Comment on trouve la paix avec Dieu

J.N. Darby

[Traités pour l’édification et l’affranchissement du chrétien n° 8]

— Comment puis-je trouver la paix avec Dieu ? Il a « fait la paix par le sang de sa croix » (Col. 1, 20). Je ne nie pas cela ; je le crois ; mais je n’ai pas la paix ; et comment puis-je, moi, avoir cette paix ?

« Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu » (Rom. 5, 1). Oui, je sais qu’il est ainsi écrit ; mais je n’ai pas la paix : cela, je le sais. Je voudrais avoir la paix ; et quelquefois je pense que je ne crois pas du tout. Je vois que vous, vous êtes heureux ; mais comment ce bonheur de l’âme s’acquiert-il ?

— Vous ne pensez donc pas que ce soit de la présomption que d’être en paix avec Dieu, dans la certitude de Sa faveur et ainsi dans l’assurance de mon propre salut ?

— En moi, cette pensée serait de la présomption ; mais je la vois dans l’Écriture : ainsi, il faut qu’elle soit juste. Puis, je rencontre çà et là des personnes qui jouissent de la faveur de Dieu, et chez lesquelles on voit que cette jouissance est quelque chose de réel. Mais ce bonheur, je ne sais pas comment le trouver. Quand j’y pense, la détresse s’empare de moi, quoique je sois soutenu de jour en jour comme d’autres chrétiens ; mais toutes les fois que cette question de la paix avec Dieu dans Sa faveur est soulevée, je sais que je n’ai pas la paix, ni l’assurance que la faveur de Dieu repose sur moi, comme je vois que vous et d’autres en jouissez. C’est là une chose sérieuse, parce que si, étant justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu, comme vous dites et comme l’Écriture le dit, je sais que je n’ai pas la paix avec Dieu. Comment donc puis-je être justifié ?

— Vous n’avez pas la vraie connaissance de la justification par la foi. Je ne dis pas que vous ne soyez pas justifié devant Dieu, mais votre conscience n’est pas en possession de la justification. Les réformateurs allaient plus loin que moi ; tous, ils ont soutenu que si un homme n’avait pas l’assurance de son propre salut, il n’était pas justifié du tout. Or, quiconque croit au Fils de Dieu est, aux yeux de Dieu, « justifié » de toutes choses (Act. 13, 39). Mais jusqu’à ce qu’une personne qui croit comprendre cela, étant enseignée de Dieu — jusqu’à ce qu’elle comprenne la valeur de l’œuvre de Christ, elle n’a pas dans sa propre âme la conscience d’être justifiée, et si elle est sincère, comme vous l’êtes, elle n’a pas la paix ; elle n’aura jamais non plus de paix stable et fermement établie jusqu’à ce qu’elle sache, non seulement que Christ mourut pour elle, mais aussi qu’elle est en Christ. Réussir à se maintenir seulement, jour après jour, sans déchoir complètement, comme vous faites, est quelque chose de faux et de creux qui faillira une fois ou l’autre et qui devient souvent une cause d’angoisse au lit de mort. Le caractère de l’activité chrétienne est ainsi complètement faussé : on en fait un travail, une sorte de moyen pour arriver au bonheur, au lieu qu’elle soit une œuvre accomplie dans la puissance de l’Esprit, par une âme qui est en paix avec Dieu. Si une personne est réellement sérieuse, marchant avec Dieu, elle ne peut avoir un vrai repos d’esprit avant de posséder la paix avec Dieu, et plus les exercices par lesquels elle passe sont profonds, mieux cela vaut. Mais Dieu a « fait la paix par le sang de la croix » (Col. 1, 20). Tous ces exercices ne font qu’amener les mauvaises herbes à la surface, comme quand on laboure un champ et qu’on le herse ; ils sont utiles dans ce sens et nécessaires ; mais ils ne sont pas la moisson que produit la foi en l’œuvre accomplie de Christ. L’œuvre de Christ est achevée : « Il a été manifesté une fois pour l’abolition du péché par son sacrifice » (Héb. 9, 26) ; Il a « achevé l’œuvre » que le Père Lui avait donnée à faire (Jean 17, 4). Cette œuvre qui ôte notre péché est complète et acceptée de Dieu. Si vous venez à Dieu par Lui, et si vos péchés ne sont pas tous complètement et pour toujours ôtés, par l’œuvre qu’Il a accomplie, ils ne pourront jamais l’être, car Christ ne peut pas mourir une seconde fois ; et tous vos péchés sont ôtés par le « seul sacrifice » ; autrement, comme dit l’apôtre, au chapitre 9 de l’épître aux Hébreux : « Il aurait fallu qu’il souffrît plusieurs fois ».

— Je comprends mieux maintenant ; je vois que l’œuvre qui ôte notre péché, est une œuvre parfaite et achevée, accomplie une fois pour toutes.

— De quoi avez-vous donc encore besoin pour avoir la paix avec Dieu ?

— C’est ce que je voudrais comprendre clairement.

— Eh bien, voyons. Mais avant de parler de votre état et de vos difficultés, il importe que nous ayons l’œuvre elle-même clairement devant les yeux de nos entendements. Qui a fait cette œuvre ?

— Christ, cela va sans dire.

— Quelle part avez-vous prise à son achèvement ?

— Aucune.

— Aucune, assurément, à moins que ce ne soit par vos péchés. Et à quel état de votre âme l’œuvre s’applique-t-elle ? — à un état de piété, ou à un état d’impiété ?

— Ne faut-il donc pas que je sois saint ?

— Assurément, car sans la sainteté « nul ne verra le Seigneur » (Héb. 12, 14). Mais, voyez avec quelle promptitude, et avec quel instinct de propre justice, vous portez vos regards de l’œuvre de Christ sur votre propre sainteté — sur ce que vous êtes ! Toutefois, le désir de sainteté que vous avez, est le désir du nouvel homme. Si vous étiez indifférent à cet égard, ce serait un devoir pour moi de chercher à réveiller votre conscience — non pas de vous parler de paix, mais plutôt, peut-être, de détruire votre fausse paix. Mais ici, nous recherchons comment une âme troublée peut trouver la paix.

— Vous avez raison. Je suis d’une indifférence désolante, quelquefois ; et c’est là une chose qui me trouble ; mais je n’ai pas la paix, et je donnerais tout pour l’avoir.

