Ces lignes s’adressent à deux classes de jeunes gens : 1º Aux enfants nés dans des familles chrétiennes, et qui, après leur conversion, ont été ajoutés à l’Assemblée. 2º À ceux dont la conversion n’est mise en doute par personne, mais qui ne sentent pas le besoin de rendre au Seigneur un témoignage public en prenant place à Sa table.
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En ce qui concerne la première classe, ces jeunes gens ont eu dès le début une position relativement facile, parce qu’ils sont entrés de plain-pied sur un terrain pour la conquête duquel leurs pères avaient souffert et combattu. En effet, chers jeunes frères, ce que vos aînés savent être le témoignage de Dieu pour le jour actuel n’a pu être établi ou maintenu sans opposition. C’est ce que, depuis plus d’un siècle, ont éprouvé vos devanciers. L’opposition du monde irréligieux, sa haine et son mépris ; celle peut-être plus hostile encore des conducteurs du monde religieux, s’est dessinée dès le début de ce témoignage, et si, plus tard, elle s’est atténuée, cela est dû, soit à l’infidélité des témoins au sujet de la séparation du monde, soit à l’indifférence croissante du christianisme professant pour les « questions religieuses ». Cette opposition ne manque pas de relever la tête dès qu’un réveil tend à se produire chez les témoins du Seigneur.
Pour vous, jeunes gens, les positions n’étaient plus à conquérir, ni les obstacles à surmonter. Le chemin des enfants de Dieu, appris par leurs pères dans la Parole, était si clair, si évident, qu’il ne venait pas à l’esprit des enfants de le mettre en doute. Cela explique, sans parler du travail de conscience indispensable pour toute conversion, la facilité avec laquelle la doctrine professée dans l’Assemblée était reçue des jeunes. Mais cette facilité même offrait de grands désavantages. Les doctrines relatives à l’Assemblée pouvaient être acceptées sans qu’elles exerçassent une vraie influence sur la vie et sur la conduite. Beaucoup de jeunes frères auraient eu de la peine à justifier, d’après l’Écriture, leur marche chrétienne. Ils s’accoutumaient à une certaine indifférence quant aux vérités essentielles du rassemblement des saints et l’Ennemi en profitait pour les entraîner du côté du monde. La conscience n’étant plus exercée au sujet de la marche, on suivait le chemin le moins compromettant : on se taisait dans l’Assemblée au lieu d’y agir. N’étant plus préoccupés de leur responsabilité, les jeunes frères s’accoutumèrent à l’inaction dans le culte ou dans la prière en commun, et se contentèrent d’assister aux réunions sans y prendre part. L’Esprit étant contristé, toute l’Assemblée se ressentit de cet affaiblissement.
L’affaiblissement ne tarda pas à se montrer dans la vie journalière de ces jeunes chrétiens. À mesure que le monde acquérait pour eux plus d’intérêt, la Parole perdait sa place dans leur vie. L’épée n’étant plus « ceinte sur le côté », le combat était perdu d’avance. L’apôtre n’aurait plus pu leur dire : « Je vous ai écrit, jeunes gens, pare que vous êtes forts, et que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le méchant ». Le monde avait le dessus. L’exhortation de ne pas aimer le monde, ni les choses qui sont dans le monde avait perdu son efficace. L’amour du Père n’était plus dans le cœur. Tout ce qui constitue le monde, ce que l’apôtre appelle « les convoitises de la jeunesse », avait de l’attrait pour ces jeunes gens, leur laissant la faiblesse au lieu de la force, la lâcheté au lieu du courage, l’incapacité de résister aux tentations, au lieu de la victoire.
S’il n’y avait pas chute positive, il y avait du moins régression à un état charnel dont l’apôtre dit : « Et moi, frères, je n’ai pas pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels, comme à de petits enfants en Christ » — et dont il dit encore : « Vous êtes devenus tels que vous avez besoin de lait, et non de nourriture solide ; car quiconque use de lait… est un petit enfant ». De fait, quoiqu’ils appartinssent incontestablement au Seigneur, ils étaient restés stationnaires ou avaient rétrogradé.
Chers jeunes frères, ce tableau est loin d’être celui de vous tous, et, grâce à Dieu, l’attitude de plusieurs d’entre vous le contredit manifestement ; seulement nous cherchons à mettre le doigt sur une plaie dont plusieurs sont atteints, afin de la guérir et d’amener leurs âmes à une santé réelle et à cette force qui, selon la Parole, doit caractériser votre âge spirituel. « Je vous ai écrit, jeunes gens », dit l’apôtre, « parce que vous êtes forts, et que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le méchant » (1 Jean 2, 14).
