Dieu en toutes choses

R. Brockhaus

[Consolation et encouragement n° 10]

Un œil simple et un cœur d’enfant sont un précieux don de Dieu. Tous les croyants pourraient et devraient les posséder, mais malheureusement on ne les rencontre que rarement chez les enfants de Dieu. La force, l’entendement et la volonté propre y jouent d’habitude un si grand rôle que l’œil de la foi est troublé, le regard obscurci et le cœur incapable de comprendre les voies de Dieu, et de saisir Son action mystérieuse et cachée en toutes choses. C’est une grande perte pour nous, et un déshonneur pour notre Dieu.

Rien n’aide davantage le chrétien à poursuivre son chemin dans la paix et dans la consolation, à supporter les difficultés et les tentations du pèlerinage et à y glorifier Dieu, que l’habitude de Le voir, Lui, en toutes choses. Il n’y a aucune situation, aucune circonstance, aucun événement dans la vie d’un croyant si peu importants ou si insignifiants qu’ils paraissent à l’œil naturel, qui ne puissent être considérés comme de muets messagers de Dieu. Si seulement notre œil est simple, notre oreille attentive, notre cœur comme celui d’un enfant et notre raison intelligente, nous ferons l’expérience bénie et précieuse de l’action divine ; nous éprouverons qu’Il met la main dans les choses les plus ordinaires de cette vie, et qu’Il prend Son plaisir à nous conduire avec un simple signe de Son œil. Ah ! si seulement nous nous laissions plus souvent diriger de cette manière, pour qu’Il n’ait pas besoin de nous mettre le mors et la bride !

Combien grand et digne d’adoration est notre Dieu, Créateur du ciel et de la terre, qui s’abaisse jusqu’à s’occuper des choses les plus petites et les moins importantes ! Celui qui a dit autrefois : « que cela soit », qui soutient et maintient toutes choses par la Parole de Sa puissance, s’occupe aussi du passereau sur le toit, et compte les cheveux de notre tête ! À nous, les choses paraissent grandes ou petites parce que nous les mesurons d’après notre force et notre capacité. Mais pour Lui, le Tout-puissant, il n’y a rien de grand et rien de petit. Il Lui est aussi aisé d’appeler à l’existence des millions de mondes, que de nourrir les petits du corbeau. Sa merveilleuse grandeur ne se manifeste pas plus dans la tempête furieuse que dans le doux murmure de la brise, dans le cèdre majestueux du Liban que dans la petite violette qui fleurit le long du sentier.

Si seulement nous avions des yeux plus simples pour voir, des cœurs plus innocents pour comprendre ! Si, dans les circonstances journalières, nous ne voyions pas autre chose que ce que l’homme naturel y voit — des événements tout naturels, tels que la vie humaine en produit chaque jour — la vie ne serait qu’uniformité ennuyeuse, et il ne vaudrait presque pas la peine de la vivre, ou bien elle deviendrait un fardeau pesant qui ferait désirer de la voir se terminer le plus vite possible. Mais si nous y distinguons Dieu en chaque chose, elle en acquiert un prix inestimable, une signification profonde pour un sens renouvelé, et un attrait merveilleux pour l’œil de la foi ; nous voyons alors en tout la main d’un Père sage, tout-puissant et aimant ; nous reconnaissons à chaque pas les traces bénies de Sa présence et de Son action. Nous avons à peine besoin de dire à quel point la vie de prière, les relations secrètes avec le Père sont encouragées par cela même. Combien il est doux et rafraîchissant d’entendre la simple prière d’un croyant qui a éprouvé pendant sa course la fidélité et la bonté de son Dieu, et qui en même temps a appris à connaître l’entière nullité de sa propre force et de sa propre sagesse ! Il expose en toutes choses ses requêtes, les grandes et les petites, au Père, avec des prières, des supplications et des actions de grâces ; il rejette tous ses soucis, les grands et les petits, sur Lui, qui est toujours prêt à s’en charger ; et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence garde son cœur et ses pensées dans le Christ Jésus (Phil. 4). Bienheureux celui qui, en toutes choses, fait du Seigneur sa confiance et sa force ! Pour lui, chaque jour a son importance, et il ne méprise pas le « jour des petites choses ». L’histoire de chaque journée éveille sa sympathie ; et comment pourrait-il en être autrement, puisqu’elle a de l’importance pour son Dieu et Père ?

Nous apprenons par toute l’Écriture qu’il n’y a, pour le croyant, aucun hasard, aucune chose fortuite. Et entre tous, le livre du prophète Jonas nous donne des preuves frappantes de cette vérité. Dans toute l’histoire du prophète, l’intervention de Dieu se montre partout, même dans les choses les plus ordinaires. Et n’en sera-t-il pas de même de nous au jour où nous verrons toute notre histoire dans la lumière de la présence divine ? Nous serons étonnés alors de notre courte vue, de la faiblesse de notre entendement, de notre petite foi, de notre folie. Et nous admirerons la bonté, la fidélité, la patience merveilleuses de notre Dieu, dont la main a dirigé toutes nos voies ici-bas, et nous a conduits jusqu’au bout avec une miséricorde infinie.