— Je ne doute pas que cette indifférence ne retarde en un sens, pour vous, le moment où vous jouirez de la paix, mais nous avons à apprendre humblement ce que nous sommes. Que d’âmes poursuivent avec ardeur le misérable gain de quelques pièces d’or ! Mais je répète ma question : cette œuvre de Christ s’applique-t-elle simplement à votre impiété, ou à votre piété, ou à un état amélioré, tout au moins ?

— Elle s’applique simplement, et je n’en doute pas, à mon état d’impiété.

— Assurément. Donc elle ne s’applique pas à votre sainteté, si vous en possédiez, ni à un état amélioré. Cependant, qu’attendez-vous pour avoir la paix ? N’est-ce pas d’avoir un meilleur état d’âme ?

— Mais oui.

— Alors vous êtes sur la mauvaise voie, car ce par quoi Christ « a fait la paix » (Col. 1, 20) s’applique à votre état d’impiété. Le désir que vous avez est juste, mais vous mettez la charrue devant les bœufs : vous cherchez la sainteté pour avoir Christ, au lieu de chercher à avoir Christ pour avoir la sainteté.

— Mais j’espère en Son secours pour arriver à la sainteté.

— Je le crois, mais vous comptez sur Son secours, non sur Son œuvre, ou sur Son sang qu’Il a répandu pour faire la paix. Nous avons besoin de justice, non de secours. Le secours de Christ nous est indispensable à chaque instant, quand nous sommes justifiés ; Christ est l’auteur de toute bonne pensée en nous, avant que nous soyons justifiés ; — mais cela n’est pas la paix, ni l’effusion du sang de Christ, ni la justice. Toutefois cette recherche de la sainteté n’est pas sans fruit, malgré tout, parce qu’elle vous amène à découvrir que vous ne pouvez pas par cette voie trouver ce que vous cherchez. Vous n’arriverez pas ainsi à la sainteté, ni à la paix par celle-ci. Mais en faisant la découverte que vous êtes sur une fausse voie, ou que quand « le vouloir est avec vous », vous ne trouvez pas « le moyen d’accomplir le bien », vous serez amené, par la grâce, sachant qu’il n’y a point de bien en vous, à ce qui donne la paix, savoir à l’œuvre de Christ, et non à votre état et à l’œuvre de la grâce en vous. Cette œuvre de la grâce en nous, Dieu l’opère ; mais non pour que nous la regardions comme le chemin de la paix, mais afin que par elle et en dehors de nous-mêmes, simplement et entièrement, nous regardions à l’œuvre de Christ et à son acceptation devant Dieu. Approchez maintenant, et dites-moi : Où en êtes-vous devant Dieu ?

— Je ne sais ; et c’est là justement ce qui m’inquiète.

— Êtes-vous perdu ?

— J’espère que non. Sans doute, nous sommes tous perdus par nature (comp. Éph. 2, 1-3) ; mais j’espère qu’il y a une œuvre de la grâce en moi, bien que j’en doute quelquefois.

— Supposons que vous fussiez devant Dieu maintenant, et que la question de votre position devant Lui dût être tranchée, à quoi en seriez-vous si, comme elle doit l’être en jugement, cette question devait être décidée d’après vos œuvres ? Auriez-vous confiance ?

— J’espère que tout irait bien. Je ne puis m’empêcher de croire qu’il y a une œuvre de la grâce en moi ; mais je ne puis penser au jugement sans crainte.

