Courte étude sur le psaume 22

A. Guignard

L’importance de ce psaume est grande, car il nous dépeint prophétiquement l’œuvre sur laquelle reposent notre salut et notre bonheur éternel : une œuvre plus grande que celle qui a été opérée par la même personne quand les mondes ont été tirés du néant. Lorsqu’ils ne seront plus, cette œuvre sera encore le thème de la louange des rachetés et cela pendant l’éternité. Nous avons à nous souvenir en nous occupant de ces choses que nous sommes sur une terre sainte de laquelle nous ne pouvons nous approcher qu’en ayant les pieds déchaussés et avec le plus profond respect. Puissions-nous faire notre profit de ce que le Saint Esprit nous enseigne dans cette page des Écritures, page qui a tant de fois déjà été méditée, et qui est pourtant si peu connue. C’est l’infini comme tout ce qui est de notre Dieu. Nous nous bornerons donc à donner quelques considérations qui, nous l’espérons, mettront dans le cœur des saints un plus grand désir de connaître mieux les richesses que contient ce psaume et d’en faire un profond sujet de méditation. En le faisant, nous connaîtrons mieux l’amour dont nous sommes les objets et dont la croix du Calvaire nous donne la mesure ; nous connaîtrons aussi mieux la misère dans laquelle le péché nous avait plongés et de laquelle nous avons été délivrés en vertu de l’œuvre dont nous parle ce psaume ; nous aurons une plus sainte horreur du mal, ce mal qui a fait venir sur la sainte victime les souffrances qui y sont dépeintes et, enfin, il y aura plus de louanges qui monteront devant Dieu, louanges auxquelles Il prend plaisir et dans lesquelles Il est glorifié.

Nous avons fait remarquer souvent l’importance qu’il y a de ne pas séparer les psaumes les uns des autres, cela peut s’appliquer d’une manière particulière à notre psaume. Cette vérité a frappé plus d’un lecteur de ce livre. Nous donnerons donc rapidement un coup d’œil sur les psaumes qui précèdent et sur ceux qui suivent celui qui nous occupe, et nous verrons facilement le lien qui les unit à celui-ci. Le lecteur attentif trouvera bien des merveilles dans un tel domaine.

Le psaume 15 débute par une question solennelle : « Éternel ! qui séjournera dans ta tente ? qui demeurera dans ta montagne sainte ? ». Après avoir considéré la méchanceté de l’homme telle qu’elle nous est dépeinte dans les psaumes qui précèdent, cette question se pose tout naturellement : N’y aura-t-il donc personne qui jouira des bénédictions qui sont dans la sainte demeure de Dieu ? Où donc aller chercher un homme qui remplisse les conditions requises dans ce psaume 15 et sans lesquelles il est impossible d’entrer dans le sanctuaire du Dieu saint ? Les psaumes qui suivent sont comme la réponse à cette question et nous font connaître Celui qui, en vertu de Ses propres perfections, peut dire : « Ouvrez-moi les portes de la justice ; j’y entrerai » (Ps. 118, 19). Les psaumes 16 à 24 nous parlent de l’excellence de Celui qui, de droit, peut ainsi demeurer dans la montagne sainte de l’Éternel.

Le psaume 16 nous Le présente dans Sa parfaite humanité et marchant dans le chemin de la foi. « Garde-moi, ô Dieu ! car je me confie en toi ». Or, dans notre psaume 22, ce Dieu en qui Il s’est pleinement confié L’a abandonné. Pourquoi ? C’est même par ce grand fait que le psaume débute. Mystère en présence duquel nous adorerons pendant l’éternité. Nous avons là un sujet de méditation inépuisable.

Si, dans le psaume 16, Il est vu marchant dans le chemin de la foi, dans le psaume 17, Il est vu marchant dans celui de la justice : « Écoute, ô Éternel, la justice ». Quel homme peut revendiquer la justice, si ce n’est Celui qui seul a pu dire : « Que mon droit sorte de ta présence, que tes yeux regardent à la droiture. Tu as sondé mon cœur, tu m’as visité de nuit ; tu m’as éprouvé au creuset, tu n’as rien trouvé : ma pensée ne va pas au-delà de ma parole » ? Et ce Dieu saint qui connaissait Sa parfaite justice L’a mis dans la poussière de la mort (v. 15 de notre psaume). La mort est le salaire du péché, et le seul Juste a dû endurer la mort ; pourquoi ? De nouveau nous voici en présence d’un mystère qu’il vaut la peine de sonder et en présence duquel il y a lieu de méditer.

