Dans le sein de Jésus

(Lettres)
T.A. Powerscourt

Oh ! ma pauvre et chère amie, combien je sens votre douleur ! Que sera la gloire à venir, si de telles afflictions ne peuvent lui être comparées ! Que Dieu vous donne de reconnaître dans l’abîme de votre souffrance que tout est amour, quelque difficile qu’il semble d’abord de le croire ! C’est ainsi qu’Il répond souvent à ceux qui Lui demandent plus de foi et d’amour. Il est bon que nous apprenions le sens des mots dans le livre même où Christ a appris l’obéissance ; et Il l’a apprise par les choses qu’Il a souffertes [Héb. 5, 8]. Oh ! ma chère sœur, nous sommes le trésor de Dieu ! Souvent nous avons dit que tout est vanité, et que la terre n’est pas notre demeure ; et, en effet, nous appartenons à Dieu, et nous ne sommes ici-bas que pour être façonnés par Lui. Il veut que nous comprenions bien cela. Il est un Dieu jaloux. Sa tendresse pour nous n’est jamais aveugle. Béni soit Son nom ! Il nous aime trop pour nous épargner une seule peine nécessaire. Il nous aime trop pour nous en envoyer une seule sans nécessité. Il est assis près de Son feu comme Celui qui raffine [Mal. 3, 3]. Attendez un peu, et vous verrez que cette épreuve est précisément celle dont vous n’auriez pu vous passer. Puis il n’est pas perdu, seulement il s’en est allé le premier. Vous êtes avec lui « héritière de la grâce de la vie » [1 Pier. 3, 7], et l’Écriture dit que sans vous il ne peut être rendu parfait. Il vous attend donc dans le sein de Jésus. Assurément, vous n’aimeriez pas qu’il fût plutôt avec vous qu’auprès de Jésus, uniquement pour la satisfaction de converser avec lui.

Vous êtes ensemble, puisque vous demeurez l’un et l’autre en Jésus ; vous avez une même vie dont les pulsations se font sentir dans le cœur de Jésus. Vous avez communion l’un avec l’autre, car ses pensées sont toutes concentrées sur Jésus. Lorsque Moïse et Élie apparurent aux disciples, ils parlaient de Jésus. Ma bien-aimée sœur, vous êtes sur le point d’entrer dans les réalités d’une consolation que vous n’auriez jamais cru pouvoir trouver en Dieu. Il me semble que je vous vois descendre dans un abîme que j’ai moi-même traversé, et je ne puis rendre que bien faiblement ce que je sens, en vous disant que je sympathise avec vous, que j’ai compassion de vous, que je tremble presque pour vous. Mais je puis cependant vous affirmer que pour tout au monde je ne voudrais pas n’avoir pas fait par ce moyen l’expérience de ce qu’est Jésus. Je choisirais de mourir mille fois plutôt que de n’avoir pas passé par tout cela. Je ne voudrais pas qu’un seul coup m’eût été épargné, lors même que souvent encore la douleur se fait vivement sentir.

Si vous considérez les choses à la lumière de l’éternité, vous verrez que vous avez sujet de bénir Dieu, non seulement pour le bonheur assuré de votre ami, mais encore pour tout ce qu’Il veut vous apprendre au moyen de ces longs jours et de ces longues nuits de tristesse. Ce sont des leçons pour l’éternité que Dieu seul peut donner, et ce n’est que dans ce monde que nous pouvons apprendre ce que c’est que la joie dans la douleur et le calme au milieu de la tempête.

Que le Dieu de paix soit avec vous ! Il le veut, je sais qu’Il le veut. Il ne permettra pas que vous soyez éprouvée au-delà de ce que vous pouvez supporter [1 Cor. 10, 13]. Et si bientôt vous devez être mère, vous serez soutenue par cette douce promesse : « Que tes veuves se confient en moi » [Jér. 49, 11]. Ce sont des paroles que je me suis appropriées et que j’ai scellées de mon sceau. Il n’a jamais manqué à ceux qui se confient en Lui.

Vous ne pourrez peut-être pas lire cette lettre, mais je n’ai pu m’empêcher de vous l’envoyer, comme si Jésus m’eût donné le droit d’entrer dans la maison du deuil.