— Moi aussi j’ai confiance qu’il y a une œuvre de la grâce en vous, mais ce dont vous avez besoin avant tout, c’est de vous trouver dans la présence de Dieu ; et d’avoir conscience, là, que vous êtes tout simplement perdu, si Dieu entre en jugement avec vous (car si Dieu entre en jugement, Il juge en justice votre état et vos œuvres). Vous êtes pécheur, et un pécheur ne peut absolument pas subsister devant Dieu en jugement. Ce n’est pas du secours qu’il vous faut ici, si vous êtes réellement dans la présence de Dieu, mais de la justice, et cette justice, vous ne l’avez pas trouvée, j’entends quant à votre foi et à votre conscience personnelle, par lesquelles et dans lesquelles nous la possédons. La justice peut seule suffire devant Dieu, la justice de Dieu, car nous n’avons point de justice, et ne pouvons en trouver d’autre que celle de Dieu. Ce n’est pas non plus l’œuvre de la grâce en nous qui produit cette justice. Elle est par la foi, par le moyen de l’œuvre de Christ, et en Lui nous la possédons ; par Lui, Dieu justifie l’impie. Voyez l’histoire du fils prodigue : il y avait une œuvre de Dieu en lui ; il rentra en lui-même ; il se vit périssant et se leva pour s’en aller vers son père. En se mettant en route, il reconnaît ses péchés, ajoutant : « Traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Il y avait là, chez le fils prodigue, de la droiture, un sentiment de la bonté de Dieu, un sentiment du péché ; et il tirait des conclusions au sujet de ce qu’il pouvait espérer quand il rencontrerait son père : — il en est de même de vous. Le fils prodigue avait ce que le monde chrétien appelle l’humilité et une humble espérance ; il raisonnait et tirait des conclusions exactement comme vous le faites, ce qui prouvait — quoi ? — c’est qu’il n’avait jamais rencontré son père. Il n’aurait pas pu raisonner sur la manière dont il serait reçu par son père quand il le rencontrerait, s’il l’avait rencontré. La position du prodigue est celle de quelqu’un qui ne s’est jamais trouvé devant Dieu, bien que Dieu eût opéré en lui. Quand il rencontre son père, il n’est question en aucune manière pour lui d’être traité comme « un mercenaire ». Il y a de sa part pleine confession de son péché ; et l’expérience qu’il a faite précédemment l’amène dans ses haillons auprès de son père, dans ses péchés (non pas les aimant, mais dans ses péchés et confessant ses péchés). L’effet du travail intérieur par lequel il a passé, c’est que, maintenant, il se trouve devant Dieu, quant à sa conscience, dans ses péchés ; et c’est là tout ; et son père était à son cou, le couvrant de baisers — (la grâce régnait) — et la plus belle robe devenait son partage, Christ, la justice de Dieu, qu’aucun progrès ne lui avait procurée et dont il ne possédait rien auparavant. C’était une chose nouvelle, à lui conférée. Quand nous sommes dans la présence de Dieu, nous avons besoin de Christ, non de progrès ; de justice et de justification par Lui, non d’aide ou d’amélioration. Dieu est venu à notre aide, autrement nous n’aurions pas pu nous trouver là. Il y a eu progrès, mais le progrès a été de nous amener dans la présence de Dieu — non de juger du progrès et d’espérer à cause de ce progrès, mais de juger du péché devant Dieu, de reconnaître que Dieu ne peut point en admettre devant Lui, et de trouver Christ, notre acceptation parfaite devant Lui, au lieu de nous-mêmes — Christ qui a porté nos péchés, Christ qui est notre justice, parfaite, absolue et éternelle. Ce n’est pas en regardant à nos progrès que nous trouvons la paix : si cela était, il faudrait dire : « Étant donc justifiés par l’expérience, nous avons la paix avec Dieu » ; mais la Parole de Dieu parle autrement. Le vrai progrès, à cet égard, c’est que, comme des pécheurs complètement perdus, confessant nos péchés, et reconnaissant que « en nous, c’est-à-dire en notre chair, il n’habite point de bien », nous soyons amenés dans la présence de Dieu, ayant ainsi la conscience que nous sommes perdus, comme fait actuel. La question n’est pas de savoir ce que nous serons, ou comment nous serons jugés être au jour du jugement, mais de reconnaître ce que nous sommes, nos péchés actuels et notre nature pécheresse qui font le vrai tourment d’une âme droite, et de recevoir Christ au lieu et place de ces choses, « la plus belle robe », au lieu de nos « haillons », alors que nous nous trouvons en la présence de Dieu dans ces haillons. Nous avons trouvé Christ et cru en Lui. Il a été la propitiation pour nos péchés, les portant en Son propre corps sur le bois ; et ayant Christ, Il est notre justice ; Dieu a condamné le péché en la chair, alors que Christ fut fait un sacrifice pour le péché (Rom. 8, 3), et nous ne sommes pas « dans la chair », mais « en Christ ». Au lieu d’Adam et de ses péchés, c’est-à-dire de nous-mêmes, nous avons Christ et la valeur de Son œuvre. — Ce que je viens de dire est vrai de quiconque croit en Christ et vient à Dieu par Lui. Si nous étions aussi simples que l’Écriture, nous verrions cela en un instant ; mais nous ne sommes pas simples, et il faut que nous soyons guéris de la propre justice de nos cœurs, et que, comme des pécheurs devant Dieu, nous découvrions que Dieu, dans Son amour, s’est occupé de la question de nos péchés et de notre mauvaise nature ; qu’Il a anticipé le jour du jugement, et réglé la question du péché pour tous ceux qui viennent à Lui par Christ, « une fois pour toutes », et « pour toujours » sur la croix (comp. Héb. 9, 26 ; 10, 1-18) ; qu’Il a jugé les péchés pour lesquels j’aurais eu à répondre au jour du jugement, et les a jugés en les ôtant selon Sa justice, et que là, la forme la plus complète de notre péché en la chair contre Dieu, c’est-à-dire notre inimitié contre Lui, a rencontré Dieu occupé du péché, en grâce pour nous, mais en jugement contre le péché. Le péché et Dieu se sont rencontrés à la croix quand Christ fut fait péché pour nous ; et par la mort de Christ, nous sommes morts au péché et sommes le fruit du travail de Son âme devant Dieu. Il porta les péchés de plusieurs, et apparut pour ôter le péché ; Il a glorifié Dieu à l’égard du péché en justice dans cette heure solennelle. Il prit sur Lui ce que moi j’avais mérité ; et moi je reçois le fruit de ce que Lui a fait. Pratiquement, je viens à Dieu comme Abel, avec ce sacrifice dans ma main (Héb. 11, 4) ; Dieu est obligé d’en reconnaître la valeur ; j’ai de Sa part le témoignage que je suis juste : le témoignage est rendu à mes dons ; je suis reçu selon la valeur du sacrifice de Christ, devant Dieu. M’approcher avec ce sacrifice, c’est me confesser justement exclu en moi-même, non pas amélioré dans mon état ; je viens à Dieu avec Christ dans ma main, pour ainsi dire, avec Christ mon agneau immolé ; et le témoignage est rendu à mon don. Dieu regarde au sacrifice quand je m’approche ainsi par Christ ; Il ne regarde pas à ce que je suis, moi ; quand je viens à Lui par ce chemin, je confesse que je suis un pécheur et rien qu’un pécheur, exclu de la présence de Dieu par tout ce que je suis personnellement.

— Mais ne faut-il pas que j’accepte Christ ?

— Mais plutôt, voyez comme le moi se glisse à travers les témoignages les plus précieux des voies de Dieu envers nous en grâce. Je dis : Voici Christ de la part de Dieu pour vous — l’Agneau de Dieu ; et vous répondez : « Mais ne faut-il pas que moi je… ? ». Votre réponse ne m’étonne pas, et aussi ce n’est pas un reproche que je vous fais ici. La nature humaine est ainsi faite, ma nature dans la chair : en « moi », il n’y a point de bien. Mais, dites-moi, ne seriez-vous pas heureux d’avoir Christ ?

— Assurément.

— Alors la vraie question pour vous n’est pas de savoir si vous L’acceptez, mais si Dieu vous L’a réellement présenté et la vie éternelle en Lui. Une âme simple dirait : « Je l’accepte », trop reconnaissante de Le posséder ! Si vous aviez grièvement offensé quelqu’un, et qu’un ami cherchât à lui offrir satisfaction pour vous, quelle est la personne qui devrait accepter la satisfaction ?

— La personne offensée, naturellement.

— Sans doute ! Et qui a été offensé par vos péchés ?

— C’est Dieu, cela va sans dire.

— Et qui est-ce qui doit accepter la satisfaction ?

— C’est Dieu aussi.

— C’est cela. Et croyez-vous que Dieu l’ait acceptée ?

— Sans aucun doute, je le crois.

— Et qu’Il est… ?

Satisfait !

— Et vous, êtes-vous satisfait ?

— Oh ! je vois maintenant. Christ a fait l’œuvre tout entière, et Dieu l’a acceptée, et Il ne peut plus y avoir de question quant à ma culpabilité ou à ma justice. Christ est, pour moi, ma justice devant Dieu. C’est merveilleux, et pourtant si simple ! Mais pourquoi ne le voyais-je pas ? Que j’étais aveugle !

— La foi en l’œuvre de Christ, ce n’est pas notre acceptation de cette œuvre, quelque joyeuse qu’elle soit : c’est la foi que Dieu a accepté l’œuvre. Vous n’avez pas besoin de chercher maintenant à savoir si vous croyez. L’objet est devant votre âme ; il est vu par elle : ce que Dieu a révélé est connu en le voyant ainsi par la foi. Vous êtes sûr de cela, non de votre propre état, tout comme vous voyez la lampe devant vous et vous le savez, non parce que vous connaissez l’état de votre œil ; mais vous connaissez l’état de votre œil en voyant la lampe. Mais vous dites : que j’étais aveugle ! Il en est toujours ainsi. — Or permettez-moi de vous demander ce que vous cherchiez, Christ, ou de la sainteté en vous-même et un meilleur état d’âme.