Le psaume 18 dont l’importance ne doit pas nous échapper puisque Dieu nous le répète deux fois dans Sa Parole (voir 2 Sam. 22) pourrait se résumer dans ce seul mot « délivrance » qui s’y trouve maintes fois. Il célèbre un Christ souffrant qui est le centre de toutes les délivrances de Son peuple. Il a délivré Son peuple de l’Égypte, des eaux de la mer Rouge, de la puissance du Pharaon et de son armée. C’est Lui qui bientôt le délivrera de ses ennemis et l’introduira dans la bénédiction finale qui lui a été promise par les prophètes. Mais, dans notre psaume, Celui qui a si souvent délivré les siens n’a pas été délivré Lui-même : il n’y a eu personne pour Le secourir quand Il criait dans Son rugissement. Voici, de nouveau, un sujet de profondes méditations.

Le psaume 19 commence par ces mots : « Les cieux racontent la gloire du Dieu fort, et l’étendue annonce l’ouvrage de ses mains… ». Mais, n’allons pas plus loin dans notre lecture pour le moment et revenons à notre psaume 22 qui est le sujet de notre méditation : « Ils ont percé mes mains » (v. 16). Ces mêmes mains ! Ce que les hommes ont fait ! Qu’avaient-ils pensé ? Que feront ces coupables quand ils verront Celui qu’ils ont percé ? Vers quel avenir marche le monde dans lequel nous sommes ? Nous en aurions le sentiment si nous savions mieux réaliser que nous sommes des étrangers dans un tel monde. Dans ce même psaume 19, Celui duquel les cieux proclament la gloire et dont l’étendue raconte l’ouvrage de Ses mains est aussi Celui qui nous a donné Sa Parole, sujet qui est traité depuis le verset 7. Or les Écritures rendent témoignage de Ses souffrances, souffrances qui nous sont dépeintes d’une manière si solennelle dans le psaume 22. Mais qui a cru au témoignage de Dieu ? Celui qui a créé les mondes et qui a donné les Écritures est aussi Celui qui a enduré les souffrances dont ce psaume a rendu témoignage plus de mille ans à l’avance. De nouveau nous voici en présence d’un vaste sujet de méditation. Au fur et à mesure que nous avançons dans la lecture de ces choses, les sujets d’adoration se multiplient. Une fois de plus, nous constatons la vérité que nous avons rappelée en commençant : les psaumes se relient les uns aux autres comme les maillons d’une chaîne d’or.

Le psaume 20 nous parle d’un Christ souffrant, quand Il était dans la « détresse ». Nous Le voyons là au milieu d’un peuple sans pitié, mais Il y est entouré d’un résidu fidèle (les douze, par exemple). « Ils le contemplent » dans cette détresse, s’offrant en holocauste : Jean et les femmes étaient autour de la croix. Mais dans notre psaume 22, nous Le voyons abandonné de tous et au sein de la détresse suprême, et personne pour Le secourir. Tous se sont enfuis et L’ont laissé seul. Il a crié à Son Dieu, et Dieu L’a abandonné et L’a mis dans la poussière de la mort. Arrêtons-nous, et méditons !