Je ne veux pas entrer dans une explication détaillé du livre en question, mais seulement attirer l’attention sur une expression qui s’y trouve plusieurs fois : « l’Éternel prépara ». Le Saint Esprit nous laisse jeter un regard derrière la scène, et nous montre l’action cachée de Dieu. C’est Lui qui a tout dans Sa main : le vent et les vagues, la chaleur et le froid, l’homme et la bête, et Il conduit tout d’après le conseil de Sa volonté.

Dans le premier chapitre, le Seigneur envoie une grande tempête pour parler au cœur et à la conscience de Son serviteur désobéissant. Jonas voulait se dérober à l’ordre divin, en s’embarquant sur un navire qui allait à Tarsis. Ninive était à l’est de la Palestine, Tarsis à l’ouest. Dieu lui dit : « va à droite », mais Jonas s’en va à gauche. Tel est l’homme. « Et l’Éternel envoya un grand vent sur la mer ; et il y eut une grande tempête sur la mer, de sorte que le navire semblait vouloir se briser » (v. 4). Cette tempête aurait parlé au prophète d’une manière pressante et sévère, si seulement son oreille avait été ouverte pour entendre la voix de Dieu. C’était un message solennel que Dieu lui adressait. C’est Jonas qui avait besoin d’être enseigné et d’être ramené dans le bon chemin, et non pas les pauvres matelots païens. Pour eux, une tempête n’était rien de nouveau ou d’extraordinaire, ce n’était que l’un des événements courants de la vie du marin. Mais il y avait dans le bateau un homme pour lequel elle était quelque chose de spécial. Et, chose merveilleuse, les matelots païens remarquent bien vite que Dieu est contre eux, pendant que Jonas, le prophète de Dieu, est couché à fond de cale, et dort si profondément que le chef des rameurs doit le réveiller en l’interpellant rudement. Quelle sérieuse leçon pour nous ! Comment se peut-il, nous pouvons bien nous le demander, qu’un croyant puisse être aussi insensible ? Notre propre histoire prouve que cela est possible.

Ce n’est que lorsque les matelots eurent jeté le sort pour savoir à cause de qui le malheur les atteignait, oui, ce n’est que lorsque le sort tombe sur le prophète et que les hommes lui demandent d’où il vient et quelle est son occupation, que Jonas revient à lui. Alors il entend la voix du messager de Dieu et reconnaît que c’est à cause de lui que le Seigneur parle si solennellement. Sur son propre avis, les matelots angoissés jettent le prophète à la mer. Pour eux, l’affaire était terminée, mais elle ne l’était pas pour Jonas et pour Dieu. Les marins ne voient plus Jonas, mais Dieu le voyait et pensait à lui.

Dieu en toutes choses ! Jonas se trouve dans une nouvelle position, dans de nouvelles circonstances, mais là encore le message de Dieu peut l’atteindre. Le croyant ne peut jamais se trouver dans une position dans laquelle le bras de son Père serait trop court et où sa voix ne pourrait atteindre Son oreille. Lorsque Jonas fut jeté à la mer, « l’Éternel prépara un grand poisson pour engloutir Jonas ». L’Éternel prépara la tempête, c’est Lui qui prépara le poisson. Un grand poisson n’est rien d’extraordinaire. Il y en a beaucoup dans la mer. Mais le Seigneur en prépara un spécialement pour Jonas, afin qu’il fût un messager de Dieu pour son âme. Et voici, dans le ventre du poisson, Jonas réfléchit, et il devient dans ses circonstances et même dans ses paroles un type de Christ.

Passons maintenant au dernier chapitre ; nous y retrouvons notre prophète à Ninive. Il avait annoncé le message de Dieu aux habitants de la ville ; à sa prédication, ils étaient revenus de leur mauvaise voie, de sorte que Dieu s’était repenti du mal qu’Il avait parlé de leur faire à cause de leurs péchés. Jonas en est mécontent et conteste avec Dieu. Il aurait préférer assister à la destruction de cette grande ville, pleine d’habitants, plutôt que de voir la grâce et la miséricorde de Dieu. « Pauvre Jonas », ne pouvons-nous nous empêcher de dire ; mais ne pensons pas que nos cœurs eussent été différents du cœur du prophète. Nous sommes faits de la même chair et capables de la même folie.