— De la sainteté et un meilleur état d’âme.

— Rien d’étonnant alors que vous ne vissiez pas Christ. Or, c’est ici ce que Dieu appelle « se soumettre à la justice de Dieu », trouver une justice qui n’est ni de nous, ni en nous-mêmes, mais trouver Christ devant Dieu, notre volonté orgueilleuse se soumettant, par la grâce, à être sauvée par ce qui n’est ni de nous, ni en nous-mêmes. C’est Christ au lieu du moi, Christ au lieu de notre position dans la chair. Si vous aviez trouvé la paix de la manière dont vous la cherchiez, de qui auriez-vous été satisfait ?

— De moi-même.

— Précisément. Et qu’est-ce que cela eût été ? Rien de réel, assurément, si ce n’est exclure Christ sauf comme un aide — exclure Christ comme justice et comme paix. — Et comme une âme droite, vraiment enseignée de Dieu, ne peut être satisfaite d’elle-même, elle reste pendant des années peut-être (bien que se confiant dans l’amour, si elle marche avec Dieu) sans paix jusqu’à ce qu’elle se soumette à la justice de Dieu. — Remarquez maintenant un autre point : car l’âme en paix avec Dieu peut désormais contempler Christ pour apprendre. Non seulement Christ a porté nos péchés, est mort au péché, et a terminé toute l’histoire du vieil homme dans la mort pour ceux qui croient, ceux-ci ayant été crucifiés avec Lui ; mais Christ a glorifié Dieu dans cette œuvre (Jean 12, 28 ; 17, 4-5), et Il a ainsi obtenu une place pour l’homme dans la gloire de Dieu ; et une place d’acceptation présente positive, selon la nature et la faveur de Dieu qu’Il a glorifié : c’est là notre place devant Dieu. Non seulement le vieil homme et ses péchés sont ôtés de devant Dieu, mais nous sommes en Christ devant Dieu ; et de cela, nous avons la conscience par le Saint Esprit qui nous a été donné (Jean 14, 20). Nous sommes acceptés dans le Bien-aimé ; la faveur de Dieu repose sur nous comme sur Lui. Ainsi aussi, Il demeure en nous ; et ceci conduit à la vraie sainteté pratique. Nous sommes sanctifiés, mis à part pour Dieu par Son sang ; mais nous le sommes en possédant Sa vie en Lui-même comme notre vie ; et le Saint Esprit et ces choses, ou Lui-même, si vous voulez, deviennent la mesure de notre marche et de notre relation avec Dieu. Nous ne sommes pas à nous-mêmes, mais nous sommes achetés à prix, et rien d’incompatible avec le sang de Christ et la valeur et la puissance de ce sang dans nos cœurs ne sied à un chrétien. L’Ancien Testament déjà nous le montre dans des figures d’une grande beauté. Quand un lépreux avait été rendu net, non seulement un sacrifice était offert, mais le sang était mis sur le lobe de son oreille, sur son pouce et sur son gros orteil (Lév. 14, 14). Chaque pensée, chaque acte, tout ce qui dans notre marche ne peut supporter l’épreuve de ce sang, est exclu des pensées et de la marche du chrétien. Combien celui-ci est content d’être affranchi de ce monde et du corps du péché, pratiquement, et d’avoir ce sang précieux pour motif, mesure et garantie de cet affranchissement ; combien il est heureux de ce que tout ce qui contriste le Saint Esprit de Dieu, par lequel nous sommes scellés quand nous sommes ainsi aspergés, ne convienne pas à un chrétien, puisque cet Esprit habite en lui. Et ce sang précieux et l’amour que Christ montra en le versant, deviennent le motif, et le Saint Esprit la puissance de dévouement et d’amour pour ceux qui marchent comme Christ a marché. Si nous sommes en Christ, Christ est en nous ; et nous le savons par le Consolateur qui a été donné (Jean 14) ; et nous sommes l’épître de Christ dans ce monde : la vie de Jésus doit être manifestée dans notre corps mortel (2 Cor. 3, 2-3 ; 4, 10).

— Votre mesure est bien élevée !

— C’est simplement celle que donne l’Écriture : « Celui qui dit demeurer en lui, doit lui-même aussi marcher comme lui a marché » (1 Jean 2, 6). Dieu Lui-même est placé devant nous comme le modèle que nous avons à suivre, Christ étant l’expression de ce qui est divin, dans un homme. « Soyez donc imitateurs de Dieu comme de bien-aimés enfants, et marchez dans l’amour, comme aussi le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous, comme offrande et sacrifice à Dieu, en parfum de bonne odeur » (Éph. 5, 1-2). Et il n’y a pas de limite ici : « Par ceci nous avons connu l’amour, c’est que lui a laissé sa vie pour nous ; et nous, nous devons laisser nos vies pour les frères » (1 Jean 3, 16). — « Maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur ; marchez comme des enfants de lumière » (Éph. 5, 8). Mais vous remarquerez qu’il n’y a rien de légal ici, rien par quoi nous cherchions à nous mettre en règle avec Dieu. Beaucoup de gens pensent que la pleine grâce et l’assurance nous laissent libres d’agir comme bon nous semble ; que, si nous sommes complètement sauvés, les motifs même pour agir font défaut et qu’il n’y a plus besoin d’œuvres quelconques. C’est là un principe affreux. N’avons-nous donc de motif pour agir que celui « d’obtenir le salut », n’avons-nous rien qu’un joug légal et des obligations légales ? Une fois sauvés, tout motif d’action aurait disparu ! Les anges n’ont-ils point de motifs d’action ? Nous ne ferions pas pareille méprise dans les affaires humaines. Que penseriez-vous du sens de quelqu’un qui vous dirait que les enfants d’un homme n’ont pas de devoirs envers lui par la raison qu’ils sont certainement et toujours ses enfants ? — N’est-il pas vrai, au contraire, qu’ils ont certainement et toujours des devoirs envers lui, parce qu’ils sont certainement et toujours ses enfants, et que, s’ils ne l’étaient pas, les devoirs cesseraient ?

— Assurément ! mais je n’y avais jamais pensé. Vous ne voulez pas dire pourtant que nous ne fussions sous aucune obligation avant d’être les enfants de Dieu.