Si le psaume 20 nous parle d’un Christ souffrant, le psaume 21, en contraste, nous parle d’un Christ glorifié. Il est au-delà de la mort ; Sa gloire est grande dans Sa délivrance. Celui qui L’avait abandonné L’a revêtu de majesté et de magnificence. Il vient dans Sa force pour exercer le jugement contre Ses ennemis et Sa droite trouvera tous ceux qui Le haïssent. Il vient, non en grâce comme nous Le voyons dans le psaume 20, mais en jugement. Dans notre psaume 22, c’est Lui qui endurait le jugement que nous avions mérité. Celui qui sera le juge demain est le Sauveur aujourd’hui. Que dire en présence de ces choses ? N’y a-t-il pas encore ici un vaste sujet de méditation ? Dans le psaume 22, Il est sur le mont Calvaire : c’est le passé ; dans le psaume 23, Il est le Berger. Il prend soin du troupeau qui est dans la vallée de l’ombre de la mort : c’est le présent ; enfin, le psaume 24 nous Le fait admirer dans Sa gloire royale sur la montagne de Sion : c’est l’avenir. Hier, Il mourait pour nous ; aujourd’hui, Il prend soin de nous ; demain, Il apparaîtra en gloire aux yeux de tout l’univers. Nous ne faisons que de mentionner ces quelques traits qui relient ces divers psaumes et celui dont nous allons nous occuper plus en détail. Il y a bien d’autres richesses dans ce domaine qui comprend aussi un grand nombre d’autres psaumes. Mettons plus de diligence à nous enquérir de ces merveilles et nous en découvrirons encore bien d’autres. La main des diligents enrichit, elle met à notre disposition à profusion des trésors cachés. Mais les fils de ce siècle sont plus prudents que nous par rapport à leur propre génération.

Pour bien entrer dans la pensée de Dieu concernant le psaume 22, il est nécessaire de connaître un peu le caractère des quatre grandes classes des sacrifices qui étaient offerts sous l’ancienne alliance : l’holocauste, l’offrande de gâteau, le sacrifice de prospérités et le sacrifice pour le péché auquel est intimement lié le sacrifice pour le délit. Ces quatre classes de sacrifices ont eu leur plein accomplissement dans la personne de Celui qui a été l’Agneau de Dieu. Chacun des évangiles nous présente un des côtés de ce sacrifice.

Dans Jean nous avons l’holocauste. C’est la part de Dieu dans ce sacrifice, une excellence dont nous ne pouvons connaître la valeur infinie et que Lui seul est capable d’apprécier. Christ s’offre sans tache à Dieu. C’est Lui qui donne Sa vie, personne ne la Lui ôte. Cet évangile ne nous parle pas de Ses souffrances à la croix, et si même Il dit : « J’ai soif ! », ce n’est pas pour exprimer une plainte, mais simplement afin que les Écritures soient accomplies.

Dans Luc, nous n’avons pas l’abandon de Dieu, et c’est dans le jardin de Gethsémané que nous trouvons la grandeur de Ses souffrances plutôt qu’à la croix. Cet évangile nous Le présente dans Sa parfaite humanité et c’est comme « offrande de gâteau » que Son sacrifice nous est raconté. Pour Lui, mourir était un acte d’obéissance comme, du reste, tout ce qui a caractérisé Sa vie entière d’homme parfait.

Dans Marc, Il est le parfait serviteur qui aime Son maître, Sa femme et Ses enfants. Tous ont une part dans Son sacrifice, c’est le côté du « sacrifice de prospérités ». Dans un tel sacrifice Dieu a Sa part et les siens aussi. Dans le type une partie était brûlée sur l’autel : c’était la part de Dieu ; l’autre partie était mangée par les adorateurs : c’est là notre part dans un tel sacrifice.

Enfin, nous arrivons à l’évangile selon Matthieu qui nous fait connaître d’une manière particulière l’horreur des souffrances de Christ à la croix, souffrances non seulement de la part des hommes, mais aussi de la part de Dieu, un Dieu saint en présence du péché. Là Il a été abandonné de Dieu. C’est le côté du « sacrifice pour le péché » et c’est précisément ce côté du sacrifice de Christ que nous avons dans notre psaume 22. L’évangile nous donne le récit historique de ce qui s’est passé quand la sainte victime a porté nos péchés, et ce psaume nous fait connaître prophétiquement ce qui s’est passé dans Son âme sainte quand Il endurait le châtiment dû à ces péchés. Du reste, on a fait remarquer souvent le lien qui unit ce psaume avec le chapitre 27 de l’évangile selon Matthieu. Ceci étant bien compris, cela nous aidera à entrer dans ce que nous avons dans notre psaume.

