Est-on heureux après la mort ?

(Extrait d’une lettre)

Quant à votre question, si l’on est pleinement heureux après la mort, je tiens beaucoup à vous mettre au clair là-dessus. Je crois comprendre votre pensée. — Il est clair que l’espérance du chrétien, l’espérance de l’Église, est la venue du Seigneur. Et même individuellement, ce ne sera qu’à ce moment-là que je recevrai mon corps glorieux. L’œuvre de la rédemption ne s’arrêtera pas jusqu’à ce que nos corps mortels soient vivifiés par la puissance de la résurrection (Rom. 8, 11). Alors s’effectuera, finalement, la réponse à la grande question de Romains 7 : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? ». Je dis finalement, parce qu’en principe la chose est faite, nous nous tenons pour morts et ressuscités. Mais de fait nous sommes ici-bas dans ce corps d’humiliation, mais aussi nous marchons dans la vie, ayant la résurrection de Christ pour point de départ, et notre résurrection personnelle consommera notre rédemption personnelle (voyez Rom. 8, 11, 23 ; 1 Cor. 15, 51-58 ; 2 Cor. 4, 14 ; 5, 1-5 ; Phil. 3, 20-21 ; Éph. 4, 30 ; 1 Thess. 4, 15-18 ; etc.). Voilà qui est assez clair comme étant l’espérance chrétienne proprement dite[1].

Quant à notre état après la mort, voici ce qui en est : Nous sommes dans la vie, cette vie a succédé à la mort ; celle-ci n’est plus du tout devant nous, elle est derrière. Nous avons la vie, cette vie ne peut se discontinuer, ni se terminer, c’est la vie éternelle. J’ai dit que cette vie a succédé à la mort qui est derrière ; mais cette mort a été la mort de la vie qui a précédé. Cette vie-là n’existe plus (Gal. 2, 20). — Cette mort de la vie d’Adam est donc un gain, et comme telle elle est à nous (1 Cor. 3, 22), elle nous délivre. La chose a eu lieu en principe à la croix, et nous sommes exhortés à en faire l’application pratique (Col. 3, 5). Par cette application pratique en nous tenant pour morts, nous sommes délivrés graduellement de ce qui entrave l’activité de notre nouvelle vie. C’est donc un gain de mourir chaque jour (1 Cor. 15, 31), de porter toujours dans le corps la mort du Seigneur Jésus (2 Cor. 4, 10).