— Non, mais nous n’étions pas sous cette obligation-là ; vous ne pouvez pas être sous l’obligation de vivre comme un chrétien jusqu’à ce que vous soyez devenu chrétien. Nous étions sous l’obligation de vivre comme des hommes devraient vivre, comme des hommes dans la chair devant Dieu : c’est de cela que la loi était la parfaite mesure. Mais, sur ce terrain, nous étions entièrement perdus, comme nous l’avons vu. — Maintenant nous sommes complètement sauvés, nous qui, par la grâce, croyons ; et nous sommes tous enfants de Dieu par la foi dans le Christ Jésus (comp. Gal. 3, 26) : nos devoirs sont les devoirs des enfants de Dieu. Les devoirs et les affections légitimes découlent toujours des relations dans lesquelles nous nous trouvons, et la conscience de la relation est le principe et le caractère du devoir — quoique notre oubli de la relation ne change pas l’obligation. L’Écriture parle toujours ainsi : « Soyez imitateurs de Dieu comme de bien-aimés enfants ». « Revêtez-vous donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, d’entrailles de miséricorde » (Col. 3, 12). Les affections et les devoirs légitimes découlent de la position que nous occupons déjà, et ne sont jamais le moyen d’y arriver. Nous jouissons de la position quand nous y marchons ; ou plutôt nous jouissons de la lumière et de la faveur de Dieu, de la communion avec Lui dans la position qui est devenue notre partage. — Mais, notez-le bien, les manques de fidélité n’amènent pas à douter de la relation ; mais, parce que nous sommes dans la relation, ils nous amènent à nous juger nous-mêmes pour le manque d’accord qu’il y a entre notre marche et cette relation. L’intercession de Christ trouve ici sa place, ainsi que d’autres vérités dont, malgré toute leur importance, je ne puis m’occuper dans ce moment. Remarquez seulement, que l’intercession n’est pas le moyen d’obtenir la justice pour nous, mais qu’elle est fondée sur la justice et sur ce que Christ a fait la propitiation pour nos péchés. Nous n’allons pas non plus à Christ pour qu’Il intercède pour nous, mais Il intercède parce que nous avons péché. Christ avait prié pour Pierre avant même que Pierre eût commis le péché, et Il avait demandé précisément ce dont Pierre avait besoin ; Il n’a pas demandé que Pierre ne fût pas criblé, car Pierre en avait besoin ; mais Il a prié pour que sa foi ne défaillît pas quand il serait criblé. Oh ! si nous savions nous confier en Lui ! Voyez comment, du milieu de Ses ennemis, Il regarde Pierre au moment convenable pour briser son cœur !

— Combien tout est simple quand nous nous en tenons à l’Écriture, et comme elle change toutes les pensées que nous avons de Dieu ! On se trouve dans un état tout à fait nouveau !

— En effet, et ceci nous amène à deux autres points sur lesquels je voudrais attirer votre attention. Nous avons considéré l’œuvre de Christ comme satisfaisant, bien plus, comme glorifiant Dieu, parce que nous avions à apprendre comment on trouve la justice. Mais il faut nous rappeler que c’est l’amour souverain de Dieu qui a donné Christ, et le même amour dans lequel Il s’est offert Lui-même pour nous. Ce n’est pas pour nous que règne la justice : la justice régnera ci-après, quand le jugement s’unira à la justice (Ps. 94, 15), quand Dieu viendra pour juger la terre. Mais pour nous la grâce règne, la souveraine bonté, Dieu Lui-même, par la justice — une justice divine, nous l’avons vu, qui nous donne une place dans la gloire, dans la présence de Dieu, selon l’acceptation de Christ, et semblables à Lui. C’est la grâce souveraine qui donne à un pécheur cette position glorieuse avec le Fils de Dieu, le rendant conforme à Son image (Rom. 8, 29). Toutefois, c’est la justice ; car le sang et l’œuvre de Christ ont droit à une telle place, et la réclament, comme nous le voyons aux chapitres 12 et 17 de l’évangile de Jean. Et maintenant, « nous nous glorifions en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ » (Rom. 5, 11). Nous Le connaissons comme étant amour, et cet amour comme la somme de toute notre joie et de tout notre bonheur, toutefois en justice en Christ : car nous sommes faits justice de Dieu en Lui. Nous connaissons Dieu en amour, et nous sommes réconciliés avec Lui. C’est une position bienheureuse, une position de saintes affections et de paisible repos. Nous avons communion avec le Père et avec Son Fils Jésus Christ. — Qu’est-ce que la communion ?

— C’est, je pense, avoir des pensées, et des joies et des sentiments communs.

— Oui ; — et « avec le Père et avec son Fils Jésus Christ » (1 Jean 1, 1-4) !

— C’est merveilleux ! J’ai peine à le réaliser.

— Nous avons à chercher que Christ habite dans nos cœurs par la foi, et à être enracinés et fondés dans l’amour, afin que nous soyons capables de comprendre… (Éph. 3, 14 et suivants). Toutefois si le Saint Esprit, qui habite en nous, est la source de nos pensées, de nos joies et de nos sentiments, ces pensées et ces joies ne peuvent pas, quoique nous soyons de pauvres et faibles créatures, être en désaccord avec celles du Père et du Fils. Le cœur du chrétien ne trouve-t-il pas ses délices en Christ, dans Ses paroles, dans Son obéissance, dans Sa sainteté, dans Son sacrifice de Lui-même à la volonté du Père ? Le Père aussi ne trouve-t-Il pas là Ses délices ? Nous, sans doute, nous le faisons pauvrement et faiblement, Lui parfaitement ; mais l’objet est le même et pour nous et pour le Père : Christ est choisi de Dieu, et précieux ; et à ceux qui croient, Il est précieux (1 Pier. 2). Je me bornerai à ce passage comme exemple. Ce dont nous parlons ici est une affaire de notre vie de tous les jours, et à laquelle vous avez à veiller incessamment ; mais vous devez comprendre que ce qui vient du Saint Esprit doit rendre conforme à la pensée du Père et du Fils.

— C’est évident, mais tout cela est si nouveau pour moi. Je me trouve introduit dans un monde si différent de celui dans lequel je vivais autrefois ! Si ce que vous dites est vrai, où en sommes-nous tous ?