Au travers de toutes les souffrances qui étaient Sa part quand Il était consumé par le feu du jugement de Dieu, Il avait une parfaite connaissance de tout ce qui L’entourait et de toute l’horreur du jugement qu’Il endurait. Il a refusé de prendre le vinaigre mêlé de fiel qu’on Lui offrait et qui aurait apporté, dans une mesure, un soulagement aux maux sans nombre qui étaient Sa part dans un tel moment, ce qui aurait pu Le stupéfier et Le rendre quelque peu insensible à ce qu’Il traversait.

Sur la croix, Sa première pensée a été pour Son Dieu (v. 1-3). Ce Dieu qui avait fait Ses délices et pour lequel Il avait vécu, ce Dieu L’a abandonné. Pourquoi ? Bienheureux ceux qui peuvent répondre à une telle question et dire : C’est pour moi. Malgré tout, ce « pourquoi » en présence duquel nous adorerons pendant l’éternité est un infini. Comment une plume d’homme pourrait-elle dépeindre ce qui s’est passé pendant les trois heures durant lesquelles le soleil cachait sa lumière ? Dans ce moment Dieu se tenait loin de Son salut et des paroles de Son rugissement. Quel mot ! Dans le psaume 32, David rugissait dans sa douleur sous le poids de son péché. Ici, c’est le lion de la tribu de Juda qui rugit, blessé à mort, et au sein des plus profondes ténèbres. Sans ces douleurs, il n’y aurait jamais eu de délivrances, ni pour David, ni pour aucun de nous. La part des uns et des autres aurait dû être à jamais dans un lieu de tourments, à jamais sans repos, ni jour, ni nuit. Sur la croix la sainte victime portait le salaire dû au péché.

« Et toi, tu es saint ». Dans ce moment suprême Il a pensé à la sainteté de Dieu et Il sentait tout le poids du jugement de ce Dieu saint contre le péché, toute l’horreur de ce jugement inexorable. Qui a connu la sainteté de Dieu comme la victime qui a porté le péché et qui a été consumée par le feu de Son jugement ? Une autre chose : combien elle a été précieuse ! Sur la croix, Il a pensé aux louanges qui montent devant Dieu du cœur de ceux qui font partie de Son peuple. « Toi qui habites au milieu des louanges d’Israël ». Qui aurait pu Le louer si Lui n’avait pas été abandonné de Dieu ? Personne. Nous avons le privilège de chanter les louanges de notre Dieu et Père, mais, si le chef de notre foi n’avait pas, par Sa mort même, brisé les liens de la mort, notre bouche aurait à jamais été fermée et le Père n’aurait eu personne pour Lui donner gloire dans Son sanctuaire.

Les versets 4 et 5 traitent d’un autre sujet et nous parlent d’une autre chose qui a été sur le cœur de notre Seigneur quand Il était sur la croix. Dans ce cœur infini se pressaient une multitude de pensées : Il embrassait tout ce qui concernait les siens ; ici Il pensait aux saints d’autrefois : ils s’étaient confiés en Dieu et ils n’avaient pas été confus ; tous avaient été délivrés. Mais Lui était abandonné… S’Il avait été délivré, qu’en aurait-il été de ces fidèles qui avaient mis en l’Éternel leur confiance, et qu’en serait-il de nous aujourd’hui ? Il pensait à tous ces bienheureux qui avaient été délivrés et Il accomplissait dans ce moment suprême l’œuvre qui rendait possible la délivrance de tous ceux qu’Il appelle des saints et des excellents (Ps. 16, 3) et dans lesquels Il trouve toutes Ses délices.

Dans le verset 6, Il considère Sa position au milieu des hommes : à leurs yeux, Il n’avait pas plus d’importance qu’un ver ; Il était l’opprobre des hommes et le méprisé de Son peuple bien-aimé, et cet opprobre Lui brisait le cœur (Ps. 69, 20). Les versets 7 et 8 sont une allusion à ceux qui passaient près du lieu où Jésus avait été crucifié. Le prophète a dit : « N’est-ce rien pour vous tous qui passez par le chemin ? Contemplez, et voyez s’il est une douleur comme ma douleur qui m’est survenue, à moi que l’Éternel a affligée au jour de l’ardeur de sa colère » (Lam. 1, 12). Il mettait dans la bouche de Jérusalem ce qui s’est passé dans le cœur de son Roi lorsqu’Il portait la colère que cette ville coupable avait méritée. Voici le peuple de cette ville qui, sans cœur et sans compassion, se moquait de Lui et tournait Ses gloires en dérision. Ils ont même osé se servir des paroles de ce psaume pour Le railler et Le couvrir d’opprobre.

