’un autre côté, bien-aimés frères, permettez-moi de vous mettre sérieusement en garde contre le piège que, assez probablement, Satan cherchera maintenant à nous tendre ; je veux parler de l’esprit de critique à l’égard de ce qui se fait dans les réunions. Les efforts de l’Ennemi ont toujours pour but de nous pousser d’un extrême à l’autre ; en sorte que si nous avons péché par indifférence, en mettant trop peu d’importance à ce qui se faisait, pourvu que le temps fût rempli, il est plus que probable que nous serons maintenant exposés au danger contraire. Le Seigneur, dans Sa miséricorde, veuille nous garder ! Rien n’indique un état de cœur plus déplorable, et rien ne peut être un plus grand obstacle à la bénédiction, qu’un esprit de censure et de critique. Nous nous assemblons pour adorer Dieu et nous édifier les uns les autres, et non pas pour nous occuper à juger nos frères qui agissent, à décider qu’un tel exerce son ministère d’une manière charnelle, et qu’un autre prie par l’Esprit. Quand la chair se manifeste, il faut, sans doute, qu’elle soit jugée ; mais c’est une chose triste et humiliante de la discerner et de la juger ainsi, au lieu de jouir ensemble (ce qui est notre heureux privilège) de la plénitude de notre divin Sauveur et Chef. Gardons-nous donc d’un esprit de jugement. Il y a des dons inférieurs, aussi bien que des dons plus grands, et nous savons qui est Celui qui a donné plus d’honneur aux membres du corps qui en manquaient. Les actes d’un frère dans l’assemblée ne sont pas, nécessairement, tous charnels, parce qu’il agit jusqu’à un certain point dans la chair ; et, à ce propos, il serait bon pour nous tous de peser ces paroles d’un serviteur de Dieu[4] des plus estimés parmi nous. « Il est des plus nécessaires, dit-il, que nous considérions premièrement la nature de notre don, et, en second lieu, sa mesure. Quant à cette dernière, je ne doute pas, permettez-moi de le dire, que plus d’un don qui n’est pas reconnu, ne le fût, si, dans l’exercice de ces dons, les frères qui les ont reçus n’en dépassaient pas la mesure. « Si c’est une prophétie, agissons selon la proportion de foi ». Tout ce qui est au-delà de cette limite, est chair : l’homme se met en avant, et la chose est sentie et le don tout entier rejeté ; et cela parce que le frère qui a agi n’a pas su se renfermer dans la mesure de son don. C’est pourquoi sa chair agit, et ce qu’il dit est attribué à la chair ; et ce n’est pas étonnant. De même, quant à la nature du don, si un homme se met à enseigner au lieu de s’en tenir à l’exhortation (s’il peut exhorter), il n’édifiera pas, il est impossible qu’il édifie. Je désirerais surtout que l’attention de chacun des frères employés dans le ministère de la Parole, fût attirée sur cette remarque, qui peut-être ne leur parviendra jamais autrement, à cause d’un manque de fidélité de la part de leurs auditeurs ».

Ces paroles sont adressées à ceux qui exercent un ministère, mais je les cite, bien-aimés frères, afin que nous apprenions à ne pas condamner tout ce qu’un frère peut dire ou faire, parce que nous y discernons quelque chose de charnel. Reconnaissons avec actions de grâces ce qui est de l’Esprit, en le distinguant de toute autre chose, même dans le ministère et les actes du même individu.

Il est encore deux ou trois petits détails sur lesquels je voudrais, dans la simplicité de l’amour fraternel, ajouter quelques mots. Et d’abord, quant à la distribution du pain et du vin à la table du Seigneur. D’un côté, il serait fort désirable que cette distribution ne fût pas constamment et exclusivement faite par un ou deux frères, comme si c’était là une distinction cléricale ; mais, d’un autre côté, je ne vois rien dans l’Écriture qui puisse autoriser quelque frère que ce soit à rompre le pain, ou à donner la coupe, sans rendre grâces. Dans Matthieu 26, 26 et 27 ; Marc 14, 22 et 23 ; Luc 22, 19 et 1 Corinthiens 11, 24, il nous est dit que le Seigneur Jésus rendit grâces lorsqu’Il rompit le pain et lorsqu’Il prit la coupe ; et, dans 1 Corinthiens 10, 16, la coupe est appelée la coupe de bénédiction ou d’action de grâces. Si, donc, l’Écriture doit être notre guide, n’est-il pas évident que celui qui rompt le pain, ou qui prend la coupe, devrait en même temps rendre grâces ; et, si quelqu’un d’entre nous se sentait incapable de le faire, ne serait-ce pas pour lui une raison de se demander s’il est bien appelé à distribuer le pain et le vin ?

Puis, quant à la direction ou à la surveillance dans l’Église, et aussi quant aux qualifications qui doivent se trouver dans ceux qui exercent un service ostensible au milieu des saints, nous devrions tous étudier avec prières 1 Timothée 3 et Tite 1. Le premier de ces chapitres, au verset 6, renferme une particularité dont il peut être bon qu’on nous fasse souvenir : « Qu’il ne soit point nouvellement converti, de peur qu’étant enflé d’orgueil, il ne tombe dans la faute du diable ». Il est possible que l’appel de Dieu et le don de Christ se rencontrent chez un jeune homme comme Timothée (ou, dans l’Ancien Testament, comme Jérémie) ; et ces mots : « Que personne ne méprise ta jeunesse », s’appliqueraient de nos jours à un tel jeune homme, comme anciennement à Timothée ; mais c’est à Timothée que ces paroles : « Qu’il ne soit point nouvellement converti », etc., étaient adressées. Sa jeunesse ne devait pas être un encouragement à agir pour ceux en qui ne se trouvaient ni la grâce ni le don qui lui avaient été accordés. Et il y a même une convenance naturelle à ce que le jeune homme prenne la place de la soumission plutôt que celle du gouvernement ; c’est là un bel exemple que, malheureusement, on me paraît oublier quelquefois. « De même, vous, jeunes gens, soyez soumis aux anciens ; et tous, vous soumettant les uns aux autres, enveloppez-vous d’humilité, parce que Dieu résiste aux orgueilleux et qu’il fait grâce aux humbles » (1 Pier. 5, 5).

Que le Seigneur, dans Sa miséricorde, bien-aimés frères, nous donne de marcher humblement avec Lui, et qu’ainsi rien ne s’oppose à l’œuvre de Son Saint Esprit au milieu de nous.

Votre sincèrement affectionné.