— Je vous laisse méditer ces choses et sonder les Écritures pour apprendre si, en effet, il en est ainsi. La Parole divine vous dira si, en reconnaissant pleinement le fait que nous passons par des exercices d’âme quand nous venons à elle, elle regarde jamais le chrétien autrement que comme étant pardonné et accepté dans le Bien-aimé, et en ayant conscience, comme quelqu’un qui n’a pas reçu de nouveau un esprit de servitude pour être dans la crainte, mais l’esprit d’adoption, par lequel nous crions : « Abba, Père ! » (Rom. 8, 15).

— Mais, si telle est ma part, il y a un passage de l’Écriture que je ne comprends pas. Nous sommes exhortés à « nous examiner nous-mêmes, pour savoir si nous sommes dans la foi », et ce que vous dites, met, me semble-t-il, cette exhortation de côté.

— L’Écriture ne renferme aucune exhortation pareille. Plus d’une âme sincère s’examine ainsi candidement, et tous nous passons par ce travail.

— L’exhortation est là pourtant, dans l’Écriture.

— Examinons. Les paroles que vous citez sont tirées de la seconde épître aux Corinthiens, chapitre 13, 3-5. Mais le commencement du passage est ainsi conçu : « Puisque vous cherchez une preuve que Christ parle en moi, etc. ». Puis vient une parenthèse et ensuite : « Examinez-vous vous-mêmes et voyez si vous êtes dans la foi ». Paul réprimande les Corinthiens. Ils avaient mis en question que Christ parlât par lui et qu’il fût réellement apôtre, comme vous pouvez le voir tout le long de ces deux épîtres. Il leur dit donc, comme argument final : Examinez-vous plutôt vous-mêmes : comment êtes-vous devenus chrétiens ? — car il avait été lui-même l’instrument de leur conversion. — Puis, il ajoute : « Ne reconnaissez-vous pas à l’égard de vous-mêmes que Jésus Christ est en vous ? À moins que vous ne soyez des réprouvés ». Comment Jésus Christ est-Il venu en vous ? Paul en appelle à la certitude qu’avaient les Corinthiens, pour prouver son apostolat à leur confusion ; et le passage n’est, en aucune manière, une exhortation à s’examiner pour savoir si on a la foi. C’est très bien d’examiner si notre marche est à la hauteur de notre foi ; mais c’est là une chose bien différente. Un enfant de Dieu fait bien de s’examiner et de juger sa conduite à ce point de vue, comme enfant ; mais ce serait une triste occupation pour lui de s’examiner pour savoir s’il est un enfant de Dieu. La conscience, et la conscience invariable d’une relation, est une chose différente d’une marche conséquente avec cette relation. Il ne faut pas confondre les deux choses. La perte de la conscience de la relation (perte, toutefois, qui n’a pas lieu, quand on a, une fois, réellement possédé cette conscience, sauf dans des cas de discipline de la part de Dieu, pour des péchés) détruit les motifs du devoir et la possibilité d’avoir des affections en rapport avec la relation. Lisez le passage.

— Je vois bien ce que vous dites. Il n’y a rien qui puisse compléter le passage : « Puisque vous cherchez une preuve que Christ parle en moi ;… » si on n’y rattache pas ce que nous lisons plus loin : « Examinez-vous, etc. ». Dans tous les cas, la force du raisonnement de l’apôtre est claire ; et il en appelle à la certitude des Corinthiens : « Ne reconnaissez-vous pas ?… ». Ces paroles n’auraient pas de sens, si les Corinthiens avaient dû, par devoir, s’examiner pour savoir si Jésus Christ était réellement en eux. Mais, comment lisions-nous donc l’Écriture ?

— Ou plutôt, où en étions-nous venus sans elle ? Vous ne lisez ni ne cherchez comme vous devriez. Faites-le, et la vérité sera claire pour vous ; seulement, il n’est pas nécessaire de le dire, nous avons besoin de la grâce de Dieu et de regarder à Lui, afin que nous recevions comme des enfants nouveau-nés le « pur lait intellectuel » (de la Parole) (1 Pier. 2, 2).

Il y a encore un point que je voudrais signaler brièvement, pour mettre de la clarté dans nos pensées sur le sujet qui nous occupe. En recevant Christ, nous recevons la vie. « C’est ici le témoignage », dit Jean, « que Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils : Celui qui a le Fils a la vie » (1 Jean 5, 11-12). Entre cette vie et la chair, il n’y a pas une pensée commune. Si nous ne réalisons pas la rédemption, le fait que nous sommes vivifiés (ne nous délivrant pas de la loi et du sentiment de notre propre responsabilité) nous rend misérables par la découverte du péché en nous, comme nous voyons au chapitre 7 de l’épître aux Romains. Si nous connaissons la rédemption, et que nous ayons été scellés par l’Esprit, « la chair » cependant « convoite contre l’Esprit, et l’Esprit contre la chair ; et ces choses sont opposées l’une à l’autre ». Mais si nous sommes conduits par l’Esprit, nous ne sommes pas sous la loi (Gal. 5). Or, vous avez essayé de tirer des conclusions encourageantes du fait que vous trouvez des signes de vie en vous-même, n’ayant de la bonté de Dieu qu’une idée générale, qui accompagne toujours la vraie conversion, idée fortifiée par la connaissance que Christ mourut. Mais tout ce raisonnement sur vous-même n’était en aucune manière la foi en la rédemption. Il vous laissait toujours, bien qu’avec une meilleure espérance, en vue du jugement ; ou, au moins, quand vous regardiez à la croix, vous voyiez qu’il y avait en elle ce qui répondait à vos besoins comme pécheur, vous regardiez cependant toujours à vous-même avec l’espoir d’une amélioration quelconque, vous ne pouviez pas dire que vous possédiez ce dont vous avez besoin dans la croix, bien plus, que vous étiez le fruit de la croix, quant à votre état devant Dieu ; et quand vous regardiez au jugement, votre état ne vous profitait de rien devant le jugement. La vie n’est pas la rédemption. L’une et l’autre sont la part du croyant ; mais ce sont deux choses différentes. Vous cherchiez des preuves de la vie en vous, concluant que, si vous les trouviez, vous pourriez passer par le jugement ; puis, peut-être d’une manière vague, vous introduisiez Christ comme un supplément.

— Je crois que vous avez à peu près décrit mon état.