Les versets 9 et 10 nous apprennent qu’étant sur la croix Il s’est souvenu que, dès Son entrée dans le monde, Il s’était pleinement confié en Dieu, et ce Dieu L’abandonnait ! C’était ce Dieu qui avait fait Sa joie de chaque jour et c’était pour Lui seul qu’Il avait vécu : les autres avaient été délivrés, mais pour Lui il n’y avait point de salut. Dans un tel moment Il a dit : « Ne te tiens pas loin de moi, car la détresse est proche » (v. 11). Ce mot « détresse », que nous rencontrons fréquemment dans le livre des Psaumes, nous parle généralement du temps de la détresse de Jacob (Jér. 30, 7), détresse comme il n’y en a encore jamais eu et telle qu’il n’y en aura jamais, détresse dont Jacob sera délivré ; mais ici, dans notre psaume, et dans les psaumes 20, 1 et 102, 2, il est question de la détresse à nulle autre comparable que le seul Juste a dû traverser. Dans le psaume 20, Il est encore entouré des siens, mais ici il n’y a personne. Pendant Son ministère, les douze L’ont accompagné, et même quand plusieurs ne marchaient plus avec Lui, Pierre Lui a dit : « Auprès de qui nous en irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jean 6, 68). Ils ont persévéré avec Lui dans Ses tentations, mais au dernier moment, l’un L’a trahi, un autre L’a renié, et les dix autres L’ont abandonné. Il entrait dans un chemin dans lequel Lui seul pouvait marcher. Qui d’autre que Lui seul pouvait aller à la rencontre du jugement de Dieu ? Nous avons une belle illustration de cette scène dans le chapitre 22 de la Genèse, quand Abraham allait pour sacrifier son fils sur la montagne de Morija. À un moment donné il a dit à ses serviteurs : « Restez ici, vous avec l’âne ». Dès ce moment le père et le fils étaient seuls dans le chemin : ils allaient les deux ensemble ; au dernier moment le père a levé sa main pour frapper son fils. Les serviteurs, si fidèles qu’ils aient pu être, ne pouvaient gravir la montagne et assister à la scène qui s’est déroulée sur son sommet. Ici le Fils est seul ; il n’y a personne qui soit là pour entrer dans Ses pensées, ni pour Le secourir : les siens s’étaient enfuis et Dieu L’avait abandonné. Il était seul en présence de la fureur de celui qui, comme un lion rugissant et déchirant, s’élevait contre Lui. Satan lui-même et toutes les puissances des ténèbres déversaient leur rage contre Lui. Les principaux sacrificateurs avec les scribes et les anciens qui, comme de puissants taureaux de Basan, ouvraient leurs gueules contre Lui, étaient la bouche même de Satan pour déverser contre Lui toute la haine qui remplissait son cœur contre le seul homme qui lui avait résisté et qui l’avait réduit à l’impuissance. Dans ce moment suprême il avait ameuté contre Lui toutes les puissances des hommes, du monde et des démons. Jamais un tel conflit n’avait eu lieu, il est unique dans les annales de l’éternité. Un seul homme était là contre toute cette puissance ; c’est Lui qui, dans le psaume 24, est appelé le Roi fort et puissant dans la bataille. C’est cette seule bataille qui compte devant Dieu ; c’est par elle que le seul Juste a remporté la victoire sur l’auteur de tout le mal qui est dans le monde. Mais considérons de plus près l’état dans lequel ces hommes se trouvaient dans un tel moment. Les hommes religieux sont au premier plan : ce sont les sacrificateurs qui savaient qu’on ne peut s’approcher de Dieu qu’en vertu d’un sacrifice, et qui, chaque jour, offraient des sacrifices qui étaient les ombres du sacrifice de Christ ; les scribes qui enseignaient la loi au peuple, et les anciens qui étaient revêtus de dignité de la part de Dieu ; tous ensemble étaient en compagnie de brigands pour se moquer de la sainte victime qui dans ce moment ôtait le péché du monde, et ils étaient la bouche même de Satan pour rugir contre Lui…