… Comment pouvez-vous me dire que vous craignez de m’exprimer votre sympathie ? J’en éprouve une vive reconnaissance. Celle que j’ai perdue est, il est vrai, vivement regrettée, mais nous la reverrons. Nous n’attendons pas seulement Jésus, nous attendons aussi tous Ses saints avec Lui ; et si nous pouvons attendre Jésus, nous pouvons aussi bien attendre ceux qui seront avec Lui. « Nous serons ravis ensemble avec eux à la rencontre du Seigneur » [1 Thess. 4, 17].

Pendant qu’elle vivait, nous parlions ensemble de Jésus, et nous nous excitions à L’aimer toujours mieux. Elle était humble, et Il lui a accordé la plus grande grâce, car s’en aller et être avec Christ, c’est de beaucoup meilleur [Phil. 1, 23]. Elle avait ici-bas tout ce qui aurait pu l’attacher à la terre, et elle vivait comme si elle n’eût rien possédé.

Au moment où Jésus viendra pour réveiller de son sommeil ce corps qui est maintenant comme une semence dans Son jardin dont Il garde la clef, elle se lèvera avec un corps glorieux pour être Sa joie et pour publier Sa louange. « La terre jettera dehors les trépassés » [És. 26, 19], et les habitants de la poussière se réveilleront et se réjouiront avec chant de triomphe, tandis que les larmes mêmes de cette nuit de douleur brilleront à la lumière de Sa gloire, comme « la rosée de l’aurore » [És. 26, 19]. Oh ! quelle espérance que celle de la résurrection ! C’est une richesse que Jésus nous a laissée, et que nous possédons au milieu de la mort. Son efficace est merveilleuse ; elle pénètre au-dedans du voile, jusqu’à Jésus ressuscité [Héb. 6, 19-20], jusqu’à la vie impérissable. Nulle part la mort ne semble aussi confuse que dans la chambre d’un chrétien mourant. C’est là qu’on sent qu’elle est vaincue. La faiblesse, la mortalité, la corruption y proclament ensemble que, « comme nous avons porté l’image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l’image du céleste » [1 Cor. 15, 49]. Oui, la mort des bien-aimés de Dieu est précieuse devant Ses yeux [Ps. 116, 15]. Et nous, les vivants, ceux qui seront restés pour l’arrivée du Seigneur, nous ne recevrons pas une moins grande bénédiction, car nous pourrons souffrir un peu plus longtemps avec Lui. C’est en considérant les choses à cette lumière que la foi voit mille ans comme un jour. Soyons donc diligents aujourd’hui, afin que demain nous soyons trouvés par Lui dans la paix, attendant Son arrivée, car « Il reviendra avec chant de joie, portant ses gerbes » [Ps. 126, 6].


Je suis réjouie dans la pensée que le Seigneur n’attend pas de nous un grand courage, mais bien plutôt que nous nous reposions sur Lui, quand nos cœurs sont sans force, afin qu’Il se glorifie dans notre faiblesse. Si notre chair et notre cœur sont consumés, Il prend plaisir à manifester dans notre infirmité la perfection de Sa force. Oh ! sachons seulement tout Lui donner. Cette dispensation est contenue tout entière dans ce petit mot tout. Le tout de Dieu, c’est Lui-même, le ciel et la terre. Notre tout à nous, ce sont deux pites.

N’est-ce pas une chose étrange que je sois encore ici, et que cette amie ait été prise ? Cela me fait désirer de m’en aller aussi. Nous avons été comme deux sœurs pendant toute notre vie. Quelque chose semble me dire que je ne devrais pas être ici ; cependant je suis plus près d’elle, plus en communion avec elle que lorsqu’elle était sur la terre, car nous pouvons être ensemble en dedans du voile. Alors il y avait deux corps pour nous entraver, maintenant il n’y en a plus qu’un. Je vis où elle est ; en restant dans la maison du Père, je suis avec elle ; je la vois comme une plante étrangère à la terre, et je dois me préparer à la rejoindre. L’apôtre nous enseigne un grand secret, quand il nous dit qu’il oubliait les choses qui était en arrière [Phil. 3, 14]. Demeurer au milieu des choses qui sont en arrière, c’est s’asseoir dans les jardins enchantés de Satan, c’est vivre selon la chair. Dans le combat qui est devant nous, il n’y a point de lieu de repos ; il faut tendre en avant vers le but, se fatiguer, et cependant poursuivre. Je me sens pressée de courir vers le but, comme jamais je ne l’ai été auparavant. Le temps est si court ; ne le perdons pas à regarder en arrière, plus tard nous aurons assez de temps pour cela. Nous avons été appelés des cieux à nous consacrer au service de notre Seigneur en attendant qu’Il vienne.