Il y a donc, et c’est sur quoi nous voudrions insister, un remède pratique à l’affaiblissement dont nous venons de vous entretenir. De fait, il n’y en qu’un seul : la Parole, toute la Parole de Dieu, les saintes Écritures inspirées. Cette Parole est toujours à votre portée. Tandis que tout évolue dans ce monde, la Parole reste la même ; elle est la vérité ; cette dernière ne serait pas la vérité, si elle n’était pas immuable. Elle a la même puissance, la même vertu vivante et sanctifiante hier, qu’aujourd’hui, aujourd’hui que demain, demain qu’éternellement (És. 40, 8 ; 1 Pier. 1, 25). Elle vous apporte la pensée de Dieu sur toutes choses ; elle vous instruit ; elle est la voix de Dieu, sortant de la bouche de Jésus Christ, la seule voix qu’il vous faille connaître et qui vous détourne d’écouter la voix des étrangers. Faites-vous un devoir et une obligation de la lire continuellement. Ne l’abordez jamais sans la prière. Dieu vous répondra en vous en ouvrant les trésors ; vous trouverez en premier lieu qu’elle répond à tous les besoins de votre âme. Souvenez-vous toujours que, dès le début de votre conversion, à l’état de petits enfants, vous avez reçu « l’onction du Saint Esprit qui demeure en vous » et que « cette onction vous enseigne à l’égard de toutes choses » : c’est avec cette Parole, abordée par la prière, enseignée par le Saint Esprit, comprise par le Saint Esprit, reçue par le Saint Esprit, que vous serez capables de réaliser dans les circonstances journalières la vie de foi enseignée par l’Écriture. Par elle vous apprendrez ce qu’est le cœur du Père ; fondés sur elle vous éprouverez Son secours et Sa fidélité à toutes Ses promesses, et vous en trouverez la réalisation dans vos expériences personnelles. De cette manière la foi d’autrui ne pourra plus vous suffire et vous trouverez la force et la joie dans la pratique incessante d’une foi personnelle. Ainsi, partant de la méditation et de l’étude habituelle de la Parole accompagnée de la prière, vous entrerez dans le chemin de l’expérience chrétienne individuelle, sans laquelle il n’y a ni joie, ni force, ni communion avec le Seigneur, ni progrès dans la sainteté pratique, ni victoire remportée sur l’ennemi.
Mais ce premier point n’est encore qu’un commencement de connaissance. Le dernier mot de la Parole est Christ. « Le connaître Lui », tel le but final à atteindre, telle « la mesure de la stature de la plénitude du Christ ». Il ne suffit pas de chercher dans la Parole des directions pour vos besoins journaliers ; cherchez-y le Seigneur et toutes choses vous seront données par-dessus. J’ai souvent émis le conseil suivant : Récapitulez, en lisant les évangiles, ce que Jésus a fait et dit dans chaque chapitre. Demandez-vous, en lisant les Psaumes, ce qu’Il a pensé. Demandez-vous, en considérant les types de l’Ancien Testament, sous quels caractères la personne de Christ vous est présentée. J’ai vu plus d’une âme tourmentée par son manque d’affranchissement et continuellement préoccupée d’elle-même, jouir, en suivant ce conseil, d’un bonheur qu’elle n’avait jamais connu auparavant.
Ainsi vous entrerez en relation personnelle avec le Fils de l’homme ; vous serez attirés après Lui pour Le suivre, vous apprendrez à connaître les insondables richesses de Son cœur, vous serez poussés à L’imiter ; enfin vous vous prosternerez devant Lui comme Fils de Dieu.
Vous aurez trouvé, en Le cherchant dans la Parole, et en Le connaissant par elle, un centre, un objet parfait pour vos affections, qu’aucune créature ne pourra jamais vous donner. Cette connaissance personnelle dominera votre vie. Dans sa jeunesse le chrétien se contente facilement de la connaissance du salut, parce que les jeunes gens s’imaginent que les affections légitimes d’ici-bas peuvent leur suffire. Il leur faut souvent de longues et dures expériences pour leur en montrer le vide. C’est alors qu’ils apprennent qu’il ne leur faut pas le salut seulement, mais le Sauveur.
Après avoir appris à connaître Christ dans la Parole, vous apprendrez à apprécier en dernier lieu les grandes vérités qui constituent Son témoignage pour le jour actuel[1], vérités dont l’administration vous a été confiée, et vous y prendrez un intérêt croissant, comme à un dépôt sacré placé entre vos mains et que vous êtes appelés à garder fidèlement intact jusqu’à la venue du Seigneur. C’est une immense faveur qui vous est faite, car, parmi les chrétiens de nos jours, une minorité seulement est favorisée de ce témoignage. Quand même tous les enfants de Dieu sans exception, y sont appelés, un très petit nombre ont à cœur de le rendre.