Mais, passons. Les versets 14 et 15 nous dépeignent en quelques mots ce qu’il en était de la personne du Seigneur dans un tel moment : « Je suis répandu comme de l’eau ». Que veulent dire ces paroles ? Le peuple de Dieu pendant longtemps, vingt années, a été sans l’arche de l’Éternel ; au bout de ce temps la maison d’Israël se lamenta après l’Éternel. Samuel parla au peuple qui se rassembla à Mitspa. Là ils puisèrent de l’eau et la répandirent devant l’Éternel et ils jeûnèrent. Cette eau répandue devant l’Éternel sur le sol était l’image de l’état dans lequel se trouvait le peuple ; il était si misérable que l’Éternel seul pouvait le recueillir et le restaurer, seul Il pouvait le délivrer et le consoler. Ici l’Agneau de Dieu réalisait dans quel état se trouvait Son peuple bien-aimé et Il en sentait toute la misère et toute l’affliction. Dans toutes leurs détresses Il a été en détresse. « Tous mes os se déjoignent ». Il n’y a plus rien pour Le soutenir. Les os sont la charpente du corps humain et le soutiennent dans toutes ses parties. Son cœur était comme de la cire, sous l’ardeur du feu du jugement de Dieu ; il était fondu au-dedans de Ses entrailles. Sa vigueur était desséchée comme un têt et Sa langue était attachée à Son palais ! Il réalisait toute l’horreur de ce lieu où même une goutte d’eau froide sera refusée aux malheureux qui n’auront rien voulu de la grâce de Dieu et des bénéfices de l’œuvre dont nous parle le psaume qui nous occupe. « Et tu m’as mis dans la poussière de la mort ». Ici la mort de Christ est attribuée à Dieu Lui-même. Il est de toute évidence que les hommes sont coupables du meurtre sans nom qu’ils ont commis en mettant le Seigneur de gloire sur la croix ; mais ici nous avons le Dieu saint et la victime qui portait le péché. Or, le salaire du péché c’est la mort et, sans effusion de sang, il n’y a pas de rémission possible. L’Agneau était la victime qui devait mourir, la sainteté du Dieu juste l’exigeait. Ce sont des choses qui dépassent en solennité tout ce que nous pouvons concevoir ; et, si nous voulons savoir ce qu’est le péché aux yeux de Dieu, c’est à la croix que nous pouvons le considérer sous son vrai jour et dans toute son horreur.

Les versets 16, 17 et 18 font allusion aux soldats romains qui, sans compassion pour la victime qui était entre leurs mains, prenaient plaisir à faire le mal et trouvaient leur satisfaction à la faire souffrir : ce sont eux qui ont percé Ses mains et Ses pieds. Ces mains qui avaient fait tant de bien. Ils sont comparés à des chiens cruels et violents. « S’étant assis, ils veillaient là sur lui ». Nous pouvons nous demander quelle sera la confusion des incrédules qui, volontairement, ne reçoivent pas le témoignage si précis que nous avons ici. Plus de mille ans à l’avance, David, par l’Esprit prophétique, nous a dit que les mains et les pieds du Messie seraient percés, qu’on ferait le partage de Ses vêtements et qu’on jetterait le sort sur Sa robe, chose qui s’est réalisée à la lettre quand notre Seigneur a été mis sur la croix.

Versets 19 et 20. Dans ce moment suprême, Il s’adresse au Dieu qui ne peut changer, l’Éternel, afin qu’Il délivre Son âme sainte de l’épée de l’Éternel, et Son unique de la patte du chien. Son unique, c’était Son corps, un corps unique dans l’histoire du monde ; un corps d’homme, né d’une femme, sans péché bien entendu, et en qui habitait toute la plénitude de la déité (Col. 2, 9). C’est un mystère profond dans lequel la pensée humaine ne peut pas pénétrer, car personne ne connaît le Fils que le Père. C’est une vérité que nous avons à recevoir simplement par la foi comme Dieu nous l’a révélée. Cela nous suffit et nous pouvons adorer.