Jonas semble avoir complètement oublié les vérités qu’il avait apprises pendant les trois jours passés dans le ventre du poisson, et il a besoin de recevoir un nouvel avis de la part de Dieu. Oh ! combien notre Dieu est plein de grâce et miséricordieux ! Il s’occupe de nous sans se lasser, et nous enseigne patiemment les mêmes leçons. « Et l’Éternel Dieu prépara un kikajon, et le fit monter au-dessus de Jonas, pour faire ombre sur sa tête, pour le délivrer de sa misère » (chap. 4, 6). Quelle grâce ! Le kikajon, comme le grand poisson, formait un anneau de la chaîne de circonstances à travers lesquelles le prophète devait passer suivant l’intention de Dieu. Quoique très différents, tous deux étaient des messagers de Dieu pour son âme. « Et Jonas se réjouit d’une grande joie à cause du kikajon ». Auparavant il avait demandé à mourir ; mais ce n’était pas là le résultat du saint désir de quitter cette pauvre terre et d’être pour toujours dans le repos, mais le résultat de son mécontentement et de son désappointement. Ce n’était pas le bonheur de l’avenir, non, pas même les souffrances du présent qui éveillaient en lui le désir de mourir ; c’était l’orgueil blessé, le vain souci de son renom de prophète.


Souvent les souffrances du présent éveillent en nous le désir de déloger et d’être avec Christ. Nous désirons être délivrés de la difficulté présente ; aussi, lorsque le mauvais moment est passé, le désir cesse de même. Si, au contraire, c’est la personne du Seigneur qui est l’objet de notre désir, nous soupirons après Sa venue, pour Le voir face à face, « comme il est », et les circonstances extérieures ont peu d’influence sur nous. Ce désir est alors aussi grand pendant les jours de soleil et de tranquillité, que pendant ceux de tempête et d’oppression.

Quand Jonas se trouva assis à l’ombre du kikajon, il n’eut plus aucun désir de mourir. Sa joie, au sujet de la plante et de son ombre fraîche, lui fit oublier sa mauvaise humeur ; et précisément ce fait montre combien il avait besoin d’un message spécial du Seigneur. L’état de son âme devait être manifesté et il le fut à sa profonde honte. Le Seigneur peut tout employer pour dévoiler les secrets et les profondeurs du cœur humain, même une plante « née en une nuit » ; et Il le fait pour notre bonheur éternel et pour la gloire de Son nom. Véritablement le chrétien peut dire : « Dieu en toutes choses ». Il peut percevoir Sa voix dans les grondements de la tempête comme dans la flétrissure d’une plante.

Nous ne sommes pourtant pas encore arrivés au bout des voies de Dieu envers Jonas. Le kikajon n’était, comme nous l’avons dit, qu’un anneau dans la chaîne des circonstances ; l’anneau suivant est un ver ! « Et Dieu prépara un ver, le lendemain, au lever de l’aurore, et il rongea le kikajon et il sécha ». Le ver, si insignifiant qu’il pût être, n’en était pas moins le messager de Dieu, tout comme la tempête et le gros poisson. Un ver peut faire des merveilles, lorsque c’est Dieu qui l’emploie. Le kikajon sécha.

« Et il arriva que, quand le soleil se leva, Dieu prépara un doux vent d’orient, et le soleil frappa la tête de Jonas ». Tout doit concourir à amener Jonas à reconnaître son tort. Un ver et une brise légère — moyens merveilleux dans la main de Dieu. Mais c’est justement dans leur apparente faiblesse que se révèle la grandeur de notre Père céleste ! La tempête, le gros poisson, le ver, le doux vent d’orient — tous sont dans Sa main des instruments pour l’accomplissement de Ses desseins d’amour. Le messager le plus insignifiant comme le plus puissant doivent seconder Ses desseins. Qui aurait pu penser qu’une tempête et un ver ensemble pourraient être les moyens d’accomplir une œuvre de Dieu ? Il en était pourtant ainsi. Comme nous l’avons remarqué en commençant, grand et petit ne sont que des expressions en usage parmi les hommes. Auprès de Dieu, il n’y a rien de grand, rien de petit. Il compte la multitude des étoiles, Il n’oublie pas le passereau sur le toit. Il fait des nuages Son cortège, et d’un cœur humble Sa demeure.

C’est pourquoi, encore une fois : Dieu en toutes choses. Pour le croyant, il n’y a pas de hasard, rien qui soit sans importance dans tout ce qu’il rencontre. Il peut avoir à passer par les mêmes circonstances que les autres hommes, et à faire face aux mêmes tentations ; mais il ne doit pas les interpréter suivant les mêmes principes. Elles parlent à son oreille ouverte un tout autre langage qu’à l’oreille de l’homme naturel. Il devrait distinguer la voix de Dieu et reconnaître Ses messagers dans les choses les plus ordinaires comme dans les plus importantes de chaque jour. Il ferait ainsi de précieuses expériences.

Le soleil qui suit sa course majestueusement, et le ver qui rampe dans une plante, ont tous les deux été créés par Dieu, et tous deux peuvent concourir à l’exécution de Ses desseins insondables. C’est le même Dieu qui a établi les bornes de la terre, qui a rassemblé le vent dans le creux de Sa main et a serré les eaux dans un manteau, qui donne aussi sa nourriture au corbeau, et rafraîchit l’herbe par Sa rosée. Et ce Dieu est notre Dieu d’éternité ! « Louez-le, jeunes hommes et les vierges aussi ; vous vieillards, avec les jeunes gens ».