Nous sommes en communion avec Dieu et avec Jésus par le fait que nous avons la vie, et plus nous réalisons la mort, plus cette communion est intime, les entraves étant mortifiées. Si donc la mort est un gain pratiquement, combien plus quand nous en finissons définitivement avec ce qui est mortel, qui entrave et fait gémir ? Quel débarras d’en finir avec le corps d’humiliation et la chair qu’il contient. — Et si ici-bas nous pouvons déjà jouir intimement de notre Sauveur, qu’est-ce donc quand nous sommes absents du corps pour être avec Lui, sinon la jouissance pleine et entière, sans entrave, de notre relation personnelle avec ce précieux Sauveur ? Oui, être avec Christ est beaucoup meilleur que de demeurer dans ce corps et dans ce monde. Être avec le Seigneur, quelle réjouissante pensée ! Que peut-il nous arriver de meilleur, personnellement, que de déloger pour être avec Christ ? — Je dis personnellement, parce que collectivement, nous attendons la gloire, nos corps glorieux semblables à Jésus. Nous jouirons aussi les uns des autres dans cette gloire, nous serons consommés dans l’unité et dans la gloire (Jean 17, 22-23). Nous serons couronnés, si nous avons marché avec le Seigneur, si nous avons aimé Son avènement (2 Tim. 4, 18). Mais cela ne fait pas déprécier le gain immense qu’il y a, personnellement, d’attendre la gloire en étant auprès du Seigneur sans entraves ; ou de L’attendre ici-bas dans le combat. Cependant si nous servons Christ, il vaut la peine de rester ici-bas (Phil. 1, 21). Quelle belle part nous avons : Vivre, c’est Christ ; mourir un gain. Je crois que l’ennemi profite du manque d’affranchissement de beaucoup de chrétiens pour leur faire craindre la mort, de sorte qu’ils sont tentés de préférer la transmutation, parce qu’ils ont frayeur de la mort (comp. Héb. 2, 14-15), et c’est pour combattre cela qu’il est bon d’insister sur la vérité, que mourir est un gain. Et j’y vois même un privilège qui est à apprécier. Paul, en Philippiens 3, désire être rendu conforme à la mort de Christ, son Seigneur, pourvu qu’il atteigne Christ glorieux, qu’il parvienne à la résurrection d’entre les morts ; peu lui importe le chemin pour y arriver : s’il faut même qu’il passe par la mort comme Christ y a passé, il est content. Avez-vous pensé à ce privilège de parvenir à la gloire, personnellement par le même chemin que Christ, c’est-à-dire en passant par la mort (positivement quant au corps) et ensuite par la résurrection ? Mais il y a encore ceci : Si l’on a marché avec le Seigneur, si l’on est manifesté à Dieu, de manière qu’au moment du départ il n’y ait rien à régler, l’on a fait à ce moment-là une expérience de ce qu’est Jésus, que l’on ne peut pas faire ni comprendre, sans y passer ; et après cette dernière précieuse expérience, l’on se trouve vers Lui. Quoi de plus doux et de plus désirable personnellement ? En tout ceci, je fais la part des souffrances physiques qui précèdent ordinairement la mort, et des circonstances qui l’accompagnent pour ceux qui restent ; mais j’insiste sur le privilège personnel qu’il y a dans le fait en lui-même pour celui qui y passe, comme étant un gain de bien des manières. Quel bonheur d’être la propriété du Seigneur, de n’avoir rien à choisir ni à préférer, mais de s’en remettre à Sa volonté en sécurité, sachant que nul ne vit pour soi-même et nul ne meurt pour soi-même, mais que soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes du Seigneur (Rom. 14, 7-8). Oui, il vaut la peine de rester ici-bas pour le Seigneur : de quelle importance est notre carrière chrétienne, pour Lui et pour nous ! Il demande Lui-même au Père, en Jean 17, que nous ne soyons pas ôtés du monde, mais que nous soyons gardés du mal ; car il y a des délogements qui, au lieu d’être un privilège, sont une discipline (voyez Act. 5, 1-11 ; 1 Jean 5, 16-17 ; 1 Cor. 11, 30-32), quoiqu’il reste vrai en tous cas qu’être absent du corps, c’est être avec le Seigneur. Mais considérez le langage du bienheureux apôtre Paul en 2 Timothée 4, 6-8 ; voilà un bel exemple de l’espèce de délogement dont je parle comme étant un privilège. Oui, quand on peut dire que l’on a achevé la course, que l’on a gardé la foi, que l’on sait d’où l’on vient et où l’on va, quoi de plus doux que de s’en aller vers Jésus, et d’attendre là la gloire et les couronnes, en jouissant pleinement de notre relation personnelle avec Jésus.

Je désire bien que vous compreniez qu’en tout ceci, je n’ai pas la moindre pensée d’affaiblir la gloire positive de la transmutation, comme étant une conséquence glorieuse de la victoire qui a été remportée sur la mort, de manière que, pour nous, le fait physique est réduit à la question du peut-être (comp. Jean 11, 24-26). Mais mon but est de combattre la tendance générale chez les chrétiens mal affranchis, de faire de la transmutation une spéculation, parce que l’on a encore frayeur de la mort. Hélas ! souvent cette frayeur de la mort est la preuve que l’on n’a pas beaucoup réalisé la vie en se tenant pour mort. Quelle sécurité de pouvoir s’en remettre simplement à ce que Dieu a décidé pour nous, et de comprendre que toute notre affaire, pendant que nous sommes présents dans le corps, est de nous efforcer d’être agréables au Seigneur (2 Cor. 5, 9-10).

« Pour moi, vivre, c’est Christ », que ce soit la devise de tous tes rachetés ; que chacun d’eux le dise, et que tous sachent l’accomplir.