Verset 21. De nouveau nous avons ici le lion ; il voudrait engloutir Celui contre lequel il a déchaîné toute sa puissance : il a pensé probablement être arrivé à ses fins quand le Seigneur a remis Son esprit. Triomphe de courte durée. Le premier jour de la semaine, le Seigneur est sorti victorieux du tombeau, vainqueur de la puissance de Satan et de la mort.

Maintenant la scène change du tout au tout : un jour nouveau commence ; la puissance de la vie fait place aux horreurs de la mort[1]. Un homme est sorti du tombeau par Sa propre puissance. Le premier résultat de cette victoire est que le nom du Père est révélé à un petit groupe de disciples qui étaient réunis dans une chambre haute. Heureux enfants de Dieu ! allez-vous dire. Oui, mais, y avez-vous pensé ? Heureux le Père ! Maintenant Il a une famille. Le Messie n’est pas mort pour la nation seulement, mais aussi pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés. Celui qui est ressuscité d’entre les morts va être le premier-né entre beaucoup de frères. Dans une grande famille, les fils sont heureux d’être dans la maison du père, mais plus heureux encore est le père d’avoir ses fils autour de lui. Bientôt le Père pourra se reposer dans Son amour. Bienheureuse éternité ! Le Seigneur, qui était sur la croix entre deux malfaiteurs, est maintenant « au milieu » de ceux que Son nom a rassemblés. Il chante le cantique nouveau et les siens peuvent unir leurs voix à la sienne pour célébrer le Dieu qui L’a ressuscité d’entre les morts. Il a été tiré d’entre les cornes des buffles : c’est l’image d’une mort inévitable, car jamais un buffle en furie ne manque de transpercer de ses cornes pointues celui contre lequel il est irrité. Tout est joie dans cette scène de résurrection : le Père, le Fils, les rachetés sont là dans une même communion. C’est au sein d’une petite congrégation, quelques disciples réunis dans la chambre haute, que ces choses se réalisent. Le monde est étranger à la joie qui remplit le ciel, il ne connaît rien aux grandes choses qui sont le sujet de la louange des heureux habitants de la maison du Père. C’est là ce que nous avons dans le verset 22 de notre psaume.

Mais à cela ne se bornent pas les résultats de l’œuvre de la croix ; au verset 23, le cercle s’élargit et va jusqu’aux extrémités de la terre : « Vous qui craignez l’Éternel, louez-le ». Toutes les barrières dont Israël était entouré sont tombées et l’évangile va être prêché à toutes les nations. Un Corneille, un officier romain, va être les prémices de cette multitude qui sera prise d’entre les nations pour faire partie d’une famille céleste. Nous lisons, en effet, dans Actes 10, 34 et 35 : « Pierre, ouvrant la bouche, dit : En vérité, je comprends que Dieu ne fait pas acception de personnes, mais qu’en toutes nations celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable ». Et voici cet étranger qui est introduit dans la bienheureuse famille de Dieu. Ce verset 23 est particulièrement important et précieux pour nous, gens des nations, qui avons cru à l’évangile. Notre part ne diminue en rien les privilèges des Juifs, puisque Jacob et Israël, dans ce même verset, sont invités à révérer et à glorifier Celui que la nation a rejeté. Le salut est annoncé par toute la terre : Juifs et nations sont placés sur le même terrain, les uns et les autres sont les objets de la miséricorde de Dieu. « Ô profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies introuvables ! Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller ? ou qui lui a donné le premier, et il lui sera rendu ? Car de lui, et par lui, et pour lui sont toutes choses ! À lui soit la gloire éternellement ! Amen » (Rom. 11, 33-36).

Dans notre psaume, de même que dans tout l’Ancien Testament, nous ne trouvons pas l’Église. Elle était le mystère qui était caché dès les siècles en Dieu. La petite congrégation du début était le petit résidu fidèle d’Israël ; nous savons, par la lumière du Nouveau Testament, qu’il est devenu le noyau de l’Église. C’est après la mort et la résurrection du Seigneur et la descente du Saint Esprit que le mystère a été révélé, et cela d’une manière particulière à l’apôtre Paul après la mort d’Étienne. Nous n’avons donc pas à nous en occuper dans ce moment.