— Or, quand une âme vit près de Dieu en simplicité de cœur, le sentiment de la bonté qui est en Dieu prédomine chez elle, et le parfum de la piété se fait sentir sur ses pas. Mais quand on ne vit pas près de Dieu, on est inquiet et agité ; la conscience accusatrice prédomine, et l’on est malheureux ou l’on tremble. Mais ni dans l’un, ni dans l’autre cas, la rédemption n’est réellement connue : on ne sait pas que Christ a pris notre place en jugement, et qu’Il nous a donné Sa place dans la gloire ; seulement nous avons à attendre l’adoption elle-même, la rédemption du corps (Rom. 8, 23). L’Écriture unit ces deux vérités dans la résurrection de Christ. La résurrection de Christ est la puissance de la vie et le sceau de l’acceptation de Son œuvre, Son triomphe sur toutes les conséquences de notre péché et Son entrée dans un nouvel état. Il en est de même de nous en Lui. Nous étions morts dans le péché, exposés au jugement, et assujettis à la mort ; Christ descend du ciel, accomplissant en mourant l’œuvre de la purification de nos péchés, et nous sommes morts avec Lui ; et alors, Lui et nous avec Lui, nous sommes ressuscités en conséquence de l’œuvre accomplie et de l’acceptation de cette œuvre par Dieu. « Il nous a vivifiés ensemble avec lui, nous ayant pardonné toutes nos fautes » (Col. 2, 13). C’est une vie dont la pleine et divine puissance est manifestée dans la résurrection ; ce n’est pas seulement la vie éternelle communiquée, mais la délivrance de l’état dans lequel nous étions, et notre entrée dans un autre état, non extérieurement, cela va sans dire, pour le présent, mais réellement, par la possession de cette vie. La rédemption, c’est une délivrance, au moyen d’une rançon, de l’état dans lequel je me trouvais, et mon introduction dans un autre état, et dans un état de liberté. C’est pourquoi nous parlons de la rédemption du corps, que nous n’avons pas encore maintenant (Rom. 8, 23). La vie par elle-même ne nous introduit pas là ; par elle, nous sentons le fardeau du vieil état dans lequel nous nous trouvons ; mais quand nous apprenons que nous sommes rachetés aussi, nous savons que nous avons été tirés, au prix de la mort de Christ, du vieil état adamique dans lequel nous étions, et introduits en Christ. Ainsi, nous avons « toute assurance au jour du jugement » parce que, « comme il est, lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde » (1 Jean 4, 17).

— Je ne sais pas suivre entièrement le courant des pensées de l’Écriture que vous exprimez. Il faut que j’apprenne ces choses ; mais je vois la différence qu’il y a entre la rédemption et la vie ; bien que nous ayons l’une et l’autre en Christ maintenant. Il est mort et Il est ressuscité. Je suppose bien que j’avais la vie auparavant, mais j’ai maintenant, en quelque mesure, compris la rédemption aussi.

— Oui, vous étiez racheté, cela va sans dire ; Dieu avait certainement opéré en vous en grâce, comme vous pensiez ; mais, comme je l’ai déjà dit, vous regardiez à cette œuvre de la grâce en vous, devant un Dieu de jugement, entrevoyant quelques faibles lueurs de l’amour divin ; mais vous n’aviez pas foi en une rédemption accomplie. Le raisonnement de l’apôtre au chapitre 5, 19 de l’épître aux Romains s’applique exactement à votre cas : « Par l’obéissance d’un seul, plusieurs seront constitués justes ». — « Alors », dit la chair, « je peux vivre dans le péché ». Mais comment l’Écriture répond-elle ? À Dieu ne plaise ! vous ne devez pas vivre dans le péché ! Ce serait vous replacer sous les exigences de la loi, et détruire ainsi de nouveau ce que nous venons de lire de l’obéissance de Christ. Non, vous ne devez point pécher : « Nous qui sommes morts au péché, comment vivrons-nous encore dans le péché ? » (Rom. 6, 2). Vous avez été baptisé pour la mort de Christ ; et vous êtes chrétien, en ayant part à Sa mort. Comment, si vous êtes mort avec Lui au péché, pouvez-vous y vivre ? Nous sommes maintenant libres pour nous donner à Dieu, comme des gens qui sont ressuscités d’entre les morts.

— Vous avez raison ; je comprends. Les vieux fondements demeurent, mais ceci fait une chose nouvelle de tout le sujet qui nous occupe. On n’entend malheureusement pas exposer le christianisme de cette manière. J’ai à le réaliser ainsi, bien que tout soit déjà différent pour moi quant au fondement de ma paix ; ou plutôt, j’ai pour ma paix un fondement maintenant, et je n’en avais point auparavant. Mais je vois ce que vous dites dans l’Écriture, et il faut que je l’étudie.

— Les chrétiens vrais et sincères sont en général, hélas ! comme des gens de dehors, espérant que tout ira bien quand ils entreront, au lieu d’être dedans et de manifester au monde ce qu’il y a là, étant comme l’épître de Christ.

— Mais vous voudriez faire de nous tous des chrétiens entièrement et absolument chrétiens, morts, comme vous dites, au monde et à toutes choses.

— Assurément. « L’homme incertain dans ses pensées est inconstant dans toutes ses voies » (Jacq. 1, 8). L’œil « simple » fait que tout le corps est éclairé. Nous ne sommes pas à nous-mêmes. Le nouvel homme ne peut pas avoir son objet ici-bas ; il y a son service. Christ aussi avait Son service ici-bas ; en rien, Il n’y avait Son objet. Nous sommes crucifiés au monde, et le monde nous est crucifié ; et ainsi nous avons crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises (Gal. 6, 14 ; 5, 24). Seulement, souvenez-vous que la chair convoite contre l’Esprit (Gal. 5, 17), et qu’il faut de la vigilance : « Travaillant », quant à la traversée du désert, « à votre propre salut avec crainte et tremblement », non parce que votre position est incertaine, mais parce que Dieu « opère en vous et le vouloir et le faire » (Phil. 2, 12-13) ; et c’est une chose bien sérieuse que de maintenir la cause de Dieu quand la chair est en nous, et que Satan dispose du monde pour nous entraver et nous tromper. Mais ne vous découragez pas, car Dieu opère en vous : Celui qui est en nous est plus grand que celui qui est dans le monde. Vous ne pouvez être dans les difficultés du désert, à moins que vous n’ayez été rachetés de l’Égypte. « Ma grâce te suffit », dit Christ. « Ma puissance s’accomplit dans l’infirmité » (2 Cor. 12, 9). « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rom. 8, 31). Le secret de tout cela, c’est l’humilité de cœur et le sentiment de la dépendance, quand nous regardons avec confiance à Christ, qui « nous a sauvés et nous a appelés d’un saint appel ». Vous ne pouvez trop vous défier de vous-même, ni trop vous confier en Dieu. Par la rédemption vous êtes amené à Dieu, et vous êtes dans la position de Son peuple, et plus que cela maintenant, dans la position de Ses enfants et de Son Église, comme tels, établi pour faire briller là Sa gloire. La vraie connaissance de la rédemption place une âme, en parfaite paix, dans une vraie et constante dépendance du Rédempteur. Mais si vous n’avez pas la connaissance de la rédemption, vous ne pouvez avoir ce qui vient après ; vous ne pouvez pas non plus marcher avec Dieu, si vous n’êtes pas réconcilié avec Lui.