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La mention du « témoignage » m’amène naturellement à la seconde classe de jeunes gens dont j’ai parlé dans les premières lignes de cet écrit. De récentes expériences ont particulièrement attiré sur eux mon attention. Je ne parle pas ici des enfants de parents chrétiens dont les âmes n’ont jamais été placées devant Dieu. Ils n’ont jamais eu ni vrais besoins, ni travail de conscience, ni la certitude écrasante qu’ils sont perdus, ni confession de péchés, ni repentance. Il y a mort spirituelle, quoiqu’ils assistent, dès l’enfance, au culte, aux méditations, à la prédication de l’évangile. La conviction de péché, l’œuvre de la grâce dans le cœur, leur manquent complètement. Nous ne pouvons faire autre chose pour ces jeunes âmes que de supplier le Seigneur de les amener en contact avec l’évangile du salut.
Autre est le cas des jeunes gens auxquels je fais ici allusion. Ils ont été attirés par l’évangile et l’ont reçu, sans qu’il ait produit une révolution dans leur état moral. Bien que réel, le résultat a été incomplet. Ces jeunes gens seraient enlevés subitement que nous n’aurions pas un doute au sujet de leur salut. Eux-mêmes, si vous les interrogez, n’en ont pas. Ils ne sont pas indifférents comme les premiers. Ils écoutent la prédication de la Parole et en jouissent dans une mesure ; ils la lisent par devoir peut-être ; cependant ils la lisent. Sans doute, « l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ » ne leur est pas richement donnée, mais la porte leur en est ouverte. Qu’est-ce donc qui leur manque ? D’être réveillés. Ils dorment ; ils sont couchés parmi les morts, mais ils ont la possibilité de se relever du milieu d’eux, donc ils ont la vie. Pauvre et misérable vie, sans doute, et dont je vais donner la preuve : La table du Seigneur ne les attire pas. Ils voient leurs parents, leurs frères, leurs sœurs, participer à ce repas, célébrer avec joie, selon le désir de leur Sauveur, le mémorial de Son sacrifice, de l’amour merveilleux dont Il a fait preuve à leur égard ; ils ne sentent pas le besoin d’y participer. Année après année, ils gardent cette attitude indifférente, en présence de la plus grande preuve d’amour que le Seigneur ait pu leur montrer. Si du moins ils considéraient cette invitation comme un commandement auquel ils doivent obéir, ce qu’elle n’est pas du reste, même cette fausse conception de la cène du Seigneur vaudrait mieux que l’abstention !
Mais la participation à la cène n’est pas seulement un mémorial de la mort de Christ qui fait appel au cœur de tout enfant de Dieu ; elle est aussi, souvenez-vous-en bien, un témoignage : « Vous annoncez », dit l’apôtre, « la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». Ainsi le témoignage chrétien, dans sa plus haute expression, n’est donc pas devenu pour vous une nécessité ? J’en cherche la cause, et j’en trouve la réponse : C’est que la personne du Sauveur n’est pas devenue pour vous une réalité. Pourquoi ne l’est-elle pas ? Un seul mot vous le dira : Le monde. « N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui ». Or ces paroles s’adressent à des jeunes gens croyants comme vous. Tant qu’on n’a pas pris résolument parti pour Christ, on n’est pas obligé de rompre avec le monde et les choses qui s’y trouvent. L’ennemi de vos âmes le sait fort bien et c’est pourquoi il cherche à maintenir chez vous la non participation au témoignage autour de la table du Seigneur. Ce témoignage est la meilleure rupture avec le monde qui se puisse concevoir. Le monde ne vous conviera plus à ses fêtes quand il vous verra satisfaits de celle à laquelle le Seigneur Lui-même vous invite. Désormais il vous considérera comme perdus pour lui. La porte que vous aurez ouverte pour laisser entrer le Seigneur et qui s’est refermée pour que vous participiez à Son souper, a interrompu désormais toute communion avec ceux du dehors. Il va sans dire que je ne parle pas ici de la manière dont le monde pratique la sainte cène, mais de ce qu’elle signifie pour les chrétiens réunis autour du Seigneur comme faisant partie de Son Assemblée.
Ne pensez pas toutefois que la cène vous procurera, dès le début, la jouissance qu’y trouvent des frères fidèles marchant depuis longtemps dans le chemin du témoignage. Je connais beaucoup de jeunes chrétiens qui ne l’ont considérée pendant des années que comme un devoir accompli. Plus tard, la lumière s’est faite ; ils comprirent que la table du Seigneur était la plus haute expression du culte ici-bas, l’avant-goût, réalisé dans la faiblesse, de ce que sera, dans la gloire, l’adoration autour de l’Agneau immolé ; enfin le témoignage collectif rendu à la mort de Christ pour les siens au milieu d’un monde qui L’a rejeté.
Puissent ce conseil et cette exhortation être entendus d’un grand nombre d’entre vous !