En continuant notre lecture, nous arrivons au verset 25 et nous y trouvons une nouvelle classe de personnes qui sont mises au bénéfice de l’œuvre de la croix ; elle est appelée la grande congrégation en contraste avec le petit nombre de ceux qui ont réalisé la bénédiction qui a été la part de ceux dont nous parle le verset 22. Ici, nous avons tout Israël, l’Israël de la fin, le vrai Israël de Dieu qui sera rassemblé au commencement de Son règne. Ce sera le temps bienheureux dans lequel le peuple qui est encore dispersé parmi les nations sera enfin rassemblé dans le pays de la promesse et jouira de tout ce qui lui a été promis par la bouche des prophètes, et qui lui sera apporté par Celui qu’ils ont percé. Là encore la louange montera devant Dieu, mais, d’emblée, nous voyons une grande différence dans les relations du peuple avec le Messie, ce n’est plus la précieuse communion qui caractérisait la petite congrégation du verset 22. Dans cette dernière Il est au milieu d’eux ; ici, dans la grande congrégation, Il est devant eux. C’est le Roi de gloire qui est devant Son peuple dans toute Sa majesté. Son peuple sera bien heureux de voir Sa gloire et Sa beauté ; leur cœur bouillonnera au-dedans d’eux. Dans ce jour-là, ils diront ce qu’ils auront composé au sujet de leur Roi bien-aimé (Ps. 45), mais ils ne connaîtront pas cette intimité de laquelle nous jouissons lorsque, petit troupeau, nous sommes, encore aujourd’hui, rassemblés autour de Lui dans la chambre haute. Savons-nous apprécier ce que nous possédons ?

Le verset 27 nous parle d’une troisième classe de personnes qui bénéficieront bientôt des résultats de l’œuvre de Christ à la croix : ce sont les nations qui auront été épargnées par le jugement et jouiront de la bénédiction millénaire sur la terre ; car Celui que le monde a couronné d’épines sera Roi sur tout l’univers, Il dominera parmi les nations. Réjouissons-nous, le Roi vient ! Le changement dans la condition de ce monde sera grand : aujourd’hui il est sous la puissance de celui qui est menteur et meurtrier ; alors ce sera le règne de la justice et de la paix. Dans ce beau temps, toutes les familles des nations viendront d’année en année pour se prosterner devant le Roi et pour adorer à Jérusalem lors de la fête des tabernacles. « Dans ce jour-là, il y aura sur les clochettes des chevaux : Sainteté à l’Éternel ». Temps heureux et bénis : Seigneur, quand sera-ce ?

Enfin dans les deux derniers versets de notre psaume 22, nous trouvons une quatrième classe de personnes qui bénéficieront de l’œuvre de Christ à la croix ; ce sera la multitude de ceux qui naîtront pendant ce beau règne de paix. Alors Dieu donnera des familles comme des troupeaux ; le petit deviendra mille, et le moindre une nation forte (És. 60, 22). Heureux enfants ! Jamais ils ne connaîtront la souffrance qui est la part de notre pauvre humanité aujourd’hui. Ils jouiront de la paix, de la bénédiction et de l’abondance qui sera apportée par le Roi de gloire. Ils pourront L’adorer quand on leur racontera ce que le Roi a fait pour eux et ce qu’il en a été de Lui lors de Sa première venue dans le monde. De ces quatre classes de personnes qui seront ainsi mises au bénéfice de l’œuvre dont nous parle ce psaume, quels seront ceux qui auront la part la plus précieuse ? Sans contredit ce sont ceux qui aujourd’hui, au sein de la souffrance, jouissent de la présence de leur Seigneur au milieu d’eux et qui connaissent le nom du Père.

Nous nous arrêtons, conscients de n’avoir qu’effleuré les richesses contenues dans l’infini de ce psaume. Méditons ces choses et puissions-nous tous ensemble mieux connaître Celui qui a été abandonné de Dieu et Le glorifier dans l’Assemblée.