— Vous dites vrai. Ne pensez pas que je veuille faire des difficultés. Mais il y a encore une question que je voudrais vous soumettre, car je désire être au clair sur tous ces points. On nous a appris à nous reposer sur les promesses de Dieu, et à nous confier en elles pour notre salut ; c’est là le langage que nous entendons constamment, et je ne vois pas bien, si vos vues sont justes, comment les allier avec cette confiance aux promesses pour le salut, qui est assurément un devoir pour nous.

— La réponse est bien simple, et je suis bien aise que vous ayez soulevé la question. Ce sont justement ces points-là que nous avons à examiner. Se confier aux promesses de Dieu est évidemment juste, je n’ai pas besoin de le dire ; et il y a de bien précieuses promesses. Mais, dites-moi, avons-nous une promesse que Christ doive venir et mourir, et ressusciter ?

— Non, Il est venu et Il est mort, et Il est ressuscité, et Il est à la droite de Dieu (Rom. 8, 34).

— Tout cela donc ne peut être une promesse, puisque c’est un fait accompli. Pour Abraham, c’était une promesse, et il fit bien d’y croire comme à une promesse. Pour nous, c’est un fait accompli, et nous devons le croire comme tel. Ainsi parle l’Écriture : Abraham crut que ce que Dieu avait promis, Il était puissant aussi pour l’accomplir. Mais nous, nous croyons que ce qui, par sa vertu, nous sauve, Il l’a accompli. Ce serait pour nous de l’incrédulité de traiter maintenant comme une promesse, ce qui est devenu un fait accompli, et ainsi, il est écrit : « Or ce n’est pas pour lui seul qu’il a été écrit que cela lui a été compté, mais aussi pour nous, à qui il sera compté, à nous qui croyons en Celui qui a ressuscité d’entre les morts Jésus notre Seigneur » (voyez Rom. 4, 20-25, qui traite précisément de ce sujet). Quant au secours dont nous avons besoin pour avancer vers le but de notre course, les promesses encourageantes ne nous manquent pas : « Je ne te laisserai point et ne t’abandonnerai point » (Héb. 13, 5). « Dieu… ne permettra point que vous soyez tentés au-delà de ce que vous pouvez supporter » (1 Cor. 10, 13). « Personne ne les ravira de ma main » (Jean 10, 28). « Qui aussi vous affermira jusqu’à la fin pour être irréprochables dans la journée de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Cor. 1, 8), et tant d’autres passages des plus encourageants et des plus précieux pour nous dans les difficultés que nous rencontrons sur notre chemin. Mais l’œuvre à laquelle j’ai à croire, comme me justifiant et me réconciliant avec Dieu, n’est pas une promesse, et ne peut pas être considérée comme telle. C’est un fait accompli, une œuvre déjà acceptée de Dieu.

— Je comprends. En vérité, rien ne peut être plus simple et plus clair, du moment que nous y sommes rendus attentifs. Ce qui justifie devant Dieu, je le vois maintenant, ce n’est pas une promesse du tout, mais un fait accompli. Je n’avais jamais pris garde à ce passage du chapitre 4 de l’épître aux Romains. Il est très clair. Mais nous lisons l’Écriture avec une singulière négligence. Assurément, la vérité de ce que vous dites est évidente pour qui a les yeux ouverts.

— Permettez-moi, puisque nous avons touché ce sujet, d’attirer votre attention sur un autre point encore, se rapportant à la manière dont l’œuvre et le témoignage de la grâce sont généralement présentés. Vous remarquerez que, dans ce passage du chapitre 4 de l’épître aux Romains, il est dit, non pas : « Qui croyons en Christ », quelque vrai que cela soit, mais : « Qui croyons en Celui qui a ressuscité d’entre les morts Jésus notre Seigneur ». Nous lisons aussi, 1 Pierre 1, 21 : « Qui par lui, croyez en Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts et lui a donné la gloire ». Et le Seigneur Lui-même, quand Il parle de Sa venue dans le monde, dit : « Celui qui entend ma parole, et qui croit Celui qui m’a envoyé » (Jean 5, 24). Nous ne connaissons Dieu réellement qu’en Le connaissant par Christ. Si nous Le connaissons ainsi, nous Le connaissons comme Dieu notre Sauveur ; comme Celui qui n’a pas épargné Son Fils pour nous ; comme Celui qui, quand Christ était mort, parce qu’Il avait pris nos péchés, L’a ressuscité d’entre les morts. En un mot, je ne crois pas seulement en Christ, mais en Celui qui a donné Christ et reconnu Son œuvre ; qui a donné la gloire à l’homme en Lui ; je crois en un Dieu qui est venu pour sauver, non en un Dieu qui attend pour me juger. Je crois en Lui par Christ. Quand les enfants d’Israël eurent passé la mer Rouge, ils crurent en un Dieu qui les avait délivrés et les avait amenés à Lui-même ; et moi aussi je fais ainsi. Je ne connais point d’autre Dieu que Celui-là. Si je crois en Lui par Christ, j’attends l’accomplissement d’une promesse, l’accomplissement de la promesse de la rédemption de mon corps, pour que les complets résultats de Son œuvre se réalisent. — Ainsi le christianisme nous donne des affections présentes, dans la paix, dans une relation connue, et dans la puissance fortifiante de l’espérance : les deux choses qui donnent le bonheur et l’énergie à l’homme quant à sa position ; car l’amour est le mobile de tout : l’amour, parce qu’Il nous aima le premier ; la joie que nous trouvons en Lui ; l’amour pour les autres comme participants de Sa nature ; Christ habitant dans nos cœurs, en sorte que l’amour nous étreint.

— Vous faites du chrétien une personne extraordinaire dans le monde ; mais nous sommes bien faibles pour occuper une telle position.

— Je ne pourrais jamais faire du chrétien dans mes paroles ce que Dieu l’a fait dans Sa Parole. Quant à notre faiblesse, plus nous la sentons, mieux cela vaut : la puissance de Christ s’accomplit dans la faiblesse (2 Cor. 12, 9-10 ; Phil. 4, 13).